Sébastien Célerin, un artisan du ludique aux mille projets

Sébastien Célerin navigue dans les sphères de l’imaginaire depuis la fin des années 90. Il est reconnu comme un acteur majeur du monde ludique et roliste français. Après Multisim (Citadelles, Mystère à l’Abbaye), Rackham (Confrontation, AT-43), Play Factory (Dobble) et Bragelonne (Pour la reine, Rituels, La Vallée des marchands) et quelques jeux de rôle pour les XII Singes, le voilà détenteur de deux labels de jeux, For The Story et Bravelion Games. Il en prépare d’ailleurs un troisième pour du jeu de rôle, en collaboration étroite avec la Fabrique imaginaire de Nicolas Le Vif (l’auteur principal de For The Story). Sa besace est toujours bouillonnante de projets : en ce moment entre un Gameontabletop en cours pour le jeu de rôle Arkhanval, un nouveau jeu de cartes minimaliste nommé Iaijutsu ou encore la sortie actuelle de Révolte de la team Kaedama, le monsieur ne s’ennuie pas trop, comme vous allez le constater.  

 

 

Shan : Bonjour Sébastien ! Prenons des nouvelles. Sur quoi travailles-tu actuellement ? 

Sébastien : Je publie Sur la route, le dernier For The Story de Nicolas Le Vif, et Révolte, un jeu de plis étonnant de la Team Kaedama chez Bravelion Games. En parallèle, je me suis replongé dans l’univers de Confrontation pour le compte de Monolith Board Games, mais je ne peux rien dire d’autre à ce sujet.

Je propose actuellement un jeu de rôle en précommande, Arkhanval : la porte des songes. C’est l’œuvre d’un auteur qui a un monde familier, car plein de clin d’œil au poncif de la fantasy, et étonnant, car les personnages que l’on joue connaîtront une évolution surprenante au fil des parties. Les alter ego des joueurs sont en effet en connexion avec l’entité-monde. Ils partagent ses caractéristiques et quand ils la sollicitent, ils peuvent être altérés par elle. Arkhanval leur fait confiance pour la protéger du chaos qui émerge dans les relations diplomatiques entre les peuples et par des manipulations magiques dangereuses.

Arkhanval – crédits : Oscar Fayemendie, de Mika Koskensalmi et de Hugo Talon.

 

Je suis sur le développement d’un prochain jeu Initié… Peut-être même Expert en fait, bien qu’il n’ait que peu de matériel. Bref, il s’agit d’un duel sur le thème du Iaijutsu. C’est d’ailleurs son titre, Iaijutsu. Il a gagné le 40e Concours international de créateurs de jeux de société de Boulogne-Billancourt organisé par le CluBB. L’auteur est Federico Latini. Il est illustré par Thierry Manjard et graphiquement développé par Jean-Charles Pasquer. Le jeu comporte uniquement 15 cartes et trois ressources (la vie, l’honneur et combien de cartes vous avez le droit d’avoir en main)… trois manières de manipuler les cartes, 1 par phase… deux manières de l’emporter.

 

Shan : 15 cartes seulement… Comment ça fonctionne ?

Sébastien : Le jeu se déroule en trois phases. Si à un moment, l’écart entre l’honneur des participants est d’au moins 6, le plus faible a perdu.

 

1) Les joueurs tentent d’acquérir des ressources en usant de bluff. À leur tour, ils doivent jouer des cartes de leur main, face cachée, et affirmer avec aplomb qu’elles sont toutes d’un type donné. Ils peuvent mentir ou non. Si notre adversaire nous croit, on défausse et on résout l’annonce. Dans le cas contraire, on révèle les cartes et l’adversaire résout une des cartes révélées et la récupère dans sa main. Fin de tour… on reconstitue sa main en piochant. Et ainsi de suite jusqu’à épuisement du paquet. On garde sa main. Les cartes défaussées auparavant sont mélangées.

2) Les cartes en main seront jouées dans leur autre sens. Les joueurs mettront en jeu à tour de rôle une de leur carte en main en jeu… Des avantages pour la phase suivante qui peuvent servir leur intérêt ou celui de l’adversaire.

3) Chacun regarde la main de l’adversaire, aussi longtemps que nécessaire pour décider d’une stratégie. Ensuite, les joueurs révèlent simultanément une carte de leur main. Rouge l’emporte sur orange, vert l’emporte sur rouge, orange l’emporte sur vert. Le gagnant inflige des dégâts à l’adversaire ; en cas d’égalité, les deux joueurs subissent un point de dégâts. Si vous n’avez plus de point de vie, vous perdez.

 

Shan : Peux-tu nous raconter ce qu’il s’est passé du côté Bragelonne Games ? 

Sébastien : Je ne peux vous raconter que ce que j’ai compris depuis ma position de responsable d’édition. J’ai rejoint Bragelonne au sein d’un département qui devait expérimenter, explorer… D’autres domaines de l’édition afin de diversifier les activités du groupe. Le jeu était l’un de ses axes. Nous avons donc proposé des jeux pour les différents labels du groupe. Nous avons vite compris que les différents diffuseurs se heurtaient à la même problématique : dans les grandes surfaces spécialisées, le jeu et la littérature sont gérés par des acheteurs différents et une stratégie de marque sur ces deux rayons est quasi impossible à mettre en œuvre. On s’est donc tourné vers des pros du jeu, MAD Distribution et Gigamic.

Les boutiques de jeux spécialisées attendaient des jeux sur les livres publiés par le label phare, Bragelonne. La rencontre ne s’est pas faite sur nos premiers titres. Et les jeux des autres labels furent boudés. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que je n’ai pas fait que des bons choix. Cela dit, même quand le jeu avait de bons retours critiques (Magnum Opus, Butine), ou même quand le jeu était un succès en boutique (La Vallée des Marchands, Captains’ War) ou en GSS (Olive et Tom Classico a été une chouette réussite), le retour de bien des boutiques étaient souvent « pourquoi publiez-vous “ça” ?! »

Quand on faisait du Bragelonne (Culte et Cthulhu : L’Avènement, Pantacle), le succès était relatif car bien des boutiques trouvaient les produits trop « dark ». Bref, j’ai appris à mes dépends que j’étais un éditeur de jeu Initié qui s’était trop dispersé.

 

Shan : Comment as-tu réagi ?

Sébastien : Quand ce constat a été fait, j’ai lancé trois développements que je n’ai pas eu à regretter : la traduction de Pour la Reine (qui engendra la collection For The Story), le KS Cthulhu Dark Arts Tarot et le développement des adaptations littéraires du projet de Sébastien Moricard (directeur marketing de Bragelonne à l’époque) avec Alain T. Puysségur qui deviendra les RPG Books chez Elder-Craft.

Sur le premier, la réaction fut unanime : « Enfin du Bragelonne ! » Sur le second, le scepticisme fut balayé par le succès du KS, puis par les ventes en librairie et à l’étranger. Quant au troisième, Sébastien Moricard quitta Bragelonne avec les projets de cette collection (dont il avait eu l’idée).

Quand les propriétaires de Bragelonne firent le choix de vendre leur entreprise à Hachette, il y a eu un état des lieux des différents labels et produits envisagés à l’avenir. La précédente direction pensait que Bragelonne Games avait un avenir en proposant des jeux « Initiés » sur des thèmes Geek via des opérations participatives. Cette perspective ne fut pas validée. Des reclassements dans différentes maisons du groupe Hachette furent proposés à l’équipe. Certains ont trouvé des super postes chez ce géant de l’édition, d’autres ont préféré poursuivre leur carrière ailleurs. Hachette nous a donné le temps de réfléchir et de construire notre projet professionnel. C’est au cours de cette période de transition que j’ai pu préparer la reprise de certains des jeux du catalogue avec le concours de Hachette et des XII Singes. Ces jeux sont toujours distribués chez Gigamic, car sans le travail de ses équipes For The Story n’aurait pas le succès qu’elle a. Je leur en suis très reconnaissant pour cela et pour l’aide qu’ils m’ont apportée et m’apportent encore aujourd’hui.

Ces deux dernières années ont été une période de transition. J’ai réalisé que le développement des jeux qui me faisaient envie n’étaient guère compatible avec mon engagement au sein des XII Singes. Nous avons donc décidé de séparer nos activités.

 

Shan : Et comment as-tu vécu cette période ?

Sébastien : Depuis mon départ de Hachette, j’ai appris énormément de choses car j’ai dû faire seul, ce que toute mon équipe faisait au sein de Bragelonne Games. Yoann, Gaëlle et Emmanuel m’ont souvent manqué, mais ils ont toujours répondu à mes appels quand j’avais un doute. Pascal et Franck des XII Singes ont été de bon conseil pour la reprise des stocks. D’anciens collaborateurs de Bragelonne (Livres) sont venus m’aider, Jean-Charles et Camille notamment. J’ai eu aussi le concours de nombreux stagiaires et animateurs qui avaient collaboré aux publications Bragelonne Games. Enfin, les auteurs (Nicolas Le Vif a été à mes côtés chaque semaine) et les illustrateurs ont été très présents. Ils m’ont soutenu, y compris ceux dont je n’ai pas pu reprendre l’œuvre ludique.

Cela a donc été difficile mais possible grâce à celles et ceux qui ont été là au quotidien pendant deux ans. À tour de rôle. À croire qu’ils se sont donnés le mot. Merci de m’avoir posé cette question. Je réalise en te répondant la chance que j’ai eue. Un grand merci ! Vous voulez savoir qui ils sont, bah, c’est simple leurs noms sont sur les boîte et les roll-ups !

 

Shan : Alors … Et maintenant ?

Sébastien : For The Story est un label à part entière qui publie des jeux de narration partagée ne demandant aucune ou peu de préparation. Alibis, le jeu dont vous êtes les suspects, demande tout de même de lire une règle du jeu avant de faire sa première partie (contrairement aux autres jeux de la gamme qui n’ont pas de règles séparées du matériel), mais sa mise en place collaborative permet de jouer dès la première image posée au centre de la table.

Les jeux Initiés que j’ai repris sont réunis sous le label Bravelion Games. Il s’agit de Magnums Opus, de Pantacle, de Ratapolis et de Captains’ War qui ont été rejoints cette année par Révolte de la Team Kaedama, illustré par Le Grümph et Albertine Ralenti.

 

 

Shan : As-tu encore d’autres projets dont tu souhaiterais parler ?

Sébastien : Des tas ! Trop pour mes moyens actuels, mais ça ne me dérange pas de prendre mon temps.

Je prépare une collection de scénarios d’enquête qui se joue sans dé autour d’un agenda avec un sablier et des aides de jeu. C’est un jeu de rôle avec un meneur de jeu et 2 à 5 enquêteurs. Les joueurs se voient proposés d’incarner des enquêteurs dans une situation stressante à résoudre rapidement. L’agenda personnel de leur personnage est par moment incompatible avec les exigences de leur métier alors qu’un adversaire met en œuvre un projet criminel. Il leur faudra l’arrêter sans décevoir leurs proches et sans commettre d’erreurs. Sinon, ce sera le drame (bavure, rupture dans leur vie, etc.).

Ce projet s’est longtemps appelé l’Horloge du Diable, mais ce titre laissait supposer que le jeu était fantastique or il ne l’est pas. Son nom de code est désormais Thriller RPG.

Jean-Charles Pasquer d’après (c) EvangelosG / Shutterstock


Chez
For The Story, il y a plusieurs projets sur le thème de la vie d’un groupe dans la musique. Je  ne sais pas trop encore comment cela va s’articuler. For The Band permet de jouer l’entourage d’un groupe de rock lors d’une tournée mémorable. Stars permet de raconter l’épopée d’un groupe de musique quel que soit son genre de prédilection. Idols est sur la k-Pop. C’est un thème qui devrait parler à un public plus large, plus jeune aussi, et passionné de musique et… De drama ! En outre, on a un projet post-apo des auteurs d’Alibis, le jeu dont vous êtes les suspects, et un autre sur les pots au boulot, Afterwork, qui est un peu délirant car il y a des événements imprévisibles. Bref, va falloir élaborer un planning !

 

Jeu de Nicolas Le Vif, illustrations Laëtitia Van Gasse

 

Avec la Fabrique imaginaire, nous proposerons des jeux de rôle « nouvelle génération », comme l’est Noblesse oblige qui vient de paraître chez les XII Singes, reposant davantage sur des règles introduisant des questions auxquelles tous les joueurs peuvent répondre pour élaborer la suite de l’histoire. Disons que For The Story rencontre le JdR traditionnel avec ce projet. Ce sera… Roulements de tambour… Les Éditions de la Fabrique imaginaire ! On a une super agence de comm’ !

En 2026, je commencerai l’édition d’un jeu de plateau Initié tactique et scénarisé. Les joueurs pourront développer leur personnage dans une histoire mêlant le chaud et le froid, avec un gameplay reposant sur ce thème car nos héros doivent affronter le blizzard qui frappe leur monde. Les personnages pourront se développer de différentes manières, ce qui influencera la fin de la campagne proposée. Nom de code : Overwinter, pour ceux qui l’ont déjà testé.

 

Shan : Et… C’est tout ?  😆 

Sébastien : J’ai plusieurs projets avec Olivier Caïra, le créateur de Classico et de Butine ! (et co-auteur du JdR sur Batman). J’ai aussi un projet avec Patrick Braud, l’exploration d’une île peuplée de monstres où il sera question de survie, mais il est encore trop tôt pour en parler. Cela dit, si vous êtes à Parthenay cet été, vous aurez peut-être quelques infos sur ce sujet car nous y serons tous les deux. Si vous voyez deux joueurs aux cheveux gris penchés sur un gros proto et cernés par des joueurs de cartes… Abordez-nous.

Shan : Avant de te laisser retourner à tous tes projets, le mot de la fin ? 

Sébastien : Oh ! La fin ? Mais… C’est que le début pour moi.

 

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3 Commentaires

  1. Morlockbob il y a 14 jours
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    Je m étais toujours demandé ce qui c était passé chez Bragelonne, mystère résolu . Merci, une belle interview.

    Pour Revolte je suis moi s enthousiaste, les parties fonctionnent en dent de scie, parfois c’est agréable et fluide, parfois pesant et poussif. A essayer avant l achat

     

    • Shanouillette il y a 12 jours
      Répondre

      Et oui on était nombreux à se demander faut croire ^^ Merci du retour !

  2. Nadège il y a 12 jours
    Répondre

    Contente de voir une interview de Sébastien Célerin et de savoir que les For the Story continuent !

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