Carpe Diem : Profitons du moment ?

Un nouveau Feld, chez les amateurs de cubes en bois, c’est toujours un événement.
Si le maître ne se renouvelle pas à chaque fois, il arrive toutefois à bâtir des jeux qui fonctionnent, où la frustration est en partie gommée par le fait qu’on a toujours une stratégie à mettre en place (ça ne sera peut-être pas optimal et on ne gagnera pas la partie pour autant, mais au moins on aura réalisé quelque chose et on en retire une certaine plénitude).  

Alors, que nous propose ce nouveau titre, Carpe Diem ?

Avec un nom comme ça, on se dit que l’on va tenter d’aspirer au bonheur… Après tout Carpe Diem nous exhorte à profiter de la vie : cueille le jour, ne pense pas au lendemain. Quelle belle philosophie dans notre monde consumériste où à peine une boîte ouverte nous pensons déjà à un autre jeu que l’on vient de kickstarter.
Feld nous invite-t-il à revenir à l’essentiel ?

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Peut-être que si la boîte du jeu ressemble à une pierre tombale c’est pour accentuer cela, je ne sais pas, je m’interroge. A-t-on voulu nous dire “arrêtez de courir après le Graal ludique, jouez et profitez avant de rejoindre le tombeau !” il y a une cohérence il n’y a pas à dire, c’est du génie.

Puis on lit le pitch !

Nous sommes des patriciens influents qui tentent d’améliorer nos quartiers en construisant de nouveaux immeubles et des paysages pour assurer la prospérité de notre district.

“Suivez la devise Carpe Diem et saisissez le bon moment pour vendanger, pêcher et vendre ces marchandises au marché pour gagner un peu d’or”

What? Pas certain de saisir le rapport avec la locution latine. Carpe diem signifiant « cueille le jour présent sans te soucier du lendemain » tandis que construire des bâtiments, c’est plutôt une action ambitieuse sur le long terme d’après moi… le thème ne se contredit-il pas un peu ?
Admettons, admettons, Carpe Diem n’est pas le premier jeu allemand à présenter un sujet plaqué.

 

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Le plateau bien rempli au début de la partie

 

On y fait quoi dans ce Carpe Diem du coup ?

En 4 manches, tour après tour, il faudra construire notre quartier en y ajoutant des tuiles pour ériger des bâtiments ou des paysages, afin de gagner des ressources pour, à la fin de la manche, marquer des points selon une condition (tirée de cartes objectifs visibles de tout le monde).

 

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Comment ça marche ?

Tous les joueurs ont leur plateau devant eux, ils pourront y poser les fondations de leur quartier. On marquera des points supplémentaires si l’on a bien placé certaines constructions – mais j’y reviendrai. Cela donne une autre contrainte totalement abstraite mais malgré tout bienvenue.

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Comment récupère-t-on ses tuiles ? Tout simplement sur le plateau central en fonction de notre pion patricien. Celui-ci n’a qu’une contrainte : il ne peut aller qu’en face, ce qui lui donne deux choix à chaque tour. Si l’on a du pain on peut le placer où le souhaite, car le pain c’est la vie (à moins que ça ne soit le gras ?).

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Nous positionnons la tuile sur notre plateau, tout d’abord sur le symbole pelle, mais ensuite de manière adjacente en respectant une règle de pose classique (il faut que ça matche).

Petit twist, si vous avez une icône “banderole”, vous pouvez monter sur la piste du même nom ce qui vous offrira un avantage décisif (si vous êtes le premier sur cette piste).

En terminant un paysage (lac, vigne, poulailler) vous récupérez immédiatement la ou les ressources correspondantes. Mais vous avez aussi des boulangeries pour avoir du pain ; des sénateurs pour avancer sur la piste banderole ; des marchands pour vendre ses ressources et gagner de l’or (ressource joker) ; des fontaines qui permettent de prendre des cartes fontaines  ; ou encore les artisans qui vous offrent le droit de prendre une tuile sur la ligne du bas (parfois utile).

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Quand tout le monde a pris ses 7 tuiles (qui correspondent aux jours de la semaine, vous le sentez ce thème ultra travaillé !), la manche prend fin et c’est là que vous comprenez l’importance de la piste banderole.

Chacun votre tour, vous allez pouvoir placer un de vos disques sur la jonction de deux cartes et vous devez les réaliser, cela consiste à avoir un type de bâtiments sur le plateau, ou bien donner un certain type de ressources, l’or étant je le rappelle un joker.

 

Carpe Diem

 

Vous pouvez vous aider de la réalisation d’un des deux objectifs pour compléter le suivant. Le pain peut aussi vous aider, en distribuant 3 pains, hop un objectif est complété, ni vu ni connu, je t’embrouille. Si l’on ne complète pas un objectif, on perd 4 points de victoire. Ouch. Bien sûr, on ne peut pas poser un jeton sur un autre jeton, sinon ça ne serait pas drôle.

Au bout de la 4e manche, nous ferons les comptes : à nos points de victoire glanées pendant la partie s’ajoutent les points sur la piste banderole, les cartes fontaines, les points liés à notre cadre et les bâtiments maisons qui donnent 1 point de victoire par cheminée pour chaque bâtiment complété. Une bonne grosse salade de points, oui on est en terrain connu…

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Le cadre que nous avons autour de notre terrain nous donne des points de victoire supplémentaires si l’on a construit certains types de paysages ou bâtiments : on trace une ligne droite imaginaire et si le bâtiment est bien présent, on peut marquer les points de victoire. Une bonne idée ! Voilà qui casse la routine.

 

J’en pense quoi ?

Ça fonctionne. On sent que l’auteur reprend des bonnes idées déjà utilisées dans ses jeux précédents. La construction de son quartier avec ses contraintes est intéressante, elle engendre des dilemmes. On retrouve un peu le sel d’un opus comme Sagrada, mais dans un jeu de tuiles. On aimerait optimiser notre placement selon le cadre que nous avons, mais aussi selon les cartes objectifs tout cela sans se laisser distancer sur la piste banderole pour avoir une chance de réaliser des objectifs, voire de les maximiser.

L’interaction se joue surtout sur le plateau quand on déplace son patricien et parfois il sera bienvenu d’utiliser un jeton pain pour prendre la tuile que l’on convoite. Elle est présente aussi dans les cartes objectifs, mais c’est à peu près tout.
Je me demande même si on s’amuserait pas plus tout seul.

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Son plateau joueur avec toutes les actions résumées

 

En théorie, la rejouabilité est quant à elle assurée par les cartes objectifs, au début de la partie on en place 12 (à 4 joueurs) et les autres seront rangées dans la boîte. Il faudra donc faire un examen approfondi de celles-ci en construisant notre quartier. C’est une idée sympa qui est reprise de Bora Bora avec les tuiles objectifs.

Là où le bât blesse c’est sur la réalisation : on peut le dire c’est laid, très laid même. En général si les illustrations d’un jeu à l’allemande ne nous pètent pas la rétine (encore qu’il y a quelques artistes de renom) on ne peut pas prendre en défaut son ergonomie, il y a une certaine harmonie, une lisibilité, d’un seul coup d’œil on sait où l’on est.

Carpe Diem en plus d’être visuellement peu attrayant (on va dire ça pour ne pas froisser les susceptibilités), est anti-ergonomique au possible, les tuiles se ressemblent, les couleurs se sont pas assez tranchées, etc. Nous avons joué une partie où un joueur a confondu le marché et la boulangerie à la fin de la session.

 

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boulangerie et marché

 

Je vais vous poser une question… dans la photo ci-dessous, est-ce que vous repérez la tuile différente des autres ?

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Dans ce jeu nous avons des tuiles vertes claires et des vertes foncées et cela a une importance car les foncées n’interviennent qu’au dernier tour, elles sont légèrement différentes. Mais pourquoi ne pas avoir fait des tuiles avec un dos d’une autre couleur ? Une couleur bien tranchée, voire des symboles… J’imagine une personne daltonienne devant ses tuiles, c’est l’attaque cardiaque. 

D’autant plus étonnant qu’aujourd’hui l’industrie du jeu se soucie des personnes daltoniennes, trouve des stratagèmes ingénieux pour ne pas les oublier. En 2018 c’est un choix étonnant. C’est un peu comme si un jeu de cartes ne pensait pas aux gauchers (oui…Renard des bois c’est à toi que je pense).

Bref, des mécaniques que l’on retrouve pêle-mêle sans grande originalité, des idées reprises de ses chefs d’œuvres et modifiées, c’est un peu paresseux, mais pourquoi pas. Il faut être honnête, mécaniquement, ça fonctionne. Est-ce que l’on s’amuse ? Est-ce que l’on ressent du fun ? Pas vraiment, même si je pense qu’il peut plaire à certains amateurs de jeux à l’allemande. Mais alors la réalisation brouillonne pour ne pas dire inaboutie ne nous donne pas envie de remettre le couvert.  Malgré tout, nous essayerons quand même de revenir dessus pour un Test approfondi. 

 

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11 Commentaires

  1. sixela 02/10/2018
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    C’est bizarre mais je sens une histoire derrière ce jeu (un conflit ou un pari a la con)… car honnêtement l’édition est totalement salopée et très loin des critères actuels.
    Même l’accroche du jeu est pitoyable : « Saisissez l’occasion. Gagnez la partie ». Sérieusement ?!

    Honnêtement, heureusement pour ce jeu c’est un S.Feld/Alea, sans cela personne n’en aurait parlé et il serait allé probablement très vite dans les oubliettes de l’oubli.

    • atom 03/10/2018
      Répondre

      Je ressens un peu la même chose. L’accroche du jeu j’en parle et je suis aussi d’accord avec vous, c’est terrible je trouve.
      Par contre, à mon sens le jeu n’apporte pas grand chose, c’est pas un mauvais jeu mais quand on a fait une ou deux parties on n’a pas spécialement envie de remettre le couvert.

  2. Hebus 03/10/2018
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    On l’a découvert hier soir, et ça a été un franc succès autour de la table. Tout le monde a aimé. Le coup du double objectif est bien foutu, et au final c’est plus une course pour éviter les points négatifs que pour se gaver. Pour le coup des 3 pains, la règle VF est un peu ambiguë, elle précise qu’on peut filer 3 pains pour valider l’une une seule condition d’un des deux objectifs seulement. Du coup quand il fallait un poisson un poulet et une feuille par exemple, nous on a considéré que 3 pains remplaçaient l’un des trois, et que c’était faisable une seule fois (pas d’objectif validé avec 9 pains en stock donc).

    Bref, c’est du Feld pur jus, et même si c’est super moche (Alea hein les gars, c’est pas comme si on était pas habitués depuis toutes ces années…), ben c’est super bien.

    Ah et concernant les daltoniens, ce que tu dis est faux : s’ils distinguent mal certaines couleurs des autres, ils sont en revanches bien plus efficaces que la normale pour distinguer des différences de contraste. Le coup des tuiles claires/foncées leur posera bien moins de problèmes qu’à nous. 😉

    • Radical 03/10/2018
      Répondre

      Je valide l’avis d’Hebus ainsi que la remarque sur les daltoniens….je le suis et je n’ai eu aucun soucis avec couleurs des tuiles / dessins

    • atom 03/10/2018
      Répondre

      Autant pour moi je ne savais pas pour le daltonisme. Il n’empêche que l’édition est un peu étrange. Le principe des objectifs je trouve que c’est équivalent à Bora Bora (que j’adore) on va prendre des objectifs que l’on peut réaliser, mais aussi parfois des objectifs qu’un joueur ne peut pas valider, juste pour l’embêter. À moins de le maximiser vu que l’on peut le faire plusieurs fois. Pour le pain, nous on est parti sur 3 pain = objectif automatiquement validé, mais j’ai pas regardé la règle anglaise j’aurais dû.

      • Radical 03/10/2018
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        Pour le pain nous avons fait comme toi … le dessin d’exemple dans la règle va dans ce sens.

        Après pour les couleurs ça aurait mieux si ça avait été plus franc faut le reconnaître 🙂 simplement avec une maison noire ou blanche par exemple.

  3. eolean 04/10/2018
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    Argh, c’est vrai qu’on doit avoir l’impression de jouer à « Tikal » (premier du nom) tellement le look du jeu a 10-15 ans de retard. Mais c’est un feld…

    De plus, il est annoncé à 40 euros, ce qui me parait un peu too much pour un jeu de ce calibre. Je chipote, mais la pilule serait mieux passait à 30-35 euros (je rappelle à toute fin utile que Mombasa par exemple était à 35 euros à sa sortie, à essen du moins). Mais c’est un feld…

    C’est clair, le jeu aurait été estampillé d’un autre auteur, je ne l’aurai peut-être même pas regarder. Mais voilà, c’est un feld.

    Je connais le bonhomme maintenant et j’aime ses jeux, et puis j’ai encore le trauma de SantaMaria l’année dernière que j’avais écarté à tort pour délit de sale gueule :p

  4. eolean 04/10/2018
    Répondre

    Bon alors c’est vrai que visuellement on doit avoir l’impression de jouer à la première version de Tikal :/
    C’est vrai aussi que le même jeu d’un autre auteur, je n’aurai peut-être même pas regardé.
    Mais bon, c’est feld. J’aime ses jeux et à la lecture des règles, je pense que celui-ci sera dans la cible de ce que j’en attends. A savoir un bon familial +

    • Hebus 08/10/2018
      Répondre

      Pour info, le jeu est disponible sur le site de l’éditeur pour moins de 30€, fdp inclus. Et la facture peut même descendre encore un peu en acceptant de recevoir la newsletter… 😉

  5. Le Zeptien 07/10/2018
    Répondre

    Avec Bora-Bora, j’avais trouvé qu’Alea avait fait un saut qualitatif concernant le matériel et les illustrations : par exemple, le plateau est quand même plus « joyeux » que celui des Châteaux de Bourgogne ou de L’année du Dragon, les tuiles sont plus épaisses, plus colorées… c’est donc dommage de voir Alea retomber un peu sur cet aspect. Pour le reste, j’espère que S. Feld a fait mieux cette fois qu’avec son compère M. Rieneck sur Merlin. Le prix ? Ben… vu l’envolée générale concernant les jeux, je crains que ce soit un prix hélas normal maintenant. Enfin, étant faible, je vais sans doute compléter ma collection grosse boite Aléa avec ce numéro 18…

  6. morlockbob 09/10/2018
    Répondre

    J ai relu le JP maintenant que j’y ai joué. C est un Feld niveau entre deux, amateur, mais qui est vraiment agréable dans ses mécanismes. Plein de choses à faire et si peu de moyen. Je gagne en étant dernier sur la piste de parchemin. Ok pour  les 3 pains = une carte validée.

    Je serais Feld je porterais plainte contre le graphiste, c est honteux

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