Histor, Historia

Historia est un travesti.

Il se fait passer pour un jeu de civilisation pour dorer son blason et plaire au plus grand monde alors qu’il est tout à fait plaisant au naturel (toute ressemblance avec un film de Blake Edwards de 1930 n’est pas tout à fait fortuite ^^). 

Je suis revenu d’Essen vendredi soir dans la nuit, nous étions 5, et 4 d’entre nous ont acheté Historia. Parce que ce jeu sentait quand même très bon, du jeu de civ avec tableau de progression, petite carte de fightage amicale, des merveilles, des objectifs, des conseillers, etc…
Miam !!
 
C’est donc le premier de la cinquantaine de jeux que nous avons ramenés dans la voiture auquel nous nous attaquions à 4, Nico, Nathan, Mickey et moi. Des poilus, revenants ludo-(dé)cérébrés d’un Univers Post-Ludocalyptique Essenien ! Adeptes du cube en bois et de la gestionnite à poil dur. 
 
Aucun événement de l’Histoire n’a été blessé durant cette partie…

Chapitre 0 : L’intro

Historia est donc un jeu créé par Marco Pranzo (qui avait fait un autre jeu en 2011, « upon a salty ocean » passé sous les radars, enfin chez moi) et édité par Giochix.it (Gigamic en France). Il a été illustré par Miguel Coimbra mais soyons clair, eut égard à cet illustrateur qui fait des choses absolument magnifiques, ce n’est vraiment pas le point fort du jeu. 

Historia, nous a été vendu comme un jeu de civilisation et l’affiche fièrement sur sa boite « soyez maître de votre civilisation ». Voilà bien un mot un tantinet galvaudé ces derniers temps. Que ce soit d’ailleurs par Historia, et peut-être même Deus, Hyperborea, et consorts… 

Alors faisons un peu de rhétorique avant de se lancer dans le vif du sujet. Qu’est-ce qu’un jeu de civilisation ? Est-ce que c’est juste un jeu avec une carte, du développement militaire et culturel et un peu de baston pour assaisonner le tout ? Je pense que c’est un peu plus que ça. 

Bien sûr, on pourrait débattre pendant des pages sur ce point et je suis preneur, mais ce n’est pas le sujet ici alors je vais me contenter par dire que, selon moi, un jeu de civilisation, c’est un jeu où on construit une civilisation, où on raconte une histoire, on doit même être capable de refaire l’histoire de notre civilisation. Comment elle est née, comment elle s’est déployée, comment elle a grandit, comment elle s’est battue, etc…

Et pour avoir cette sensation, il faut 2 ingrédients essentiels. Un jeu qui nous permettent de le faire et le Temps qui permet à toute histoire de s’écrire et se raconter…

 

 

J’étais vraiment curieux de voir ça dans un jeu de 90 minutes environ. Que ce soit dans Historia, dans Deus, dans Hyperborea ou encore Progress. Ces jeux allaient-ils me donner cette sensation du jeu de civ qui me plait tant ?

 
Non. Du moins en ce qui concerne Historia. Mais comme je l’ai dit en préambule, j’y ai trouvé un très bon jeu néanmoins. 

Chapitre 1 : Le Matos


 
D’abord, on a eu une bonne surprise. Le plateau du jeu possède des couleurs un peu plus relevées que celui qu’on a pu voir en proto. Bon, ce n’est pas non plus du Gaïa ! Et même si ce n’est pas ce qu’on lui demande, l’aspect générale d’Historia est plutôt austère. 
 
Seuls les conseillers viennent relever un peu le niveau avec un peu de couleur et ce n’est pas bien folichon. Les merveilles sont quasiment en noir et blanc et pour être franc, j’ai trouvé le design des cartes bien tristes. 
 
Toutefois, il est à noter qu’Historia est un jeu riche avec beaucoup d’icônes et nonobstant son absence de glamour, le matériel du jeu est efficace. Une fois qu’on a pris ses points de repères, sur le plateau et les cartes, on a une lecture facile du jeu. 
 
Chapitre 2 : Les règles
 
Bien rentrons dans le vif du sujet. Il faut bien 30 à 40 mn d’explications de règles avant de faire la première action (et encore nous avons joué sans les événements !). Mais je vous avoue que ça ne me dérange pas. Cette partie est importante et nécessaire pour bien comprendre le fonctionnement du jeu. 
 
Grosse maille, la mécanique est un peu la suivante :
 
A votre tour, vous allez jouer une carte (voire 2 ou 3 si vous avez débloqué le niveau techno correspondant). Cette carte vous donne une des actions suivantes (en fonction du niveau techno, les cartes peuvent être jouées pour action simple ou avancée) :
 
développement technologique : défausser 1 cube pour 1 rang ou 3 cubes pour 2 rang 
développement militaire : défausser 1 cube pour 1 rang ou 3 cubes pour 2 rang 
raid : si on est plus fort qu’un voisin militairement on récupère un ou deux cubes et des PV
guerre : on supprime un cube sur un même territoire que nous (si on est plus fort militairement) et on gagne 2 PV
expansion de territoire : on vient placer un cube sur un territoire adjacent (on prend le cube de sa défausse si on a débloqué la roue)
exploitation : on récupère des cubes de sa défausse (2 ou 4 pour 1 PV)
commerce : 1 rang de culture si un de nos voisins est plus avancé que nous (on lui donne des PV en contrepartie)
tourisme : 1 PV/4 merveilles ou 1PV/3 merveilles en avancé
culture : défausser 1 cubes pour récupérer une merveille ou 3 pour 2 merveilles
révolution : On récupère la carte révolution, la carte que l’on veut dans la pile et on achève le tour en cours une fois que tous les joueurs auront joués leur action.

 
Les merveilles sont des petits bonus qu’on peut déclencher en remplissant la condition. Par exemple, vous pouvez activer (tourner à 90°) le sphinx pendant votre tour pour gagner 1 PV si vous êtes le joueur qui a le plus de merveilles. 

 
Les conseillers sont des cartes un peut plus fortes à jouer une seule fois, on en débloque 3 pendant la partie avec les niveaux technologiques. A chaque révolution, il y a un certains nombres d’actions de scoring et de setup qui se produisent. Il y a 4 tours par ère et 3 ère au total. Donc il y aura 12 tours pendant lesquels jouer vos cartes. Avant le premier tour de chaque ère, nous aurons la possibilité de drafter un leader qui permettra de scorer au dernier tour de cette ère si on remplit les conditions (territoires, niveau militaire, niveau techno, etc…)
 
Au tour 2 et 4 de chaque ère, on score des points par rapport aux territoires où on est seul sur la petite planisphère du plateau. Attention, c’est vraiment là que de gros écarts peuvent se faire…
 
Au final, tout le sel de Historia est dans la mécanique des cartes et la gestion de celles-ci. Parce qu’on ne récupère pas toutes ses cartes à chaque tour et il va falloir faire très attention au moment et à la façon de les jouer. C’est tendu à souhait ! 
 
Historia est plus un jeu de cartes que de civilisation. En tout cas cette mécanique est vraiment le point fort et marquant du jeu. 
 
Chapitre 3 :  La première ère
 
Ne nous y trompons pas, la planisphère est extrêmement (trop ?) importante dans le jeu donc le placement initial est crucial ! On m’explique que, pour les débutants, dans les règles ils conseillent de tous se positionner les uns à côté des autres au démarrage sur la planisphère. Mickey et Nath le font, mais je me suis dit que si je m’y mettais également, rien n’empêcherait Nico d’aller tout seul aux Amériques ! C’est mon frère, il est fourbe, c’est de famille. Et je suis allé aux Amériques et, bien sûr, il m’a suivi
 
Alors la première ère n’est pas une réussite pour moi, je m’étend un peu mais Nico monte son militaire, me raid et m’éjecte du territoire sur lequel je m’étais étendu. Pendant ce temps Mickey s’étend et Nath ne le contre pas et ne s’étend pas. Mickey prendra beaucoup d’avance sur cette ère avec les territoires.
 
Au niveau de la grille, mes 3 compères sont un poil devant moi parce que j’ai passé plusieurs actions à prendre des merveilles pour scorer sur mon leader, prenant le parti d’aller vers une civilisation pacifique avec des merveilles. C’était pas une bonne idée ! T_T (en tout cas pour une première partie).
 
On découvre le jeu et je m’aperçois que la portée des merveilles est très limitée. J’en prend beaucoup mais elles ne m’apportent vraiment pas grand chose en début et milieu de partie. 
 

 
Chapitre 4 : la deuxième ère 
 
C’est l’ère la plus importante selon moi parce que la stratégie se met en place. Nico est parti très fort sur le militaire, Mickey et Nath ont une progression équilibré, quant à moi je suis en retard sur les 2 axes parce que fidèle à ma stratégie, je vais chercher beaucoup de merveilles.
 
Ensuite Mickey a stoppé son développement territorial parce que si effectivement ça rapporte des points, ça a pour effet mécanique de faire jouer avec moins de cubes et il est un peu embêté pour jouer ses actions. Nathan part plus sur la techno et Nico continue sur le militaire. Quant à moi, je suis trop en retard en techno et je décide de rusher dessus pour pouvoir profiter du tourisme un maximum en fin de partie. Mes merveilles commencent à peine à porter leurs fruits, elles ne sont pas encore rentables. 
 
Au scoring Mickey prend beaucoup d’avance mais Nico est devant au plan militaire et revient sur les territoires. 
 
Chapitre 5 : Troisième ère 

C’est le moment de scorer ! Mickey a ralenti son expansion et commence à se fighter avec Nathan qui est bien remonté au militaire. Nico étend ses territoires et chassent les importuns, quant à moi je tente de faire illusion avec des petites mécaniques de merveilles. Ce n’est pas très efficace. 

A la fin, Nico est bien remonté face à Mickey mais celui-ci avait trop d’avance ! Nathan est allé le plus haut sur les 2 axes mais ne s’est pas assez étendu pour profiter de sa force militaire et de fait n’en a pas scoré beaucoup. Quant à moi, je suis plutôt bien remonté dans les derniers tours mais je finis quand même dernier, victime de mes trop nombreuses erreurs et d’une stratégie que je n’ai pas rentabilisé suffisamment. 
 
Mickey gagne avec 155 points (environ), suivi par Nico à 148 points, et Nathan et moi loin derrière avec 125 et 124 points.
 
Nathan et moi n’avons pas joué sur la carte et je pense que c’était une erreur de débutant en laissant trop de champs libre aux deux autres. La difficulté pour les non-militaires, c’est de rentabiliser ou d’empêcher les militaires de rentabiliser l’expansion territoriale…
 
Chapitre 6 : Conclusion 
 
J’ai passé un bon moment. J’ai fait beaucoup d’erreurs, j’ai fini dernier et pourtant je pense qu’Historia est un très bon jeu. On a des mécanismes de gestion avec les cartes et les cubes tout en ayant un comportement presque d’un jeu d’affrontement (qui n’est pourtant pas ce qu’on préfère). 
 
Pour autant, le jeu n’est pas exempt de défauts. Le matériel n’est pas séduisant (c’est mon avis personnel), la mécanique peut vous dérouter, vous pourrez ne pas y éprouver d’émotions de civilisation (comme moi) et je crains un effet « Win2Win » (plus je gagne et plus je continue de gagner).
 
Toutefois, la mécanique est suffisamment riche pour stimuler nos neurones entre deux tours, la grille est intéressante et donne envie d’explorer d’autres stratégies, la combinaison des différents éléments du plateau rend la soupe assez homogène et se propose de nous donner un jeu de gestion un peu différent et au final agréable à jouer. 
 
Donc, pour moi, Historia n’est pas un jeu de civilisation. A aucun moment je ne me suis senti dans une histoire de civilisation, à aucun moment je n’ai eu cette sensation caractéristique que je cherchais. 
 
Mais Historia est un bon jeu, il a des qualités propres et laisse entrevoir des perspectives stratégiques qui donne envie d’y revenir. Et c’est déjà un bon point de départ pour une belle histoire ! 🙂
 
Oui oui j’ai honte pour cette dernière photo mais ça me faisait rire :p
 
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4 Commentaires

  1. Toastyyy 24/10/2014
    Répondre

    Hello,

    Merci pour cette critique, je tenais juste à preciser que je n’ai fais que la couverture … 🙂

    -Miguel Coimbra

     

     

    • eolean 24/10/2014
      Répondre

      Hello 🙂 ca me rassure c’est ce qu’il y a de plus beau dans le jeu ! Je suis allé voir des choses que vous faite sur le net et honnetement j’adore !!! Du coup je comprenais pas trop pourquoi l’univers du jeu etais si…. Enfin j’aime vraiment pas.

      Dommage qu’ils ne vous aient pas demandé de faire l’ensemble des illustrations du jeu, ca aurait eu une autre gueule 🙂

  2. Zuton 24/10/2014
    Répondre

    Merci pour ce coup de projecteur qui éclaire ma lanterne : même si les mécanismes semblent séduisants, je partage ton avis sur l’austérité graphique du jeu carrément déplaisante : c’est très repoussant et trop rédhibitoire pour que je passe à l’achat ! 

    Le jeu semble jouable en solo : est ce qu’il y a du matériel dédié pour ce mode ? As-tu déjà essayé et si oui quel est ton avis sur son intérêt ?

    J’y jouerai certainement un jour pour le tester mais pas sur mon exemplaire ! (et peut-être changer d’avis comme ce fut le cas pour Nations ! 🙂 )

     

    • eolean 25/10/2014
      Répondre

      Alors le jeu est prevu de 1 a 6 joueurs. Mais pour etre franc, je ne suis pas un expert du mode solo. Je pense que l’interet doit y etre tres limite car il y a quand meme une interaction forte des joueurs au niveau de la planisphere et sans ca je crois que le jeu perd de sa tension. Au contraire par exemple de progress que j’ai joué hier et qui n’a presque aucune interaction, dans ce cas le mode solo est moins derangeant je pense.

      Apres, certains jeu simule des bots pour les autres joueurs… c’est le cas ici avec les « civbots » que recommande la regle, ce sont des simulations de joueurs avec des actions automatiques. Je ne sais pas ce qu’ils valent. Il n’y a pas de materiel supplementaire pour le mode solo, au contraire, on retire certaines merveilles, ainsi que les leaders…

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