Couronne de Cendres, pose tes ouvriers à travers le voile des âmes damnées

Richard Lawton vient des domaines de l’image de marque et de la publicité, mais il est également le fondateur de Card Noir, un petit éditeur de jeux indépendants basé au Royaume-Uni, dont le premier jeu, « Crown of Ash » (Couronne de Cendres), est paru en 2024 en anglais par Kickstarter et arrive en français dans le texte via Pixie Games, pour l’automne prochain. 

Nous voilà seigneurs un brin léthargiques après une grassmat’ d’un siècle environ. Les champions du snooze sont réveillés par l’appel du trône (ça arrive) et la soif de pouvoir (d’homme politique à Nécromancien, il n’y a qu’une école supérieure), et prêts à partir en guerre pour revendiquer la fameuse Couronne de Cendres (qui, on s’en doute, n’est pas facile à attraper sans se salir les mains).

Moderne, le jeu se propose d’être “un tout-en-un” : pose d’ouvriers check, gestion de cartes check, gestion de ressources check, de l’affrontement à la Kemet check, se venger après un gros dodo de cent ans check. Alors, après une petite partie découverte, est-ce qu’on a envie d’y retourner ? 

 

Nécro or not, les PV, yabon. 

Au fil des quatre manches, vous accumulez des points, lesquels sont déterminés par les structures dont vous assurez le contrôle et la protection. Une structure définie quelles ressources peuvent être récupérées d’une part, et octroient des PV à son possesseur chaque manche d’autre part. Vous pouvez en construire une par dessus une existante. Les empiler permet de marquer encore plus de PV. Il va de soi qu’il conviendra de s’acquitter du coût en or afférent pour construire.  

Crown of Ash est une partition qui se joue en 4/4 : quatre manches composées de quatre tours. Nos Seigneurs d’outre-tombe vont pouvoir placer un de leurs sbirs soit sur une structure de ressources pour en gagner (os, cendre, sang et soufre – la base de la vie quoi), soit sur la zone “construction” pour ajouter une nouvelle structure – et donc changer l’offre du plateau en ressources, histoire de l’orienter vers ce qui nous intéresse (et pour marquer des points aussi comme on l’a dit, vous suivez ?). 

Vous construisez là où il y a encore de la place ou en écrasant l’existant. Vous l’avez compris, mais on le redit au cas où car y en a qui dorment encore, empiler les structures signifie scorer plus de points – toujours à condition d’être propriétaire de la zone. Détenir la structure permet aussi, comme dans un bon vieux Lords of Waterdeep, de prendre sa com à chaque fois qu’un adversaire se sert chez nous. Viens chez moi, trois os et du soufre, imbattable, c’est gratuit !

Et à quoi diable servent nos ressources vous demandez-vous peut-être ? Et bien, c’est assez évident, non ? Nous sommes des Nécros je vous le rappelle, nous rassemblons os, cendre, sang et soufre pour lever des morts et les rendre productifs crénon ! Allez, au turbin les macchabées ! Ou plutôt, au front ! On ne peut pas vraiment parler de chair à canon vu leur état de santé général mais vous avez l’idée. Ces ressources permettront d’acheter (un achat possible à la fin de chaque tour, c’est la grande braderie du cadavre !) des cartes Mercenaires plus ou moins squelettiques qui iront revendiquer des zones adverses pour vous. Sur la carte Mercenaire, une valeur d’attaque, et un type. Si vous combinez plusieurs cartes du même type, bingo, django, disco, vous décrochez un bonus pour le combat (+1 en cas de pair ou +2 en cas de brelan). Ne faites pas cette tête, ça ne se refuse pas.    

Au départ, on a tous une structure à nous, tranquille, qui produit quelques ressources gentiment dans son coin. Pas la grande cuiller d’argent dans la mâchoire, mais c’est déjà bien de la veine, un peu de capital pour se lancer dans ce monde de brute. D’ailleurs, en parlant de brute, dès le début, notre zone est protégée par un Mercenaire, maigri, mais plein de bonne volonté. Et puis, pour parfaire le tableau, ne l’oublions pas lui, là, au centre du monde connu, en train de se pavaner : le souverain Necro qui crâne littéralement dans sa Citadelle. Il a l’air d’avoir une belle vie et une bonne vue de la haut, on irait bien se percher sur son trône quoi… Pour ça, facile, il faut l’attaquer avec nos Mercenaires, avec une prime au combat pour le plus fou courageux qui s’y rend en premier. Mais gare, l’ami, il est une chose de conquérir une place, il en est une autre de la conserver.

 

Perdre, c’est gagner un peu 

On peut aussi flanquer nos crampons décharnés dans une structure adverse. Pour ça, toujours pareil, il faudra de la ressource pour acheter de nouvelles recrues (si possible mieux nourries), et aller toquer à la porte à coup de machette, avec une main de Mercenaires mal intentionnés et bien préparés. Là on compare les valeurs de nos cartes et chacun joue secrètement une petite fouine de carte “combat” que l’on révèle simultanément. Celle-ci ajoute classiquement une valeur à notre armée (0, 1, 3, 4, ou un dé pour tenter le sort) et donne surtout une récompense ou une compensation selon l’issue de l’affrontement. On a tous les mêmes decks de ces cartes combat, on peut donc voir quand un adversaire s’est dépouillé de ses meilleurs coups de fourbe pour aller racler la terre de ses ancêtres au moment opportun. Ces cartes-là permettent parfois des situations olé olé genre perdre délibérément le combat pour obtenir ses avantages. Ça, les joueurs adorent. 

Crédit Richard Lawton – jeu non définitif

 

Bon. Vous gagnez l’assaut quand même ? C’est bien. Maintenant, placez vos Mercenaires joués sur la zone, qu’ils protègeront désormais de tout leur cœur (enfin, ce qu’il en reste). Le défenseur l’emporte ? Vos Mercenaires partent au calme dans votre cimetière. Un dernier repos ? Pas vraiment. Vous savez ce que c’est, des vrais bourreaux du travail ces types-là…    

La fin de la manche arrive, vous scorez : si vous avez pris la place du gros darron de la Citadelle, là c’est jackpot avec 4, 5, 6, voire 7 points selon la manche en cours (comme dirait ma fille “non mais sérieux ?). Toutes vos structures valent des PV, vous le savez, je l’ai assez rabâché, avec des points additionnels si vous en avez empilé plusieurs bla bla bla. Vous relevez vos soldats des tombes (et bien oui, comme un lundi de Nécro quoi) et le joueur le plus à la ramasse détermine l’ordre du tour. Ce beau cadeau catch up empli d’un souffle de liberté est bien senti car l’ordre du tour impacte le jeu à plusieurs niveaux. Etre premier permet certes de squatter les meilleures zones, mais être dernier permet de contre-attaquer de manière sournoise avant le scoring. Dans les deux cas, on peut “cheh !” les autres et faire un auto-high five spectral avec nos mains détachables, ce qui n’a pas de prix.  

Si vous voulez plus de jambe à tout ça, vous pouvez jouer avec les capacités de Necro, qui ajoutent une once de sel à la ratatouille. Par exemple, Visio peut tenter de deviner la carte combat de son adversaire pour chiper un bonus d’attaque. Le Commandant peut relancer son dé s’il ne lui plait pas. Fence peut échanger trois ressources contre une autre… Bref, une asymétrie tout à fait bienvenue. Sachez que la boîte recèle un mode solo également, pas testé.

Crédits Leopoldo Muchall BGG

 

Cette Couronne de cendres offre un design propre, qui ne cache pas ses inspirations. Un mot sur la DA. Le monsieur est sensible à la question, ça se voit, il a su s’entourer (Vadim Mishin & Rafael Nobre aux illus). L’iconographie ne nous prend jamais en traître, la lecture est limpide, et ce twist bien panaché sur un thème qui sentait la poussière et le manque de lumière fonctionne surprenamment bien.

Côté gameplay, la boucle est finalement simple : récupérons des ressources, brandissons notre armée, et chopons du territoire. Ne s’en lasse-t-on pas après quelques parties ? La dynamique des stratégies ne devient-elle pas trop vite scriptée ? Il faudra sans nul doute plus d’une session pour le dire ! Mais sur cette partie découverte, on peut affirmer que cette Couronne taquinera dignement tous les amateurs de jeux de contrôle de zone. Au fil de ses quatre manches, la progression et la tension montent en puissance : chacun surveille les autres, les affrontements s’intensifient et nul n’est à l’abri. C’est pourquoi la configuration à quatre joueurs permet de pleinement profiter de ce qu’il a sous le capot (on utilise un AI deck pour les parties à moins nombreux). À découvrir, si l’idée d’un Lords of Waterdeep meets Kemet vous enjaille. 


Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici. Cet article a été écrit après une partie dans le cadre d’une journée pro. 

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2 Commentaires

  1. Gérald il y a 26 jours
    Répondre

    Aïe ! Euh … pardon « hi » ! Alors autant j’adore l’acuité de vos articles chère Shan, autant il va bientôt falloir que je m’équipe d’un dico d’anglais pour les comprendre ! ^^’

    • Shanouillette il y a 22 jours
      Répondre

      Oups, je plaide coupable : l’anglophile qui sommeille en moi s’est encore échappée…! 

      Merci pour votre lecture attentive et votre fidélité 🙂

       

      PS – Un cours de rattrapage d’anglais est prévu mardi, salle 101, avec thé, jeux et biscuits. Bring your own dictionary. 😉

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