Star Clicker : attaque de Creepers géants

Christophe Raimbault aime faire vivre une expérience de jeu fun et un brin imprévisible à ses joueurs, les laissant choisir par eux-mêmes entre prise de risque maîtrisée et gros coup de poker. Le Colt Express racontait une attaque de train à l’époque du Far West avec de la programmation dans un gameplay compétitif ; Star Clicker est un coopératif qui narre l’histoire, moins familière, d’une bande de gosses prenant les manettes du vaisseau spatial de leur parent respectif pour sauver leur planète attaquée par des aliens. Dans les deux jeux, on retrouve cette envie de mettre en scène une action, du mouvement, un but conduit par l’histoire, et des protagonistes qui ne sont jamais vraiment certains de l’issue de leur choix.

Vous découvrez d’abord le contexte par une BD-sans-bulle réalisée avec panache par l’illustrateur belge Gyom. Vous incarnez un enfant qui se retrouve à bord du vaisseau parental appuyant sur des boutons sans trop savoir si cela va faire avancer ledit vaisseau vers la droite ou le faire tirer un coup de blaster vers la gauche. Petit à petit, en essayant et en combinant vos connaissances autour de la table, vous parviendrez à plus d’efficacité et de contrôle dans la situation. Mais le jeu, un brin espiègle, s’amusera à vous emmêler les pinceaux.  


Maman, je passe dans un tunnel ionique

Chaque joueur a devant lui son vaisseau, représenté par un plateau en 3D couvert de neuf mystérieux boutons. Au centre, un grand plateau quadrillé symbolisant l’espace, couvert de tuiles (mystérieuses elles aussi), avec au milieu, votre bonne vieille planète C-64 (oui quelques clins d’œil titilleront votre âme de geek ici ou là). On place des jetons aliens, baptisés Creepers, aux quatre coins de l’univers. Ceux-ci ne manqueront pas de progresser, après la phase des joueurs, implacablement vers le centre.

Mais attention, votre but ne consiste pas à annihiler les aliens comme on pourrait le croire (espèce de va-t-en-guerre va !). Il vous faut détruire les 8 brouilleurs ennemis qui sont en orbite autour de la planète (cachés dans les tuiles donc) car ce sont eux qui vous empêchent de contacter vos parents. Pour y parvenir, certes vous repoussez les hordes incessantes de Creepers dans un petit goût de tower defense, mais ne perdez pas votre réel objectif de vue : explorer l’espace et exploser les brouilleurs.  

Lors de la phase des pilotes (oui, ça c’est vous), chacun doit appuyer sur deux boutons de son tableau de bord. Au départ, on ne sait pas quel bouton fait quoi, mais rassurez-vous, on a un peu de marge, les aliens sont encore loin. Enfin, pour l’instant… On appuie sur un bouton, ce qui le révèle par un petit procédé de retournement. Chacun possède quatre boutons pour tirer, et quatre boutons propulsion pour avancer dans les quatre directions, à cela s’ajoute un bouton Replicator qui permet de copier un bouton révélé d’un autre joueur.


On va donc appuyer, découvrir, effectuer l’action, quelle qu’elle soit ! Peu à peu, ouf, on comprend un peu mieux comment faire quoi. Mais à la fin de la phase, mauvaise nouvelle : tous les boutons retournent face cachée. Concentrez-vous pour retenir leur emplacement. Ha mais j’oubliais, à quelques moments, le jeu vous demandera de mélanger certains boutons ! Aïe ! 😀

We can be heroes 

L’avancement des Creepers est géré par une pile aléatoire de tuiles que l’on pioche à la fin du tour des joueurs. Chacune vient avec un effet (panne : tel bouton ne marche plus pour ce tour ; attaque creepérienne massive avec une tournée générale offerte, ou remélange de boutons sont le genre de surprises qui vous attendent) et des numéros. Ceux-ci correspondent aux lignes d’assaut des aliens qui devront avancer (ou réapparaître), selon le nombre de joueurs. Si un Creeper arrive en plein sur votre planète, les joueurs retirent un des boucliers qui la protégeait. Si c’était le dernier bouclier, bon bah, plus de planète… #oupsy (les darons risquent d’être vénères en rentrant). 

Attention, un tir mal parti peut toucher un vaisseau ami ou même notre planète (sinon ça serait pas drôle !). La propulsion est sans doute moins risquée, quoi que… on peut toujours terminer son tour sur une sonde ennemie, ce qui servira l’attaque des Creepers. En effet, lesdites sondes leur permettent d’appeler des renforts, et leur prochaine activation sera renforcée. À éviter aussi, enfin si possible ! 

Au fur et à mesure que la partie avance, on retient où se cachent telle et telle action, et tous ensemble, on parvient à se répartir les tâches, les zones à explorer, les Creepers à shooter. La coopération bat son plein. Dès que le 8e brouilleur est détruit, bim, c’est gagné. Mais il faut dépenser des jetons Énergie pour tirer, et ce n’est pas si facile d’en avoir. Si on en gagne un au début de la partie, les autres nous viendront des Creepers abattus. Ainsi, l’exploration seule non plus ne suffira pas pour l’emporter. 

 

The Force Awakens (from its nap) 

On aime la forme libre du tour de jeu, impliquant les joueurs dans de l’échange de bons procédés, cherchant l’enchaînement optimisé. “Moi je sais comment avancer vers la droite, c’est ce bouton.” “Ha moi aussi je voudrais aller à droite, mais je sais pas comment faire… par contre je sais comment répliquer une action jouée” “alors je joue avant toi et tu me copies ?”. C’est le genre de discussions qui alimentent la partie dans une coopération qui paraît toute naturelle. Bien sûr, avec l’expérience, un joueur alpha pourrait naître et commencer à montrer les erreurs ou les bons coups. À lui d’apprendre à laisser apprendre – et retourner au niveau d’initiation avec de nouveaux venus.

Le fait d’avoir chacun un bout d’information, un bout de capacité, nous oblige à la complétude en se tournant vers nos camarades de galère. Les bons réflexes s’installent petit à petit mais face à votre progression, le jeu a de quoi relever le challenge. C’est d’ailleurs là où Star Clicker a sa faille potentielle : si vous jouez dans un mode trop facile pour vos intuitions, la partie s’effondrera par son manque de tension. Il vous faut impérativement le niveau de difficulté qui convient, ce qui n’est pas forcément évident à déterminer au départ. 

Car un coopératif sans défi est un coopératif sans saveur, Star Clicker vient en effet avec plusieurs niveaux de difficulté (dont un mode d’initiation qui permet de prendre les commandes en douceur). Ici, les règles du jeu proposent quatre niveaux de difficulté, plutôt bien conçus et échelonnés, plus un mode Hardcore (téléchargeable en ligne) sans oublier des variantes “nouvelle règle” et “Random” qui permettront de varier les plaisirs et renouveler le challenge. De la sorte, même si le jeu vous propose d’incarner des enfants, il n’en n’est pas pour autant enfantin. 

 

Atterrissage maîtrisé

Un peu comme sur le train du Colt Express, si on n’a pas tous les éléments en main, l’issue de la partie n’en n’est pas pour autant une simple loterie, loin s’en faut. En combinant nos savoirs, nos pouvoirs, en jouant sur les probabilités, il est toujours possible, ensemble, de contrôler la prise de risque dans nos actions. D’ailleurs si l’auteur du jeu a imaginé un mode hardcore c’est pour pouvoir continuer à y jouer lui-même, preuve qu’une véritable courbe de progression est de mise dans Star Clicker et qu’explorer les divers niveaux est fondamental pour continuer de s’y amuser.    

Côté édition, comme d’habitude avec Ludonaute, on en a pour son argent (merci le Made in China) pour 30€, un magnifique plateau, des tableaux de bord en 3D avec jetons très épais en blackboard, des sachets pour ranger… Rien à redire, c’est beau, c’est lisible, c’est pêchu et la sympathique Gyom touch n’y est pas pour rien. La règle contient 20 pages où rien ne dépasse, rien ne questionne. 

Ici pas de point de victoire (ouiiii). Vous ne verrez pas non plus de joueurs le front collé sur leur plateau perso, relevant le menton seulement à la fin de la partie pour se rendre compte que les copains étaient partis ailleurs, qui étendre le linge, qui poster sur TikTok. Avec Christophe Raimbault, nul doute, on joue ensemble. On aime – ou pas – la farceuse dose de chahut que le jeu distille, il n’en reste pas moins que la cohérence de la proposition est là.
Pour saisir un peu l’état d’esprit du jeu, rien ne vaut ce génial court-métrage de Pixar (mais n’est-ce pas tautologique ?) baptisé
Lifted ! 

 

 

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4 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 31/08/2021
    Répondre

    Faut-il vraiment remercier le made in china ?

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