Cthulhu Realms – Ouvrez le Necronomicon !

Star Realms, vous connaissez ? Ce monument du jeu de deckbuilding à deux a connu un grand succès outre-atlantique avant d’avoir droit à son édition française avec Iello (en janvier 2016). [À lire : Star Realms, ascension vers les étoiles].
Le saviez-vous ? Le chef de chez Tasty Minstrel Games y a joué avec un de ses collaborateurs, et de règle maison en règle maison, ils ont commencé à vouloir éditer ce jeu-là. Au final, ils en ont acheté les droits pour en faire une version épurée, jouable de deux à quatre sans extension, avec une rethématisation pour mettre de l’effet mode dans le space-op un peu austère du jeu de base. Ainsi, nous nous retrouvons avec un jeu sur un Cthulhu plutôt mignon et rigolo. Au-delà de cette histoire d’édition plutôt sympathique, qu’est-ce que la petite boîte a dans le ventre ? On en avait déjà eu un aperçu à la Gencon, et voici ce que ça donne après quelques parties !

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Les decks de base sont symétriques.

Matos

Quatre plaques de joueur et une plaque bonus pour Harbour, histoire de bien remplir la boîte. Les plateaux personnels servent à marquer les points de vie des joueurs mais aussi d’aide de jeu. Et c’est bien pratique pour comprendre certains symboles peu présents sur les cartes. Les cartes – parlons un peu d’elles – sont faites dans un matériau qui tient à peu près la route. Pas le plus solide du marché, mais c’est du toilé qui n’a rien de malhonnête ni déraisonnable, bien au contraire. (En tout cas, on a vu bien pire ailleurs !)

Les pions marquant les points de vie sont minuscules et auraient peut-être gagné à être plus gros, un peu comme les pions des jauges de Dead of Winter. Un peu dommage, donc, mais ce n’est pas rédhibitoire non plus. Si les joueurs ne sont pas agités, personne n’aura de problème.

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Je ne me suis jamais servi du jeton « + de 55 PV ». A gauche, tous les symboles d’action expliqués : pioche/défausse, épuration (abjuration dans le texte), pouvoir d’achat, gain/perte de santé mentale, destruction de lieu, récupération de cartes abjurées.

 

Petit point import : ce jeu n’a pas encore de version française mais une fois que vous saurez ses règles, vous n’aurez besoin de rien pour jouer, seul le nom des cartes est en anglais ! Tous les effets sont décrits par des pictogrammes qu’il suffira de déchiffrer. Vous pourrez donc y jouer même avec des anglophobes !

 

La spirale de la démence

Le but est de réduire la santé des adversaires à zéro pour rester le dernier en vie. Alors, oui, cela peut sembler un peu basique et frontal, mais au moins, on est certains dès cette prémisse qu’on ne va pas jouer dans notre coin comme dans un Dominion. C’est là où Cthulhu Realms (à l’instar de son aîné) se démarque. Pour le reste, nous allons alimenter notre deck personnel avec des cartes achetées dans une rivière centrale de cinq cartes. Si vous ne jouez pas à deux mais à trois ou quatre, les choses vont se corser : entre chaque joueur, une rivière de trois cartes est mise à disposition, et vous ne pourrez acheter que des cartes qui vous sont contiguës.

Cthulhu-realms-jeu-de-société-CONFIG-4

Cette config a 4 a quelque chose de l’Union Jack qui satisfait le moi anglophile.

 

Lors de son tour, on joue ses cartes dans n’importe quel ordre, et on applique les effets des cartes dans n’importe quel ordre. Si on a une carte à plusieurs effets, rien n’empêche de faire l’effet 1 en début de tour et l’effet 2 en fin de tour, ce qui permet de déclencher toujours plus de combos. Une fois que l’on a fini tous ses effets, on assigne et inflige les points de dégâts correspondants à nos cartes et on achète en fonction de notre pouvoir d’invocation. À trois ou quatre, les dégâts sont infligés à nos deux voisins, garantissant là des parties bien explosives. Les cartes achetées vont dans notre défausse. On défausse ensuite tout ce qu’on n’a pas joué pour repiocher une main de 5 cartes. C’est simple comme bonjour, mais comporte des subtilités : il faudra optimiser son deck, certes, mais surtout choisir quel effet déclencher à quel moment.

Lorsqu’on trucide un adversaire, le champ des possibles se réduit, et on supprime une rivière. À deux, on n’a plus que cinq cartes depuis lesquelles choisir.

C’est vraiment d’une simplicité enfantine, ne comporte aucune exception… Sauf que. Cet enchaînement un peu particulier des actions fait qu’on perd parfois pied dans notre tour. On ne sait plus trop quelle action on a réalisée ou pas. Cela dit, avec un minimum d’organisation, ce problème ne nous concernera plus vraiment.

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Un mort plus tard, on passe en config à 3.

Le couteau pas subtil

Trois grandes familles existent, pour le bonheur des collectionneurs :

  • Les verts sont les monstres, spécialisés dans l’attaque et l’épuration de deck. Vous pourrez déchausser de la molaire adverse en rendant votre deck plus fin et donc, plus compétitif.
  • Les violets sont spécialisés dans la défense. Non seulement le staff de l’université de Miskatonic soignera votre santé mentale, mais les violets possèdent aussi des bâtiments (les bases de Star Realms) qui, une fois posées, ont un petit effet. Mais mieux, elles vous protégeront vous, ou alors elles protègeront vos autres bases. Autant vous dire que quand vous enchaînez les bases, il deviendra très difficile pour vos adversaires de vous infliger les points de dommages nécessaires à la perte de votre santé mentale.
  • Enfin, les cartes jaunes, représentant les objets de pouvoir et les savoirs interdit, vous permettront de piocher de façon plus ou moins sélective, et en jouant sur les synergies entre cartes, infligent les dégâts les plus lourds des trois factions. Quelques lieux viendront compléter l’ensemble, mais en gros, le but sera de faire tourner votre paquet le plus vite possible pour avoir accès à vos cartes clef plus souvent.
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Un assez bon tour violet. Malheureusement, le follower gâche un peu le tour, et on ne tire pas parti du +2 achat de la Hunting Horror.

 

On retrouve le même genre de séparation de factions que l’on pourrait trouver dans Ascension, ou même ce que l’on avait dans Star Realms, avec un peu moins de diversité. Chaque chemin induira des combos spécifiques et pour peu que l’on s’oriente un peu fort ans une direction ou dans l’autre, on arrivera à des résultats assez imprévisibles. Bien entendu, le facteur chance est et reste clef, surtout quand on a envie de faire un achat et qu’il nous faut un nombre de symboles de conjuration élevé.

Subrepticement, on se retrouve dans le milieu de partie, après moins de tours qu’on l’aurait imaginé ; les attaques deviennent plus violentes, les achats aussi, et on commence à pouvoir réaliser des combos puissantes. Difficile de nier le côté jouissif de ce Cthulhu Realms quand notre deck commence à bien tourner : on fait tomber les points de vie assez fort, on crée des synergies vraiment trop balaises, bref, on est sur un deckbuilding qui ne fait pas semblant de nous faire plaisir. Sur les derniers tours, il n’est pas insensé de voir la moitié de nos points de vie s’envoler en fumée en une seule action et l’adversaire couine quand même « parce qu’il aurait pu faire tellement plus ». Voilà la substantifique moelle de ce jeu ; frustrant quand ça ne vient pas, frustrant aussi quand on se dit qu’on aurait pu réduire l’adversaire en cendre mais que ça n’a pas marché comme escompté.

Cependant, après quelques parties, il est difficile de ne pas trouver le thème plaqué, bien que les illustrations fassent beaucoup d’efforts et que les factions aient leur thématique à elles. Oui, l’ambiance du jeu est fun et quand on regarde attentivement, on trouve des références et des trucs drôles un peu partout dans l’univers graphique, de l’humour dans les noms de cartes et leur relation à l’univers du Mythe de Cthulhu, mais… bon. On avait des vaisseaux spatiaux dans Star Realms, et si on peut faire le grand écart thématique en y injectant un chibi-Cthulhu, c’est peut-être pour une bonne raison. Dommage donc, mais c’est comme ça. Faudra s’y faire.

Cthulhu-realms-jeu-de-société-COMBO-JAUNE

Un des meilleurs (sinon le meilleur) tour en mode jaune : plus de vingt points de dégâts, sans compter ce qu’on aura pu piocher avec les 3 cartes supérieures.

M’a-t-il fait perdre la tête ?

Je ne suis pas sorti indemne de Cthulhu Realms. J’ai retrouvé toutes les sensations d’un Star Realms mais en épuré, avec quelques icônes efficaces au lieu de texte, et le sentiment d’affronter mes adversaires de façon directe. Oui, j’ai bien aimé, donc, malgré ce thème plaqué et ses cartes somme toute un peu mathématiques. J’ai trouvé beaucoup de charme à ce jeu ! Parti sur de très bonnes bases, Cthulhu Realms n’innove pas mais établit là un système de jeu éprouvé, tout en épurant ce qui rendait Star Realms lourd (pour peu qu’on puisse dire ça…). Ce titre fonctionnera très bien entre deux jeux plus costauds pour se mettre sur la tronche gaiement.

Idéal pour initier les néophytes au deckbuilding également, puisque tout est basé sur du chiffre plutôt que l’effet ; les combos sont plus faciles à réaliser. Bon, c’est si vous n’avez pas peur de leur réaction quand ils vont perdre leur santé mentale, bien entendu.

Cthulhu-realms-jeu-de-société-HUMOUR

L’humour pullule sur les cartes !

 

Cthulhu Realms

Un jeu de Darwin Kastle
Illustré par Adam P. McIver, Rob Lundy
Edité par ADC Blackfire Entertainment GmbH, Tasty Minstrel Games
Langue et traductions : Allemand, Anglais
Date de sortie : 08-2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 14 ans
Durée d’une partie entre 25 et 45 minutes

 

Cover d’article par Dave Allsop

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9 Commentaires

  1. Achéron Hades 28/12/2015
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    Intéressant, juste une chose rédhibitoire pour moi, les illustrations cartoonesques, qui ne collent pas du tout avec le thème. Autant dans Harbour c’était sympa autant là, ça ne le fait pas. Ils auraient du garder un petit je ne sais quoi du signe des anciens.

    • Umberling 30/12/2015
      Répondre

      Au contraire, je trouve que c’est un des points forts : autant dans Star Realms ça m’avait laissé de marbre, autant là je cherche les détails, les références, et j’oublie le thème un peu plaqué parce que ça me fait sourire. Et on n’a pas affaire à la même vision. Pour moi, c’est rafraichissant à une heure où les thèmes sont très peu originaux. 🙂

      • Achéron Hades 30/12/2015
        Répondre

        Il en faut pour tous les gouts et tant mieux si ca parle à un plus grand nombre. Bon je ne suis peu être pas une référence du fun sur les artworks, j’aime bien Caylus magna carta et Peloponnes qui sont pas connus comme des joyeuseté en terme de design 😉 Le réalisme me parle plus (ou alors un design à la Harald, ressorti, ce midi, qui est excellent, je conseille ce jeu soit dis en passant).

        Maintenant la mécanique à l’air sympa, si on me propose une partie je ne dirais pas non.

         

  2. morlockbob 30/12/2015
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    plutôt pour moi alors…un deck building simple avec du cartoon… ce qu il faut pour me redonner envie de construire mes paquets

  3. Jeffyciacos 02/01/2016
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    C’est cool d’avoir un retour sur ce jeu! C’était difficile d’en trouver! Et c’est vraiment cool, globalement, d’avoir des retours sur ces petits jeux non-traduits, que bien souvent on hésite à acheter parce que justement ils ne sont pas traduits… et donc très peu achetés… Et donc avec peu de retour… Des jeux donc très souvent sous-estimé!

    Vous nous ferez bien un petit article sur Noches de Sangre, un jour, j’en suis sûr 😛

  4. Shanouillette 03/01/2016
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    J’avais vraiment bien aimé ce petit deckbuilder, plus riche que Star realms, si vous aimez ça, je le conseille !

  5. Jeffyciacos 08/01/2016
    Répondre

    Enfin pu le tester à 2 joueurs. Je l’ai trouvé super fun et agréable. Le fait qu’il n’y ai aucun texte sur les cartes (à part sur les illustrations) et que des symboles… est un super bon point! Pas de prises de têtes à chaque tour où il aurait fallu lire et relire toutes les cartes une à une, et ce jusqu’à la fin d’une partie… Paye tes aspirines!

    Là, les symboles allègent vachement le truc! Même si parfois on s’embrouille peut-être un peu dans tout ces chiffres et ces icônes… ça fait donc un peu chauffer le cerveau quand même, mais sans faire bobo.

    Les illustrations allègent aussi l’ensemble des parties! Avec des illustrations plus sérieuses, ça aurait été un jeu différent. Selon moi.

    Je n’ai joué à Star Realms que sur smartphone (tout est donc automatisé), et je pense que Cthulhu Realms est moins « lourd » de manière générale (ambiance, assimilation, fluidité des tours, etc).

    Bref, un jeu très sympa!

    • Umberling 08/01/2016
      Répondre

      Oui, je trouve même dommage qu’il ne soit pas le premier. Car Star Realms a sa cote d’estime… Mais Cthulhu Realms n’en profitera pas autant, alors qu’il le mérite. ^^

      Oh, d’ailleurs, la pioche face visible, c’est une bonne idée, mais ça peut être confusing. Avec des novices du deckbuilding je fais ça pioche fermée.

  6. Umberling 11/03/2016
    Répondre

    Cthulhu Realms sera publié en français par Edge dans les semaines qui viennent !

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