Great western trail nouvelle zelande : merinos et kiwis

En 2016 sortait Great Western Trail, une boîte à la couverture grise arborant trois personnages emblématiques du jeu. Une couverture à l’illustration passe partout qui réussissait pourtant à attirer l’œil. L’auteur, Alexandre Pfister, s’il avait déjà quelques jeux à son actif (Port Royal, Broom Service) s’était fait remarquer l’année précédente avec Mombasa, jeu expert lui aussi.

Great Western Trail c’est quoi ? Dans la tradition de l’ouest américain, les cowboys accompagnent leurs troupeaux, traversant des villages, jusqu’à Kansas City pour les vendre et les expédier dans d’autres contrées. On croise des bâtisseurs, des empereurs du rail/conducteurs de loco et des indiens tout au long de ce périple. Le jeu mélange deckbuilding, prise de ressources, achat et pose de disques avec une courbe exponentielle et un rythme qui peut s’accélérer vers la fin. Une extension, Ruée vers le nord verra le jour, ajoutant un plateau supplémentaire avec de nouvelles lignes de train, poussant la transhumance un peu plus loin et ouvrant le jeu.

Puis GWT disparut pour mieux revenir en 2021 dans une seconde édition, cette-fois avec un design plus soigné. Le jeu intègre quelques éléments de l’extension (les jetons permettant d’échanger les cartes de sa main avec sa pioche…), remplace les indiens (pour des raisons éthiques) par des hors-la-loi (que l’on confond avec les cowboys), mais conserve le fond et la forme du jeu originel. L’extension eut le droit à sa réédition elle aussi.

Mais la nouvelle qui fit battre le cœur des fans fut l’annonce de deux suites : Argentine dont on parlait dans cet article, suivie rapidement de ce qui nous concerne aujourd’hui : Nouvelle-Zélande.

 

 

Great Sud Ouest du Pacifique

La première chose à faire pour approcher ce jeu est de retirer le mot « vache » de son vocabulaire. Il n’y a plus de vaches mais des MOU-TONS ! Il y aura des chiens et des oiseaux, nous verrons cela plus tard, mais surtout des MOU-TONS.

 

On se couchera moins…bête

 

Le but et la façon de procéder conserve l’esprit de la gamme. Il faut toujours emmener son troupeau par monts et par vaux, s’arrêter sur les bâtiments pour « commercer » et se diriger vers la ville principale, lieu de vente et d’exportation des bêtes. Les personnages ont été modifiés puisque nous avons changé de terrain de jeu mais nous retrouvons les types classiques pour acheter du bétail, le transporter, ou construire. Un petit nouveau fait son apparition : le tondeur. Oui, le mouton c’est pratique : ça se mange et on peut vendre sa laine (et fabriquer des produits cosmétiques à base de lanoline mais nous n’y sommes pas encore). Nous retrouvons les actions des bâtiments connus (faire des actions auxiliaires, échanger une carte contre de l’argent (ici des Livres mais nous dirons argent ou sous pour ne pas se mélanger les pinceaux), et avancer son train, bateau.

 

En gris, les bâtiments de départ

 

La version a conservé les entrepôts que nous déposons sur des espaces dédiés. Il y a du bétail à acheter, des personnages à recruter, une piste de certificat et des disques débloquant des actions sur son plateau personnel. Vous avez déjà joué à GWT, vous allez retrouver vos marques. Quelques surprises vous attendent néanmoins.

 

 Nouvelle-Zélande

Si le décor n’a pas vraiment évolué, des changements notables font leur apparition à plusieurs niveaux. Le plateau commun ne bouge pas trop, représentant une série de paysages et des chemins qui mènent tous à Wellington, la ville d’arrivée. Les bâtiments se sont bien sûr adaptés aux nouvelles contraintes et affichent de nouveaux symboles comme le bateau, un oiseau ou des tuiles bonus, nous verrons cela. L’utilisation d’un bâtiment est basique : on s’arrête dessus et on effectue l’action. Niveau personnage, une nouvelle recrue fait son apparition : la bergère. Elle remplace le cowboy dans l’achat de bétail. Le marin conduit le bateau et le tondeur… tond.

 

Un air de déjà vu mais…

 

Ce nouveau personnage a toute son importance. Grâce à lui, nous allons opérer une rupture dans le continuum financier. Grâce à la tonte des moutons durant le voyage, on peut empocher de l’argent rapidement. Plus besoin de se rendre à destination (Wellington) pour toucher sa paie ou s’arrêter systématiquement sur chaque bâtiment pour échanger une ou deux cartes contre quelques sous. La tonte va plus loin que ce simple négoce. On va pouvoir en faire un véritable axe stratégique. Trois emplacements du plateau personnel permettent d’augmenter ses gains lors de la tonte (symbole pelote de laine). Avec l’argent touché, on peut aussi débloquer un disque de son plateau et se placer sur un comptoir à laine (sur le plateau maritime) qui donne un léger bonus. En prime, si vous n’avez pas utilisé tous vos tondeurs dans l’opération, vous pouvez vous en servir pour piocher une carte de votre paquet et en défausser une. On pourrait presque arrêter cet article ici tant l’exemple de la tonte est représentatif des changements de cette version. La contrepartie, je pense, liée à cet argent facile est que les comptoirs de livraison (cases où l’on place ses disques) ont maintenant un coût obligatoire. On se remplit les poches plus facilement, mais on est taxé plus souvent.

 

Une tonte à 7 sous (3+1+2+1)

 

Le plateau commun possède de nouvelles pistes. Le marché de l’emploi propose un exemplaire de chaque personnage. Si leur coût varie, on est à peu près sûr de trouver celui qu’on cherche (c’était moins évident dans les autres versions). Le marché a été scindé avec une nouveauté : celui des tuiles bonus. Des tuiles qui offrent de multiples avantages : un certificat ou une laine permanente, un personnage joker, un jeton échange, l’accès à de nouvelles cartes dites support ou une avancée sur une piste or (oui, oui, il y a beaucoup de choses dans ce nouvel opus).

Les cartes Support peuvent être gagnées en bravant des dangers. Ce sont quatre cartes dont on ne s’occupe pas vraiment lors d’une première partie, d’autant qu’elles ont une valeur de zéro, mais elles peuvent permettre de gagner ici 2 sous, là monter sur la piste certification, et elles ne pourrissent pas notre deck vu qu’elles permettent de repiocher immédiatement.

 

Que peut-on faire avec un bac et un oiseau ?

On a aussi accès à d’autres cartes bonus. Un ensemble de 10 paquets aux pouvoirs multiples (mouton supplémentaire, objectif, rémunération, avancée de bateau…) dont on tire aléatoirement 4 types à chaque partie. Ces cartes sont rattachées cette fois à la piste Or, certaines actions nous donnent de l’or et en le dépensant on peut immédiatement gagner une de ces cartes.

 

 

encore des moutons, bonus et objectifs

Pour construire sur certaines zones du plateau, il faudra avoir avancé son marqueur sur la piste d’exploration, (celle des amis de la Ligue de Protection des Oiseaux (?) symbolisée par ce spécimen Kötare). On pourra y progresser pour gagner quelques bonus, construire sur des endroits non accessibles normalement et, si on va jusqu’au bout, se voir même récompenser par des points de victoire conséquents.

Les plateaux personnels sont en double épaisseur et, comme je le disais plus haut, assez similaires à ceux des versions précédentes. On y placera des disques qui, lorsqu’on les ôte pour aller sur les comptoirs, débloquent des capacités. Les ajouts concernent l’amélioration de vente de la laine, la valorisation des jetons échange, la piste de l’or et des bonus entrepôt. Une façon d’élargir les possibilités du jeu, de permettre des effets supplémentaires durant la partie, et de s’implanter sur les îles du plateau maritime.

 

À droite, la piste or et la piste certificat. En bas, les entrepôts.

 

Qui dit île, dit mer

À l’instar de Ruée vers le nord, un plateau, maritime cette fois, vient se coller à celui déjà posé. Prévoyez de la place, beaucoup de place. À l’instar des conducteurs de train, ce sont les marins qui vont explorer les îles et améliorer les ports s’y trouvant. Accoster sur le quai, placer un disque ou un entrepôt sur une case et payer le prix selon la taille (petit ou moyen) sont les actions de cette région. C’est l’unique endroit pour utiliser ses entrepôts, avec déblocage de bonus et PV mais aussi la pose d’un disque qui comptera pour la fin de partie. Là encore, il faudra souvent payer le prix pour se placer et dans la foulée glaner une carte support, etc. Un port moyen permet, contre un personnage, de récupérer une tuile capitainerie offrant, une fois encore des bonus immédiats (sous) ou permanents (certificat) et de fin de partie. Il faudra bien choisir son parcours car si on peut faire marche arrière, toutes les voies maritimes ne se recoupent pas, et naviguer vite et loin demande de la main d’œuvre.

 

Bateau, ports et jetons capitainerie

 

J’apprécie grandement la rapidité d’un tour chez GWT. Comme il n’y a pas vraiment de blocage, que tous les cowboys peuvent se rejoindre sur le même bâtiment et faire la même action, on peut réfléchir dans son coin à ce que l’on veut faire. Ce sont plus le manque d’argent, de ne pas avoir la bonne couleur de carte au bon moment etc qui pourront vous freiner plutôt que les joueurs adverses.

Le tour du joueur reste rapide. On avance son pion éleveur du nombre de cases autorisées, on s’arrête sur un bâtiment et on effectue l’action. On peut jouer certaines cartes support. Fin du tour. Et on reprend le chemin. Une fois à Wellington, but du voyage, on vend son troupeau, on prend l’argent, et on place un de ses disques sur un comptoir. On recharge le marché. Et on retourne au départ pour une nouvelle traversée. Grâce aux nouveaux ajouts et au plateau maritime, on pourra se diversifier, mais rien qui ne bouleverse ou ralentisse le tour.

 

Zeland of Freedom ?

La saga commencée en 2016, il n’y a pas si longtemps finalement, s’achève. On voit mal ce que l’auteur pourrait concocter sans tourner en rond, mais sait-on jamais. Possédant la première version, je ne l’avais pas remplacée par la réédition, rien d’assez significatif pour me pousser à l’échange. Argentine m’avait laissé mitigé. J’avais bien aimé l’ajout des ports mais pour le reste, et malgré de bonnes idées concernant l’utilisation des trains, j’avais trouvé le jeu un peu boursouflé avec son blé, ses granjeros, recrutables via les vaches (l’idée de force des cartes vache a sûrement inspirée la laine du mouton)… Argentine est clairement celui que je place en troisième position de la trilogie.

 

Personnages et tuiles bonus

 

À la lecture de ce Just Played, si vous ne l’avez pas lu en diagonale, vous avez peut-être frémi à tous ces apports : tuiles bonus, cartes bonus, piste d’exploration, piste or, tonte de la laine, utilisation de la laine, ports et entrepôts etc… Oui, la lecture de la règle est épuisante, il faut fouiller ici et là pour avoir un point de vue global par moment, mais en réalité tout est sobre. Pas de conditions abracadabrantes pour valider une action ou un achat. On veut avancer sur la mer, il faut des marins. On veut acheter une tuile bonus, il faut des sous et parfois être bien placé sur la piste or. Sans dire que c’est évident, on va dire qu’il y a une logique. Grâce à ses ajouts, ce périple néo-zélandais propose plus de souplesse et de direction tout en gardant une grande fluidité et une certaine simplicité d’exécution. Si on s’y promène sans heurts, le jeu reste touffu et il faut avoir les yeux partout. Il est aisé, lors d’une première partie, d’oublier qu’on peut piocher une carte avec un de ses tondeurs ou d’occulter les factions support.

 

À droite la piste d’exploration et deux de ces emplacements réservés (avec l’oiseau).

 

Le marché révisé met en avant l’importance des tuiles bonus. Elles permettent des actions à l’intérieur du jeu et donnent des points. Idem pour les moutons, on peut vendre la laine chemin faisant en couplant cette action avec les plus du plateau personnel et ainsi contourner certains points d’arrêt obligatoire et ne plus avoir Wellington en ligne de visée imposée. Le jeu est moins linéaire et plus ouvert. Ce qui n’est pas sans causer cas de conscience et difficulté au joueur. L’anticipation, l’optimisation ou la gestion des personnages, cartes… n’a pas disparu, qu’on se rassure. La fin de partie approchant impose sa pression. Aura-t-on le temps de tout faire avant le dernier tour ? Comment gratter les ultimes Points de Victoire ?

 

Les coûts de placement des disques sur les comptoirs.

 

Le plateau maritime est une zone à part entière. S’il sert à dépenser ses entrepôts, il sert, au travers de ses conditions, de comptoir alternatif avec d’autres valeurs que celles de la ligne officielle. Il donne également accès aux cartes support, mouton et or. Et donne des points tout en aidant à valider des objectifs. Un vrai petit monde à lui tout seul.

 

ze mode solo

 

Nouvelle-Zélande trouve un équilibre entre simplicité et complexité. Simplicité des règles une fois ces dernières acquises. Simplicité des effets et complexité de nos propres choix et directions à prendre. Se lancer dans la tonte, prendre des cartes support, développer son troupeau, bâtir… Tout est alléchant. Mais si on a accès à tout, on ne pourra, bien sûr, pas être partout. C’est ce qui peut perdre le joueur au départ, hésitant à se positionner. On lui fait confiance pour changer de vue aux prochaines parties. Le tempo a son importance, surtout quand la fin approche.

Alors, Nouvelle-Zélande médaille d’or ? Si vous avez envie de vous lancer dans Great Western Trail, cet épisode est le plus complet, le plus ouvert, gardant une difficulté et un niveau qu’il faudra maîtriser. Possédant le jeu original et son extension,  je me vois mal investir dans une seconde boîte, qui, même si elle possède de sérieux atouts, se recoupe quand même avec son  grand frère. Si vous n’êtes pas dans ce cas et que vous souhaitez vous y mettre, Nouvelle-Zélande est le bon candidat.

 

 

 

 

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1 Commentaire

  1. Ihmotep 07/03/2024
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    Je te rejoins, c’est mon GWT préféré. D’excellentes idées avec notamment la refonte du marché des personnages avec un coût d’achats qui va dépendre de l’offre et de la demande ^^. Les nouvelles tuiles, pistes et cartes qui donnent plus de variétés sans alourdir le jeu (j’aime bien l’aspect pépite d’or pour faire certaines actions ou acheter des cartes autres que des vach…moutons dans notre deck ^^). Un des reproches que je faisais au GWT sans son extension c’est l’importance trop grande de la main de cartes en fin de tour. Meme en cyclant sa main si on terminait suite à du « pas de bol » un tour avec une main bof bof ca plombait la partie (pas d’argent, pas de bons comptoirs, plus de victoire sauf si tout le monde se gauffre). Ici on peut y palier, rebondir sur autre chose, et restez dans la partie.
    Personnellement je n’ai pas de GWT dans ma ludothèque à cause d’un défaut que je retrouve aussi dans cette version (même si c’est moins prononcé que dans les autres) : la tempo d’un tour de jeu. Souvent je sais à l’avance mes 2 ou 3 prochains coups et j’attend. Par moment ca va le tour de table est rapide mais parfois un tour peut etre plus long (un joueur arrive au bout de la piste, un moment de réfléxion intense,…). Et comme il y a peu de blocage pendant ses temps d’attente il n’y a rien de particulier à faire (rare qu’une action d’un autre joueur impacte notre tour de façon drastique).

    Cela reste un excellent jeu, un classique, à tester

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