Architectes du Royaume de L’Ouest : Il est rare qu’un plan se déroule sans accroc

Architectes du Royaume de L’Ouest : Il est rare qu’un plan se déroule sans accroc

Shem Philips s’est illustré avec la trilogie “of the North Sea”, dont l’opus le plus connu s’intitule en français Pillards de la Mer du Nord. Il s’agissait d’un jeu de pose d’ouvriers original (nominé au KennerSpiel 2017) avec un peu d’interaction. Nous en avons parlé dans ce Just Played, nous avons aussi traité le cas des extensions dans cet article.

Architectes des Royaumes de L’Ouest est quant à lui un jeu de S. J. Macdonald, co-créé avec Shem Phillips. Exit les vikings, cette fois nous partons pour la France à l’époque de Charlemagne. Point de pillage, comme l’annonce le titre, nous incarnons des architectes et participons à la construction de la cathédrale locale.

 

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En plusieurs tours de jeu, nous allons récupérer des ressources avec nos meeples-ouvriers dans le but de participer à l’édification de la cathédrale ou des bâtiments que nous avons en main. Pour cela nous allons embaucher des artisans qui vont nous permettre de construire des bâtiments grâce à leurs compétences, ou/et de gagner des bonus. Nos actions bonnes ou mauvaises ont un impact direct sur notre vertu, et cela rendra des zones inaccessibles (trop vertueux ? Vous ne pourrez plus vous rendre au marché noir. Pas assez vertueux ? L’accès à la cathédrale vous est barré !). La partie se termine quand un certain nombre de meeples ont été envoyés au chantier (selon le nombre de joueurs).

 

Stakhanovistes de l’Ouest

Encore un jeu de pose d’ouvriers ! Allez-vous vous exclamer. Oui, c’est pas faux. Mais Architectes a quelques arguments pour lui. On retrouve bien la patte des jeux développés par Shem Philips. Tout comme dans Pillards, on ne se contentera pas du minimum syndical et on retrouvera bien un petit twist pour secouer le genre. Ici, nos ouvriers restent sur les zones de production sans pour autant les bloquer, et quand nous venons y placer un autre ouvrier, la puissance de l’action s’en trouve renforcée. Voilà comment optimiser ses ouvriers : on profite de ceux qui sont déjà posés. Plus on est nombreux plus on profite ! 

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Mais un moteur, ça a des ratés et ça s’enraye aussi, enfin, surtout quand on nous met des bâtons dans les roues. Comment arrêter un joueur déjà lancé ? C’est simple, il suffit d’aller à l’Hôtel de ville, de payer un sou pour aller capturer des ouvriers adverses. Lors d’un tour ultérieur, on pourra les jeter à la prison de la tour de garde, ce qui nous apportera quelques piécettes. Le joueur concerné pourra à son tour se rendre à la tour de garde pour y récupérer ses ouvriers, non sans vous maudire pour votre méfait. Le manque d’interaction, ce point souvent reproché aux jeux du genre, n’existe pas ici. Méchant mais pas trop non plus, voilà la position d’Architectes.

Le but de toutes ces manigances étant de participer à la construction de la cathédrale. En plus d’octroyer un nombre conséquent de points de victoire à la fin de la partie, participer à ce chantier fournit à chaque fois une récompense immédiate.

Autre possibilité : construire des cartes bâtiments depuis sa main, pour des gains de points, et/ou des pouvoirs et ressources.

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La réserve de 20 ouvriers de chaque joueur semble inépuisable et pharaonique en début de partie, mais elle fondra en réalité comme neige au soleil. D’abord parce qu’ils restent sur les lieux de production, comme on l’a vu, mais aussi parce qu’à chaque construction, il va falloir en abandonner un sur le chantier. C’est d’ailleurs ce qui rythme la partie : lorsque tous les chantiers sont occupés, c’est la fin du jeu. Si au début on a l’impression d’avoir le monde devant soi, on se rend compte très vite que chaque choix compte et que les ouvriers sont plus précieux qu’ils en ont l’air.

Pour construire, il faut bien entendu des artisans qualifiés. C’est, à vrai dire, surtout leur compétence en menuiserie, maçonnerie ou carrelage qui intéressera les joueurs pour savoir s’ils peuvent ériger tel ou tel bâtiment.

 

Artisans

Un petit saut à l’atelier nous permettra d’engager quelques personnes qui nous aideront dans notre tâche : pour construire certains bâtiments, il faudra des expertises représentées par des outils. Cela va aussi enrichir nos actions, avec des bonus (par exemple, gagner une pierre de plus à chaque fois que l’on envoie un meeple à la carrière).

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Et vice et vertu

Architectes_du_Royaume_de_lOuest_Jeux_desociete_Ludovox (4)Pour faire couleur médiévale on trouve une piste de vice et de vertu. Piller les impôts ou recruter des personnes peu recommandables ? Voilà qui entache sérieusement la vertu de son architecte… À l’inverse, quelques actions d’éclat, comme la participation au chantier de la cathédrale, seront bien vues, et vous serez récompensé sur cette échelle sociale. Cette idée n’est pas sans effet sur le cours du jeu : en plus de donner ou de faire perdre des points en fin de partie, les extrémités de la piste rendent certaines actions inaccessibles. Vous êtes un homme ou une femme de peu de foi ? On vous refusera l’accès au chantier de la cathédrale. À l’inverse, ne comptez pas vous rendre dans le marché noir si une auréole plane au-dessus de vous. Chaque côté a ses attraits (ah, les gains immédiats du marché noir, la possibilité de ne plus payer ses taxes quand on est vil ! L’effacement de dettes grâce à une grande vertu !), et à vrai dire, on pourra opérer un revirement si on le souhaite, et si l’on n’a pas trop plongé.

Le jeu propose des dilemmes cornéliens. Vice ou vertu, d’abord : il est évident qu’en termes de points de victoire, la vertu paie mieux, mais un petit passage au marché noir ou une rapine aux impôts nous donnent un tel coup de boost qu’on se laisse parfois tenter, et l’on va bien souvent faire le yoyo sur cette piste de vertu.

Comment ne pas être tenté d’aller dérober le trésor des impôts quand une somme coquette y dort ? En combinant bien les pouvoirs de nos artisans et de nos bâtiments, on peut très bien se passer de certains lieux – par exemple, la voleuse rapporte de l’or lorsque son contrôleur va effectuer un larcin aux impôts… Fini, les mines ! La rejouabilité d’Architectes provient principalement des bâtiments, tous plus intéressants les uns que les autres, et des synergies entre apprentis et bâtiments que l’on créera.

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Conclusion

Umberling et moi sommes plutôt d’accord en ce qui concerne ces Architectes ; voici ce que nous en pensons.

Comme Pillards de la Mer du Nord, il s’agit dans Architectes du Royaume de l’Ouest de construire un moteur qui va se désagréger petit à petit, mais ici ce sont les autres joueurs qui vont mettre un coup d’arrêt à notre gourmandise, à coup de capture d’ouvriers ou tout simplement de raccourcissement de la partie. L’interaction entre joueurs est intéressante, et ne se résume pas à prendre les ouvriers des autres et les jeter aux geôles : elle s’avère également indirecte, de par la construction de la cathédrale notamment. Tout le monde ne pourra pas aller au bout et gagner les rondelets 20 points de victoire en haut de l’échelle. Un mélange d’interaction froide et chaude, bienvenu dans le genre, qui introduit une certaine tension et des négociations à la table.

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Le timing est important, aussi. Quand un certain nombre d’ouvriers ont été placés sur la zone de construction, le roi décide de mettre le nez dans les affaires du royaume et tous les ouvriers placés au marché noir sont envoyés aux oubliettes pour mauvaise conduite. Cela a des effets néfastes : quelques pénalités aux joueurs qui ont des ouvriers en prison, chaque joueur ayant plus de 3 ouvriers en prison perd de la vertu et celui qui a le plus d’ouvriers dans les geôles du royaume contracte une dette. C’est peut-être le moment de balancer les ouvriers des autres joueurs que l’on a stockés sur notre plateau avant qu’il y ait une remise à zéro du marché noir !

 

Nord ou Ouest ? Pillards ou Architectes ?

L’avis d’Atom : nette préférence pour Architectes, pour ma part. Pillards de la Mer du Nord est un excellent jeu mais on ressent une certaine répétitivité au fil des parties et il faut vite lui adjoindre des extensions. Architectes s’en sort mieux de ce côté-là, se suffisant à lui même. La rejouabilité est assurée par les apprentis et les bâtiments mais aussi de l’asymétrie (un mode de jeu avancé permet de jouer des personnages aux départs et aux pouvoirs différents).

Architectes a séduit les joueurs autour de moi : sa fluidité nous a épaté, nous avons réalisé une partie à 5 joueurs en 1 heure de jeu, pourtant avec un joueur atteint d’habitude de paralysis analysis. Les dilemmes et les choix sont intéressants. Contrairement à beaucoup de jeux à l’allemande, on ne joue pas dans son coin : non seulement il faut lever le nez, mais il peut nous arriver quelques désagréments si l’on ne prend pas garde.

L’avis d’Umberling : J’aime beaucoup les jeux à l’allemande, mais parfois, je me sens seul à la table, trop immergé dans mes calculs solipsistes. Pillards avait une bonne dose d’interaction indirecte, mais me semblait un peu lisse, un peu uniforme. Architectes fait grogner, fait négocier : on s’arrache des promesses, on s’allie pour mettre des bâtons dans les roues du gagnant. Trêves, alliances contre un joueur, répartition de l’agressivité… Un peu plus complexe à aborder grâce – et à cause – de la diplomatie, Architectes du Royaume de l’Ouest est, en revanche, un chouïa moins accessible que Pillards. C’est bien le seul endroit où il perd à la comparaison…

Atom & Umberling

 

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3 Commentaires

  1. -Nem- 04/02/2019
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    Chouette succès chez moi aussi, même auprès de joueurs plus occasionnels. Je pense qu’il va remplacer définitivement certains jeux de pose d’ouvriers de ma ludothèque (comme l’âge de Pierre, un peu dépassé aujourd’hui je trouve).

    • keltys 05/02/2019
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      Rooooh c’est mignon l’Âge de Pierre pour introduire la mécanique de pose et ça reste très light et efficace ! Architecte c’est plutôt le jeu que tu sors si les gens ont aimé le précédent et qu’ils acceptent de tester un jeu un cran au dessus en terme de réflexion/stratégie.

      Je trouve que les deux sont complémentaires dans une idée de présentation graduelle et pédagogique aux mécaniques de jeux du style : Mint Work > Âge de Pierre > Architectes > Agricola > Yoko Hama > Trickerion 🙂

      Faut leur ouvrir les chakras ludique à cette bande de « convertibles » comme le dit Shanouillette ahahaha

  2. Angie 06/02/2019
    Répondre

    Paralysis analysis, j’en peux plus de rire…. J’adore!!! Bon, ça a l’air fort bien encore

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