BraveRats – Des rats et du tartan, il n’en restera plus qu’un

      En déballant ma montagne de jeux encore pas joués, j’ai aperçu la petite boîte de Brave Rats, made in Seiji Kanai. J’aime bien les jeux japonais, en général – du moins ceux que je peux dégotter en France. Robotory, Hattari, Sail to India… Je leur trouve ce petit quelque chose de différent, de fondamental, dans lequel les mécanismes sont mis à nu, parce que le thème, au fond, on s’en fout. L’auteur de ce titre, Seiji Kanai, est – entre autres – monsieur Love Letter. Mister minimaliste, dirait El Cam. Et minimaliste, Brave Rats l’est tout autant. Seize cartes, deux joueurs, des parties ultra courtes et intenses. Dans l’Hexagone, c’est Blue Orange qui porte le jeu. La boîte cartonnée contient un petit thermo velouté, écrin sur lequel reposent seize cartes figurant autant de rats.

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Chaque joueur incarne un clan de rats qui va se fritter contre l’autre dans une bataille de plis tout ce qu’il y a de plus classique. Car oui, les cartes sont numérotées de 0 à 7, et sont identiques pour les joueurs, couleur exceptée. Pour rafler la mise, il faudra bien entendu jouer la carte la plus haute. Et il faut gagner 4 plis pour remporter la partie. Sauf que chaque carte a un pouvoir. Vous allez me dire, c’est bateau, hein.

Oui, c’est bateau.

Sauf que les rats ont quitté le navire (badum tss). Et que leurs pouvoirs feront tourner le vent et passer l’Art de la Guerre de Sun Tzu pour un album de Babar.

 

J’exagère sans doute légèrement, mais l’esprit est là, et l’éventail de possibilités pose des questions tactiques au joueur. Décortiquons les cartes par duo, pour une analyse tactique, je l’espère, en finesse :

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La princesse (1) et son prince (7)

Le prince est donc la plus grosse carte, mais est très vulnérable à sa dulcinée, qui fera perdre la partie au prince si les deux figures se rencontrent. Oui, la partie. Eusse été une manche, la perte aurait été négligeable, mais on hésite toujours à sortir son prince quand la princesse n’est pas sortie. Et comme les cartes s’amenuisent en cours de partie, il devient très tentant de ne pas jouer son prince en fin de partie. Un vrai dilemme !

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Le musicien (0) et l’ambassadeur (4)

Le musicien met en pause la manche en cours. Ça peut vous aider à contrer un Prince ou un Général malvenus et un peu trop impolis, et le dépenser pour votre adversaire alors que vos ressources à vous n’en souffrent pas. Mais il faut être bien sûr de votre coup, car si vous perdez la manche suivante, la chute sera bien plus dure. L’ambassadeur, quant à lui, double les points de la manche en cours, mais seulement si vous la remportez. Vous pourrez donc vous amuser assez finement, puisqu’il se trouve dans la tranche haute des valeurs…

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Le général (6) et l’assassin (3)

Le général et l’assassin tablent sur les valeurs pour agir. Quand le général donne +2 en force à la carte suivante que vous allez jouer (jetez un regard en coin vers l’ambassadeur), l’assassin, lui, est un parfait contre à cette débauche d’effets : il fait gagner la plus petite valeur. Bon, en général il servira peu, mais il roulera sur l’ambassadeur, le général et surtout, les rats boostés par le général. Suivant ce qu’a joué l’autre, ce pourra être une carte très faible ou très forte – en fait, comme beaucoup de ces rats !

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L’espion (2) et le magicien (5)

L’espion permet de voir la prochaine carte que jouera l’adversaire avant de jouer la sienne ! Donc, même si ça ne vous permet pas de gagner la manche en cours, cela vous garantit la manche suivante, ou pas loin. Si l’adversaire joue un musicien quand vous jouez un espion, vous êtes bien. VRAIMENT bien. Quant au magicien, il s’agit d’une des cartes les plus puissantes du jeu, puisqu’elle permet d’annuler le pouvoir de l’adversaire. Il avait joué un assassin ? Dommage pour lui.

 

De l’équilibre à la truelle

L’équilibrage d’un jeu se fait souvent avec des mesures précises et des calculs savants. Demandez à un auteur de jeu. Mais il existe une autre façon de régler un jeu, et BraveRats est de ceux-là : le va-tout, ou silver bullet (balle d’argent) dans la langue de Shakespeare. Cette philosophie de design est parfois appelée pierre-papier-ciseaux-géant-fusil à pompe. En gros, des cartes sont démesurément fortes, parce qu’elles ont leur contre absolu, leur kryptonite, un peu comme le prince et la princesse. Du coup, la prise de risque est réelle, et comme dans ce jeu chaque joueur possède le même ensemble de cartes, la déduction et le bluff prennent vite le pas sur le simple jeu de plis. On se projette beaucoup plus dans l’esprit de l’autre, on essaie de deviner ses rouage tortueux, et on se prend à réfléchir beaucoup plus qu’il n’y parait.

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Ça sent le sapin : rouge a remporté deux manches (1 : musicien-magicien, 2 : espion-assassin) et a mis en attente la troisième. Sauf que j’ai +2 à mon personnage, avec mon général. S’il a un assassin, je suis dans la mouise… à moins que ce ne soit son prince ?

 

Pour autant, ce titre n’est pas complexe : avec sa relative simplicité, il convient pour les jeunes joueurs, et d’ailleurs surtout pour eux. Les adultes un peu plus rodés trouveront vite des limites aux frasques des petits ratons, car les parties, bien que passionnantes, peuvent se montrer (un brin) répétitives. Minimalisme oblige. Heureusement, il existe quelques variantes, pour donner plus ou moins de contrôle sur la partie et renouveler un peu le jeu. Mais comme les joutes de nos muridés préférés durent entre une et dix minutes, pas de pression : BraveRats sait donner des sensations avec si peu, en si peu de temps, dans un système qui paraissait pourtant éculé. Et c’est déjà super bien.

Pour moi, l’alchimie créée par Seiji Kanai fonctionne une fois de plus, et l’auteur parvient à nous plonger dans une bataille épique dont le thème importe peu, même si l’ambiance est servie par des illustrations vraiment sympathiques. Bref, si vous voulez occuper une demi-heure en tête-à-tête dans un train, mettre un très jeune ou un joueur néophyte au bluff, foncez.

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A la fin de la règle, un tableau éclaircit toutes les questions qui pourraient rester.

 

 
Un jeu de Seiji Kanai
Illustré par Christophe Swal
Edité par Blue Orange
Distribué par Blue Orange
Pays d’origine : France
Date de sortie : 03/04/2014
De 2 à 2 joueurs
A partir de 7 ans
Durée moyenne d’une partie : 5 minutes
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3 Commentaires

  1. El Cam 15/06/2015
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    Ooooh… Ce tableau final envoie tellement de la poésie ! J’en ai l’œil qui se mouille.

  2. Patrick Bapoum 11/07/2015
    Répondre

    A force de me faire latter par ma compagne, j’avais arrêté de sortir le jeu. Cet article m’a donné envie de le réintégrer dans mes petits jeux de voyages, ceux qu’on emmène au cas-où quand on ne sait pas trop ni où on va tomber ni avec qui.

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