Bears in Barrels : Roulade et rapidité

L‘éditeur Blue Orange est loin d’en être à son premier jeu de dextérité et de rapidité. Parmi les nombreux jeux qu’ils éditent chaque année, c’est un style qui revient régulièrement dans leurs diverses gammes avec un attrait tout particulier pour le matériel original. Bears in Barrels s’inscrit tout à fait dans cette continuité et est également au diapason avec le reste de la ludographie de son auteur, Jeremy Posner, encore jeune dans le milieu avec cinq jeux édités (Twangled, Bluffaneer…) mais dont on peut déjà constater un attrait particulier justement pour l’utilisation de matériel qui sort des sentiers battus.

Il est donc bien normal de se pencher sur ce titre qui, à première vue, promet au moins de nous offrir une expérience un peu originale. Allons-y avec des pincettes cependant car, l’auteur comme l’éditeur, ont tendance à nous sortir des jeux inégaux et l’on peut donc se demander : est-ce que ce Bears in Barrels va réussir à nous faire tourner la tête ?

 

 

Culbuto…

Le principe de base du jeu est enfantin : essayer de renverser d’un coup de doigt un petit tonneau avec un poids à l’intérieur de sorte à ce qu’il finisse debout après un tour à 180°.
Si on ne peut pas lui reprocher de manquer d’élégance, force est de constater que ce mécanisme n’est ni intuitif, ni vraiment maîtrisable par n’importe qui. On passe le temps d’une partie voire deux à comprendre ce qu’il faut réellement faire pour réussir cette figure. Une pichenette ? Juste un petit coup de doigt ? Un peu plus fort ?

La vraie question étant : est-il seulement possible de contrôler ce mouvement ?

Plus problématique : Même la réussite n’est pas satisfaisante, puisqu’on a l’impression d’avoir juste tenté un peu au pif sans vraiment être capable de reproduire l’exploit. Bears in Barrels ne parvient ainsi pas à capter un bon « flow« , ce qui est là un problème foncièrement d’équilibrage. Trop facile ça ne fonctionnerait pas. Trop difficile, comme ici, on a juste le sentiment de ne pas pouvoir dompter le jeu.

Et c’est d’autant plus dommage que le résultat tombe comme un couperet de part sa binarité : soit c’est réussi, soit c’est raté et on recommence. Pas de score, pas de sentiment de progression comme on pourrait en trouver au Mölkky ou à Jungle Speed qui font aussi dans la dextérité et/ou la rapidité.

 

 

…Culbuto…

C’est raté ? On recommence. Encore raté ? On recommence. Toujours raté ? On recommence. C’est l’essence même du jeu d’être extrêmement répétitif. Il n’y a qu’un mouvement à réaliser et on le réitère jusqu’à ce qu’il soit réussi. Et quand c’est fini on passe au voisin. Deux galériens vont ainsi ramer pendant que les autres les regardent et ce jusqu’à ce qu’un des tonneaux rattrape l’autre à force de tourner autour de la table. Autant dire que là aussi ça peut être (très) long et notre tête tourne autant que celle des ours dans les tonneaux à force de les voir graviter en boucle.

En boucle oui, même regarder les autres est juste ennuyeux puisqu’ils subissent le même sort que nous : un cycle sans fin d’essais infructueux. Cela accentue donc le défaut majeur d’équilibrage du jeu en énervant tout le monde autour de la table, frustré de juste assister au spectacle de deux personnes bloquées sur leur tâche.

Et même quand la manche finit enfin par se terminer, c’est pour être confrontés à un système de pseudo-points de vie du jeu : on en perd un quand les deux tonneaux finissent devant nous et c’est reparti pour une autre manche à encore faire la même chose ! À multiplier par le nombre de joueur/euses à éliminer et par le nombre de points de vie de départ (3 étant la règle officielle). On passera rapidement sur le fait qu’une mécanique d’élimination implique que les personnes écartées de la partie sont très certainement parties faire autre chose plutôt que de continuer à s’hypnotiser en regardant des ours tourner dans tous les sens.

 

 

…et Culbuto.

À mi-chemin entre le jeu de société et le jouet, Bears in Barrels est très focalisé sur l’objet en lui-même plutôt que sur un vrai gameplay. Là-dessus il n’y a pas grand chose à redire, l’esthétique est soignée avec une ambiance un peu décalée et rigolote. À mi-chemin entre une ambiance un peu country cartoonesque et des aplats de couleur un peu en mode flat design plus moderne, c’est effectivement une boîte qui fait plus office de belle pièce de collection à défaut d’être un jeu intéressant. Les tonneaux en eux-mêmes sont solides et de bonne facture. À tel point que l’on se fera souvent mal aux ongles à essayer de leur mettre des pichenettes, mouvement intuitif que l’on tentera quelques fois avant de se rendre compte que pousser avec le bout de son doigt est plus efficace.

Conclusion

Bears in Barrels semble une torture issue de la mythologie grecque. Tel Sisyphe, nous sommes condamnés à enchaîner des essais infructueux en boucle et puis … c’est tout. Il n’y a qu’une chose à faire dans le jeu et ce supplice digital se répètera en boucle. Regarder les autres faire n’est pas forcément plus distrayant et c’est pourtant ce qu’on fera la majorité de la partie, voire en dehors de la partie puisque le jeu inclut une mécanique d’élimination, pourtant bien connue pour être sur la liste des choses à éviter absolument dans la conception de jeux de société (sauf en quelques exceptions, quand par exemple on sait que la partie est sur le point d’aboutir). Il est vraiment dommage qu’un jeu basé autant sur le matériel n’arrive pas à proposer quelque chose de fun et maîtrisable par tout le monde. Pas de grand renversement ludique donc.

 

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4 Commentaires

  1. morlockbob 30/05/2021
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    Etait il bien utile de consacrer autant de lignes à cette chose ?

  2. christophe 31/05/2021
    Répondre

    C’est vrai que le jeu en lui même n’est pas aisément maitrisable, et que selon les publics, on aime ou on déteste.

    Mais avec des joueurs qui aiment gentiment se chambrer (et qui aiment réessayer), on se prend au jeu, on encourage les autres à pourrir celui qui le plus de points de miel. ça me fait un peu penser un peu à ce jeu d’ados qui consiste à faire faire un salto à une petite bouteille d’eau pour la faire atterrir debout. Un petit jeu d’ambiance qui fait son taf, qui est bien apprécié par martin vidberg il me semble. Ici c’est devenu un petit défi rapide entre potes entre 2 autres jeux

    Bref, ça dépend des publics.

    Donc pour nous, on s’y amuse bien, et on y arrive de mieux en mieux au fil des parties

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