Autopsie d’une cover #1 : Andor

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Autopsie d’une cover

Une petite envie de décortiquer les covers, ça vous prend, ça n’vous lâche pas ! Alors enfin, nous y voilà.

Ce premier opus est consacré à Andor, un jeu que j’aime bien, mais ce n’est pas vraiment le sujet. La cover me parait surtout un bon point de départ pour cette rubrique car je trouve qu’elle dit plein de choses avec une belle économie de moyens… Pas vous ?

La glyphe et la graphie

La police utilisée avec ses lettres ornées et ses empattements enrubannées nous donnent d’entrée beaucoup d’indices sur l’ambiance du jeu. Notez en particulier la première lettre en cartouche et sa délicate enluminure (filigranées or sur fond vert avec ses inspirations végétales traditionnelles). Il est clair que le tout donne directement un accent médiéval à l’ensemble. Sachant que le jeu propose un cadre med-fan, cette information est loin d’être fortuite.

Par ailleurs, le choix même du mot n’est pas non plus anodin : Andor, tiens, le joueur ne connait pas un tel mot… Il s’agit donc d’un nom propre (on apprendra qu’il s’agit d’un royaume) et cela distille une identité forte au jeu. Ce n’est pas « L’épée Durendal » (référence à quelque chose qu’on connait déjà) ni « Intrigues au royaume » (référence à un genre plutôt qu’à un univers). En choisissant de n’apposer qu’un seul mot, et en plus de cela un nom propre (propre en soi, propre au jeu), on attise la curiosité du chaland : un univers que vous ne connaissez pas vous appelle ! 

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Un groupe de héros stéréotypés

En titrant « Andor » on ne fait pas référence à quelque chose de connu, on tente de piquer la curiosité, donc il faut rassurer aussi en se servant de codes connus. J’aime beaucoup ce groupe de héros, perdu au milieu de la cover. Il dit beaucoup de choses.

Déjà, le connaisseur en univers med-fan retrouvera les protagonistes typiques du genre du premier coup d’oeil. La magicienne, l’archer, le nain et le guerrier : depuis les années 70 et les premiers Donjons & Dragons, on les connait, on les reconnait. D’ailleurs, même un enfant à l’oeil inexpérimenté reconnaitra un groupe de héros, prêt à en découdre. Et puis, ils sont quatre. Comme le nombre de joueurs max. Hop, une info.

Leur posture en dit long. Ils sont regroupés, dos à dos : ils ont donc confiance les uns en les autres pour assurer leurs arrières. Cela signifie entraide, coordination… coopération. Le danger semble pouvoir venir de n’importe où, ils sont en garde, fermement prêts à répondre aux assauts d’où qu’ils viennent. Et ça tombe bien, dans Andor (jeu de coopération donc), les joueurs auront à gérer multiples problèmes en même temps.

Ces aspects-là sont donc bien retranscrits. Faut dire, l’auteur est à la fois l’illustrateur. Michael Menzel réalise là son premier jeu, mais il avait déjà travaillé avec une dizaine d’éditeurs avant, en tant qu’illustrateur. Ses choix semblent s’être imposés naturellement ici, avec une simplicité et une intelligibilité forte.

L’absence de décor distinct, isolant les héros pour les rapprocher encore plus, est particulièrement graphique et laisse la part belle à l’imagination. Ce que nos braves doivent affronter est hors champ. On sait bien que ce qu’il y a hors champ est toujours plus flippant que ce qu’on voit factuellement (regardez Alien ou les Dents de la mer où l’on ne voit jamais les bêtes ou que de façon très partielle pour vous en convaincre).

Alors ? Quelles forces, quelles monstres les menacent ? Pour le savoir, achetez la boite…

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Mon détail préféré

La lumière surnaturelle de la mage attire l’oeil, elle brille au centre même de la cover, symbole d’espoir qui repousse les ténèbres (nous serons donc les gentils) : voyez les ombres qu’elle écarte, leur portée est particulièrement imposante. De la lumière des héros, de leur courage viennent leur grandeur. Si. Regardez :

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Paf ! Alors c’est pas un appel à l’action héroïque ça ?

La légende narrative

Le petit slogan « Entrez dans la Légende ! » (avec un L majuscule s’il vous plait !) viendra seulement répéter la même chose que l’image, pour ne pas dire souligner l’image (puisqu’il est situé en-dessous). En tout cas, l’invitation nous promet littéralement de l’épique. En même temps, l’air de rien, le mot Légende fait aussi référence à un terme central du jeu (les scénarios). C’est pas de la publicité mensongère !

Nul doute que le conte et le narratif seront des éléments omniprésents, sinon on ne se donnerait pas la peine de parler de « légende » et de poser une cover remplie de texte… En effet, regardez le fond. La couleur orangée a plusieurs effets. Déjà, son dégradé astucieux met en relief le grammage d’une page manuscrite d’où apparaissent des mots mystérieux calligraphiés à la plume, difficiles à déchiffrer. Le jeu sera centré sur une histoire, une histoire à lire, à découvrir (en tout cas, c’est son dessein, si j’ose dire).

Il s’agit manifestement d’une langue imaginaire – la porte menant aux mondes fantastiques nous est donc grande ouverte – et c’est de ces lignes de texte que surgissent les héros. Parlante façon de figurer leur Légende. De la même façon, les reliefs du parchemin semblent par moment créer des contours d’une surface terrestre (vallées, dunes…). C’est ce qu’on appelle l’art de la suggestion.

fond-1Une couleur chaude comme la braise

La couleur chaude orangée (mélange de jaune et de rouge tirant vers le brun sur les bords) met en valeur la lumière de la mage ainsi que ses ombres, tout en étant une couleur saillante, qui sait créer une sensation d’intimité. C’est pas moi qui le dis, c’est la théorie des couleurs, qui attribue des effets psychologiques aux teintes.

Le orange a aussi l’intérêt d’être une couleur très visible, votre boîte d’Andor sur une étagère, elle « pète ». Il en émane presque une certaine ardeur. Oui… De l’ardeur… Si on pousse cette idée-là plus loin, on se rend compte que ce choix de couleur nous donne peut-être un indice fort sur la menace qui attend nos héros.

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Non, toujours pas une petite idée ? Et oui le mélange du jaune et du rouge, annonce déjà le feu du dragon (éventuellement la lave du volcan).   

Le logo reconnaissable

illeotre-1Ha, un petit mot sur les deux petits encarts bien connus de Iello, l’éditeur et distributeur français. Vous en avez un en bas à droite, plus une petite série d’icônes en haut à gauche pour les infos qui vont bien (nombre de joueurs, âge minimum, durée de partie), très pratique. Notez que leur charte graphique est bien défini ce qui permet de les reconnaître tout de suite. Quelqu’un aurait juste pu leur dire que jaune en anglais, ça s’écrit pas comme ça 😉

Notez que, comme souvent aujourd’hui, le nom de l’auteur apparait juste en dessus du titre du jeu, à l’instar des autres produits culturels (livres, CD…). Peut-être que ça n’a l’air de rien pour vous, mais c’est presque un engagement militant quand on sait que le jeu de société n’est pas reconnu comme produit culturel – et que les auteurs ne sont pas reconnus comme tels.

 

Alors, elle en dit des choses cette cover, non ?

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20 Commentaires

  1. Alstar 11/04/2015
    Répondre

    Belle analyse de texte !… Enfin de graphisme 😉

    Trés bonne idée que celle-ci en tout cas. Ce qui serait intéressant aussi ça serait de comparer ce que tu estimes une cover ratée par rapport à une réussie. Mais existe-t-il des covers vraiment ratées…? Oui en cherchant bien on doit pouvoir trouver ça 🙁

    • TheGoodTheBadAndTheMeeple 12/04/2015
      Répondre

      Je dirais plutot qu’il y a plus de cover ratées que de cover réussies et propres comme celles-ci… y a qu’à voir Concordia 😀 (excellent jeu à la cover à coucher dehors)

  2. Shanouillette 11/04/2015
    Répondre

    Merci 🙂

    Oui il y en a qui disent moins de choses / qui ont des détails un peu ratés / qui en font des tonnes pour finalement pas grand chose… Perso ça me passionne plus d’analyser quelque chose qui me parait joliment abouti. Mais des comparatifs why not !

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 12/04/2015
    Répondre

    Ceci est une cover maitrisée plus qu’une cover envoutante. Elle a de nombreux éléments bien pensés, mais pour moi, qui n’aime ni les clichés, ni la fantasy qui brille dans la nuit, je ne peux pas vraiment m’y accrocher…

    Belle analyse

  4. Umberling 12/04/2015
    Répondre

    Il y a plus : la composition est importante aussi. Le fait qu’il n’y ait pas de monstres indique qu’on fera face à une menace variable, ou du moins sans figure de proue assumée (Varkur le sombre mage n’arrive que tard, je crois, dans les scénarios). Ensuite, la boîte a en son centre le groupe de héros : c’est ça qui est important, et moins le reste (les regards et le hors-champ suggèrent une coopération totale, et un objectif dispersé dans plusieurs endroits). La couverture d’Andor est super bien faite, mais je la trouve également un peu le cul entre deux chaises : elle se veut minimaliste mais ne l’est pas vraiment. Tokaido, dans ce goût-là, réussit bien mieux et donne un objet vraiment plus joli en ludothèque.

    Il est très intéressant, d’ailleurs, de faire le parallèle entre Andor et Hero Quest : http://idata.over-blog.com/2/03/54/79/2012.06.01/jeux-hero-quest.jpg

    Chouette article, en tout cas.

     

  5. Lomax 12/04/2015
    Répondre

    Bonne idée que ce type d’article sur l’analyse des covers de jeu.

    Concernant Andor, que je possède je trouve la boîte ratée. Pour moi elle n’atteint pas son but, à savoir attirer le chaland. Les personnages occupent une portion ridiculement petite de l’espace. De plus, le style Menzel est toujours ancré dans les années 70. On n’aime où on n’aime pas, mais me concernant, ce n’est ni sexy, ni moderne, ni attirant.

    Et ce titre … pourquoi avoir choisi un mot qui n’est pas sans rappeler une planète de l’univers de Star Wars. Quel choix déroutant et hors sujet. Une erreur de casting selon moi.

    Heureusement que le bouche à oreille a fait son effet et que les articles ou vidéos lus et vus m’on incité à acheter le jeu. Comme quoi, la cover ne fait pas tout, heureusement …

    • Shanouillette 12/04/2015
      Répondre

      Moi je trouve qu’au contraire, elle colle parfaitement au style du jeu. Faire une cover supra moderne vu l’histoire racontée aurait été bien plus à côté de la plaque selon moi.
      Pour la référence star wars, tu dois être un gros fan pour penser à ça en voyant cette cover 😉 !

  6. atom 12/04/2015
    Répondre

    Andor, moi ça me fait penser a la principauté d’andorre, la ou on va quand est jeune (et moins jeune) chercher les produits détaxés quand on habite dans le sud, du coup c’est un petit peu moins sexy. (allez un peu d’imagination ^^)
    Blague a part, j’adore cette idée de chronique et cette chronique.

    • Shanouillette 13/04/2015
      Répondre

      énorme c’est marrant les associations d’idées des uns et des autres ! maintenant je verrais plus ma boite d’Andor comme avant 😉

      Merci pour le compliment !

      • atom 13/04/2015
        Répondre

        Si j’avais les compétences, je ferais ma boite de Andorre, le jeu ou tout est moins cher (enfin faut pas trop vérifier)

  7. ReiXou 13/04/2015
    Répondre

    Super article, j’adore le principe.

    Pour ceux que ça intéresse, dans le dernier n° du magazine Spielbox (1/2015, je pense), il y a également un article sur la même thématique mais qui traite (c’est pointu !) de la présence (ou l’absence et de l’intégration de logo des éditeurs sur la face avant de la boite.

  8. nono781 13/04/2015
    Répondre

    Super article

    Très bonne initiative de décortiquer les covers de jeux comme Première avec les affiches ciné.

    Hate de voir les prochains articles

     

  9. Shanouillette 13/04/2015
    Répondre

    Merci ! Ça faisait longtemps que j’avais envie de le faire et c’est en effet en lisant Première que j’ai eu le déclic.

  10. eolean 13/04/2015
    Répondre

    C’est effectivement une excellente idée et ça demande un vrai travaille de recherche pour le coup ! On a tendance à croire que c’est juste une couv’ qui doit nous paraître sympa, mais en fonction de la super production derrière, ça peut être très recherché !

    Bravo pour l’article ^^ (et encore une fois pour l’idée toujours dans l’innovation !)

  11. Zuton 13/04/2015
    Répondre

    Je me joins au concert de louanges bien méritées pour cette nouvelle initiative innovante, dans un exercice plutôt difficile. En effet, je devine qu’il nécessite pas mal d’imagination, de curiosité et d’esprit d’analyse pour essayer de vraiment comprendre toutes les petits messages cachés d’une cover ! Pour celle d’Andor, je ne m’étais jamais interrogé sur la signification de ce petit groupe d’aventuriers en formation rapprochée et qui semble un peu perdu en combattant des fantômes… après la lecture de ton article, tout s’éclaire ! Après, tout est question de subjectivité puisque certains n’apprécient pas la cover ; pour ma part, je la trouve plutôt réussie !

    Quelle est la prochaine cover passant sur la table d’autopsie de « Docteur Shan » ?

  12. Shanouillette 13/04/2015
    Répondre

    Merci ! Oui c’est une analyse personnelle donc forcément il reste toujours une partie subjective, même si je m’appuie sur des références et des conventions généralement admises…c’est ce travail la qui me plaît. Pour le prochain j’ai bien une envie mais je vais commencer à écrire avant de l’annoncer. Suspens!

  13. zedzed 16/04/2015
    Répondre

    Sujet intéressant, maintenant il faudrait comparer à la façon dont l’éditeur en est arrivé là !

    Après la cover, reste à s’intéresser au contenu, au choix des éléments, à leur qualités, le choix du pratique thermoformage ou de l’écologique « vide » …

    • Shanouillette 16/04/2015
      Répondre

      merci !
      ha ça, le contenu c’est un tout autre sujet, plus vaste… moi je me concentre plus sur les choix artistiques que sur l’aspect prod.

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