Compte rendu Ludovox Essen 2015 – Quatre jours ne suffisent pas !

Avant de partir pour le plus grand salon du jeu de société du monde, on observe de toutes parts un stress palpable et grandissant. Les éditeurs et auteurs sont un peu comme ces acteurs et réalisateurs la veille de la sortie d’un film. Des mois qu’ils bossent sur un titre, et bientôt le grand bain public, toutes nationalités confondues. Et puis, ils savent que c’est là que les contacts se prennent, que les tendances se mesurent, que les jeux de demain se repèrent et se signent – on y reviendra.

De notre côté aussi, il y avait une certaine excitation mêlée de crainte. Arriverons-nous à voir tout ce que nous voulons voir ? D’avance, on pouvait dire que non. Essen, c’est comme le Louvre, il faudrait 15 jours pour en faire le tour. On sait qu’on a quelques rendez-vous, mais on ne se blinde pas le planning, afin de garder une certaine souplesse sur place, nécessaire à l’observation, à l’improvisation, à la rencontre, et à la découverte. On sait qu’on va devoir faire des choix et il en résulte toujours une certaine frustration. Et puis il y a toutes les questions logistiques, la technique, le budget, la fatigue… Allons-nous assurer la couverture du plus gros événement ludique ? Il le faut.

Cette année, pour nous, la prise de risque était grande. Nous avions décidé de vous faire vivre le salon en live, pour partager cette expérience de façon plus directe, plus immersive. Amener Essen dans le salon de tous ceux qui n’ont pas pu venir à cette grand-messe du jeu de société. Nous étions nombreux là-bas, mais vous étiez nombreux ici aussi.

L’idée pour nous en allant là-bas, c’est de vous donner un panorama réaliste du monde du jeu. Parler des grosses sorties à l’instar de 7 Wonders Duel, généralement, on l’a déjà fait en amont donc on ne s’attarde pas trop dessus. Mais aller chercher les gros hits de demain, et les petites choses innovantes auxquelles on ne s’attendait pas, donner un coup de projo sur des concepts prometteurs, parler des beaux jeux qui sont passés sous les radars, et puis rencontrer les gens qui font le monde ludique d’aujourd’hui pour leur donner la parole quel que soit leur pays d’origine, ça, c’est uniquement à Essen qu’on peut le faire. Alors si on est motivés ? Grave. 

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Nous ne voulions pas nous fixer sur un stand, comme BGG. On y a pensé, on aurait pu, mais on ne préfère pas. Car nous voulons vous montrer vraiment le salon. Ses dimensions, ses allées, la variété des stands, la diversité des festivaliers, bref, sa richesse. Avec une caméra mobile (en fait, quatre), vous naviguez là-bas avec nous, un peu comme si vous y étiez.

Nous avons ramené pour vous une cinquantaine de sujets vidéo. Il y a les interviews qui sont autant de découverte de jeux (souvent par les auteurs eux-mêmes) et les interviews de personnes (auteurs, éditeurs, communiquants) pour élargir les angles de vue. Prendre le temps de discuter un peu avec les différents acteurs de tous les pays permet de se faire un aperçu de la réalité du monde du jeu au-delà de la fameuse « exception française » –  et de reprendre un peu de modestie au passage. Aujourd’hui, sur la scène internationale, le marché français arrive encore après les États-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne. On se félicite en permanence de la réussite française en parlant notamment d’Asmodée. Oui, Marc Nunes est l’homme qui a su avoir une vision à long terme du monde du jeu, à développer celui-ci en misant sur les bons chevaux au bon moment – mais peut-on encore dire qu’Asmodée est une société purement française, aujourd’hui ? D’ailleurs le stand Asmodée qui trône dans le hall 3, c’est Asmodée Allemagne, pas Asmodée France. Non, le nombril du monde ludique n’est pas la France. Il suffit de voir comment les éditeurs viennent chercher leurs futurs produits à Essen, chez des auteurs et éditeurs asiatiques, américains, italiens, grecs, espagnols, roumains… Et tous ces jeux de demain, c’est de ça aussi que nous voulons parler. Nous avons vu ici beaucoup de choses qui vont prochainement être localisées en France.

Pourtant, être diffusé en France, les étrangers nous le disent, c’est difficile. Les petites portes d’entrée laissant passer les courants d’air sont rares. Cela est également du au fait que les gros éditeurs étrangers sont déjà signés dans la plupart des cas avec les « distributeurs-locomotives » français. La quantité de sorties sur notre sol est en lui-même un frein à l’apport de sang neuf alors que des noms bien identifiés sont présents et minimisent les risques. Mais on voit tout de même des nouveaux distributeurs se lancer, comme l’hyper dynamique Atalia qui nous amène un tas de jeux étrangers. D’ailleurs, 4 de ces jeux étaient dans le top 50 BGG, une belle réussite après une seule année d’existence.

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Aller à Essen c’est être au cœur d’un gros labo de Research & Development à l’échelle internationale. Tous ceux qui veulent faire des jeux se retrouvent ici avec leur culture, et leurs besoins. Internationalisation, sourcing, localisation, diffusion, recherche de contacts, de compétences, on a tous les cas de figure. Regardez ces Japonais présentant des jeux (déjà tous signés, du moins, les bons !) s’arrachant comme des petits pains. Ils débarquent en collectif avec leurs habits traditionnels à la recherche d’intermédiaires pour s’internationaliser car le jeu de société est complètement déconsidéré au Japon ; on a vu certains de leurs jeux de l’an dernier arriver en France cette année, je pense par exemple The Edict of King Budeaunia qui arrive remanié chez Ferti sous le nom de Takara Island.

Regardez ces Grecs qui commencent à monter des sociétés d’édition porteuses comme Desyllas avec des auteurs à temps plein comme Vangelis Bagiartakis (Among The Stars que nous vous avons fait découvrir il y a quelques mois, Dice City et Oath of the Brotherhood sortis à Essen 2015 et sur lesquels nous reviendrons sans faute), un de ces happy few qui peut vivre du game design.

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Regardez ces Coréens qui sont de plus en plus nombreux avec leurs jeux familiaux, et notamment l’un d’entre eux, Gary Kim, qui lance sa propre maison d’édition avec des velléités internationales et des envies de jeux plus ambitieux en terme de game design, présent ici à la recherche de diffuseur.

Regardez ces Espagnols avec par exemple LudoNova qui était sold out de son premier jeu, Watson & Holmes, et ce dès le premier jour. Et la montée en puissance des pays de l’est ! On a croisé ce petit gars qui nous présentait Galaxy of Trian l’an dernier et qui était désormais embauché chez Portal (Imperial Settlers, Robinson Crusoe…) éditeur qui s’expatrie très bien notamment aux US. On a rencontré les tchèques (avec l’interview de God Chvatil) : c’est indéniable qu’ils entérinent leur place d’incontournable. Je pense aussi au petit buzz autour des roumains de Hack Trick. Et regardez les Belges, avec Repos Prod qui explose littéralement, ou GAG qui monte sereinement. Voyez aussi comme Iello ou Blue Orange agrandissent tranquillement leurs emplacements, et Filo qui disparaît sous l’égide de F2Z alors que Plaid Hat avait pour la première fois son propre stand.

En fait, la topologie du salon d’Essen est une représentation graphique de l’état du marché international. Venir ici, c’est prendre un bain dans une carte, observer les frontières se mouvoir, les rapprochements s’opérer, comprendre d’où viennent les jeux, et qui les fait.  

La position, la taille, le style, l’évolution des stands sont une traduction concrète de la place des acteurs sur le marché. Il y a le challenger à la Morning Players qui montre sa résolution avec son gros stand flambant neuf, il y a Asmodée, le leader consolidant sa place et s’agrandissant chaque année (des bruits de couloir parlent d’une grosse surprise d’ici quelques années à leur sujet…), il y a les collectifs qui rassemblent leurs économies pour pouvoir venir, être présents, trouver des contacts, s’exporter. Chaque emplacement a du sens.

Et deux choses ressortent de tout ça :

1/ Essen grandit (un hall s’est ouvert et il était, comme on va le voir, incontournable). Et si Essen grandit c’est que le marché grandit. [EDIT : les chiffres sont tombés, et en effet, tous les records ont été battus. 162 000 visiteurs, 910 exposants de 41 pays pour plus de 1000 nouveautés. Bref, c’est du jamais vu.]

2/ La créativité était dans le hall 7, tout le monde nous l’a dit et répété. Le Hall 7 était un véritable microcosme de brassages culturels, et il y avait, oui, quelques français. Des « petits » français qui sont en train de monter. Serious Poulp avec le 7th Continent qui éclate tout en ce moment avec son KS, et un collectif de Lyonnais (avec en tête le duo irrésistible Alexandre Droit & Florent Toscano, mais également les Catch-up Games et les Bankiiz). Allez les gônes !

Pendant que j’en parle, une autre observation : le KS. La place du crowdfunding a pour la première fois une représentation au salon avec son propre stand, bien la preuve (si vous en aviez besoin) de l’importance de ce nouveau biais éditorial.

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« Essen, c’est comme un Nuremberg, le public en plus. »  

Et si l’on parle de boutiques, on peut noter la présence de deux de nos compatriotes avec Ludibay et Philibert, l’un venant avec son stand pour vendre des jeux et ramener de l’import, l’autre sans emplacement venant surtout avec des camions vides pour mesurer les tendances et envoyer des chargements en direction de la boutique à Strasbourg.

Être à Essen c’est être à la croisée de tout ça, dans une marée humaine de passionnés, c’est prendre le pouls du marché international, et remettre nos perspectives à la bonne échelle. Être à Essen c’est aussi croiser Feld, Gerdts, Friese (Allemagne), Chvatil (République tchèque), Kanai (Japon), Trzewiczek (Pologne), Kim (Corée), Bauza, Cardouat, Chevallier, Cathala, Dutrait, Naïade (France), Rahdo, Eric Martin, ou Tom Vasel (USA) au hasard des allées, pour n’en citer que quelques-uns parmi tant d’autres. Il y a tellement de monde qu’il est parfois impossible de marcher. Non pas que la foule nous empêche d’avancer, mais parce qu’on s’arrête pour dire bonjour et discuter tous les 2 mètres ! Aucun autre salon ne peut faire montre d’une telle effervescence, ni d’une telle concentration de talents.

« Essen is inspiring » nous disait Chvatil en interview. Voilà, tout est dit.

On a ramené des jeux, ne vous inquiétez pas. On va les prendre un par un, faire le Ludochrono qui va bien, le Just played, et le test, comme il se doit, pour chacun. Tout cela viendra progressivement. Les jeux français qui ont cartonné, on vous en a déjà pas mal parlé. Dernièrement, nous étions à Orléans Joue et nous vous avons ramené les vidéos de présentation de Aya, Antarctica, des extensions Flickem Up, celle du Colt Express, par exemple. On va donc profiter de la dimension internationale d’Essen pour chroniquer majoritairement des jeux étrangers (mais pas que) qui, pour certains, arriveront dans un futur plus ou moins proche, tout traduits.

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Question vidéos, vous avez été très nombreux à rester scotchés devant le live et ce malgré les nombreux aléas du direct, nombreux aussi à regarder les replays basse définition, et nous sommes très contents des nombreux retours extrêmement positifs que nous avons eus. Nous avons d’autres idées pour aller encore plus loin l’an prochain.

Dès à présent, on va monter proprement ces vidéos avec force gros plans et sous-titrage le cas échéant, et vous verrez passer tout ça petit à petit, en HD.

Alors restez avec nous, la grande tornade Essen est passée, il ne reste plus que l’essentiel : les jeux !

Steampunk rally, Big Book Of Madness, Minerva, Nippon, Signorie, Simurgh, Food Chain Magnate, Burano, Trickerion, Iki, the gallerist, Oath of the brotherhood, Favor of the pharaoh, King’s forge, Diluvia Project, Steam Works, Portal of Morth, Broom Service, Hack Trick, Ponzi Scheme, valley of the king afterlife, Runes and Ruin, German Railroad, Haspelnecht, Titan Race, Trash’n Roll, CS Files, And Then We Held Hands, Travers Of Osaka, Prodigals Club, Rome City Of Marble, Porta Nigra, Clochemerle, 7eme continent, Flying Kiwis, Sheep and Thief, Odysséeland, Spookies, Karub, Dice city, Happy party, Redacted, Antarctica, Town center, L’auberge sanglante, Tail Feathers, Taverna, Amphipolis, The Pursuit of Happiness, Operation kindergarden, Niet, Essen

Bref, la liste est trop longue, vous verrez bien ;p

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 Notez déjà pour l’année prochaine les dates suivantes : 13 – 16 octobre ! 😉

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11 Commentaires

  1. atom 13/10/2015
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    Voila un compte rendu qui me donne envie d’y aller. pour l’instant cela ne m’attirait car je voyais surtout un gros supermarché. Et puis entre nous replacer les choses dans leur contexte, remettre notre arrogance a sa place  ça fait du bien aussi. On finissait presque par oublier qu’il y a d’autres pays qui font des jeux. Dire que vous avez vu Chvatil que vous avez vu Mac Gerdts …

  2. Potus 13/10/2015
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    Tout est dit.

  3. eolean 13/10/2015
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    Que j’aime cet article ! Le plus grand salon du monde méritait une telle couverture.  On ne peut pas, en tant que passionné, rester dans notre univers franco-français en snobant le plus grand salon mondial.

    C’était la 3ème fois que j’y allais et certainement la meilleure. Principalement grâce à tous ces jeux de l’étrangers venant mélanger leurs passions, leurs cultures et leurs enthousiasmes avec nous. C’est simple,  sur les 15 jeux que j’ai ramené, je n’en ai qu’un seul d’un éditeur français (titan race). Les autres, ce fut des découvertes avec des japonais, des polonais, des grecques, des espagnols, etc…

    Et je confirme pour le hall 7, j’espère qu’il sera toujours présent, dans les mêmes conditions et dans les mêmes proportions dans les prochaines années !

  4. Sha-Man 13/10/2015
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    Pour reprendre Young Francis, je dirais seulement « Kool and Zugang (zur Messe) » 😉

  5. bgarz 13/10/2015
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    Merci pour votre excellente couverture du salon d’Essen !!!

    Vous avez fait le job 😉

     

  6. TheGoodTheBadAndTheMeeple 13/10/2015
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    Bah ouais Essen c’est toujours aussi énorme ! Avec toujours autant de moyens de jouer et de découvrir des perles. Toujours 4 jours extraordinaires pour un joueur averti.

    Bref, allez y, si vous n’y allez pas, le live c’est le top !

     

    On a battu notre record d’Essen avec 32 jeux nouveaux testés en 3 jours de salons/soirées

  7. RenoDelft 16/10/2015
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    Essen c’est un peu le paradis pour nous les joueurs effectivement. J’avais raté l’an dernier donc ca faisait du bien de revenir 🙂

    J’ai effectivement trouvé qu’il y avait beaucoup de monde (j’avais même du mal à circuler dans le Hall 2 le vendrdi après-midi) même si on arrive quand même facilement à approcher les stands et parfois à trouver une table pour jouer (chose plus aisée si on est seul ou à deux….)

    Le Hall 7 était le Hall du Essen que moi j’aime. Facilité pour approcher les auteurs et illustrateurs, jeux qui sortent des sentiers battus. C’est le Hall pour faire des découvertes, et parfois essayer des jeux qui n’en sont pas….

    Par contre j’ai trouvé les Halls 1 et 3 (surtout la partie Asmodée) trop aseptisé. Et je n’ai vraiment pas aimé tous ces stands sans vente de jeux qui semblaient du coup un peu à l’abandon…. Ystari sans stand propre, Pearl games avec seulement trois tables de l’Auberge Rouge et un Seb Dujardin fantomatique ou entrain de boire des bières avec ses potes au lieu de mouiller la chemise pour nous présenter ces jeux comme les annéees précédentes…Si Essen devait prendre encore plus cette direction, je trouverais cela très dommage…..

    Au final, c’était quand même encore une fois le top Essen!

     

  8. Max Riock 20/10/2015
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    Merci pour ce compte rendu rapide mais bourré de plein de petites choses qu’on ne peut pas voir quand on n’est pas sur place! J’aime cet article qui parle de l’ambiance, des éditeurs, … Sans rentré au fond des jeux…

    Merci aussi pour le direct même si je n’ai pas pu en profiter autant que j’aurais voulu !

    J’attends les vidéos avec impatience …

  9. Shanouillette 20/10/2015
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    Merci pour vos commentaires !

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