Cry Havoc : Pourquoi j’ai préco

On ne va pas se le cacher, je suis un pot-pourri d’afflictions mentales lorsqu’ils s’agit de jeux de société. Si j’avais cherché à obtenir une aide médicale, on m’aurait probablement expliqué que je suis la proie d’un certain nombre de troubles obsessionnels compulsifs, tels que :

  • La collectionite aigüe / peur de rater quelque chose : si un jeu me plait, me plait vraiment, faut juste que j’ai tout. Juste tout. Je vous prépare un petit article sur la gamme Battlecon, je pense que vous comprendrez mieux ce dont je parle… Sachez juste que le gamin, sur l’image ci-dessous, c’est un petit bras.

 

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  • Un amour immodéré de la nouveauté : dès qu’un jeu propose un truc qui ne s’est jamais vu ailleurs faut absolument que je l’essaie. Comme je n’ai juste aucune patience, en général, je le commande illico, sans passer un minimum de temps à me demander comment je pourrais l’essayer sans l’acheter.

 

  • Une hypersensibilité au buzz qui dans le cas qui nous intéresse va clairement être le facteur déterminant.

 

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Alors vous vous dites « mais quel pauvre type ». Et vous n’avez pas totalement tort. Mais il reste un tout petit souci.

Car, cher lecteur, si tu lis encore ces lignes, tu es probablement tout aussi atteint que moi.

Et toc.

Dans ta mouille.

Mais comme moi, tu assumes, alors tout va bien. Et puis, j’ai fait le calcul. Toi et moi, ami lecteur et compagnon d’infortune, sommes certes affligés d’une maladie qui nous coûte de l’argent, mais infiniment moins que le coût de la thérapie pour s’en débarrasser. Prends ça dans ta face, Sigmund !

Allez, on va quand même parler un peu du jeu

Cry Havoc, ça doit quand même dire quelque chose aux plus vieux expérimentés d’entre vous. C’est un wargame à l’échelle subtactique – ça signifie « un jeton = un gugusse », par rapport aux wargames ou « 1 jeton = 1 bataillon de 3000 personnes ».

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Alors oui, j’ai écrit « jeton ». Parce que Cry Havoc, premier du nom, c’est un jeu qui date de l’époque où les figurines étaient réservées aux jeux dits « de figurines » à la Warhammer & Co, et où pour jouer à un jeu de société on déplaçait de petits morceaux de cartons fins sur une feuille de papier (ceux qui ont beaucoup joué à Car Wars savent de quoi je parle). C’était l’enfer, parce qu’aux endroits où le papier de la carte était plié, on n’arrivait jamais à faire tenir les ptits morceaux qui glissaient.

Quand on jouait en été, et qu’on posait l’avant-bras sur la carte et qu’on le relevait, on emmenait accroché à notre coude la moitié de la 3ème division blindée de l’armée russe, parce que bon, ça colle !

Good times 🙂

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Tout ça pour vous dire que le jeu que Portal Games s’apprête à sortir à la Gen Con 2016 n’a rien à voir avec cela.

Bon déjà, au niveau matos, on est plus dans la mouvance 2016 que 1986. C’est un jeu qui lorsqu’on le regarde de loin s’apparente beaucoup plus à un Blood Rage ou un Kemet :

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C’est quoi le but de tout ça ? 

Il s’agit de marquer le plus de points de victoire possible (comptés sur la piste qu’on aperçoit sur la droite du plateau) avant la fin de la partie. De ce que je comprends, globalement, tout le monde marque des points de la même façon (il y a plusieurs façons de marquer des points mais on n’est pas comme dans Chaos dans le Vieux Monde avec chacun sa façon de marquer ou presque), mais pour autant, les différentes factions vont toutes se jouer avec des stratégies assez différentes. Globalement, on va conquérir des territoires, collecter des ressources, et casser des dents.

Depuis Blood Rage & Kemet, je suis amoureux des jeux avec des factions différentes mais pour lesquelles on construit sa stratégie au fur et à mesure du jeu, par opposition aux jeux où la faction qu’on contrôle va globalement nous imposer une stratégie (oui, Chaos dans le Vieux Monde, je t’aime, mais c’est de toi que je parle). Cry Havoc appartient à la deuxième catégorie, ascendant première : globalement on va prendre le contrôle d’une faction qui possède d’entrée de jeu ses spécificités, mais on pourra au cours du jeu, en tirant d’autres cartes génériques, customiser un peu tout ça.

Il y a 4 factions dont j’ai totalement oublié les noms au moment où j’écris ces lignes :

  • Les humains (on va pouvoir aller jusqu’à dire « Space Marines ») dont la stratégie va s’articuler autour de la conquête et le contrôle de territoire ;
  • Les A4B (« Aliens à Quatre Bras ») qui eux sont surtout là pour collecter les ressources de la planète. Ils ne chercheront donc pas autant à camper sur leur position que les humains, puisque dès qu’ils ont bien rincé une zone, ils vont préférer passer à la suivante ;
  • Les Skynet (les machines qui tirent sur tout ce qui bouge) qui eux ont un programme électoral qui fait passer celui de Donald Trump pour une dissertation de major de l’ENA : porter violemment atteinte à l’intégrité physique de tout ce qui les entoure, quitte à provoquer un décès totalement définitif ;
  • Les « Trolls du Seigneur des Anneaux » qui sont l’espèce indigène de la planète. Eux vont pouvoir utiliser le terrain à leur avantage, se déplacer très rapidement d’une zone à une autre et mettre de jolis bâtons dans les roues aux 3 autres factions. Pensez aux créatures du film « Avatar », mais qui seraient le fruit de l’union contre nature de Hulk et d’un Troll des Cavernes (je sais : beurk).

 

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Crédits Marek Spychalski Maaku

 

À chaque tour, les différentes factions vont se battre pour contrôler des territoires et les précieuses ressources de la planète, en menant des actions à base de cartes et en utilisant leurs pouvoirs spéciaux.

Bref, rien de très novateur, quoi.

 

Du coup pourquoi t’as préco ? Je te rappelle que c’est le titre…

Et bien tout simplement, ce jeu regorge de bonnes idées et a su mettre en oeuvre ces bonnes idées pour donner ce qui me semble être un bon jeu.

Mais même ça, ça n’aurait pas suffi, parce que pour précommander un jeu il faut en avoir un minimum entendu parler, et surtout, s’être fait accrocher sur un point qui fait qu’on a creusé un peu. 

En ce qui me concerne, ce point s’est fait sous la forme de la découverte de qui est l’auteur de ce jeu : Michel Oracz [NDLR : avec Grant Rodiek et Michal Walczak). Pour ceux qui ne le savent pas, l’ami Michel est l’auteur d’un jeu qui a fait sa fortune (si seulement, mais malheureusement j’en doute) et le bonheur (là j’en suis déjà beaucoup plus certain) de dizaines (voire de centaines) de milliers de joueurs de par la monde : Neuroshima Hex. Et là, quand je lis que Michel Oracz a écrit un autre jeu, je m’attends à beaucoup de choses : un gameplay calibré au poil de postérieur, des factions super typées mais équilibrées au quart du poil de postérieur évoqué plus tôt, une profondeur de jeu incroyable et une courbe d’apprentissage gratifiante à souhait. Et ouais, c’est tout ça, Neuroshima Hex.

Ah, j’oubliais un tout petit détail : une partie de Neuroshima Hex, ça dure 20 à 30 minutes. 20 minutes de bonheur, de tension, de fourberie, et de violence qui, pour reprendre le slogan du jeu « n’a jamais fait de mal à personne ».

Et du coup, gros intérêt pour Cry Havoc, direct. Un jeu de Michel Oracz, ça se regarde. Après, évidemment, le fait qu’il soit édité par Portal Games, un éditeur qui met sur le marché avec une magnifique régularité des jeux absolument incroyables (Robinson Crusoë !!!!), ne gâche rien à l’affaire.

Donc on cherche à en savoir plus. Mais pour ça comme pour tout, il faut avoir une bonne méthode.

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Le discours de la méthode

Parce que moi, je ne recule devant aucune référence la plus claque au vent, c’est comme ça. Arrogance, prétention, et art de vivre.

Nan mais sans rire, je m’apprête à vous dévoiler comment je fais pour pisser mon fric sourcer mes jeux. Tout d’abord, il faut comprendre le jeu, ses règles, se faire une idée du gameplay, sans avoir un mec qui vous impose son avis comme celui qui est en train d’écrire ces lignes. Et là, je me tourne vers mon pote Rodney et sa chaîne Youtube Watch It Played. Rodney, c’est un peu le Yahndrev canadien, même si les explications de règles ne sont qu’une partie de ses activités. Il présente aussi des jeux de manière rapide, couvre des conventions américaines, et fait quelques parties montées. Une chose importante à savoir quand on regarde ses productions : les éditeurs le paient pour réaliser ses vidéos de présentation des règles. Il est très clair là-dessus, et de mon côté cela ne me pose aucun problème dans la mesure où les vidéos ne sont absolument pas de parti pris, elles présentent le jeu de manière claire et neutre sans chercher à le vendre ou à le mettre en valeur. Du coup, pour apprendre les règles, c’est vraiment trop bien, surtout si on est pas gêné par la langue de Mickey Rooney (il y en a marre de Shakespeare, il n’a pas inventé la langue anglaise à lui tout seul, si ?).

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Bref, je regarde les règles expliquées par Rodney. Et là, un truc me frappe tout de suite : le jeu est simple, efficace, « streamliné » comme on dit dans le microcosme ludique et a l’air de tourner comme une horloge suisse.

Et ensuite, deux éléments mécaniques qui me font tomber raide dingue du jeu illico :

Les cartes d’action : elles peuvent être jouées soit pour les icônes d’action qu’elles portent (déplacement, recrutement, construction) ou bien pour le pouvoir spécial qu’elles présentent (unique). Au début de chaque round, chaque joueur doit choisir une action à mener dont l’intensité sera fonction du nombre de cartes qu’il jouera et du nombre d’icônes correspondantes sur les cartes. Du coup, au début de chaque tour, il va falloir réfléchir assez profondément aux 3 actions qu’on va vouloir mener pour le tour en cours (une pour chacun des 3 rounds) : « Ok, je veux d’abord me déplacer, ici, et là, et ensuite je veux construire un bâtiment ici. J’aurais une bataille assez chaude à cet endroit donc il faut que je garde des cartes. » Et là, du coup, il faut optimiser les cartes, dans quel ordre je vais les jouer, pour quoi faire, afin de réussir à réaliser tout ce que je veux dans le tour.

Vous voyez où je veux en venir ? Ce jeu a des petits airs de mon jeu préféré, Mage Knight. Alors peut-être que ça ne ressemblera pas à ça, mais en tous cas ça se présente bien 

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Le deuxième truc, ce sont les batailles. Alors là, il faut quand même qu’on m’explique un truc. Ça doit faire un bon demi-siècle que les esprits les plus brillants (si, si) de la planète s’échinent à trouver les mécanismes de batailles les plus innovants les plus réalistes, les plus drôles, les plus subtils. Il y en a de tous les types, ils utilisent des dés, des cartes, des jetons, du chifoumi, du lancer de crottes de nez, j’en passe et des bien pires. Et personne n’avait pensé à inventer ce mécanisme là ? In-cro-yable.

Je vous le décris en quelques lignes, c’est hyper simple :

L’attaquant (puis le défenseur) vont répartir les figurines dans 3 zones :

La zone de suprématie : le joueur qui a le plus de figurines dans cette zone (en cas d’égalité le défenseur a l’avantage) sera celui qui contrôlera la zone de conflit à la fin de la bataille, les unités de l’adversaire devront se replier dans les zones adjacentes si possible.

La zone de prise de prisonniers : le joueur qui a la majorité dans cette case peut faire prisonnier l’une des figurines de l’adversaire. Cela aura deux avantages : la figurine ne sera plus recrutable et va diminuer le nombre de troupes que l’adversaire peut déployer sur le terrain d’une part, et le fait de détenir des prisonniers permet de marquer des points de victoire d’autre part. 

La zone d’attrition : là c’est simple ; pour chaque figurine qu’a l’un des deux joueurs en plus de l’autre dans cette zone, il peut occire l’une des figurines ennemies engagées dans le combat.

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Evidemment, les joueurs peuvent jouer des cartes pour influencer les différents placements de figurines et changer l’issue de la bataille.

C’est à la fois diabolique de simplicité et de profondeur : l’attaquant est mis immédiatement sous pression, puisqu’il doit d’abord placer ses figurines. Et chacun des des deux joueurs doit absolument décider ce qui sera le plus important pour lui lors de cette bataille : gagner la région ou faire des dégâts à son adversaire. Dans la plupart des jeux, les batailles sont le moment où le jeu ralentit et s’arrête pour tous les joueurs non impliqués. Ici c’est rapide et efficace, incroyable.

Bon vous l’aurez compris, à ce stade, j’étais déjà totalement moubourré.

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Cependant, pour me finir, j’ai décidé de m’adresser à mon référent, ma boussole ludique, mr Fabulous Himself : Mr Tom Vasel et sa chaîne Youtube The Dice Tower (sans aucun doute la meilleure source sur les jeux de plateaux au monde). Je me suis donc jeté sur sa critique de Cry Havoc, et là, le drame : l’ami Tom a tellement aimé le jeu qu’il en pleurait à la fin, en disant que c’était de très loin le meilleur jeu auquel il lui ait été donné de jouer en 2016.

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Du coup, vous savez ce qui s’est passé ensuite :

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Voilà pourquoi j’ai préco Cry Havoc. Ce sera peut-être une énorme déception, mais on verra déjà ce que le buzz GenCon nous en dit. Evidemment, on vous tiendra au courant de tout cela sur le Vox.

Je vous laisse, j’ai les huissiers à la porte, il va falloir que j’aille défendre mes boîtes de jeu.

D’ici la prochaine, jouez bien !

 

Cry Havoc

Un jeu de Aamir Syed, Grant Rodiek, Michal Oracz,Michał Walczak
Edité par Portal Games
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 08-2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée d’une partie entre 90 et 120 minutes

 

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16 Commentaires

  1. ruddy ardouin 25/07/2016
    Répondre

    Si c’est validé par Tom Vasel, alors !

    Plus sérieusement, cet article va me faire regarder le jeu d’un peu plus près ^^

  2. TheGoodTheBadAndTheMeeple 25/07/2016
    Répondre

    La review de Tom Vasel est juste énorme, je l’avais vue y a peu. Mais moi et ces jeux de majorité/agressivité a la Blood Rage, ça colle pas trop surtout avec mes joueurs.

    Super article brillant de vérité et de mise a nu dans le choix de tes jeux ! Bon je crois que je passe par des étapes assez proches mais ma résistance au buzz est beaucoup plus forte !

    Dans le genre c’est plutot Project Elite qui me tentait…

  3. Belette 25/07/2016
    Répondre

    En espérant que cela sorte en France. Neuroshima reste mon jeu préféré depuis bien longtemps !

    • TSR 25/07/2016
      Répondre

      Je pense qu’il y a une bonne chance, les jeux Portal Games font l’objet d’un bon suivi de ce point de vue. Tout dépendra probablement du succès de la version originale, mais le buzz avant GenCon est déjà maximal, et les critiques publiées sont unanimement positives (Dice Tower & Drive Thru reviews, pour ne citer que celles là).

  4. gusanoman 25/07/2016
    Répondre

    Merci TSR, très bon article et toujours aussi drôle, comme d’habitude. Je vais m’intéresser de très près à ce jeu.

    Après ton excellent JUST PLAY sur Battlecon, j’attends avec impatience ton article sur le sujet, pour ce qui est pour moi, l’un des tous meilleurs jeu à 2 au monde, mais tellement méconnu.

     

  5. M3th 25/07/2016
    Répondre

    Mais arrêteeeeuuuh…j’en ai marre de te lire, ‘spèce de moubourreur professionnel. Tu veux ma mort? J’ai deja plus de thunes.

    Bon trêves de plaisanteries, on signe où ?

  6. Sedenta 25/07/2016
    Répondre

    Le début de l’article m’a rappelé que j’attendais toujours la suite de « Dragon Noir », dans le style Cry Havoc…. Je suis un expérimenté 🙁

  7. 6gale 25/07/2016
    Répondre

    Cry havoc, bien sûr que cela me parle… Puisque je vous dis que je suis un vieux ch….

    Il fait son malin avec « subtactique ». Tu dis 1 pour 1 ou escarmouche, c’est pareil :))

    Trêve de plaisanteries, je trouvais le système de dégâts un peu bancal par contre et les prénoms des soldats au top 😉 (à – que je confonde avec Guet-apens… je sais plus… la vieillerie….)

    Good times 🙂

    • 6gale 25/07/2016
      Répondre

      @ sedenta :Tu es un vieux ch… comme moi… je veux parler de joueur expérimenté (nouvelle catégorie de divergent 🙂 ) ?

      Petit sondage au passage :

      Combien de vieux ch… sont dans la place (sur le vox) ? Je ne parle pas des ptits djeuns de 40 ans.

      • Sedenta 26/07/2016
        Répondre

        Hey ! j’ai moins de 40 ans, je suis juste tombé dedans quand j’étais tres petit…

        • 6gale 26/07/2016
          Répondre

          Très, très petit alors… Ok sedenta, on va dire que t’es un vieux jeune 😉

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