Conservas – Gérer un stock de pêche, c’est pas bateau !

Chaque année, il y a de quoi se régaler avec un ou deux jeux Solo qui sortent du lot. Celle-ci ne fait pas exception, avec un arrivage tout frais dans la glacière. Conservas est un jeu solitaire par Scott Almes, auteur de la série des Tiny Epic (Tiny Epic Galaxies, Tiny Epic Quest pour ne citer qu’eux) et de Warp’s Edge, jeu solo qui a fait parler de lui en 2020. L’auteur n’en est donc pas à son premier essai. On pourrait donc s’attendre à quelque chose de gratiné !

En l’occurrence, ce sera plutôt quelque chose de grillé ou de mariné, puisque nous baignons à 100% dans le thème de la pêcherie artisanale et de la vente des produits de la mer. Pourquoi ce thème ? Sans avoir consulté l’auteur, on peut comprendre en jouant qu’il ne s’agit pas juste d’un simple plaquage, mais d’une réelle sensibilisation à la gestion des stocks de pêche, un enjeu socio-économique et écologique majeur de ce siècle, malheureusement trop éclipsé dans l’actualité.

 

 

Dans Conservas vous devrez à la fois gérer une exploitation espagnole de produits de la mer (fabrication de conserves donc) et les populations de poissons que vous exploitez. Pêcher responsable, c’est survivre économiquement tout en respectant la mer. C’est donc cela que l’on va découvrir en ouvrant cette conserve de carton. Mais est-ce que le tout fait son effet ?

 

Jetons-nous à l’eau !

Le jeu dispose d’un cahier en spirales avec 1 scénario par page. Chaque scénario représente un mois de l’année, avec sa mise en place et ses objectifs. Il y aura des mois d’hiver, axés sur les coquillages, puis les effervescences de printemps, avec l’explosion des petits poissons « pélagiques » (anchois, sardines), d’autres plus estivaux, offrant un cocktail de biodiversité.

 

 

Le principe se base sur du bag building. Votre sac représente la mer. À chaque tour de jeu, vous piocherez des jetons de bois, représentant des produits de la mer (futures conserves) ou de l’eau. Plus il y a d’abondance plus vous piocherez de poissons et inversement, moins il y en a plus vous piocherez de l’eau.

Vous devrez ensuite choisir entre attribuer vos jetons à la pêche, en les plaçant sur le pont des bateaux, soit vous les rejetterez à la mer. Ces re-jetons (des jetons rejetés, eh oui) vont ensuite se reproduire en se démultipliant dans votre sac. Ils assureront ainsi le stock exploitable pour les prochains tours de jeu. Il faut donc veiller à en laisser une bonne partie, sinon vous ne piocherez plus que de l’eau.

 

Ce qui est placé en haut est prélevé, ce qui est laisse en bas retourne à l’eau.

 

Ensuite, c’est la vente. La page du scénario vous offre des recettes de conserves sous forme de parcours. Les plus grosses combinaisons rapporteront le plus, mais nécessiteront d’équilibrer les stocks de chaque espèce. Si vos stocks se dérèglent, vous ne pourrez pas profiter de toutes les recettes, et devrez vous débarrassez du surplus autrement.

Justement, vos jetons pourront également être dépensés pour obtenir des améliorations à votre exploitation. Il en existe de toutes sortes : nouvel équipement, actions écologiques (programmes de réintroduction, régulations par les prédateurs…), effets météorologiques, etc.

 

 

Au passage, les illustrations, et même toute la direction artistique forment un petit chef d’œuvre de couleurs, dans un style vintage. Ça sent le gasoil des petits bateaux de pêche, et les cabanes en bois avec leurs étalages de sardines fumées. Un véritable travail immersif réussi.

Vous disposerez d’un budget de jetons « Euros » qui servira à l’entretien obligatoire de vos bateaux, où à en acheter de nouveaux. Plus vous posséderez de bateaux, plus vous pourrez pêcher de jetons, mais plus vous pourrez aussi rejeter des jetons à la mer pour la reproduction.

 

Au lieu de vendre, on peut échanger des ressources pêchées contre des améliorations

 

On conserve ou bien on met en conserve ?

Nous l’avons vu plus haut, le jeu sensibilise sur l’équilibre entre prélèvement pour le commerce et conservation des espèces. Donc la question centrale sera toujours de savoir doser le subtil équilibre pour ne pas sombrer soit dans une disparition de la ressource (faillite, fin de l’histoire), soit au contraire dans une prolifération hors de contrôle d’une espèce au détriment des autres (à force d’insister sur les unes et pas sur les autres).

La mécanique du bag building est bien choisie et colle parfaitement au thème. On va pêcher avec une vague idée de ce qu’il y a, sans garantie. La manipulation de ces petits jetons par dizaines est agréable, et on se fait plaisir à les égrainer ici et là sur les bateaux puis sur le marché.

 

C’est ce que j’appelle une orgie !

 

On comprend vite le principe. D’ailleurs, on va avoir tendance à chercher à casser le jeu, à juste titre. J’ai un moment cru que je l’avais fait. Il suffit d’acheter un maximum de bateaux. Eh oui, plus on a de bateaux, plus on pourra rejeter de poissons à la mer pour qu’ils se reproduisent en début de partie. Mais attendez, c’est un peu illogique non ? Il suffirait simplement de ne pas les pêcher, quel rapport avec avoir plus de bateaux ? OK, on passera peut-être sur cette petite incohérence thématique, car on comprend bien le message. L’essentiel du concept est bien représenté.

 

Une eau bien poissonneuse.

 

Donc je poursuis tout fier d’avoir trouvé mon astuce, mais je me rends compte que vers le cinquième ou sixième mois… il n’est plus question seulement d’avoir beaucoup de poissons, mais de trouver un juste équilibre, ni trop ni trop peu. Ouch ! Mon ego en prend un coup. Je suis tout de même soulagé de voir qu’il n’y a pas de méthode universelle pour gagner et qu’en définitive, même si avoir de nombreux bateaux est d’une aide précieuse au départ, il faudra adapter son jeu et sa stratégie de conservation à chaque scénario, ce qui est un bon point !

 

Août, par temps orageux : il faudra laisser reproduire ni trop, ni trop peu.

 

Alors, poisson d’avril ou perle rare ?

Faut-il en écrire des tonnes, en parler pendant des heures ? Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Conservas est pour moi une réussite sur plusieurs plans. Il sensibilise sans faire la leçon ni prendre parti. Il offre un gameplay agréable et intéressant, de belles couleurs et un superbe graphisme dépaysant (illustré par Jorge Tabanera Redondo).

Et surtout, Scott Almes a selon moi compris ce que l’on attend d’un jeu solo. Pour tenir en haleine un(e) joueur(se) sans coéquipier ni adversaire, il faut donner du fil à retordre et il faut proposer de la variante. Cette recette est bien présente. Le challenge proposé ne s’adresse pas non plus aux plus téméraires d’entre nous. Une fois les rouages du bag building compris, on avance vite. Le public ciblé est initié. On en viendra à bout en 15 à 20 parties de 30 minutes.

J’ai bien apprécié mon expérience et je le ferai découvrir volontiers à qui voudra. En tout cas, si vous aimez jouer en solitaire, il en vaut le détour.

 

 

Sur la jolie couverture se cache une amusante petite erreur d’interprétation. Saurez-vous la trouver ? (Dans les commentaires)

 

Pour aller plus loin

 

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6 Commentaires

  1. morlockbob 19/05/2025
    Répondre

    sur le bâtiment  c’est écrit Grove et pas Groule. 🙂

  2. Groule 20/05/2025
    Répondre

    Alors oui c’est vrai, ils ont confondu le « U » avec un « V » et puis ils ont oublié le « L » 🙂 bien vu Morlock

     

    … Mais je pensais à autre chose 😉

  3. atom 20/05/2025
    Répondre

    Je sais que c’est pas ça, mais au premier plan, je ne peux m’empêcher de voir un DJ au lieu d’un pêcheur .

  4. Salmanazar 20/05/2025
    Répondre

    Le pêcheur en jaune s’apprête à charger une caisse dans le bateau alors que les autres déchargent

    • Groule 25/05/2025
      Répondre

      ça chauffe, mais je ne voyais pas ça exactement 🙂

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