Florian Sirieix nous donne de ses nouvelles

Florian Sirieix se présente comme un jeune auteur passionné de jeux, de voyages, de musique et de séries TV habitant vers Béziers. À la fois professeur au collège et auteur de jeux (« Une grande partie de mes élèves se précipite à chaque récréation pour venir dans ma salle et jouer » nous disait-il dans une précédente interview en 2016), nous le connaissons pour avoir signé Deal Gentlemen Collectionneurs en 2014, puis Oh Captain! et Imaginarium. Mais depuis, les choses se sont pas mal bousculées au portillon. Cowboy Bebop, Save The Meeple, Montmartre, Panique au Zoo, L’île de Pan, What’s Missing? et encore d’autres projets s’accumulent dans sa besace. 

Et si nous prenions des nouvelles ?

 

Bonjour Florian ! Alors, dis nous un peu, que s’est-il passé depuis 2016 ? 

Des rencontres, beaucoup. Avec des éditeurs, des auteurs, et puis du public aussi. Quand j’y pense, le chemin était très long (j’ai commencé la création début 2012), mais il est passé si vite. Parfois je n’arrive pas à me rendre compte d’où je suis arrivé, mais je pense que c’est surtout parce que de passion c’est devenu un engagement, puis un métier – même si je n’avais pas encore gagné d’argent, j’espérais bien le faire et n’ai pas compté le nombre d’heures hebdomadaires, voire annuelles, que j’ai passé à bosser sur mes jeux.

Mais je garde toujours le même cap : je ne crée pas parce que j’ai besoin d’argent, ou de reconnaissance, je crée parce que j’adore analyser un thème ou une mécanique, découvrir de nouvelles manières de jouer, et en faire profiter les copains. 

 

Peux-tu nous présenter les différents jeux sur lesquels tu travailles et qui vont prochainement paraître ?

Comme il y en a beaucoup, je vais plutôt me concentrer sur les sorties à venir (en gros les jeux signés aujourd’hui). Je n’ai pas d’ordre de préférence, je vais en parler comme ça vient : 

Montmartre : un jeu de cartes de majorité avec un soupçon d’entourloupe. Alors je commence par celui-là, puisque de la création au projet final il y a pas mal d’anecdotes… 

Essen 2016, c’est mon tout premier Essen. Fantastique, hallucinant, extraordinaire. Surtout que j’accompagnais l’équipe de Ludonaute qui m’avait invité dans l’Atlantic, l’hôtel 5* au pied du parc des expositions. Déjà, le matin tu déjeunes entouré par Tom Vasel, Eric Martin, Eric Lang, Bruno Cathala… ça fait quelque chose. Bref, je m’égare. Le dimanche, juste avant de partir, je me dis que ça serait super pour la découverte ludique de ramener des petits jeux à mes élèves des 4 coins du monde. Et je ramène notamment ce jeu, PaiMiAhhh (si, si, je vous jure). Le matos est super mignon.

PaiMiAhhh-jeu

Dans l’avion du retour, je lis les règles et… c’est de la belote coinchée modifiée. 45 minutes, 4 joueurs. Ça colle pas du tout avec ce que je voulais (oui, bon, j’ai très mal regardé avant d’acheter). Et puis le lendemain, en arrivant au collège, les jeunes se jettent sur la boîte, forcément (je vous ai dit que le jeu était mignon ?). Et me voilà, avec 15h de sommeil cumulé depuis 1 semaine, en train de dire à mes élèves qu’on pourrait jouer en faisant ça, et puis ça, et si tu as ça tu gagnes. Et là… ça marche. Ils s’amusent. Il me manque juste un petit truc ou deux pour le caler (beaucoup plus que ça au final), et c’est là qu’un pote intervient et me donne de précieuses pistes. Frédéric Vuagnat, vous connaissez ? 

Je contacte Sébastien de BLAM! [Ndlr : éditeur de Celestia ou Time arena], et je lui demande de prendre un rendez-vous pour Cannes. À quelle heure ? Ben… à l’heure de l’apéro et j’emmène le saucisson et la bière ? Et paf, le vendredi, 12h, je sors d’une boîte de proto vidée de son contenu préalable, une bouteille de bière, des gobelets, et du saucisson (non, la sécurité n’aurait pas compris que c’était professionnel). Et on se partage tout ça discrètement en appréciant une partie du jeu. Et paf, c’est signé. 

C’est un chouette projet ! Il devrait sortir dans les mois à venir.

 

montmartre

Travail en cours !

 

Save The Meeple : C’est mon plus vieux projet parmi ceux qui vont paraître. Il va sortir prochainement chez Blue Cocker, dans la série de jeux sur l’histoire des Meeples, il fera donc suite à Meeple War (de Max Valembois) et précédera Meeple in Space (de Max Valembois). Quand j’ai travaillé ce jeu, je venais de me régaler à jouer à Dungeon Petz (de Vlaada Chvatil), j’avais notamment trouvé très sympa la mécanique de placement d’ouvriers (ici, des gobelins), et j’ai eu envie d’explorer le genre du placement d’ouvriers en groupes.

Save-the-meeple-retaillee

J’ai donc travaillé sur ce mécanisme uniquement pendant un long moment avant d’arriver à ce résultat, qui sera à l’identique dans le jeu édité. Puis je me suis mis à rêver et j’ai proposé une collaboration à Vlaada Chvatil, pour faire ensemble le 3e opus de la série Dungeon. Sauf qu’il était trop occupé à cette époque, à faire un jeu qui n’a pas super bien marché en plus, Code quelque chose… Names ? Ouais, peut-être. J’ai continué à développer le jeu, et Alain [NDLR, fondateur de la maison d’édition Blue Cocker] a tout de suite senti qu’il y avait du potentiel, et m’a guidé jusqu’à ce qu’on signe le jeu (plus de 2 ans après).

Une chouette aventure avec un éditeur très impliqué et surtout qui me garde dans la boucle pendant tout le processus d’édition, et ça c’est super enrichissant. La super idée notamment d’Alain, brillamment réalisée par Anne Heidsieck, c’est d’avoir des kirigamis dans le jeu (comme les livres pop-up) ! La sortie est prévue pour Cannes 2019. 

kirigami STM

 

Panique au Zoo : Mon premier jeu pour enfants, qui va sortir chez Loki, la gamme enfant de Iello. Un petit jeu de cartes qu’il faut assembler pour libérer les animaux qui s’ennuient au zoo et s’amuser avec eux. Un jeu qui est aussi parti d’une idée de mécanique originale, et dont le thème a été sublimé par l’éditrice, Aurélie. La sortie est elle aussi prévue pour Cannes 2019.

 

What’s Missing? : Un jeu de dessin. Oui, je réalise en décrivant tous ces projets que je crée vraiment dans tous les sens. L’idée est toute simple, mais super efficace : simultanément, chaque joueur pioche une carte sur laquelle est dessiné une chose très simple : une carotte, un ballon de foot, un couteau. On pose sur la carte un calque, et on dessine tout ce qu’il y a autour, sans refaire le dessin original. Puis, on montre seulement le calque aux adversaires, qui doivent deviner… ce qu’il manque ! Et c’est tout. Sauf que… maintenant il faut trouver 300 mots, facilement représentables, et pour lesquels le contexte est facile à créer ! Et ça… Ce n’est pas évident. Par exemple, pour le lapin on dessine une carotte, facile. Mais pour le renard… ? Le jeu est encore en développement, il devrait sortir l’été prochain. 

 

L’île de Pan : Un projet avec un copain, Johan Benvenuto (un des auteurs de Cortex). On s’est rencontré à nos débuts sur un festival Ludix, et on a bien accroché. Tous les deux plein d’idées, il suffisait de remuer un peu pour créer ce jeu de placement de tuiles et de pions avec des règles épurées mais des niveaux de stratégies en profondeur. Le tout sublimé par un éditeur motivé, Lumberjacks Studio [Ndlr : éditeur de Karmaka, Arboria, la Petite mort…], et une illustratrice qui est aux anges de pouvoir créer son univers… Vivement la suite ! Pas encore de date de sortie prévue, mais ce sera pour 2019. 

 

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Florian avec son ami Johan Benvenuto

 

Cowboy Bebop : Et là… c’est la surprise. Allez, je vous en dis un peu, juste un peu. Ce sera un deck-building aux éditions Don’t Panic Games, et il est créé avec le même comparse que L’île de Pan, le prolifique Johan. Malheureusement, je n’ai pas le droit d’en dire plus tant que les ayants-droits n’ont pas donné leur accord sur le projet fini. Wait and see, space cowboy.

 

cowboy bebop

 

Revenons un peu en arrière si tu veux bien… Comment vois-tu l’expérience Luma avec le recul ? 

De mon point de vue, c’était une chouette expérience. Un éditeur qui voit le potentiel dans ton jeu pour lancer une aventure, introduire des personnages, et raconter leur histoire sur 6 jeux c’est top. Et puis ils n’ont pas lésiné sur la qualité des illustrations et du matériel ! La seule chose qui m’a gêné dans l’histoire, c’est que le jeu à la base était très simple, et l’éditeur a voulu l’étoffer un peu avec mon accord, pour rajouter des expériences de jeu différentes, pour se différencier aussi au maximum des autres jeux de bluff minimalistes, et ça n’a pas été perçu comme prévu par le public. Le jeu a tout de même plutôt bien marché, et c’est cool. Dommage que la série se soit arrêtée après Nomades au final. 

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Concernant Imaginarium, le jeu a-t-il eu le succès escompté ? Que s’est-il passé avec la campagne KS aux US ? 

Imaginarium était en rupture en France tout l’été, donc oui, il a plutôt très bien marché. Les nouveaux stocks sont disponibles depuis peu. Il s’est aussi bien vendu au Japon, et en Europe. 

Pour les US, c’est une autre histoire… Et malheureusement je n’ai pas toutes les informations, mais voici ce que je sais. Bombyx n’avait pas de distributeur pour le jeu aux US, et a donc tenté une opération : un KS de précommande du jeu, pour prévoir son tirage, et livrer les backers. Pour appâter et faire plaisir, si le KS arrivait à son objectif, Bombyx avait préparer un gros pack de goodies qui aurait été inclus dans tous les jeux pledgés, mais aussi envoyés gratuitement aux boutiques partenaires qui avaient la première version du jeu. 

Sauf que du coup, ce n’est pas du tout le mode de fonctionnement habituel de KS. Et les trolls s’en sont donné à cœur joie « Oui, mais moi j’ai déjà le jeu, acheté chez Philibert, donc je n’aurai jamais les goodies du coup, c’est nul. » « Oui, mais si on ne veut que les goodies, pourquoi il n’y a pas de pledge possible ? » « Oui, mais du coup il n’y a pas de SG, alors pourquoi faire un KS ? » Bref, le KS a capoté. 

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Qu’as-tu pensé de la production ces derniers mois, as-tu vu des jeux en te disant “mince, j’aurais adoré avoir l’idée !” ?  

J’ai vraiment adoré Welcome, qui vient avec Très futé de relancer une mode du Roll & write assez impressionnante, et j’aurais effectivement pu et aurais aimé avoir eu cette idée. D’ailleurs, on bosse avec Benoît Turpin [NDLR, l’auteur de Welcome] sur un Roll & write, juste pour s’amuser. Grosse claque avec Terraforming Mars aussi, mais je ne sais pas si j’aurais eu le courage de créer un tel jeu, le boulot paraît colossal.
Dans ce qui colle à mes envies de création, Huns correspond bien aussi : une mécanique simple mais originale, et une durée de partie agréable. Bon et vu leur succès, je n’aurais pas refuser de signer un Azul ou un Kingdomino, bien entendu… 😉 

 

Préfères-tu travailler seul ou en binôme, et pourquoi ? 

Et bien je vais vous répondre les deux, mon capitaine. En binôme parce que c’est super enrichissant, que le brainstorming aboutit parfois à des idées de génie, et on ne sait même plus qui a eu telle ou telle idée mais le jeu est super. J’ai beaucoup de projets en binômes en ce moment (et même un en trinôme), et je trouve ça génial, de tisser un lien ludique avec des gens, de se faire des réunion de travail avec des amis.
En ce moment, j’ai des projets plus ou moins avancés avec Kévin Jost, Benoît Turpin, Bruno Cathala, Johan Benvenuto, Christophe Lauras, Wilfrid et Marie Fort, Ian Parovel… Bref, trop bien !

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De gauche à droite : Ludovic Maublanc, Charles Chevallier, Florian Sirieix, Matthieu Lanvin, Antoine Bauza et, devant, bien sûr Maître Cathala

 

Et puis seul aussi parce que j’aime aussi énormément avoir des moments à moi, dans ma bulle et mon univers, que je façonne à ma manière, sans influence ni impératif. Je viens de me lancer d’ailleurs sur un énorme projet, maintenant que j’ai le temps, en espérant garder la motivation pour le faire jusqu’au bout ! 

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Merci de nous avoir donné des nouvelles ! Que pouvons-nous te souhaiter pour Essen 2018 ? 

Mon premier Cannes, j’ai fait dédicacer ma boîte de La fièvre de l’or par les deux Bruno [Ndlr : Bruno Faidutti et Bruno Cathala]. Du coup, j’étais comblé. À mon premier Essen, mon rêve était de croiser Richard Garfield pour lui faire signer ma première carte rare de Magic The Gathering (c’est une Guivre argothienne, illustrée par Kev Walker, de l’édition l’Épopée d’Urza). Et il n’y était pas. Si vous pouviez le faire venir et me dédicacer ma carte, ce serait vraiment un super cadeau.

 

Ah ! Bah on essaie aussi de le joindre mais c’est pas simple, on ne peut rien promettre ! 😉

Merci pour ton temps et belle continuation ludique ! 

 

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4 Commentaires

  1. Christhiof 16/10/2018
    Répondre

    Une belle aventure ludique bien lancée, sur de bons rails ! avec de bonnes idées…

    Cher Florian je te souhaite une belle et longue vie d’auteur pleine de succès .

  2. Baldur's 16/10/2018
    Répondre

    Merci de nous donner régulièrement à voir, avec ces interview que je trouve passionnantes, l’envers du décor, les méandres de la création, et quelques secrets de la fabrication…

  3. Florian Sirieix 16/10/2018
    Répondre

    Petite précision… Panique au Zoo n’est que le nom du proto et ne sera pas le titre définitif du jeu. En effet, le jeu Panicozoo existe déjà chez Cocktail Games. Toutes mes excuses pour cette erreur de débutant (comme quoi, j’ai encore à apprendre), et merci à Matthieu de m’avoir prévenu avec bienveillance 🙂

    @Christhiof : merci ! En attendant de voir ce que donne la suite 🙂

    @Baldur’s : Avec grand plaisir !

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