Endless winter : travailleurs des ages glaciaires

Des jeux avec un thème préhistorique fleurissent de façon peu fréquente mais régulière. Endless winter est l’un d’entre eux, un jeu de Stan Kordonskiy, qui mêle pose d’ouvriers, gestion et construction de main, prise de territoires, collection, et de multiples bénéfices à recueillir dans tous les attraits de la vie au paléolithique.

 

Chasseur collecteur cueilleur

Comment occupe t’on ses journées à cette époque reculée où l’écriture n’existe pas ? On survit en chassant le bestiau, on cherche à fabriquer des choses, à développer la culture, on va commencer à établir des camps, puis des villages. On approche de la fin du nomadisme. On se repose aussi, car les temps ne sont pas aussi durs que ce qu’on peut imaginer, l’art est déjà en œuvre (mais peu abordé dans ce jeu, il faudra attendre que l’homme invente l’extension Rupestre).

Endless winter se passe en quatre manches, à raison de trois ouvriers à faire travailler par manche, ça nous fait douze actions. Cela semble peu, seulement certaines actions pourront être réalisées plusieurs fois en dépensant l’une des trois ressources du jeu : la nourriture, l’outil, et le travail. Le travail est déjà inventé, ne soyez pas si naïf. C’est une ressource qu’on trouve principalement sur les cartes de sa main.

Un tour de jeu consiste en la pose d’un ouvrier qui va aller faire l’une des quatre actions (série d’actions plutôt). Ces actions requièrent l’utilisation d’une ou plusieurs ressources, mais assez généralement de la ressource « travail ». C’est là qu’interviennent les cartes que nous avons en main. Ce sont des ouvriers spécialisés qui vont produire du travail, parfois plus efficace quand il s’agit d’aller à la chasse ou de développer la culture par exemple.

 

Ma main pour cette manche : en coin le travail fourni par le personnage. En cartouche ces capacités spéciales lors des actions, et plus bas, lors de la phase Éclipse.

Ces cartes sont la liberté offerte aux joueurs de faire plusieurs actions au moment opportun. Nous en recevons cinq à chaque manche. Et c’est tout pour la manche. Nous les défaussons pour produire le travail utile à chaque action, essayant d’optimiser en utilisant les bonnes personnes pour l’action visée, un chasseur sera plus performant pour l’action de Chasse par exemple.

La culture ! Elle se développe durant ces âges froids, et il sera possible de l’utiliser (cartes de la main) pour faire des actions supplémentaires avant notre tour de pose d’ouvrier. Peu de cartes au début donc, mais un deck qui va s’épaissir grâce à certaines actions, et la fameuse culture qui ajoute des belles opportunités de faire des choses durant son tour. Une fois nos trois ouvriers placés, s’il nous reste des cartes en main, et il vaudrait mieux que ce soit le cas, survient une éclipse en fin de manche. C’est le moment de récolter des points de victoire en fonction d’objectifs construits, mais également de la nourriture, des outils, des cartes en plus pour la prochaine manche…. et de réordonner l’initiative en fonction du travail dépensé durant cette éclipse.

 

plateau personnel avec les curseurs de nourriture et d’outil, les emplacements pour les pierres sacrées, les camps à installer et les mégalithes à construire.

Travail bien dosé

L’optimisation repose principalement sur l’utilisation du travail à bon escient. Employer la bonne recrue pour l’activité dans laquelle elle est la plus performante. Et prendre le bonus en étant le premier joueur à réaliser l’une des quatre actions du jeu : recruter, développer la culture, établir des camps et villages, et chasser.
En posant votre figurine vous allez décomposer l’action en une séquence en deux phases, puis une fois cette séquence finie obtenir le bonus d’action lié, uniquement pour le premier joueur de la manche à la réaliser.

 

Le plateau avec les quatre actions, et en dessous les cartes Culture, à droite la piste de chasse et plus bas la piste d’idoles.

 

On a parlé de gestion de main. La forme ressemble à du deckbuilding : on va enrichir notre deck grâce aux actions Recruter et Culture, on va appauvrir notre main à chaque tour en mettant les cartes jouées en défausse, et l’épurer régulièrement. Épurer permet évidemment de se débarrasser des faibles, mais surtout de valoriser nos morts. Ces cartes épurées vont au cimetière, qu’il sera de bon ton de faire grossir, car plus il est rempli en fin de partie, plus il y a de points à gagner en fonction de sa position sur la piste Idole.

Autre particularité de sa gestion de main : les cartes Culture, à jouer avant la pose ouvriers. Elles sont en nombre limité à chaque manche, elles se combinent plus où moins avec notre stratégie, et entraînent une course pour obtenir la meilleure avant les autres. Si ça ressemble à du deck building, les cartes ne vont pas comboter entre elles en revanche, on dépense nos cartes pour les ressources qu’elles apportent. Et les nouvelles recrues sont toutes identiques dans leur domaine spécifique. Très intéressant de garder ses cartes pour la phase de fin de manche, la phase d’éclipse.

Les ressources s’épuisent vite, surtout les outils, et le jeu va nous proposer de multiples façons d’en regagner. Les outils, ainsi que d’autres bonus (cartes en plus dans la main, nourriture, avancée de l’idole sur la piste…) sont aussi la façon de construire ses points de victoire. La liste des différentes pistes serait fastidieuse, contentons nous de dire qu’elle est thématique, tout étant imbriqué, sans être incontournable.

La phase d’éclipse qui survient à la fin de chacune des quatre manches n’est pas sans rappeler la phase de Révélation de Dune Imperium : nous pouvons garder des cartes de notre main, afin de réaliser des actions d’éclipse. On joue également gros lors de cette phase : le réordonnancement du tour. La personne qui aligne le plus de travail sur ces cartes (plus un éventuel repos) jouera la suite de la manche en premier et pourra choisir tous les nombreux bénéfices de cette phase avant les autres, elle prendra surtout le bonus de placement qui lui permettra de construire un mégalithe, une autre source de bonus et de point de victoire immédiats. 

 

Récolte lors de la phase Éclipse grâce aux majorités de territoires acquises avec les camps et les villages.

 

Elle est une phase de revenus (ressources, bonus) qu’on récoltera sur son plateau perso et sur les territoires occupés par nos camps et villages. Il faut avoir pensé à construire son moteur, et continuer à lutter pour préserver les bénéfices des territoires, car sur ce plateau là, c’est la lutte pour la majorité. Mais on ajoutera des cartes qui nous procureront des actions supplémentaires.

Éclipse c’est ainsi le moteur à ressource, l’opportunisme d’actions supplémentaires, et le réagencement de l’initiative.

 

Le plateau perso évolue : à gauche une pierre sacrée a été construite apportant un scoring lors de l’éclipse, à droite des mégalithes ont été placé sur la piste idoine libérant des bonus d’éclipse.

 

 

Mange tes morts

Tuer est un moteur à ne pas rater dans ce jeu. Nous l’avons vu avec l’épuration du deck qui permet également de construire des points grâce au cimetière. On enterre nos morts humains et c’est bénéfique, mais on peut également valoriser le produit de notre chasse. Nous chassons des animaux, que nous conservons pour les points de la collection, ou que nous pouvons également tuer pour des bénéfices immédiats et alléchants. Le scoring lié aux pierres sacrées pourra rentabiliser les dépouilles de certaines catégories d’animaux ou même de nos défunts. Tout est lié. Les pierres sacrées sont un aléa de mise en place, il s’agit d’objectifs qui vous nous rapporter des points lors de l’éclipse. Elles sont intéressantes à plus d’un titre, mais elles sont en nombre limité et il faudra les construire.

 

Produits de la chasse : animaux à collectionner pour des PV, ou à tuer pour des bénéfices immédiats.

 

Ce qui en fait un jeu ou beaucoup de choses sont possibles, rien n’est vraiment bloqué, sauf à se retrouver à n’avoir plus assez de ressources pour faire les actions. Si la course à la culture ou à être le premier à faire une action pour en obtenir le bonus est rentable, elle n’est pas la seule façon d’avancer. Ainsi le jeu va en être fort différent que l’on joue à deux ou quatre. À deux joueurs, peu de tension sur la course, non plus sur les meilleurs places à prendre avec ses camps à placer (un plateau à explorer pour des bonus lors de l’éclipse), tandis qu’à quatre sur cette même course à la meilleure gâche, les places sont rapidement prises par les premiers joueurs. Le quatrième arrive trop tard. Est-ce mal équilibré ? Est-ce une punition ? Pas vraiment, voyez plutôt qu’il reste plein d’autres choses à faire dans ce vaste monde que d’établir des camps et des villages. Soyez nomade : chassez, ou bien priez.

Il est fort plaisant de construire son moteur, de développer sa culture, tout est assez libre si on en a les moyens. Vient aussi le moment où on a presque trop de choix tant les bonus et points à grignoter sont de partout, mais peu de véritable différence à avancer sur un axe ou un autre. La dernière manche peut alors sembler plate, et c’est assez inattendu dans un jeu qui offre autant de possibilités.

Endless winter est évidemment un jeu à Points de victoire, que vous pourrez produire sous d’innombrables formes : toutes les cartes de votre deck, vivants et morts, les animaux chassés sous forme de collection, la construction des mégalithes, l’avancée sur la double piste des idoles qui valorise d’un côté les morts, de l’autre côté les ressources, les objectifs des pierres sacrées à réaliser à chaque phase Éclipse.

Une fois la mise en place faite, une légère asymétrie au démarrage entre les joueurs en fonction de l’ordre de départ, il y aura peu de hasard, car même le tirage des prochaine cartes dans la main aura peu d’impact sur les possibilités de développement. Tout est anticipable donc, sauf bien sûr d’attendre que les joueurs avant vous aient réalisé leur action qui pourra avoir des répercussions sur vos choix. Jouer à quatre pourra être un peu long.

Pour le renouvellement des parties et des stratégies, il ne faudra compter que sur les objectifs proposés par les pierres sacrées. 

 

Sans fin ?

On retrouve les éléments de la préhistoire, tout est là, la chasse, la survie difficile, le besoin absolu d’outil, l’importance de s’installer quelque part… la spiritualité. Pour autant, si je dois retenir un jeu qui fait risquer ma vie comme si j’étais nue, c’est Paléo. Pas de grand frisson donc dans Endless winter malgré la promesse d’un hiver bien longuement rigoureux, on arrive à s’en sortir plutôt bien. Il faudra légèrement agresser l’autre pour lui prendre la place convoitée que ce soit au camp ou à la culture. L’assemblage de tous ces game patterns fonctionne, mais est-ce élégant ? Est-il indispensable d’en faire autant, de proposer une mise en place et une multitude d’explications de mécanismes et de plateaux à scoring différents pour offrir ce champ des possibles ? Disons que l’exercice est réussi, mais qu’on peut facilement trouver plus simple pour vivre l’aventure paléolithique.

Matagot nous apporte en France ce jeu de Stan Kordonskiy, ainsi que  les extensions, qu’il vous faudra découvrir seul si vous voulez en savoir plus, ne les ayant pas essayées. Il semble que certaines extensions soient « indispensables » au jeu, ce qui est fort dommageable de proposer un produit amoindri, qui nécessite un upgrade pour révéler son intérêt, non ?

L’édition est remarquable, une belle fraîcheur vous attend à l’intérieur, accompagnée par le très prolifique The Mico. 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter endless winter: paleoamericans sur espritjeu

Laisser un commentaire