Perseverance, il vous en faudra pour arriver au bout

J’ai beau essayé de m’intéresser à tous les formats de jeux, je sais que les eurogames me font généralement fuir. La gestion de ressources et les poses d’ouvriers ? Très peu pour moi. En revanche, j’aime bien le narratif, et je rêve d’une suite de jeux différents qui raconteraient une histoire suivie. J’attendais beaucoup de LUMA par exemple. Et puis j’aime bien … les dinosaures.

Et donc, me voilà tomber sur le kickstarter monstre du jeu de Mindclash, Perseverance, Castaway Chronicles. Et alors que, si j’avais deux doigts de jugeote, j’aurais du prendre mes jambes à mon cou, et bien je me suis laissé séduire par la promesse d’immersion du jeu, et un peu sur les bestioles qui ressemblent vaguement à des dinosaures (J’insiste sur le vaguement, je les appellerai « dinosaures » par la suite, mais qu’il soit dit que pour moi, ce n’en est pas).

 

Ceci n’est pas un dinosaure

La boîte démesurée étant arrivée chez moi, permettez moi de vous faire un petit retour sur les deux jeux que l’on trouve dedans. En prenant d’emblée quelques précautions. D’une part, n’étant pas adepte de ce format de jeu, ce n’est pas avec un œil d’expert que je vais analyser ces jeux. D’autre part, ayant backé le jeu sur kickstarter, je suis à peu prêt persuadé que cela lui donne un avantage à mes yeux, et que je suis plus susceptible d’être plus indulgent avec lui que si on me l’avait fait découvrir (un jour il faudra que l’on se penche sur ce phénomène d’ailleurs).

Ces préambules étant achevés, lançons nous dans l’aventure.

 

Prêt à lancer la partie! (épisode 2)

 

Pour faire une bonne série, il faut un bon scénario

Perseverance n’est donc pas un jeu, mais plutôt une série de jeux, en quatre épisodes. Nous ne traiterons que des deux premiers ici, la « saison 1 », pour la raison simple que les épisodes 3 et 4 ne sont pas sortis, ni même annoncés. Nous allons donc suivre les aventures des passagers et de l’équipage d’un bateau de croisière qui, après une tempête, se retrouvent sur une île mystérieuse. Celle-ci, d’une part ne semble pas être sur Terre, d’autre part n’est pas très amicale puisque elle héberge des créatures étranges et agressives, du scorpion géant au gros reptile qui mord.

On va donc tout simplement essayer de survivre sur cette île, et aussi de … prendre la tête du groupe de survivants. Et oui, votre objectif sera de convaincre les autres naufragés que vous êtes le meilleur chef possible, en tout cas meilleur que les autres. Pour cela, il faudra bien sûr faire vos preuves en aidant à la survie, mais aussi savoir vous montrer et être un fin politicien. Bon, clairement, on pourrait se dire que vu le thème, c’est quand même sacrément étrange d’avoir fait de ce jeu quelque chose de compétitif et pas coopératif. Certes. Ce genre d’idée n’est pas nouvelle : on la retrouve dans tous les films de zombies et un bon paquet d’histoires de survie sur des îles « désertes », de Sa Majesté des Mouches à Lost. Bref, je trouve que ça a plutôt du sens, même si la compétition restera bon enfant, qu’on en viendra pas aux mains, et qu’elle ne se fera presque jamais au détriment de la colonie en construction.

Le premier épisode justement va nous demander d’établir cette colonie : il va falloir construire des murs, mettre des pièges, patrouiller pour contrer les attaques de dinosaures. Le camp sera donc constamment sous tension et il faudra bien surveiller les endroits où se regroupent les dinos. Dans le second épisode, la colonie est bien établie et sécurisée, les rescapés ont pris confiance en eux. Il est temps maintenant d’aller explorer l’île, de construire des avant postes et d’en découvrir plus sur ce temple bizarre trouvé au milieu de la jungle. On va même pouvoir capturer les sauriens pour s’en servir de bête de somme, d’entraînement pour les soldats, ou utiliser leurs capacités pour trouver des ressources (L’humanité dans toute sa splendeur).

 

Quelques péripéties des épisodes 1 et 2

 

Cet aspect thématique du jeu, qui était un des éléments qui m’a attiré, est pour moi plutôt une réussite. On sent un changement d’ambiance d’un épisode à un autre, et le jeu arrive malgré tout à nous faire vivre des aventures. Clairement, le cœur du jeu, d’un point de vue mécanique, n’est pourtant pas là. C’est bien un jeu de gestion et pas un améritrash. Pourtant, les mécanismes ludiques sont bien au service de l’histoire. D’un épisode à un autre, ils savent s’adapter pour coller à l’ambiance de ce qu’il se passe. Les actions que l’on réalise ont globalement du sens, et on comprend pourquoi les faire a telle ou telle conséquence. On aura même quelques lancés de dés qui rajoutent de l’incertitude sur le résultat de nos actions et donc de l’immersion. Cela dit, une variante permet de s’en passer si on le souhaite.

Le thème est donc plutôt une réussite pour moi.

 

Les décors des deux épisodes

 

… mais aussi de bon techniciens

Le jeu est organisé en manches, segmentées en tour. Au début de la manche, on va lancer des dés. Ces dés vont nous servir à notre tour à faire des actions : on en prend un, on le place sur l’action associée. Ces actions vont nous permettre de dépenser ou de gagner des ressources pour participer à la survie du camp, selon différents axes. On aura ensuite une action « secondaire » à choisir parmi quatre ou cinq différentes que l’on pourra faire librement. Les manches se terminent quand tous les dés ont été utilisés, on a une phase de vote (on y reviendra) puis on commence la suivante. Fin de la partie au bout de trois manches.

La mécanique centrale est donc du placement d’ouvriers. Néanmoins, celle-ci est très peu contrainte dans l’épisode 1 : les emplacements sont nombreux, beaucoup sont utilisables avec n’importe quel dé (même s’ils auront des conséquences un peu différentes), et on ne sera que très très rarement bloqué dans l’action que l’on souhaite réaliser. On se demande donc un peu à quoi sert cette histoire de dés. Pour le savoir il faut attendre l’épisode 2, où la donne est largement changée, et où cette fois les places vont commencer à devenir chères. C’est d’ailleurs un aspect assez flagrant : même si l’épisode 1 est très très riche, on se rend compte après l’épisode 2 que c’était en réalité une version assez allégée. On se demande donc ce que l’épisode 3 a dans le ventre, le 2 étant vraiment déjà très très touffu.

Bon, mais ces dés, en plus de déclencher nos actions vont également nous servir à gagner des majorités. En effet, notre camp est découpé en quatre ou cinq zones. Plus on va agir dans une zone, plus on aura de chances d’y être majoritaire. Or, à la fin de chaque manche, celui qui est dans ce cas là aura soit des votes, soit des ressources. Bien sûr, celui qui aura le plus de votes aura des points de victoires, de plus en plus à chaque manche. C’est l’aspect politique du jeu.

Ces majorités de présences peuvent se faire en créant des abris ou en plaçant des dés de notre couleur. Changer la couleur des dés, pour qu’ils ne soient plus neutres, est également un enjeu. D’autant qu’utiliser un dé « adverse » nous fera perdre des points (dommage, c’est bien pratique pour être sur qu’il ne viendra pas nous contester une suprématie). Et là tout de suite, une difficulté se rajoute à notre placement d’ouvrier : on ne réfléchit plus seulement en fonction de l’action que l’on veut faire mais aussi selon les votes qu’on convoite. Le jeu se corse. Néanmoins, c’est un axe de développement que l’on peut tout à fait ignorer.

 

On se bat pour la majorité dans la zone militaire du camp.

 

Comme presque tous les axes d’ailleurs : il faudra choisir sa stratégie. Le jeu est assez bien agencé et les axes sont assez clairement identifiables. Les actions sont réparties par « zone ». Dans l’épisode 1, on aura la zone « de patrouille » pour aller affronter des dinosaures et gagner des ressources, la zone « politique » où l’on va agrandir le camp, changer la couleur des dés et donc augmenter notre influence politique, la zone « militaire » où l’on va entraîner nos soldats et enfin la zone « de défense », où l’on va construire des murs afin de protéger le camp. Chacun correspondant d’une certaine façon à un axe de développement. Cette répartition se retrouve dans l’épisode 2 : la zone de patrouille devient la zone d’exploration et la zone de défense devient celle de création d’avant-postes une fois qu’on a exploré, mais les deux autres sont, sauf dans le détail, les mêmes.

Ce qui va vraiment différencier les deux épisodes, c’est la « cinquième zone », celle qui se trouve hors du camp. Dans le premier, c’est une zone de « tower defense ». Face à chacune des zones du camp, les dinosaures vont s’amasser chaque fois qu’on y place un dé, et faire une attaque potentiellement dévastatrice quand ils sont trop nombreux. Il faudra donc envoyer des soldats en défense. Dans le second, cette cinquième zone est une zone d’exploration : on va petit à petit déblayer la jungle pour construire des avant-postes, qui offriront de nouvelles actions. On aura aussi des attaques de dinosaures, mais que l’on déclenchera plus volontairement dans le sens où on ne sera pas pénalisé si elles réussissent, contrairement au premier épisode. Voir, on pourra même venir en aide à un adversaire en difficulté si cela lui arrive : le bonus de points octroyés pourra être conséquent. Je disais plus haut que la compétition restait bonne enfant, et c’est surtout à travers le prisme des combats avec les dinos qu’on le voit : dans l’épisode 1, déclencher une attaque sur la zone « d’un adversaire » pourra lui faire très mal, mais nous coûtera à nous aussi très très cher en points de victoire, alors que dans le 2, envoyer des dinosaures chez un adversaire préparé peut sacrément l’aider. On aura donc rarement des agressions frontales avec les autres joueurs.

 

Oups, il y a trop de dinosaures dans ce parc à dinosaures.

 

Une débauche d’effet spéciaux

Mindclash, l’éditeur, reste fidèle à sa réputation dans le domaine de l’édition. Celle-ci est superbe. Les illustrations, le matériel, la boîte, le système de rangement etc… tout est d’une qualité impeccable (sauf peut être le temple doré de la jungle, assez dégueulasse). Les figurines sont aussi chouettes, même si elles sont dispensables.

En revanche, la boîte est énorme, et même si elle contient en réalité deux jeux, on ne peut que se poser la question du trop. Trop de matériel, mais qui traduit en réalité peut être un trop plein de mécaniques. Le jeu porte bien son nom : Perseverance. Rien que ranger le jeu et le dépuncher, avant de jouer la première fois, m’a pris 2 heures. La mise en place de l’épisode 2 ? une bonne heure. 3 heures déjà de manipulations, et je n’ai même pas encore commencé à lire ou expliquer les règles. Pfiouuuu. Sans être compliquées et mêmes plutôt évidentes dans l’ensemble, c’est leur accumulation qui les rend difficile à intégrer.

Perseverance est l’opposé d’un jeu efficace. Tous les aspects du jeu ont leur propre mécanique. On a une accumulation de compteurs, de pistes, de cartes, de jetons et de ressources dans tous les sens, et cela semble parfois superflu. Si on prend l’exemple de l’attaque des dinosaures de l’épisode 1, il faudra pour la résoudre : voir les effets des pièges, puis ceux des murs, puis des soldats (deux soldats différents agissant différemment en fonction du type de dinosaure en face). Si les dinosaures passent, il y aura des conséquences différentes en fonction de leur espèce. Puis on regardera les bonus que l’on gagne : leur nombre dépendant de notre contribution au combat, avec un bonus pour celui qui a été le plus « actif ». Ces bonus nous coûtent des ressources, deux différentes, que l’on gagne en fonction de si l’on met nos soldats en première ou second ligne. Et ces bonus sont tous dépendants des autres actions et réalisations que l’on a faites pendant la partie. Est ce que tout cela n’aurait pas pu être plus simple ? Est ce que cette accumulation apporte vraiment au jeu ? Est ce que vraiment les différents types de bonus vont influencer mes choix, ou bien tout ne sera qu’une question de prendre celui qui, opportunément, me donne le plus de points ? D’ailleurs, le jeu propose tellement de façons de marquer qu’il est difficile de ne pas y voir une salade de points.

 

Une débauche de matériel avez vous dit ?

 

L’épisode 2 en ce sens est encore plus flagrant : il y a tellement de possibilités, que la plupart des joueurs de ma partie ont tout simplement abandonné certains aspects du jeu, pour se concentrer sur une ou deux mécaniques, et n’ont même pas chercher à savoir comment marchait le reste. Et pourtant, on avait une telle débauche d’icônes qu’on a chacun passé toute la première manche à demander les règles quasiment à chaque tour ! Et on a continué à y revenir sur le reste du jeu. Pourtant, on avait tous un profil de joueur aguerri, et tous avaient joué à l’épisode 1. Je déconseille d’ailleurs fortement de commencer par le 2. Même si… je dois avouer qu’une fois qu’on y a goûté, c’est peut être difficile de revenir au 1 qui risque de sembler fade (ce qui est un comble).

 

En haut, le plateau individuel épisode 1, en bas épisode 2…

 

Saison 1

Il y a un aspect du jeu que je n’ai pas encore essayé, c’est le mode campagne. En effet, on jouera deux parties de chaque épisode, avec des règles en plus à chaque fois (pas beaucoup) et les parties auront des conséquences les unes sur les autres. J’avoue avoir très envie de m’y frotter, mais il faudra trouver le bon groupe de joueurs. D’un côté, quatre c’est beaucoup car les parties sont quand même longues, mais de l’autre, deux c’est trop peu pour profiter pleinement des affrontements autour des majorités.

Au final, je ne sais pas si je suis séduit par ces jeux. Ce n’est pas vraiment mon calibre et ils ne seront pas faciles à sortir. On l’a vu, ils ont beaucoup de défauts, à commencer par un surplus d’à peu prêt tout.

Pourtant il faut reconnaître que le jeu est tout ce que j’attendais. L’univers dans lequel il évolue m’a séduit, j’ai pris beaucoup de plaisir à y jouer et je sens bien que le jeu a une belle courbe de progression devant lui. Et puis le côté série fonctionne assez bien je trouve sur ces deux épisodes.

Est ce que je rempilerai pour la saison 2 ? On verra bien, cela va surtout dépendre si j’arrive à ressortir cette boîte souvent, ou pas.

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter perseverance: castaway chronicles sur espritjeu

2 Commentaires

  1. El Duderiño 24/10/2022
    Répondre

    Merci beaucoup pour ce JP sur un jeu dont la boîte et le thème m’attirent, mais le plateau et le matériel, eux m’attirent moins et me donnent un sentiment d’ensemble de confusion. Ton article me donne envie de le tester pour m’en faire une idée, mais je n’ai personne autour de moi qui possède le jeu pour le moment.

Laisser un commentaire