Azul – Ne restez pas sur le carreau

Sans nul conteste, Azul est l’un des cartons d’Essen 2017 et parmi les plus gros buzz de cette fin d’année. Pourtant, sur le papier, il était difficile de prévoir un avenir glorieux à ce nouvel opus de Plan B.

Cependant, pour qui connaît un peu le monde ludique, il y avait bien quelques signes avant-coureurs.

L’éditeur avait déjà fait pas mal parler de lui cette année. Composé d’une bonne partie de l’équipe de feu Filosofia (dont Sophie Gravel), Plan B avait lancé sa collection avec le non moins célèbre Century : la route des épices.

L’auteur, Micheal Kiesling, est également loin d’être un inconnu au bataillon. Le papa de Torres et de la trilogie des masques (Tikal, Java et Mexica) a déjà été gratifié de deux Spiel des Jahres en 1999 et 2000. Il s’agissait toutefois de collaborations avec son partenaire de toujours : Wolfgang Kramer. Azul est la troisième création solo de Micheal Kiesling, même si les deux premières sont passées plutôt inaperçues.

 

Installation de début de partie à 4 joueurs

Installation de début de partie à 4 joueurs

De quelle faïence est-il fait ?

Azul est dérivé du mot « azulejos » qui désigne les carreaux de faïence colorés introduits par les Maures. Manuel Ier, roi du Portugal en ce tout début du XVIe siècle, est subjugué par sa visite de l’Alhambra. Il décide de décorer son propre palais de ces azulejos et missionne ses meilleurs artisans.

De 2 à 4 joueurs incarnent ces artistes qui vont devoir mettre en œuvre tout leur savoir-faire pour satisfaire le souverain et magnifier le Palais Royal d’Évora.

Malgré ce contexte riche, Azul est un jeu abstrait qui demandera pas mal de réflexion et d’anticipation. Il faudra se fournir intelligemment auprès des fabriques pour remplir ses lignes de motifs. Seules les lignes complètes pourront venir embellir le mur du palais.

Toutefois, attention au gaspillage et à la précipitation qui pourront vous faire perdre de précieux points de victoires.

À chaque fois que l’on pose un carreau on calcule les points gagnés en comptant le nombre de tuiles adjacentes en ligne et en colonne. En fin de partie, des points supplémentaires sont gagnés pour chaque ligne, colonne et ensemble de couleur sur le mur du palais.

Le jeu se termine dès qu’un joueur a complété une ligne de son mur avec 5 azulejos différents. Celui qui obtient le plus de points de victoire remporte la partie.

 

De la belle ouvrage

Au niveau du matériel, Azul réalise (presque) un sans-faute. La boîte est magnifique avec son format carré qui évoque déjà la faïence. Le thermoformage est minimaliste et bien pensé pour abriter le peu d’éléments nécessaires au jeu.

Le livret de règles est un exemple du genre. La maquette est très aérée, très claire et bourrée d’illustrations qui complètent parfaitement les explications. Azul est très simple à appréhender mais il se paie le luxe d’un livret de 6 grandes pages pour se présenter. On peut par contre déplorer une perte de simplicité des règles dans la version française, mais rien d’insurmontable.

Plateau personnel lors du 4ème tour

Plateau personnel lors du 4ème tour

 

Les 4 plateaux personnels sont limpides. Une large place est réservée à la piste de score qui bougera beaucoup au cours de la partie. L’essentiel du plateau est consacré aux lignes de motif et au mur du palais que nous cherchons à décorer. La ligne plancher fait apparaître clairement les malus en cas de gaspillage. Enfin, une petite aide de jeu sur les gains supplémentaires en fin de partie permet aux joueurs de disposer de toutes les informations nécessaires pour démarrer.

Mais le petit bijou d’Azul reste ce superbe sac en tissus rempli des 100 carreaux de faïence (en fait, en résine) qui nous serviront à alimenter les fabriques. Comment décrire ce bonheur ultime de plonger la main dans le sac ? Ce seul argument suffirait à recommander l’achat du jeu. Juste pour emporter le sac au boulot et de s’en servir d’antistress. Frissons garantis !

Impossible de résister

Impossible de résister

 

On prend vraiment plaisir à manipuler ces azulejos et à les disposer sur son plateau.

Seul un petit bémol est à déplorer au niveau des pièces de carton. Le pion premier joueur est isolé et à peine visible sur une planche contenant également 3 fabriques. Nombreux sont ceux qui ne l’ont pas vu et l’ont expédié à la poubelle. L’éditeur a d’ailleurs fait un post Facebook pour alerter les futurs acheteurs.

Séquence de jeu

jeu-de-societe-azul-ludovox-08La mécanique d’Azul est très simple. Au début de chaque tour on alimente les fabriques dont le nombre dépend du nombre de joueurs (5, 7 ou 9). Chaque fabrique propose ainsi 4 faïences piochées au hasard dans le sac.

À tour de rôle, les joueurs vont choisir une fabrique et y prendre toutes les tuiles d’une couleur qu’ils choisissent. Les carreaux restants sont déplacés dans la zone située au milieu des fabriques. Il est également possible de se fournir dans cette zone de la même manière (en prenant toutes les tuiles d’une couleur donnée). Le premier joueur à piocher dans cette zone centrale prend également le pion premier joueur. Celui-ci permet d’avoir le choix du roi dans la prochaine phase d’offre des fabriques, mais il apporte également un malus dans le calcul de points.

Les tuiles récupérées vont venir alimenter une des lignes de motifs du plateau joueur. Toutes les tuiles excédentaires (ou qui ne peuvent pas du tout être placées) vont rejoindre la ligne plancher.

Une fois que toutes les faïences ont été récupérées, on procède à la décoration du mur. Chaque joueur peut prendre une tuile sur chaque ligne de motif complète et la placer sur la même ligne du mur. Les autres tuiles de cette ligne de motif sont placées dans le couvercle de la boîte de jeu.

Les lignes de motif incomplètes restent en place pour le tour suivant et risquent de compliquer la tâche du joueur.

À chaque fois qu’une tuile est placée sur le mur elle rapporte des points. Un point pour la tuile + 1 point pour chaque tuile contiguë sur la même ligne. Idem pour la colonne. Une faïence placée peut donc rapporter entre 1 et 10 points.

Toutes les tuiles placées dans la ligne plancher (y compris le pion premier joueur) font perdre des points lors de la phase de décompte.

Une fois la décoration terminée pour tous les joueurs on recommence une phase d’offre des fabriques. Lorsque le sac est vide on le remplit à nouveau avec les tuiles qui ont été placées dans le couvercle de la boîte de jeu.

En fin de partie, des bonus supplémentaires sont accordés pour chaque ligne et chaque colonne terminée. Le fait de placer les 5 tuiles d’une même couleur permet également de gagner pas mal de points.

jeu-de-societe-azul-ludovox-04Dis-moi comment tu décores ce mur et je te dirai qui tu es

Azul est réellement brillant au niveau des mécaniques qu’il déploie et des décisions qu’il nous invite à prendre. C’est assez incroyable de voir qu’un jeu aussi minimaliste en termes de règles puisse autant nous faire creuser les méninges.

Les deux premiers tours ressemblent à une promenade de santé. Le mur est vide et nous n’avons presque aucune contrainte. Il est très facile de choisir quoi prendre dans les fabriques et de les placer sur nos lignes de motifs sans gaspiller.

Mais rapidement le jeu devient beaucoup plus retors. Les contraintes apparaissent au fur et à mesure que le mur se remplit. On essaie de maximiser ses points à chaque pose de carreau, on observe ses adversaires pour voir comment les coincer, comment les inciter à nous laisser les azulejos qui nous intéressent…

Car l’interaction est vraiment très forte dans Azul, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer en découvrant le jeu. Observer ce que font les autres est inévitable si l’on veut gagner la partie. Il est assez simple de jouer en contre en empêchant les adversaires de prendre les carreaux qu’ils attendent ou en leur laissant un gros ensemble d’azulejos qu’ils ne pourront pas placer, mais cela ne vous suffira pas pour les vaincre.

Là où le jeu est très fort c’est qu’il permet réellement d’anticiper les actions des autres joueurs, en fonction des leurs propres contraintes et de ce qu’ils ont déjà récupéré. La lisibilité des plateaux est immédiate et permet une prise de décision stratégique rapide.

Mais il faudra aussi vous concentrer sur votre propre plateau pour gagner. Rapidement on comprend comment optimiser son mur pour accumuler des points immédiatement tout en préparant de futurs bonus de fin de partie (lignes ou colonnes complètes, tous les carreaux d’une même couleur sur le mur).

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Un jeu plus intellectuel que Manuel

Le plateau alternatif

Le plateau alternatif

Si vous n’êtes pas fan de jeux abstraits (et c’est mon cas), Azul risque fort de vous réconcilier avec cette catégorie.

Fluide et rapide, le jeu tient ses promesses en termes de durée de partie. Vous ne dépasserez pas les 30 minutes, même à 4 joueurs, sauf à jouer avec des calculateurs de l’extrême.

La première partie vous donnera certainement envie d’en refaire une dans la foulée. Les règles ont beau être simples, il n’est pas forcément évident au départ de comprendre comment optimiser au mieux son mur pour maximiser les gains de points de victoire.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, le jeu propose également un plateau joueur alternatif (au dos du premier) dans lequel le mur est grisé. En apparence cela simplifie les contraintes puisque vous êtes désormais libres de placer vos carreaux où bon vous semble. Mais il faudra cependant respecter les mêmes règles (une seule couleur par ligne et par colonne). Au final, c’est une variante encore plus retorse au niveau optimisation.

Azul s’adresse à tout type de joueur, dans un contexte familial ou plus aguerri. Les enfants à partir de 8 ans trouveront également facilement leur place autour de la table, même s’ils gagneront probablement peu face à un adulte.

En configuration 2 joueurs, le dernier Plan B fonctionne également très bien. Cependant, les stratégies sont plus simples et le jeu va vraiment trop vite. C’est à 3 ou 4 joueurs qu’Azul délivre toute la quintessence de la pose d’azulejos sur les murs du Palais Royal d’Évora.

Azul peut difficilement se comparer à d’autres œuvres ludiques actuelles. Toutefois, si vous aimez les jeux du type Kingdomino, Patchwork, Crossing ou Century, il y a de grandes chances que vous ayiez trouvé ici une bonne manière de prolonger l’expérience un peu plus loin.

 

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La fiche du jeu

Un jeu de Michael Kiesling
Illustré par Chris QuilliamsPhilippe Guérin
Edité par Plan B Games
Distribué par Asmodee
Pays d’origine : Canada
Langue et traductions : Allemand, Anglais, Français
Date de sortie : 2017
De 2 à 4 joueurs 
Durée d’une partie entre 30 et 45 minutes

 

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19 Commentaires

  1. morlockbob 01/01/2018
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    ce jeu m’apparaissait obscur malgré ses belles couleurs, il ne l’est plus maintenant. Un article qui tombe a point.

    par contre, je vois pas le rapport avec crossing ?

    • Galeelox 01/01/2018
      Répondre

      Le rapport avec crossing ce sont les champignons sur lesquels on dispose des diamants. J’ai repensé à ça en disposant les tuiles sur les fabriques.

  2. damas 01/01/2018
    Répondre

    je confirme que je ne vosi absolument pas le rapport, sinon AZUL est un excellent jeu qui rsssort tres souvent lors de mes soirées 😉

  3. Grovast 01/01/2018
    Répondre

    J’ai bien aimé et il ressortira très certainement sur nos tables ; on peut d’ailleurs lui prédire une carrière brillante, il a une bonne tête de vainqueur de prix en 2018.

    Chouette article agrémenté de non moins chouettes photos.

  4. Patap’s 01/01/2018
    Répondre

    Sur la dernière image (mur grisé), n’y aurait-il pas eu une erreur de faite sur la colonne contenant 2 carreaux rouges ?

  5. Zuton 02/01/2018
    Répondre

    A chaque fois je sors ce jeu pour le faire découvrir à des néophytes ou des joueurs plus confirmés, c’est un succès !

    Dans le même style mais différent, Sagrada marche très bien aussi !

  6. Matthieu d'Epenoux 02/01/2018
    Répondre

    Je confirme que cela n’a rien à voir avec Crossing.

  7. Galeelox 02/01/2018
    Répondre

    Arf ! Évidemment il faut que je cite Crossing quand Matthieu passe par là…

    Non vraiment ? Personne ne voit le rapprochement ? Un jeu où on commence chaque tour en plongeant la main dans un sac plein de tuiles que l’on dispose sur des fabriques/champignons sur lesquels chacun va se servir ?

    • fouilloux 03/01/2018
      Répondre

      J’avoue que là de l’extérieur, sans avoir joué à Azul, ça fait léger comme lien.

      Mais je trouve super intéressant que pour toi ça soit un lien fort: ça montre que les sensations qu’on retire d’un jeu tiennent parfois à des choses qui semblent des détails pour les autres, et que tout ça participe au plaisir qu’on en retire. Comme quoi, un jeu qui plaît c’est quand même une sacrée alchimie.

      • Galeelox 03/01/2018
        Répondre

        C’est exactement mon point. Un jeu c’est aussi une question de sensations, de textures.

        Splendor ne se serait peut-être pas aussi bien vendu sans ses jetons si agréables à manipuler.

        Je suis persuadé que le choix des matériaux est important dans la réussite d’un jeu.

  8. Fneup 02/01/2018
    Répondre

    Chouette article, merci !
    J’ai beaucoup aimé Azul, déjà une dizaine de parties en un mois, il risque de ressortir très souvent et dans la durée.
    Je te rejoins entièrement sur le pion « Premier Joueur » ! Pourquoi ne pas avoir créé un carreau spécifique ? Cela aurait tout de suite rendu plus intuitif le fait de le positionner sur la ligne plancher, et aurait évité ce côté un peu cheap en regard du reste du jeu.
    Quitte à pinailler, je trouve également la piste de score peu pratique, le marqueur de points bouge facilement avec un fort risque de décalage. J’aurais bien vu une piste avec des « trous » (comme dans Scythe par exemple, ça porte un nom d’ailleurs ce système ?)  ou bien une piste de score commune.

    • Galeelox 02/01/2018
      Répondre

      Je suis en phase avec toutes tes suggestions. Cependant, le prix du jeu aurait facilement grimpé de 10€ et on ne serait plus dans la même gamme… Peut-être une version de luxe un jour ?

      • Fneup 03/01/2018
        Répondre

        En effet, je n’ai aucune idée du coût d’un double plateau. Pour le carreau premier joueur, je ne sais pas si ça aurait sensiblement changé le coût de prod.
        Quoiqu’il en soit, ça reste du très bon boulot je trouve, le jeu est très agréable à manipuler, à l’instar d’un Splendor par exemple !

  9. Christophe D. 03/01/2018
    Répondre

    Le trip avec le sac en tissu et les carreaux… Je ne savais pas qu’Amélie Poulain était rédactrice à Ludovox.

  10. Tomahawk 03/01/2018
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    Moi Azul il me fait penser à Qwirkle si on y réfléchit un peu. Sauf qu’au lieu d’aller sur un emplacement commun via une réserve personnelle on va sur un emplacement personnel via une réserve commune. Ensuite le scoring est assez identique quand même…

  11. fouilloux 10/01/2018
    Répondre

    Bon, essayé lundi. Disons que je ne suis pas convaincu, ni par le jeux, ni par son esthétisme. Comme quoi 🙂

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