► E.D.I.T.O. Qui révolutionne le jeu de société ?

On sait tous que la musique pop se réinvente peu : les chansons sont formatées, fonctionnent sur peu d’accords. La preuve avec les quatre accords qui vous font devenir une pop-star par The Axis of Awesome, for example.

Quel rapport avec les jeux de société ? me demanderez-vous. Eh bien, la semaine dernière, Shanouillette vous parlait des jeux traditionnels, qui sont encore beaucoup utilisés comme bases pour les titres d’aujourd’hui. Force est de constater que les sous-genres pullulent et que la spécialisation est plus profonde que jamais : les jeux de deckbuilding sont légion, on parle de bagbuilding, de pose d’ouvrier, de stop ou encore, etc. Tout cela pour désigner des mécanismes qui deviennent l’argument de vente du jeu. On se rapprocherait presque du formatage décrié par les trois gars de The Axis of Awesome. Il suffirait donc d’utiliser un mécanisme et de devenir un auteur connu ? A-t-on droit toujours au même refrain ? Où se trouve l’inventivité ?

Souvent – voire tout le temps –, un jeu a des raisons d’exister. Un thème fort, un principe ludique pointu, cela peut suffire. Mais le traitement, qu’il provienne de l’auteur ou du versant éditorial, peut suffire à justifier un jeu aux mécanismes similaires. Les multiples extensions standalone de Dominion ou d’Ascension sont bien là pour prouver qu’un jeu peut se renouveler par petites touches successives ; il en va de même pour les jeux de cartes évolutifs (JCE/LCG) qui changent de peau et d’usages, peu à peu. Parfois, c’est un petit élément, une règle plus maline que les autres qui fera la différence. Entre Dominion et Trains, par exemple, il n’y a que peu de différences de règles, mais pourtant ! Quelles sensations différentes !

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Qui plaide coupable ?

 

Les plus aigris se plaindront de ne pas vivre de révolution ludique. Et pourtant, de petites évolutions, il y en a tout le temps. Prenez T.I.M.E Stories, qui prenait une approche radicale de la narration. Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, ce titre a fait bouger l’opinion, a transformé les standards. Il en va de même pour 504 : lorsque toutes ses possibilités auront été épuisées, quelles nouveautés s’ajouteront-elles à notre culture ludique ?

Bref, si vous êtes un détracteur de la surproduction ludique et que l’idée que vous vivez une révolution invisible vous file des boutons, dites-vous qu’on n’entend pas parler des mauvais livres du XXe siècle. On ne parle que des œuvres majeures, car les autres sont tombées dans l’oubli. Laissez donc le temps faire son travail ! Reparlons un peu de musique : ce n’est pas parce que vous n’appréciez pas la pop à quatre accords que vous ne pouvez pas aimer du classique ou du rock. A-t-on besoin de réinventer la roue à chaque fois qu’on ouvre une boîte de jeux de société ?

On a toujours des Just Played avec la dernière extension d’Ascension, Dawn of Champions, l’accessible Karuba et, enfin, le vil et fourbe Nevermore.

La rédac (en fait, Shanouillette et moi) nous sommes penchés sur les différents scénarios de T.I.M.E Stories. Le jeu a cette position jusqu’au-boutiste, est entouré cette aura de mystère, certes. Mais nous voulions parler de la qualité des extensions sans gâcher leur contenu, plus à la manière d’un critique (encore ce mot, diantre) littéraire ou musical.

Florian Sirieix, l’auteur de Deal chez La Donzelle, nous a accordé une interview et nous a entretenu de sa future collaboration avec Bruno Cathala.

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12 Commentaires

  1. ReiXou 20/01/2016
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    Les jeux qui font bouger les lignes ne sont pas si courant. Je pense à des Rencontre Cosmique, D&D, Magic ou plus récemment (plus modestement peut-être) des jeux comme Dominion ou Caylus. Ou Le Seigneur des Anneaux coopératif de Knizia qui a annoncé avec brio dès 2000 (2001 ?) la grande vague des jeux coopératifs.

    Il me semble qu’on a eu au moins un bon exemple de ce genre l’année dernière et peut être 2 :

    1. Pandemic Legacy s’est propulsé n°1 de BGG en 3 mois son impact est déjà énorme ! Il y a déjà des jeux « Legacy » dans les tuyaux (Seafall, PL saison 2 …) mais la secousse est tellement forte que je ne vois pas comment on n’en verrait pas apparaitre dans tous les sens. L’idée de scénariser les parties en proposant des mini changements de règles (comme des mini extensions) et des changements persistants me semble tellement forte et rencontre un tel succès qu’on devrait en voir des palettes.

    2. Time Stories (que tu cites) fait vraiment bouger les lignes également en amenant une expérience totalement fraiche. Là par contre, je ne sais pas si le jeu aura une descendance puisqu’il est pensé (très intelligemment) comme un game system (un bac à sable on dit, je crois) permettant d’accueillir à peu prêt toutes les idées à la fois scénaristiques (le voyage dans le temps, c’est bien pratique) et mécaniques (la base fixe est minimaliste, à chaque scénario de l’enrichir).

    Enfin Mysterium a introduit le coopératif asymétrique (mais sans traitre ou joueur jouant le « vilain »). Je ne sais pas si c’est totalement neuf, ni s’il y aura une descendance. Et l’innovation principale et révolutionnaire est peut-être plutôt à chercher chez Dixit dont il est un descendant assez évident.

    • fouilloux 20/01/2016
      Répondre

      Le coopératif asymétrique était déjà là un peu dans Goblin’s Inc et Ladies and Gentleman. Et dans un jeu dans ma tête donc ça compte pas.

      • fouilloux 21/01/2016
        Répondre

        Je m’auto répond, car en fait les jeux que j’ai cité ne sont pas full coop, mais on y retrouve l’idée de joueurs jouant ensemble mais avec des mécaniques de jeu complètement diférentes.

        • TheGoodTheBadAndTheMeeple 22/01/2016
          Répondre

          Le coop asymetrique est une vraie nouveaute, cependant je ne suis pas sur que cela fleurisse a tout va meme si le principe est excellent, l’application n’est pas simple a concevoir.

  2. TheGoodTheBadAndTheMeeple 21/01/2016
    Répondre

    « A-t-on besoin de réinventer la roue à chaque fois qu’on ouvre une boîte de jeux de société ? »

    Pour moi oui, je ne vois aucun intéret a produire un nième erzatz de combinaison de mécanique connu si les sensations sont strictement identiques. Le soucis est marketing, car si on a la meme combinaison de mécaniques qui tourne, le theme fait la différence et donc, on voit des jeux quasi identiques sortir sous de multiples formes/thèmes… d’ou une partie de la profusion.

    Cela ne veut pas dire inventer une mécanique, cela veut dire trouver une nouvelle combinaison de mécaniques qui produit des sensations différentes. Le thème est là pour tranformer une jolie mécanique en un grand jeu.

    Vous avez mon avis. La sensation ludique drive mes expériences. Un peu comme dans l’art, mais ca c’est un autre débat…

    Par ailleurs l’absence de thème rend des jeux insipides, c’est le cas de Dominion à mes yeux.

    • 6gale 21/01/2016
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      D’accord avec ton argumentation. A titre d’exemple, je trouve que Mr Attia réinvente la mécanique de pose d’ouvrier avec Spyrium, même si son thème plaqué « steampunk », n’apporte rien au jeu.

      • M3th 21/01/2016
        Répondre

        Clairement d’accord avec toi.

        • TheGoodTheBadAndTheMeeple 22/01/2016
          Répondre

          J’avoue n’avoir pas accroche au graphisme de Spyrium (ne parlons pas du theme inexistant) mais le jeu est effectivement intelligent, et original, lun peu comme Sylla (que je prefere tellement il est original)

    • atom 21/01/2016
      Répondre

      « Par ailleurs l’absence de thème rend des jeux insipides, c’est le cas de Dominion à mes yeux. »
      Alors que Trains est génial …

      Je ne sais pas si l’on doit réinventer la roue, car parfois un auteur utilise des mécaniques déjà connues, mais elles sont sublimées dans le jeu car utiliser parfaitement, je pense a Trickérion. Et parfois d’autres innovent, mais ça ne fonctionne pas vraiment …

      • TheGoodTheBadAndTheMeeple 22/01/2016
        Répondre

        Trains ne m’a jamais attire, il est trop moche, mais jamais personne ne me l’a propose non plus. J’ai recemment decouvert Super Motherload, qui m’a reconcilie avec le Deck Building, celui ci est excellent, controlable et bien dans le theme qui sublime un jeu melangeant Deckbuilding et placement de tuiles. Reinvente-t-il la roue ? a mes yeux oui. Il reprend le Deckbuilding dans son but initial, mais oublie le principe de piocher une main puis la defausser a chaque tour, ce qui est diablement ingenieux.

        Le theme de Trickerion m’attire tout particulierement, mais c’est le poids du jeu qui me freine… personne n’investira par ailleurs dans mon entourage si je ne le fais pas.

        • fouilloux 22/01/2016
          Répondre

          Alors train j’étais comme toi, et puis j’ai fait une première partie et j’ai vraiment adoré, ce qui m’a pas mal surpris.

  3. XavO 28/01/2016
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    Je crois que TheGoodTheBadAndTheMeeple a touché le fond du problème : la nouveauté ne doit pas être tant dans le jeu lui-même que dans les sensations qu’il procure. Regardons les jeux vidéo (encore) : ces dernières années ont vu déferler une vague de jeux extrêmement difficiles, sans (le plus souvent) innover du point de vue des mécanismes. Par contre, leur grand niveau de difficulté apporte une frustration et une satisfaction peu communes. La production ludique de table actuelle  gagne en qualité mais beaucoup de jeux procurent du « déjà vécu » au prix d’un réapprentissage des règles et du fonctionnement. Pourtant, un ou deux jeux par an parviennent à faire vivre autre chose aux joueurs : ce n’est déjà pas si mal. Dommage qu’ils soient noyés dans la masse. Côté innovation ludique pure, les concepteurs de jeux pour enfants ont pendant longtemps étaient très inventifs. Des mécanismes aux matos de jeux, on trouve dans cette catégorie des trucs originaux, même parfois bien barrés.

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