Bot Factory : assemblage de qualité
En 2014 sortait Kanban, un jeu Expert de Vital Lacerda dans lequel nous incarnons un cadre dans une usine de fabrication de voiture. Le principe kanban est une méthode utilisée entre autre dans le milieu automobile pour améliorer la gestion des flux. La fabrication du produit démarre quand la commande est faite côté consommateur. Un thème certes peut funky (pardon aux responsables qualité qui nous lisent) mais ô combien riche pour un bon gros jeu de gestion comme je les aime ^^.
Fort de son succès d’estime pour un jeu de cet acabit, Vital Lacerda remet le couvert (enfin plutôt les carrosseries) en 2020 avec Kanban EV, une réédition du jeu retravaillé, peaufiné, amélioré, bref sublimé (et avec des voitures électriques).
En 2023 une usine de jouet ouvre ses portes à côté de la fabrique de voitures électriques et décide d’appliquer à son tour la méthode Kanban. Loin d’être une troisième réédition de Kanban, Bot Factory propose de reprendre le principe et les mécaniques de Kanban EV mais dans une version épurée. Toujours de 1 à 4 joueurs, mais pour une durée de partie qui passe de 3 heures à 1 heure, et un livret de règles de 12 pages au lieu de 24. Et ce coup-ci un second nom apparait sur la boîte, celui de Joao Quintela Martins.
Le jeu perd-il de son intérêt ? Est-il vraiment plus accessible ? À titre d’information sa complexité est noté à 2.64 sur BGG. A-t-il un intérêt si vous possédez déjà Kanban EV ? Peut-il vous intéresser si vous n’êtes pas fan de Lacerda? Je vais répondre à toutes ses questions.
Tu as des bots mon pote, ils me bottent
Le principe de base reste le même que pour Kanban EV : chaque joueur contrôle un meeple qu’il va déplacer de tour en tour dans une section de l’usine. Sur chaque section, nous avons 2 à 3 cases de disponibles. Chaque section permet de faire une action principale, une action exécutive, ou les deux. Contrairement aux autres productions de Lacerda, les actions sont très simples. La chaîne de montage va vous permettre de placer les morceaux des robots pour les fabriquer.
Crédits photo : Vital Lacerda
À la production, vous allez pouvoir récupérer des tuiles pièces détachées afin de fabriquer les robots. Le système de jeu mis en place pour cette section est particulièrement malin et colle parfaitement avec le thème. Nous avons une roue de production avec 8 emplacements. Sur les deux cases du haut, la roue réalise son réassort. Les pièces des deux cases du bas sont disponibles aux joueurs. celui-ci va disposer d’un certains nombre de points d’action pour, soit récupérer une des pièces du bas, soit faire tourner la roue. Terriblement efficace, à l’usage ce système dévoile toute sa finesse (quelle pièce prendre, quelle pièce placer en fonction de mes besoins et ceux des autres,…).
Crédits photo : Vital Lacerda
Aux bureaux d’étude je vais récupérer les tuiles projets qui sont les robots que j’aurai le droit de fabriquer.
Enfin, le département finance me permettra d’améliorer la valeur des robots ou de réserver des contrats de fin de partie. En réservant un contrat, je serai le seul à le scorer, mais si je ne parviens pas à le réaliser, ce sera des points en moins en fin de partie. Monter la valeur des robots est moins coûteux mais à double tranchant, car cette valeur s’applique à tous les joueurs.
Pour pouvoir me placer, il faut que la case soit libre (le tempo dans le jeu est très très important, toujours anticiper le coup d’après). Et là où ça devient très fun c’est que pour chaque section les joueurs vont agir de la case la plus à gauche à la case la plus à droite, sauf que les cases de droites sont plus intéressantes en terme de « puissance de l’action ». Donc si je décide de me placer sur la case la plus à droite, je réaliserai un super tour mais je risque de me faire coiffer au poteau. De même, le déplacement sur un autre lieu se fait de la gauche vers la droite donc un joueur placé sur la même section que vous à votre gauche agira avant vous et se déplacera avant vous.
Crédits photo : Vital Lacerda
J’ai trouvé sympathique la présence de Sandra. Dans Kanban EV , Sandra est la directrice de l’usine. Elle va de section en section pour vous casser les pieds. Dans Bot Factory, elle intervient en tant que consultante et va encore de section en section pour vous casser les pieds. Quand c’est à elle d’agir, elle va faire une action spécifique à chaque lieu (par exemple réapprovisionner la production), et si vous vous trouvez sur le même lieu qu’elle, vous devrez vous taper la discussion avec elle (cf. ci-dessous).
Comme dans Kanban EV les jetons Prise de parole sont présents, mais sous une forme tout autre. Si je suis dans la même section que Sandra, je dois lui expliquer ce que je fais (donc donner un jeton Prise de parole) sous peine de passer mon tour (oui c’est très punitif mais ça s’anticipe). De nombreuses actions vont nous donner des jetons Prise de parole et certains lieux vont nous permettre d’en dépenser pour faire des combos (par exemple, je récupère une tuile projet, et en payant un jeton prise de parole, j’ai le droit de poser une pièce détachée dans la chaîne de montage). Vu que le jeu est rapide, ces actions combos sont cruciales pour répondre aux attentes du marché le plus rapidement possible. Cela reste cependant des actions très rapides qui ne cassent en rien le rythme de la partie. J’ai beaucoup aimé cet aspect du jeu, ce moment de grâce où le combo que nous avons mis en place les 3 tours précédents se déclenche afin de montrer à Sandra que JE suis le meilleur ouvrier de l’usine.
Le tout donne un jeu pêchu, avec des règles vite assimilées, les actions s’enchaînent, et au fil de la partie, toutes les subtilités des mécaniques se dévoilent sans pour autant nous vriller le cerveau.
Une boîte compartimentée
Une fin de partie de qualité
Dès qu’un joueur a construit 5 robots ou que les 4 robots d’une couleur ont été élaborés, la partie prend fin à la fin du tour. Comptez à peu près 60 à 90 mn pour une première partie à quatre. Niveau timing, pari tenu. C’est rapide, surtout pour un jeu avec une telle richesse tactique.
Pour le décompte final, il suffit de retourner le plateau chaîne de montage qui dévoile une piste des scores (économique, écologique et efficace). Il n’y a plus qu’à compter combien nous allons marquer pour chaque robot en fonction de sa couleur, les points des contrats que l’on aura réalisés, et quelques menus points en moins pour les pièces détachées et autres tuiles non utilisées (le gaspillage de ressources ça se paie).
Le décompte se fait en 30 secondes et durant la partie ces aspects du scoring sont faciles à surveiller du coin de l’œil. Attention toutefois à la fin de partie qui peut arriver brutalement.
Perdre des points pour les tuiles en surplus dont nous ne nous sommes pas servies est une excellente idée. Non seulement cela correspond parfaitement au thème « qualité » du jeu (pas de gaspillage, optimisation des process de fabrication), mais ça oblige aussi les joueurs à ne pas se gaver, à déterminer quelles sont leurs besoins actuels et à venir.
de charmants robots
Bot é fatale
L’éditeur Eagle Gryphon Games nous a habitué à des éditions d’une rare qualité tant dans les matériaux que dans la finition du jeu (compartiment de rangement, illustrations,…) mais pour un coût conséquent. Dans Bot factory le design a été repensé pour correspondre à un plus large public. Pour 60€, nous sommes dans les tarifs des jeux experts. Pour arriver à ce tarif, les matériaux sont un peu moins « Deluxe » que dans les jeux Lacerda que je connais, mais cela reste dans le haut du panier. Des compartiments de rangement sont présents dans la boîte, et sont très bien conçus (chaque joueur à sa petite boîte). Dommage qu’il n’y ait pas de notice d’explications pour le rangement, une fois dépunché nous avons un jeu dans le jeu (qu’est ce qui va où ^^). Toutefois, tout est tellement bien calibré qu’il m’a été facile de deviner qu’est ce qui allait où. Les meeples en bois sont adorables. Exit les habituelles illustrations de Ian O’Toole, place au travail de Pedro Soto (La Cathédrale rouge, la série des 19xx de Looping games) qui est toutefois remarquable, dans un style plus coloré, plus enfantin pour un jeu plus accessible que les autres production de Lacerda. Une belle réussite pour un excellent rapport qualité prix, surtout dans le contexte économique actuel.
Crédits photo : Alex Goh
Une paire de bots
La plupart des jeux de Lacerda sont bien plus palpitant à quatre joueurs, de par les interactions plus présentes qui entraînent un dynamisme accru dans les mécaniques de jeux (à l’exception de The Gallerist). J’avoue que Bot Factory m’a agréablement surpris à deux joueurs. Dans cette configuration, Sandra bloque complétement la zone où elle est présente, réduisant le nombre de lieux accessibles. Dans cette configuration c’est une course de vitesse vers la victoire, et la partie peut se terminer très rapidement (30 mn !). Autant dire que chaque coup doit être bien pensé, de la véritable optimisation…de qualité ^^.
Crédits photo : Vital Lacerda
Un jeu qui me bot
Bot factory ne fait pas doublon avec Kanban EV car, s’ils sont sur une base commune, ils ne boxent pas dans la même catégorie. Pari réussi pour Bot Factory. Un jeu qui répond plus aux attentes du marché du jeu actuel : des règles accessibles, un format de jeu assez court (30 à 90 minutes), pour des parties dynamiques, interactives, le tout avec un matériel de qualité et des compartiments de rangement inclus. Un sans-faute qui saura séduire les non-adeptes de Lacerda (actions plus simples, moins d’imbrication « brise neurones ») sans délaisser ses aficionados qui y retrouveront, ce qui fait son charme : un équilibrage au petit oignon, peu de hasard, bien planifier ses actions.
Un jeu de Vital Lacerda, Joao Quintela Martins,
Illustré par Pedro Soto
Edité par Eagle Gryphon Games
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : Mai 2023
De 1 à 4 joueurs
A partir de 14 ans
Durée moyenne d’une partie : 60 minutes
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