Theseus – Dans l’espace, personne ne vous entendra awaler

Theseus est sorti l’an passé pour Essen, chez les Polonais de Portal Games. C’est un jeu de Michał Oracz, connu pour son célèbre et inimitable Neuroshima Hex.

Iello nous le fait maintenant découvrir dans une édition 100% francophone. Il s’agit d’un jeu de 2 à 4 joueurs, jouable en 45 à 90 minutes, et ce à partir de 8 ans.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce jeu est très trompeur…

En voyant la couverture l’année passée, j’avais été attiré par le côté science-fiction, mais, en approfondissant un peu, j’avais cru lire que le jeu avait un aspect très « agressif », ce qui n’est pas trop à mon goût et je ne m’étais donc pas attardé.

C’est d’ailleurs amusant car Rahdo, tout comme moi d’ailleurs, était allé chez Portal Games à Essen 2013 pour aller chercher son exemplaire de Legacy (le Testament du Duc de Crécy). Il avait évidemment bavardé avec Ignacy Trzewiczek (patron de Portal), et celui-ci lui avait recommandé Theseus.
Richard avait poliment décliné, ayant lu la même chose que moi et étant plutôt « peace and love », et argumentant que sa femme déteste ce genre de jeux (à la fois de conflit et en plus avec des aliens).

Ignacy ne lui laissa pas le choix : malgré ses protestations, il lui mit une boîte dans les mains et lui ordonna « Essaye-le !!! ».
Ce qu’il fit, et, à sa grande surprise, même sa femme a bien apprécié ce jeu (tant qu’elle ne joue pas avec les Marines cela dit, vu qu’elle est allergique aux armes à feu).

Quant à moi, ce jeu m’a agréablement étonné par sa grande diversité et rejouabilité, et donc également par le genre de jeu qui se cachait derrière cette première « mauvaise » impression.
 

– Sergent Logan à base, quelqu’un peut m’uploader les plans de la station ? Je crois que je tourne en rond !

Le jeu s’articule autour d’un petit plateau central rond, qui servira au décompte des points. Autour sont disposés trois secteurs neutres et autant de secteurs de faction qu’il y a de joueurs.

Les factions sont les Marines, les Aliens, les Scientifiques et les Gris (visiblement, on leur a enlevé l’habituel sobriquet de « petit », ça n’avait pas dû leur plaire).
Ce qu’on constate tout de suite, c’est que les factions sont totalement asymétriques, youpi !

– Sergent, quelque chose me dit que nous ne sommes pas seuls…

– Taisez-vous caporal ! J’avais cru remarquer avec le scanner qui bipe toutes les demi-secondes, je ne suis pas né de la dernière pluie acide…

Les Marines et les Aliens sont les factions qui se ressemblent le plus, mais le reste est totalement « out there » (comme on disait du temps de Mulder et Scully), et tant mieux.
Chacune des factions a un deck personnel de 25 cartes, divers jetons « piège » – selon qu’elle en utilise beaucoup ou non – et ses trois pions représentant ses unités.

Les Aliens et leurs différents pièges

Toutes les factions partent avec 20 points de vie, mais les Scientifiques et les Gris ont eux une deuxième échelle, les points de connaissance, qui partent de 0 et vont jusqu’à 20.
Leurs cartes leur permettent évidemment d’en gagner plutôt que de faire des dégâts aux autres factions, ou alors c’est un mélange des deux, comme on peut le voir ci-dessous avec les Scientifiques, qui manient aussi bien le microscope que le robot de combat :


Il y a même une 5ème faction, Pandora, pour joueurs expérimentés.
Celle-ci n’a pas de deck de cartes, pas de secteur de faction, mais une grande variété d’unités qui peuvent prendre le contrôle de cartes ennemies.

– Mais ça ressemble à quoi un secteur sergent ?

– Ouvrez vos yeux non de Zeus (et vos oreilles, ce ne serait pas du luxe), nous y sommes !

Le secteur neutre des « couloirs »

Tous les secteurs ont 4 « salles » dans lesquelles on peut placer un pion (en haut sur la photo), un nombre différent d’emplacements pour installer des cartes action (5 emplacements dans l’exemple ci-dessus), de 0 à 2 places pour y mettre des cartes en attente (1 ici) et un pouvoir propre (représenté ici par le triple éclair : assaut général).
[Voir plus loin pour les explications détaillées.
]


Pour commencer le jeu, on pioche 15 cartes parmi ses 25 (on prend les 15 cartes de « niveau 0 » pour une première partie), on place deux de celles-ci en attente dans son secteur, et une qu’on peut déjà installer dans n’importe quel secteur.
On place deux de ses unités dans deux salles de son secteur et la dernière dans une salle d’un secteur au choix.

– Couvrez-moi caporal, on y va ! Sus aux xenos !

1. Phase de mouvement

– Sergent, je ne saisis pas pourquoi on doit bouger exactement de trois secteurs ?
– Faut pas chercher à comprendre les ordres du QG caporal, ceci vient directement du général A.Walley

Faut croire que dans le futur, ils ont beaucoup joué à Trajan et Five Tribes, parce que toutes les races de l’univers se sont mises d’accord pour se déplacer uniquement avec le mécanisme de l’awalé  wink
Effectivement, avant son déplacement, on compte combien d’unités (toutes factions confondues) se trouvent dans le secteur qu’on occupe (de 1 à 4 donc) et on avance d’autant de secteurs que strictement ce nombre.
La seule différence avec l’awalé est qu’on n’égrène rien, on ne déplace que son pion à soi.

A) Première chose à vérifier là où on s’arrête : combien d’unités sont présentes, autrement dit combien de salles libres reste-t-il ?
S’il n’y a plus de place, on peut choisir qui on va éjecter dans l’espace et on met son pion à sa place. Le pion éjecté est placé en bordure du plateau central. A son tour, le joueur éjecté pourra choisir, au lieu de bouger une de ses unités, de ramener son unité dans l’espace et de la placer dans n’importe quelle salle libre d’un secteur au choix. Cependant, son tour se terminera là et la pose de l’unité ne déclenchera aucun événement, mis à part si le secteur contient des pièges

B) Avant de passer à l’étape suivante, on active les éventuels pièges posés par les ennemis et installés dans ce secteur. Ceux-ci sont représentés sur les cartes par une icône de « Pac-Man vorace » ou piège à loup pour les plus pragmatiques.

– Sergent, il y a un bidule bizarre dans ce coin-ci, oh, quelles jolies lumières !
– Caporal, surtout n’y touchez p…… BZZZZZZT !

Exemples de pièges, Marines à gauche et Gris à droite


C) S’il ne reste qu’une place de libre et qu’on est donc celui qui complète le secteur en remplissant la 4ème salle, on déclenche un assaut éclair. C’est aussi le cas après avoir éjecté quelqu’un dans l’espace, vu qu’on le remplace en tant que quatrième occupant.
Contrairement à Alien, celui qui fait mal, ce n’est donc pas le 8ème passager, mais le 4ème occupant (pour les vieux qui se rappellent le sous-titre du premier film).

L’assaut éclair a pour effet que celui qui arrive dans le secteur (et ceux de sa faction présents là également) attaque une fois les ennemis qui sont dans sa ligne de vue.
Chaque secteur a en effet des murs qui divisent les salles, et seule une position permet de tirer sur les trois autres salles. Quand on arrive en premier dans un secteur, il est donc judicieux de ne pas laisser cette salle disponible, au risque d’une mauvaise surprise ensuite.

Attention, l’attaque n’est possible que si les pions ont 1 éclair représenté (attaque d’une cible) ou 3 éclairs (attaque de toutes les cibles dans la ligne de vue).
De ce point de vue, seuls les Marines partent avantagés, car leur unité de base a un éclair.
Toutes les autres races doivent d’abord améliorer leurs unités avant de pouvoir causer des dégâts.


Unité Alien avant et après amélioration, passant donc du « Bouh, j’ai pas peur » à « Courez, pauvres fous ! »

2. Phase des cartes action

Le joueur active toutes ses cartes action installées dans le secteur.
Petite explication sur les différents types de cartes : certaines ont des effets one-shot, puis sont défaussées (grenade, champ de mine), d’autres sont permanentes – les pièges et les modules – et ont un effet soit quand on traverse le secteur, soit quand on s’y arrête ou qu’un adversaire y termine son mouvement.

Exemple de cartes action, Gris à gauche et Scientifiques à droite

3. Phase d’action du secteur

– Le gros bouton rouge, sergent, je peux, dites, je peux ?
– Faites-vous plaisir caporal !

Le pouvoir propre à chaque secteur est activé, sauf si on arrive dans le secteur d’une faction ennemie.

Les secteurs neutres ont comme pouvoir :
* assaut général pour les couloirs : partout où vous avez une unité, elle attaque
* dysfonctionnement pour la salle de contrôle : on peut poser le jeton dysfonctionnement sur n’importe quelle carte action installée dans un secteur au choix
* rejouer pour l’atelier : on ne peut cependant bouger qu’une autre de ses unités, celle qui vient d’arriver dans l’atelier y reste

Le secteur de faction des Marines
 

Chacun des secteurs de faction est identique, dans le sens qu’ils ont le même nombre d’emplacements pour les cartes (3 installées et 2 en attente) et le même pouvoir de secteur : recevoir un jeton d’amélioration ou procéder à un « nettoyage » de son secteur de faction en défaussant une carte ennemie qui y était installée.

Un petit mot sur les jetons amélioration.
Il en suffit d’un pour upgrader une unité (et donc de retourner son pion vers la face la plus puissante) ou on peut les utiliser pour upgrader n’importe quelle carte installée, tant que figure dans le texte descriptif de la carte un chiffre avec le symbole d’amélioration, c’est-à-dire l’engrenage, comme on le voit sur la plupart des exemples de cartes présentés plus haut.
Sur les cartes, chaque upgrade apporte un +1 à l’effet, avec un maximum de +6, mais après le premier upgrade, il faut deux jetons pour améliorer une carte, et ainsi de suite…

4. Phase de planification

La seule phase facultative, mais ô combien importante.

Plusieurs possibilités s’offrent au joueur :

A) soit un des emplacements de carte en attente est vide et on peut y placer la première carte de son deck (la première est toujours face visible d’ailleurs)
B) soit on remplace une carte ennemie en attente (qui est alors défaussée et retirée du jeu) par la première carte de son deck
C) soit, si une de ses propres cartes est en attente, on la prend et on peut ensuite l’installer dans n’importe quel emplacement libre de n’importe quel secteur (après avoir mis en attente la première de ses propres cartes).

On ne peut pas écraser de carte ennemie installée, mais on peut installer sa carte sur une carte bonus et prendre cette dernière pour soi, pour être jouée immédiatement ou plus tard.
Dans les cas B) et C), on est obligé de remplacer par une de ses propres cartes.

Les tours se suivent ainsi jusqu’à ce que :
* un des adversaires soit réduit à 0 point de vie
* un des joueurs atteigne 20 points de connaissance
* un des joueurs soit obligé de remplacer une carte et n’en ait plus dans son deck ; on fait avancer le jeton de fin de partie d’une case. Après trois fois, la partie se termine immédiatement et on totalise les points de vie et de connaissance respectifs
.

Sergent, c’est le QG pour le debriefing, je vous les passe !

Je crois qu’il est important de préciser que Theseus, malgré ce qu’il est précisé sur la boîte, est un jeu essentiellement pour deux joueurs.
Pour avoir essayé moi-même toutes les configurations, à trois c’est moyen, et à quatre, c’est beaucoup trop chaotique. A quatre en équipes c’est mieux, mais c’est pas encore ça.
La preuve en est aussi qu’on annonce la couleur dès le début des règles : on explique le jeu à deux, et ce n’est qu’en page 15 qu’on trouve deux petits encadrés sur le jeu à 3 et 4 joueurs, et en équipes.

Etant donné qu’on n’égrène pas comme à l’awalé, il est possible de prévoir ses prochains mouvements à l’avance, mais plus il y a de joueurs, plus il faut avoir un cerveau d’éléphant et/ou être Garry Kasparov pour analyser les futurs déplacements.
Dans le jeu à 4 particulièrement, à peine a-t-on mis une carte en attente qu’elle est tout de suite défaussée par l’un ou l’autre adversaire, c’est râlant.

A deux, chacun peut installer son « moteur », ou plutôt devrais-je dire développer son système de pièges et de cartes lui rapportant des points, sans que ce soit si arbitraire.
En continuant l’analogie, ça se rapproche alors plus d’une partie d’échecs. Par ce côté, le jeu m’a rappelé Dungeon Twister.

C’est du même auteur que Neuroshima Hex et ça se ressent par quelques éléments, comme l’assaut général par exemple.
Et je crois que le public pour ce genre de jeu sera le même également.

J’apprécie cependant beaucoup la super asymétrie des factions et la grande variété des cartes, la rejouabilité est très poussée.
Les illustrations sont également soignées, c’est juste étrange que les cartes aient un recto avec une belle illu et un peu de texte, puis un verso avec que du texte et une explication plus détaillée de la carte.


En conclusion, Theseus est un jeu qui trouvera son public, qui l’appréciera à sa juste valeur, car c’est un bon jeu (en tout cas à deux).

Mais il vaut mieux l’essayer pour savoir s’il vous convient vraiment.

Pour information, une extension, « Bots » est sortie pour Essen 2014 et introduit une nouvelle faction.

Je conseille aussi fortement la lecture du FAQ (en anglais), cela éclaircit beaucoup de points douteux.

>> Fiche du jeu

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2 Commentaires

  1. Jiba 15/11/2014
    Répondre

    Pour ma part j’ai adoré ce jeu ! La mécanique de base est purement abstraite, mais les différentes factions et leurs cartes sont à fond dans le thème. Les factions « non guerrières » comme les scientifiques peuvent être très drôles à jouer aussi, façon : « allons étudier le comportement des aliens et des marines dans l’espace ; si j’arrive à réunir assez de connaissance je pourrais retourner sur terre et soutenir ma thèse… ».

  2. tartopom 24/01/2015
    Répondre

    Et bien pour le coup, je me suis ennuyé sec sur ce jeu.

    J’ai du passer à coté de quelque chose peut être. Mais j’avoue ne même pas avoir envie de lui donner de seconde chance.

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