Come Sail Away ! : à l’aqueux leu leu

Le rapport aux auteurs, c’est comme le rapport avec certaines personnes de son entourage : on peut être ravi de les voir et ne pas aller plus loin. On peut apprécier qu’elles soient présentes dans les soirées, discuter avec, prendre des nouvelles et passer un bon moment, sans donner suite. Pas d’invitation, on se reverra… quand on se reverra. C’est la même chose avec Saashi, l’auteur de ce jeu. Par quatre, cinq fois, j’ai chroniqué ses jeux (In front of the elevators, Souviens-toi, parmi les plus récents), jeux que j’apprécie et pourtant je n’en ai aucun chez moi. Parce qu’on peut aimer l’intelligence ou l’originalité de la mécanique, et ne pas aimer le genre dans lequel il s’inscrit par exemple.

 

 

Pour… mémoire, Souviens-toi est un jeu de placement de tuiles où les joueurs vont tenter de se rappeler de leur voyage et poser des fragments de souvenirs, afin de reconstituer communément un plan global de la ville qu’ils ont visitée. (Une belle façon de parler d’un casse-tête stratégique). S’il y a bien un genre avec lequel je sature en ce moment, c’est bien celui-là. Poser X à côté de Y au-dessus de Z… Non. Et pourtant, certains titres parviennent à proposer autre chose qu’une simple copie de copie, citons dans les dernières parutions, Spectacular, Balconia ou Come Sail Away !.

 

 

Après les ascenseurs ou les parcs, l’auteur, épaulé par son compère Daryl Chow (co auteur de Souviens-toi), propose d’embarquer à bord d’un transatlantique. Embarquer, cela ne signifie pas bronzette à la piscine et cocktail au bar, mais bien gérer les différents clients, les diriger vers leur cabine et répondre à leurs besoins spécifiques.

Boite sobre et design minimaliste sous les illustrations du dessinateur attitré Takako Takarai, le matériel l’est tout autant, compilant une soixantaine de tuiles représentant l’intérieur du navire (commodité et cabine), des cartes  et des meeples passager en nombre. Le grand escalier central, entouré de 10 tuiles forment le cœur du bateau de chaque joueur. On y ajoute proue, poupe, et une piste bagages formant le pont pour créer l’illusion du transatlantique. Le pont sert de réserve à des petites cabines que l’on pourra débloquer durant la partie.

 

come sail away

Le navire à quai.

 

Une configuration pour la partie découverte (qu’on vous conseille d’appliquer) balise le terrain, identique pour tous : cinq tuiles cabines (une de chaque couleur) et cinq commodités (des espaces pour réunir des meeples/clients). Le but est de remplir les pièces selon les contraintes demandées (mettre le client avec le bagage dans la bonne chambre, rassembler des paires…), d’avancer sur la piste bagages pour débloquer des cabines supplémentaires et des bonus, tout en validant, avant les autres, les commodités numérotées.

 

Tout le monde sur le pont !

Le principe de ce jeu est celui du Mancala/Awale, un essaimage de meeples suivant un ordre imposé. À la différence qu’une fois posés, les meeples ne se déplacent plus. Pour commencer, il faut des clients et on va donc les choisir parmi deux cartes. On donnera la carte défaussée à son voisin.

 

La clientèle attend son tour.

 

Chaque carte affiche trois ou quatre personnages colorés. L’un d’eux avec une icône valise. Il faut, en partant d’où on veut dans le navire, déposer à la suite, en adjacence, les meeples liés à la couleur, un essaimage qui doit coller à la carte témoin (le sens n’a pas d’importance, on peut lire de droite à gauche). Ici, suivant l’exemple, il faut poser un noir puis un bleu puis un vert et enfin un rouge, avec comme point de mire que la cliente bleue, a une valise et serait mieux dans une cabine si on veut bénéficier de l’avancée sur la piste bagages. On peut aussi partir de droite à gauche (rouge, vert…). Bien sûr, au premier tour, toutes les places sont disponibles et il n’y a aucun challenge. Par la suite, si un client ne peut être placé, il va chez les mécontents, une tuile hors plateau qui distribue des points négatifs.

C’est le moment de faire un point sur les commodités. Ces salles ont un type (siège, porte…), un numéro (servant à valider les bonus de score pour celui qui complète cette pièce le premier), et un effet possible (version avancée).

 

Boire un verre ou aller au cinéma ?

 

La variété des tuiles Commodité permet de moduler le niveau du jeu. Le restaurant accueille deux paires de clients de deux couleurs différentes. Le salon est pour la mixité, il faut quatre couleurs différentes. Plus exigeant est le bar avec un ordre précis des paires ou la bibliothèque qui n’est ouverte qu’au groupe d’une seule couleur.

Vous avez donc bien géré le parcours des clients et la passagère avec sa valise a trouvé sa cabine. Bravo ! Cela permet d’avancer sur la piste bagages.

Sans elle, vous voilà vite freiné, voire bloqué. Cette piste donne des points mais, auparavant, permet surtout d’ajouter des petites cabines (celles du pont) sur la poupe ou la proue. Ce système crée un nouveau chemin et de nouvelles cases de placement (générant des points). On peut également, toujours grâce à la piste, récupérer des clients (mécontents ou pas) et les placer n’importe où. Une aide bien précieuse qui peut finaliser une tuile et vous faire gagner du temps.

 

En dessous des cabines disponibles, la piste bagages.

 

Terminer une commodité vous octroie des bonus de score, mais cette dernière est alors retournée. Cela va gêner le déplacement des meeples et modifier le tracé. Il sera toujours possible de traverser ces tuiles devenues inutiles mais puisqu’on ne peut s’y arrêter et déposer un client, ce dernier rejoindra la masse des mécontents et les malus qui vont avec.

La croisière est relativement rapide et dure douze tours, une demi-heure de jeu. Trop court ? Il peut s’en passer des choses en 30 minutes !

Le décompte est simple en comptant les pièces complètes, les passagers visibles, les bonus, les mécontents et la piste bagages. Vous voilà à quai, allez retrouver la terre ferme, mais avant vous pouvez faire une petit visionnage des conditions de jeu dans ce Ludochrono.

 

Un jeu quai friendly

On ne va pas se le cacher, Come Sail Away! est encore un puzzle, un casse-tête abstrait où il faut amener le bon élément au bon endroit. Si le début permet de faire un peu ce qu’on veut, la suite en forme d’entonnoir va vite se dévoiler : la place va manquer, le parcours va bouchonner, on ne passera plus aussi facilement dans les couloirs. Le jeu, malgré une course sur la validation des lieux, reste un solo multijoueurs.

 

La clientèle en masse.

 

On peut toujours serrer les fesses en espérant obtenir la bonne carte client, cela ne mène pas loin, il faut avoir une vision large du plan de ce Transatlantique et se permettre quelques clients mécontents (on pourra en récupérer certains en avançant sur la piste bagages). Et se ménager un chemin. Oui, mais fermer un espace et retourner une tuile offre un bonus. Que privilégier ? Les deux mon Capitaine. Voilà un parfait exemple de questionnement que le jeu met en place : privilégier la course aux points ou temporiser pour placer ses clients comme il faut ? La chance existe et peut vous faire bénéficier d’une bonne carte, profitons-en, cela ne reviendra peut-être pas. Ce hasard  providentiel empêche la partie de n’être que calcul, et sauve le jeu de n’être qu’un énième tableau excel pseudo ludique, en poussant à s’adapter en permanence et choisir la meilleure (ou la moins pire) des solutions par moment.

 

Quelques miles plus loin.

 

C’est là où le jeu fait un vrai effort, en sortant de contraintes trop cadrées et en offrant au joueur des alternatives. Que ce soit par des cartes jokers (des cartes de deux passagers qu’on place où l’on veut) qui, si elles freinent la rapidité de la progression (deux c’est peu), permettent de souffler ou de finaliser une tuile. Idem pour ce grand escalier qui va nous servir de passage et de zone neutre (autant de passagers que l’on veut mais seulement de trois couleurs), ou ces petites cabines qu’on ajoute dans la partie et qui élargissent notre champ des possibles.

Et, bien sûr, la piste bagages qui offre, là aussi, un rattrapage et un petit rééquilibrage en distribuant une pose sans contrainte, ou une révision du niveau de mécontentement en libérant les otages (c’est une image).

 

Validation des commodités.

 

Une fois encore Saashi parvient à ouvrir le jeu à force de trouvailles qui s’intègrent parfaitement dans les mécaniques inhérentes au genre choisi. Le jeu reste néanmoins un casse-tête de placement, de gestion, d’adaptation, abstrait malgré son thème. À quel moment débloquer une petite cabine, laquelle, doit-on les fermer rapidement ? Plein de petites interrogations, parfois fugaces ou sans réponses, car à ce moment, nous n’avons pas ce qu’il faut en main pour exploiter la situation. Gardons-les en mémoire, il faudra bien y revenir.

 

La croisière est terminée.

 

Come sail away ! demande réflexion mais permet surtout de s’amuser. Et c’est là que je lui dis merci. Je ne dois pas avoir le pied marin, je me fais exploser quasi à chaque traversée, mais cela a beau être encore un jeu de tuiles, un jeu de placement en adjacence, c’est inventif et, comparé à Hutan par exemple sorti récemment, il arrive à être ludique. Pour preuve, je suis prêt, malgré le mal de mer, à postuler parmi les membres de l’équipage.

 

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