1987 – Tunnel sous la manche: et toi, tu creuses …

Que se passait-il donc de si important en 1987 pour qu’on s’y intéresse aujourd’hui ?

Bon, bon voyons voir : arrestation des responsables d’Action Directe, premier vol de l’Airbus A320, début de M6, Première nuit des Molières, ouverture du procès de Klaus Barbie, inauguration de Futuroscope de Poitiers, les chambres à gaz comme point de détail de l’histoire (JM Le Pen), tout cela sur fond de « Viens boire un p’tit coup à la maison » et de « Joe le taxi »….

Et bien sûr, ce qui nous intéresse ici, le 15 décembre, le début des travaux du tunnel sous la manche. Et dans notre univers ludique, la cinquième sortie chez Origames dans la gamme des petits formats 1900 (1911, 1923, 1942…)

 

Une boîte aussi grande qu’un mug à thé

 

On retrousse la manche !

1987  – Tunnel sous la manche est un jeu pour deux joueurs. Le thème est parlant, on se dit qu’il coule de source et qu’on aurait dû y penser avant. Deux nations, deux joueurs. Pourtant, première surprise, le jeu n’est pas coopératif. Si on creuse pour se rejoindre, il faut un vainqueur. L’honneur du pays ou un truc comme ça. Autre subtilité, ce n’est pas parce qu’on arrive en tête qu’on gagne la partie. Aller vite se fait souvent au détriment des points, et pourtant l’aspect course n’est pas à négliger, nous y reviendrons.

 

Messieurs les Anglais, forez les premiers !

 

Si les deux joueurs ont le même type d’action à valider, une légère asymétrie différencie les buveurs de thé des mangeurs de grenouilles. L’Angleterre part avec un espace de stockage de moins (une réalité historique liée à la topographie du pays), un malus plus important sur les pénalités de forage quand il s’agit de tuiles bleues (les techniciens anglais n’étaient, à la base, pas formés aux problèmes hydrauliques), compensé par un coût moindre pour passer les niveaux de la piste d’améliorations technologiques.

Le plateau commun représente cette ligne à creuser. Une petite foreuse sert de repère dans l’avancée. À côté du tunnel, quatre actions de base. De l’autre, des actions alternatives, bonus à utiliser ou à décompter en fin de partie. Ces cartes peuvent également être acquises pour des points de victoire ou être dépensées pour payer l’avancée du pion sur la piste technologie. Ce système multiple permet une souplesse de jeu, de choix et de blocage pour contrer l’adversaire tout en développant une stratégie.

 

Le plateau perso avec 7 millions attendant d’être dépensés

 

Les quatre actions de base ont des ramifications avec les actions alternatives. D’abord, pour savoir quel type de gravat on va rencontrer, on planifie. On regarde la couleur du jeton. Puis vient le forage : enlever le jeton gravat. Deux obligations pour agir : posséder un jeton de la couleur des gravats, puis tirer une carte déviation qui vous fera avancer, ou pas, sur la piste malus. Il faut quand même aller droit si l’on veut se rejoindre ! Cinq déviations et la partie est perdue. Plus simple : avancer sur la piste technologie et débloquer les avantages (points, plus de jetons à son tour, planifier gratuitement…). Se faire financer : récupérer une carte pour la somme servant dans l’avancée techno. Et indirectement, priver l’adversaire de quelque chose qui peut l’intéresser.

Le gravat, s’il est un obstacle barrant le chemin vers la victoire, a pourtant une utilité. Il sert de de monnaie pour débloquer des actions particulières sur certaines cartes, et valide des objectifs. Là encore, leur stockage est source de questions. Il faut en stocker pour les basculer sur certaines cartes que vous acquérez, tout en ne bloquant pas les espaces de stockage au cas où un jeton gravat de couleur attendu serait découvert.

 

Notez la demande de gravats pour activer ses cartes

 

Les cartes sont partagées en trois couleurs et ont trois utilisations possibles. On peut les activer pour leur action secondaire reprenant ce qu’on connaît déjà (planifier etc…) les acquérir pour, plus tard, effectuer une double action, piocher un jeton supplémentaire dans le sac ou avoir un financement qui tombe du ciel pour les vertes, enchaîner des actions (planifier + forer…) pour les rouges. Ces deux couleurs peuvent donc être activées durant la partie. Elles sont les moyens d’accélérer le jeu d’un joueur. La couleur bleue n’a pas de capacité mais rapporte des points au décompte final : collectionner les drapeaux européens, glaner des majorités, ou stocker tous les types de gravats avec les cartes analyses topographiques. C’est sur ce genre de bonus qu’il faut être vigilant, autant pour les prendre que pour empêcher son adversaire de s’en emparer. Ces bonus pourront être contrebalancés par une avancée sur la piste technologie, mais attention tout de même de ne pas les laisser filer. Toutes ces cartes demandent souvent des gravats en échange. Un bon moyen de faire de la place dans votre stock si on n’oublie pas d’en chercher, car la pose de gravats est immédiate à l’achat de la carte.   

Maintenant que l’on connaît les différentes lignes directrices, comment procéder pour activer les effets des lieux ? C’est le point le plus malin du jeu. On commence avec dix jetons des cinq couleurs des gravats, tirés au hasard dans un sac qui s’effiloche à chaque fois qu’on le touche. Pour activer une action on place tous les jetons d’une couleur sur un lieu, obligatoirement en nombre supérieur. Et on récupère les jetons adverses s’il y en a. Cela force à regarder les endroits où se placer en priorité à moindre coût, ce que possède autrui et permet surtout, si on récupère une couleur qu’on possède déjà, d’augmenter son stock et, pourquoi pas, de reprendre une majorité. Ce qui permet de rejouer alors qu’on était coincé par exemple.

 

Trois rouges permettent de se placer et de récupérer deux bleus

 

Le premier arrivé au milieu du tunnel met fin à la partie. C’est maintenant le décompte des points de cartes, des bonus technologiques et de fin de partie. Et les malus de déviation.

Le jeu déjà bien complet est livré avec une extension Agenda. Liées à certaines tuiles gravats, ces cartes comportent une pénalité (un jeton de moins, une déviation à tirer, dépenser 3 millions pour rien…). On a vite rangé ces événements dans la boîte. Ils cassent la dynamique et surtout, étant tirés au hasard, ne sont pas distribués équitablement. Quand vous en avez deux de suite, c’est lourd.

 

les pénalités d’un agenda à respecter

 

Ferry ou Eurostar ?

Un nouveau jeu à deux après 1911, avec un thème original qui se prête tellement bien à ce genre. La règle est ramassée, mais tout est bien expliqué avec des encarts historiques mettant en avant un fait que les auteurs ont intégré et transformé en mécanique de jeu : le problème des tuiles eau, le stockage, la rapidité anglaise sur la piste techno. On retrouve l’univers de ce chantier sur les illustrations au travers des drapeaux européens, ou encore les figures de Mitterrand et Thatcher. Immersif si l’on peut dire ! Niveau matériel, on est dans un niveau très correct, à part le sac qu’on remplacera vite.

 

Où est Mimitt ?

 

Pour des joueurs peu habitués, la prise en main peut être déstabilisante avec ses actions principales, secondaires et les cartes aux multiples utilisations. C’est ce qui plaira quelques tours plus tard, cet éventail qui permet à la fois de contrer l’adversaire en se plaçant sur un lieu, en récupérant une carte convoitée, sans être freiné car il n’y a pas ce qu’on attendait. Il faudra évidemment s’adapter perpétuellement, car même si le jeu n’est pas punitif, on ne fait pas non plus tout ce qu’on veut. Si elles ne sont pas nombreuses, différentes stratégies existent. Avancer au maximum sur la piste technologie, ce qui nécessite argent et symbole techno, collectionner les drapeaux ou les gravats. Ou un peu des trois. La victoire s’arrache à quelques points près, souvent 2 ou 3, rien n’est à délaisser.

La notion de course de vitesse, si elle n’est pas le but, a quand même son intérêt. Se précipiter n’est pas une bonne stratégie si on n’a pas engrangé des points de cartes ou via la piste technologique. Ne pas se presser n’est pas non plus une bonne idée, puisque cela permet à l’autre de se développer. On pourrait abandonner la technologie par exemple, et se concentrer sur les bonus, mais non, cela signifie que vous acceptez d’encaisser les malus de déviation, ce qui devient vite impossible.

 

Jouer avec le feu des dérivations

 

Comparativement à 1911 Amundsen vs Scott qui nous avait peu emballés, 1987 coche les cases du jeu facile en apparence mais plus subtil en réalité. Les joueurs habitués verront rapidement que les stratégies ne sont pas légions, mais pourront être séduits par la prise de majorité via les jetons, qui est vraiment un des atouts du jeu. Pour un public qui veut évoluer vers plus complexe, 1987 est idéal, posant cas de conscience, vitesse, blocage et gestion.

Avec ce nouveau titre, la gamme continue à surprendre. Le format est, pour ma part, un gros plus, qui ne serait rien sans une qualité ludique. Ce que nous offre ce 1987.

 

 

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3 Commentaires

  1. Salmanazar 03/06/2023
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    Merci pour ce bel article !

    Avant j’étais parti pour acheter 1923 Cotton club. Maintenant je ne sais plus !

    • Meeple_Cam 05/06/2023
      Répondre

      Prends les 2 ! Enfin, les 3 avec 1998 ISS. Puis faudra pas louper 1942 USS Yorktown. Ni 1908 San Francisco. Décidément, une super gamme !

    • atom 05/06/2023
      Répondre

      Tout dépends de ce que tu cherches, j’ai une préférence pour Cotton Club, mais ce tunnel sous la manche est intéressant et original. Si tu dois retenir une chose, c’est que tu dois pas prendre 1911 qui est vraiment pas bien.

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