Fateflip : Le Naufragé – Roleplay à la carte
Fateflip : Le Naufragé, est la dernière curiosité miniature d’Origames. Dans ce jeu essentiellement jouable en solitaire, vous allez vivre une aventure éphémère dans la peau d’un naufragé. Le scénario peut paraître vieillot, mais il est toujours aussi efficace.

Une nouvelle recette
Pour un aperçu rapide de la bête en vidéo, rendez-vous sur notre Ludochrono. Autrement, si l’on voulait résumer le principe de la franchise Fateflip, on pourrait la décrire comme un harmonieux mélange entre un Livre Dont Vous Êtes Le Héros et Palm Island. Tous les joueurs n’étant pas de la même génération, il est peut-être utile de préciser un peu plus ces deux styles de jeux avant d’aller plus loin.

Le Livre Dont Vous Êtes Le Héros (que l’on nommera LDVELH dans ce chapitre afin d’économiser le papier) est un type de roman, principalement destiné à la jeunesse (ados). Durant son âge d’or dans les années 80 et 90, plusieurs séries sont parues chez Gallimard dans différent thèmes : aventures fantastiques, enquêtes de Sherlock Holmes, Histoire, science-fiction… Après une ou deux décennies glaciaires autour des années 2000, leur flambeau s’est rallumé en parallèle du grand retour des jeux de rôles. Il est possible aujourd’hui de vous en procurer dans des éditions toutes fraiches.

Les Rôdeurs de la Nuit – Défis Fantastiques – Ed. Gallimard (1988)
Le principe est de lire une aventure découpée en paragraphes numérotés, accompagnée d’une petite fiche remplie au crayon et de dés. Des choix narratifs en fin de paragraphes vous orientent vers d’autres numéros de paragraphes et l’aventure continue ainsi, sautant d’un bout à l’autre du livre, jusqu’à atteindre une des conclusions possibles. Parfois l’usage des dés est nécessaire en cas d’action hasardeuse, et la fiche vous sert à noter de l’équipement ou des blessures, par exemple. Rien que d’en parler, mon for intérieur s’emplit de nostalgie !
Dans un tour autre genre, Palm Island (Ludochrono, Test) est un jeu de cartes paru en 2019 qui apporte un concept mécanique nouveau. Il consiste à jouer avec une seule main, en tenant un paquet de cartes qui offrent chacune des options. En fonction du choix que l’on va faire, on va pivoter la carte à 90°, 180°, ou la retourner face verso, puis la placer à l’arrière du paquet pour faire face à la conséquence de ce choix, un peu plus tard, lorsque la carte réapparaîtra devant vous. Le jeu est cependant très mécanique, et sans texte, ou presque.

Palm Island
Eh bien maintenant que vous avez les deux genres en tête, il est plus évident de s’imaginer à quoi ressemble Fateflip : Le Naufragé ; un jeu d’aventure narrative, contenu dans un paquet de cartes, que vous allez piocher progressivement, en faisant des choix.
Vos choix pourront premièrement impliquer de déplacer certaines cartes à l’arrière de la pile. Par exemple, si au lieu de faire face à un prédateur, vous vous cachez, cela pourra impliquer une conséquence tardive, que vous finirez par rencontrer en piochant des cartes, comme le croiser de nouveau au détour d’un chemin. Cependant, il n’y a pas de constance. Ces conséquences tardives pourront également être bénéfiques. Enfin à l’inverse, il y aura des conséquences immédiates, qui vous feront retourner une carte et lire dans la foulée ce qu’il se passe au verso.

Chaque carte représentera ainsi une micro péripétie avec 3 conséquences possibles. Parmi elles certaines vous feront gagner des cartes Objet. À l’instar des LDVELH, certains choix narratifs ne seront accessibles qu’en possession de certains objets.
L’ensemble se déroule en 3 chapitres tournant autour d’un même thème. Cependant, les cartes s’offriront à nous sous la forme de petits paquets (4, 5, …) que l’on va mélanger, pour varier les chemins possibles entre les parties. On aura donc régulièrement affaire à de petites péripéties légèrement décousues, mais la collecte de cartes Objet (qui peuvent aussi bien représenter du savoir ou des compagnons), permettra d’emprunter des arcs narratifs, avec des sujets se propageant sur plusieurs cartes.

L’aspect narratif est plutôt réussi. Les trois chapitres gardent une certaine cohérence dans l’évolution de votre aventure. La mécanique « carte à piocher », que l’on peut mélanger, va forcément casser par endroits la linéarité d’une histoire telle qu’on la lirait dans un roman, mais elle est compensée par une écriture soignée.

Vous ne collecterez pas toujours les mêmes objets au fur et à mesure de vos tentatives.
Du Roleplay à la carte
Le jeu est narratif mais avec un aspect gestion important. Vous aurez à côté de vous une carte permettant de suivre votre santé, votre humeur, ou différents paramètres en fonction du chapitre. Les choix que vous ferez vont augmenter ou diminuer des jauges. Au passage, c’est mon seul point négatif au niveau éditorial : les petites pinces à glisser sur le bord des cartes ne sont pas pratiques et ont vite fait s’abîmer. Je les ai remplacées par des cubes dès la première partie. Néanmoins l’important n’est pas là : si vous ne voulez pas périr, il faudra évidemment gérer de près vos paramètres.
Pour tout dire, dans de nombreux cas, ces jauges de survie vont motiver vos choix narratifs et peut-être moins le feeling. Un joueur un peu biaisé (comme moi !) aura tendance à faire ses choix en se focalisant uniquement sur les symboles, avant même de lire le texte. Forcément, je n’ai pas envie de mourir de faim en faisant un choix intuitif, survie avant tout !

Je me dois de modérer immédiatement ce propos, car la lecture seule des symboles (mouvement des cartes, modification des jauges de survie), ne suffira pas à vous orienter dans vos choix. Il y a une part incontrôlable, et des rebondissements. Si vous êtes amateur ou amatrice de roleplay, le jeu vous parlera plus que si vous êtes en recherche de performance et de gagne. En somme, l’esprit des LDVELH est bien là, et il rugit !

De plus, pas moins de 13 fins différentes sont prévues. Il ne s’agit pas ici de gagner, de trouver une fin victorieuse, car une bonne partie d’entre elles vous permettront de vous en sortir sans même avoir pu aborder le dernier chapitre. Il sera donc possible qu’en ayant fait des choix tout à fait raisonnables, vous vous retrouvez à terminer le jeu au milieu du paquet (en bien ou en mal).
Malgré les 13 fins, on ne s’amusera pas à refaire plus de 3 ou 4 fois l’aventure, au risque de tomber dans le travers routinier où l’on repassera encore et encore par les mêmes choix. Ce n’est visiblement pas le but ciblé et le jeu aura vocation à être rapidement éprouvé et donné à un proche.

Survivra, survivra pas ?
En définitive, l’esprit LDVELH est clairement présent. Cependant pour apprécier Fateflip: Le Naufragé, il ne faudra pas l’aborder comme un roman, mais comme un jeu de société : un jeu d’aventure éphémère avec de la gestion de ressources, agrémenté de narration. Il offrira en ce sens plus qu’un Cartaventura qui se limite uniquement à des choix narratifs et un gameplay minimaliste.
À l’exception de la carte de suivi des ressources, l’édition est irréprochable. La DA et les illustrations issues d’une collaboration d’artistes (Anastasia Durova, Alena Naumova, Yvan Villeneuve) sont très qualitatives, il n’y a rien à dire.
Le tout offre une expérience immersive, avec une dose de fraîcheur, d’esthétique, jouable dans un petit coin de table. On a envie de savoir où nous mène ce périple, de savoir ce que nous réserve cette île, si elle est habitée. Si vous voulez une réponse à tout cela, il ne reste plus qu’à vous munir de ce petit paquet.
Quelques vidéos de chez Origames
- Le pitch du jeu
- Une vidéo de gameplay pour vous donner une idée (attention spoilers)
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Manu 06/10/2025
Petite déception de mon coté. De nombreuses fois, le choix se limite à choisir quelle ressource dépenser puisqu’on aura le même résultat (tourner la carte dans le même sens). On choisit donc de dépenser la ressource qu’on a en plus grande quantité sans vraiment prendre en compte le petit texte en face. Sur les 13 fins annoncées pour donner une impression de rejouabilité, 6 sont des fins suite à une condition de défaite (que l’on ne cherche donc pas à atteindre). Comme tu dis, on ne jouera que 2 ou 3 fois la boite avant de la ranger ou de la prêter. Les achievements listés à la fin ne sont pas une carotte assez appétissante pour me donner envie d’y revenir.
J’ai aussi trouvé le texte un peu décousu : les conséquences d’un choix (carte retournée) arrivent comme un cheveu sur la soupe entre deux évènements qui n’ont rien à voir, et parfois je ne me rendais même pas compte que c’était la suite d’une carte déjà vue avant. La faute à une absence de temporalité : est-ce que ca se passe une heure plus tard ? le lendemain ? Par exemple, je me blesse la jambe, je fais 4 ou 5 péripéties assez sportives et puis quand la carte revient, je me rend compte que j’ai très mal à la jambe et que ma santé baisse…
Dans un genre similaire (jeu narratif, à choix multiples et petite gestion de ressources), on est vraiment bien en dessous de Eila et l’éclat de la montagne que je recommande chaudement.
Groule 06/10/2025
Salut Manu. Merci pour ton retour.
En effet c’est pour cela que j’insiste sur le fait qu’il s’agisse plus d’un jeu de société / jeu de cartes, que d’une vraie aventure narrative. Je l’ai pris sous cet angle de vue quand je l’ai découvert, c’est pour cela que je n’ai pas été déçu, mais sans doute que si je m’attendais à une narration pure, je n’aurais pas eu le même ressenti.
Bien vu pour Elia, ce n’est pas le même budget mais dans un genre similaire, je l’ai trouvé très bon (mais punitif aussi !)