Call to adventure : Epic origins – La chanson de geste revient en mode semi-coopératif

 

Tout récemment localisé en France par Fearless Frog (La Boite de jeu), Call to adventure : Epic origins est une extension standalone pour Call to adventure, le jeu de construction de personnage des frères Johnny Chris & O’Neal (Boss monster).

La nouveauté qu’apporte cet opus est l’arrivée d’un adversaire commun à tous les joueurs, qu’il faudra affronter en groupe. Cependant selon les médias que vous croiserez, il est présenté comme un jeu semi-coopératif, ou bien coopératif, ou bien semi-coopératif avec une variante coopérative. Face à ces approximations, les joueuses et joueurs qui comme moi y voient du flou et pour qui semi-coop ne veut pas dire coop méritent une explication détaillée et je vais vous la fournir !

Avant d’attaquer le monstre, sachez qu’il n’est pas nécessaire de posséder le jeu de base pour y jouer, et qu’il est possible de mélanger le contenu de la boîte avec celui du jeu d’origine. Il est même possible d’utiliser votre personnage une fois construit pour jouer au jeu de Rôle Donjons & Dragons 5e édition.

 

Le contenu de la boite

 

Ce qui ne change pas dans Epic origins

Call to adventure : Epic origins est en quelque sorte un « reboot » (ou réamorçage) du jeu de base. Il reprend en majeure partie le principe et le matériel de son aîné. Par conséquent, les illustrations des nombreuses cartes au format tarot sont de la même trempe : toujours aussi épatantes et variées.

Le principe général ne change pas donc. Le jeu consiste à construire un personnage d’univers médiéval fantastique (à l’instar de Roll Player) à travers une collection de cartes étalées sur une offre commune (un « draft ouvert » dit-on). Acquérir ces cartes vous apportera des points suivant un barème dépendant du tirage initial de votre personnage.

La même rivalité entre les joueurs est conservée. En effet, même si le terme « coopératif » qui apparaît dans le livret de règles peut porter à confusion (on y reviendra), un seul d’entre vous gagnera à la fin après le décompte des points. Je vous invite à lire le Just Played de Shanouillette qui vous donne son ressenti sur le premier opus de Call to adventure, sachant dans l’ensemble que les deux jeux sont proches. Pour un petit aperçu des règles en vidéo, n’hésitez pas à regarder notre joli Ludochrono. Dans tous les cas, je vous donne les grandes lignes en suivant.

 

 

À la mise en place, chaque joueur dispose d’un plateau sur lequel il placera des cartes piochées au hasard, correspondant à l’histoire de son personnage : l’héritage, l’origine, la classe et le destin. Techniquement, ces cartes définiront les compétences et avantages de votre personnage et orienteront vos choix durant la partie pour gagner des points et réussir vos tests de compétence.

Au centre de la table, on disposera une offre de cartes séparée en trois actes. Ces cartes constitueront les défis que les personnages pourront relever et les talents qu’ils pourront acquérir pour construire leur histoire. Comprenez par là qu’elles seront collectionnées par les joueurs et viendront s’ajouter à leur plateau pour apporter de petits bonus, permettant de lancer plus de runes lors de vos futurs tests de compétences.

 

La destinée du gnome éclaireur. Glisser les cartes sous les autres sans tout chambouler requiert un certain doigté.

 

Les tours de jeu alterneront entre les joueurs et l’adversaire, jusqu’à ce que les joueurs aient complété leur histoire (chacun de leurs trois actes). Chacun à leur tour, les joueurs choisiront une carte de l’offre qu’ils ajouteront à leur plateau, soit directement (les talents), soit sous condition de réussir un test en laçant des runes (les défis).

Les runes justement, sont emblématiques du jeu et jouent le rôle de dés. Globalement elles ont une face réussite et une face échec, ou une face réussite et une face 2 réussites pour les runes avancées qui seront acquises durant la partie. Il existe bien entendu de multiples variantes. Plus vous acquerrez de cartes, plus vous aurez la possibilité de lancer des runes lors de vos tests, à condition que ces derniers mobilisent les bonnes compétences. J’ai bien aimé leur manipulation, qui change de l’ordinaire. Cela n’a pas été le cas de mes adversaires, qui ont eu une sensation de platitude et qui regrettent que cela ne roule pas. Que leur répondre ? 

 

Ange ou démon ? Lorsque je croise l’équipe rivale, vais-je tenter le compromis ou le fracas des armes ? Dans tous les cas, les runes me disent que c’est foiré…

 

Et ce qui change…

L’adversaire fait son entrée dans cette extension : on se bat désormais contre un ennemi commun. Si l’adversaire survit, tous les joueurs perdent la partie. Sur ce point, nous sommes dans la même configuration qu’Aeon’s End. Par contre s’il est vaincu, seul un héros triomphera au comptage des points. CQFD, c’est donc bien un jeu semi-coopératif et la composante coopérative est mise légèrement en retrait au profit de la course à points. Par la suite, je parlerai parfois de « concurrents » pour désigner les joueurs adverses, afin de ne pas confondre avec l’adversaire, le vrai.

L’adversaire possède un stock de jetons expérience en début de partie. Pour le vaincre, il faudra lui retirer la totalité de ses jetons. Dans le détail, il existe plusieurs moyens aux adversaires de gagner ou de perdre des jetons, selon le thème qui les anime. L’un se nourrira de votre corruption, l’autre happera les aventuriers inconscients explorant seuls les environs, etc. Ces petites spécificités orienteront le gameplay de façon intéressante, mais on reste dans un schéma de jeu tout à fait classique, vu depuis des années.

 

Si le défi ne vous semble pas assez relevé, le verso de la carte vous donne une version légèrement plus difficile.

 

Cela dit, l’incidence de l’adversaire sur vos choix de jeu sera importante. En effet, la carte adversaire présente deux compétences qui vous serviront pour le combattre. Pour lui infliger un maximum de dégâts, il faudra sélectionner en priorité les cartes Histoire vous apportant ces compétences. L’adversaire contraindra fortement vos choix et limitera la diversité des personnages que vous construirez. Je n’ai pas été gêné par cela, mais je peux comprendre que certains pourraient regretter le côté totalement libre de Call to adventure. Rassurez-vous, il est possible de jouer également sans adversaire pour recréer les mêmes conditions.

 

Le système de campagne, classique, ajoute progressivement des cartes au jeu de base.

 

Le jeu est présenté sous la forme d’une campagne. À chaque aventure, on ouvrira une enveloppe pour affronter un nouvel adversaire. Du matériel viendra s’ajouter progressivement au contenu de base ainsi que quelques ajustements de règles pour la partie en cours.

Enfin, comme dans Call to adventure, l’interaction est uniquement limitée à un draft ouvert. Les cartes Histoire disposées sur la table vous permettront de construire votre personnage. Certaines seront plus avantageuses que d’autres et vous souhaiterez les acquérir en priorité. Inversement, vous chercherez peut-être à en priver vos concurrents. Pourquoi « peut-être » ? Ah, nous arrivons à la question centrale du gameplay : la semi-coopération ! Parlons-en tout de suite.

 

Un jeu coopératif un petit peu quand même ou pas ?

La notion de semi-coopérativité est ici quelque peu contre-intuitive. Elle ne fait pas référence à la présence d’un traître comme c’est généralement le cas (Dead of winter, Les chevaliers de la table ronde, Nemesis, …) et où tout le gameplay est basé sur la confiance entre joueurs, avec un équilibre fragile.

Ici, la coopération est à la sauce « Je t’aime, moi non plus ». Je m’explique. À l’instar d’Aeon’s End, les joueurs perdent ensemble la partie s’ils ne parviennent pas à vaincre l’adversaire commun. Or, pour y parvenir il faudra par moments supporter ses concurrents en leur laissant certaines cartes avantageuses, pour qu’ils puissent construire efficacement leur personnage afin d’infliger de lourds dégâts à l’adversaire au moment de l’affronter. Sans cela, le risque d’échec sera significatif. Seulement, en même temps, on devra aussi veiller à ne pas trop les avantager pour qu’ils ne remportent pas plus de points que nous au décompte final en fin de partie.

… Alors, que fait-on au final : on s’entraide ou on ne s’entraide pas ?! 

Pour résumer, toute votre stratégie tiendra sur la réflexion suivante vis-à-vis de vos concurrents :

« Dois-je casser ta stratégie de construction de personnage pour me permettre de gagner, au risque que tout le monde perde ? Ou bien dois-je te laisser la mener à bien, au risque que je perde face à toi au décompte final de points ? »

Personnellement, je trouve cette position schizophrénique quelque peu inconfortable. On est tiraillés dans un jeu compétitif qui a première vue ne devrait pas en être un. QUID si chacun jouait en concurrence dans Aeon’s End ? Beau bazar…

En guise de cure, j’ai tenté avec ma partenaire d’abandonner le côté semi-coopératif pour jouer en coopération totale. En conséquence, la moitié des cartes de l’offre, n’offrant aucun avantage contre l’adversaire mais conférant des points pour la fin de partie, ont totalement perdu leur intérêt.

J’ai compris par cette courte expérience que la composante compétitive du jeu était indissociable de la composante coopérative. Le jeu prend tout son sens et son intérêt si l’on aime et que l’on joue pleinement la compétition entre les joueurs. Avis aux amateurs exclusivement de jeux coopératifs : ce n’est probablement pas pour vous.

J’ai donc persévéré dans cette voie « schizophrénique », en essayant de me laisser prendre au jeu. Au final, un esprit fair-play en est ressorti dans notre compétition, car tout le monde se prenait au jeu du roleplay avec légèreté.

« C’est bien parce que nous devons vaincre la bête ensemble, que je te laisserai une part de mes trouvailles. Après tout, tu n’es pas un mauvais bougre, crapule semi-orque ! »

Mais cette sauce ne fonctionnera qui si chacun y met du sien. Une compétition impitoyable ne portera probablement pas bien ses fruits.

 

Utilisées à bon escient, les runes sombres apportent de puissants effets, au risque de vous faire sombrer du côté obscur.

 

À part cela, si l’on se prend au jeu, le reste du gameplay est agréable dans sa simplicité, même si les choix ne feront pas preuve d’une grande profondeur (je gagne des points pour la fin, ou je m’équipe contre l’adversaire).

  

Un jeu narratif un petit peu quand même ou pas ?

Il n’y a pas de définition officielle et tranchée pour le jeu narratif. Que les choses soient claires : dans Call to adventure: Epic origins, il n’y a pas de texte à lire sur les cartes, ni de choix narratif à faire durant la partie. En guise de texte à grignoter, vous trouverez seulement les intitulés inscrits sur les cartes et un petit texte introductif en début de partie. En définitive, nous sommes exactement dans le même cas de figure qu’un Paleo.

C’est seulement votre propre interprétation des cartes qui pourra vous mener si vous le souhaitez à la construction d’une histoire. Cela n’est nullement nécessaire et vous n’en tirerez aucun avantage, mais cela enrichira votre sentiment d’immersion. Les rolistes ou joueurs inspirés y trouveront probablement leur compte. Le contenu n’est pas plaqué et chaque carte à une interprétation thématique forte. La construction de votre histoire sera au final cohérente et les possibilités de cheminements infinies.

 

 

Inversement, il est tout à fait possible de se restreindre à de la mécanique pure, froide, sans même prendre le temps de lire l’intitulé des cartes Histoire. Après tout, vaincre l’adversaire final nécessite d’obtenir telle ou telle compétence : je me concentre uniquement sur les cartes Histoire me permettant de les obtenir en regardant leurs icônes, tout en veillant à ne pas sombrer dans la corruption, basta ! Divisez alors la durée des parties par deux ! Et probablement aussi l’intérêt et le fun que vous y porterez.

Je ne considère pas personnellement Call to adventure: Epic origins, comme un jeu narratif, mais cela n’enlève pas l’intérêt de son gameplay. En une phrase, il se prête à l’interprétation narrative, sans que cela ne soit nécessaire.

 

Jouer depuis son lit : c’est possible

 

En Résumé

Call to adventure : Epic origins propose une version qui m’a parue un peu plus riche que le jeu de base. Le matériel est toujours correct et les illustrations au top, pour un prix d’ensemble raisonnable.

Certains aspects du gameplay ne changeront peu ou pas en comparaison à son ainé Call to adventure :

  • Le lancer de runes fait figure de gadget avec un certain parti pris, mais je l’ai plutôt apprécié. Certains de mes amis se sont sentis agacés. C’est une affaire de goût en somme.
  • La collection de cartes est plaisante, mais reste très classique. Si vous cherchez de l’originalité à ce niveau, vous raterez le coche. Si vous cherchez une valeur sûre déjà éprouvée maintes fois, alors cela fera l’affaire !
  • L’interaction est quasi absente, si ce n’est lors du choix des cartes de l’offre, en privant vos adversaires.
  • Le roleplay narratif est fortement incité même s’il est tout à fait accessoire. Il favorisera l’immersion pour ceux qui apprécient le genre.

 

La nouveauté apportée par cette version est la semi-coopérativité. Si vous recherchez les sensations des jeux coopératifs, vous risquez d’être déçu(e), car le sel du jeu est bel et bien basé sur une course à points malgré un adversaire commun. J’ai trouvé cela dit que ce dernier ajoutait une dimension intéressante. Je regrette au passage qu’il n’y ait pas de variante pleinement coopérative. Un simple objectif de points de victoire aurait pu faire l’affaire.

Le public ciblé sera donc proche voire identique à celui de Call to adventure. J’ai la conviction qu’il faut aimer jouer dans un esprit compétitif mais fair-play, voire galant (mais oui) pour apprécier pleinement le jeu. Si vous vous reconnaissez dans ces quelques mots, alors c’est qu’il est peut-être fait pour vous !

 

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4 Commentaires

  1. Morlockbob 04/04/2023
    Répondre

    Le passage au semi coopératif fait du bien a ce jeu.

    Quant à supporter ses concurrents…. Oui il faudra a la fois les soutenir et…les supporter

     

  2. Sgt Pépère 05/04/2023
    Répondre

    Il y avait déjà la possibilité de jouer un Adversaire en semi-coop (ou en solo) dans le jeu de base. Mais ici, peut-être que les cartes sont plus séparées (elles étaient mélangées avec le paquet II dans le jeu de base) ?

    Pour le narratif, je le trouve essentiel au jeu, sinon c’est un peu pauvre.

    • Groule 05/04/2023
      Répondre

      Oui, l’adversaire a des cartes dédiées ici. 25 en tout selon la boite du jeu. Il y a 6 cartes action de base +1 cartes action spéciale par adversaire, puis 1 carte tarot propre à chaque adversaire pour décrire ses mécaniques de gain/perte de points (cf. la photo sur le rack en bois).

      Je n’ai pas assez creusé Call to adventure avec adversaire pour dire si on est dans un véritable renouveau ou si on a simplement un lot de cartes mieux identifié pour l’adversaire.

      En effet, comme je le disais plus haut, à mon avis, si on n’attache aucune importance à l’immersion et à la narration, on court-circuite le tout, on passe à côté d’une grande partie du jeu tel qu’il est suggéré.

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