Almanac : La pose d’ouvriers exotique ?

S‘il y a bien un genre éculé depuis plus de 10 ans dans le monde du jeu de société c’est bien la pose d’ouvriers ! Si la profusion de ces jeux amène forcément quelques innovations ponctuelles ici ou là, rares sont les jeux qui proposent un grand renversement. Et c’est ce genre de bouleversement que souhaite nous proposer Scott Almes avec son dernier bébé, Almanac : The Dragon Road, un jeu qui se veut un mélange entre pose d’ouvriers et jeu d’aventure. Pas si étonnant de la part de l’auteur de la série des Tiny Epic, de Claim ou bien de Heroes of Land, Air and Sea, tous des jeux qui réinterprètent des mécaniques qui ont déjà bien fait leurs preuves mais avec ici une sauce à l’américaine, à base de thème grandiloquent et de hasard pour pimenter des styles qui habituellement sont un peu trop doux et froid. Le concept est tellement prometteur qu’Almanac est déjà annoncé comme une série et son deuxième titre The Crystal Peaks devrait sortir autour de juin 2021 chez le même éditeur, Kolossal Games.

Mais le concept est-il justement à la hauteur de sa promesse ?

 

 

Première Étape : Les Montagnes de l’Aventure

C’est évidemment le premier point qui intrigue lorsque l’on découvre le jeu : un grand livre aux pages cartonnées nous propose différents plateaux de jeu représentant les étapes de notre voyage. Oui, comme dans Comanautes ou Histoires de Peluches de Jerry Hawthorne on joue directement sur les pages du livre et l’on pérégrine ainsi d’un lieu à l’autre au cours de la partie.

On ressent particulièrement une identité dans chaque lieu, chacun ayant ses propres variations de règles, ses objets spéciaux à collecter et, jeu à l’américaine oblige, son petit texte d’ambiance pour nous immerger dans son atmosphère. Chaque voyage sera différent puisque lors d’une partie seules 6 des 17 destinations seront utilisées.

L’univers qui y est dépeint ressemble à de la « low fantasy », il se déroule dans un monde proche du notre à une époque plus ancienne (sûrement proche du Moyen-Âge ou de la Renaissance) mais avec de légères pointes de magie ici et là. Le point de vue est cependant atypique puisque nous y incarnons des marchands nomades, à la fois émerveillés par les lieux insolites qu’ils visitent et en même temps en quête de bonnes affaires dont il y a moyen de tirer profit. Cette combinaison voyage-marchandage évoquera le même sentiment que les jeux de livraison (pick and delivery) : on achète des marchandises à un point A pour les revendre à un point B plus tard dans notre périple. À nous de chercher les meilleures opportunités de profit et de gérer l’espace limité dans notre caravane.

 

 

Cependant cette aventure est ponctuée de lourdeurs lorsque l’on passe d’une destination à une autre. S’enchaînent alors une phase d’enchère pas très élégante et une phase d’événement inutilement compliquée et injuste. A-t-on vraiment besoin de cela pour définir la personne qui jouera en premier sur le plateau suivant ? Est-ce vraiment le meilleur moyen d’ajouter du hasard et du piment dans le jeu ? Dommage car l’intention est louable. 

 

Deuxième Étape : Le Désert de la Pose d’Ouvrier

C’est là la deuxième grande promesse du jeu : une pose d’ouvriers dont les règles changent à chaque tour. Un exotisme qui sera le bienvenu sur deux ou trois plateaux mais qui, la majorité du temps, nous laissera en terrain connu avec des changements de règles pas si révolutionnaires que ça. On reste sur des repompes de principes déjà existants dans d’autres jeux ou sur des simples contraintes de pose qui apportent toutes le même sentiment : devoir faire attention à ne pas ouvrir des coups aux adversaires (il y a d’ailleurs deux lieux qui proposent exactement le même changement de règle !).

En revanche, on peut trouver aussi dans chaque lieu des objets spéciaux à dénicher qui eux rendent la découverte de ces destinations bien plus intéressantes puisqu’ils nous proposent de vrais ajouts mécaniques qui diffèrent du jeu de base (on peut citer des objectifs secrets ou de la prise de risque comme exemples).

 

 

Binôme inséparable, la pose d’ouvriers s’inscrit bien sûr dans un jeu de gestion et de développement. Almanac nous propose plusieurs voies stratégiques nous permettant de savourer le plaisir de choix cornéliens et la personnalisation de son espace de jeu. On pourra gagner ainsi de nouveaux emplacements de stockage des ressources, de nouveaux ouvriers, des capacités spéciales qui ajoutent une dose de renouvellement entre les parties, du point de victoire direct ou bien des soldats pour combattre les événements même si cette dernière stratégie est, je vous le rappelle, gâchée par le côté trop hasardeux des événements.

Mais, malgré ce foisonnement, Almanac reste au final très léger pour un jeu de gestion. Les parties sont courtes, les tours sont fluides et on a donc rarement le temps de s’ennuyer. 

 

Troisième Étape : Les Collines de l’Édition

Comme beaucoup de ses homologues américains, l’éditeur fait le choix du thermoformage pour ranger son matériel. Choix qui n’est pas pratique de base mais qui se révèle particulièrement ennuyeux pour un matériel avec autant de types de composants différents au point que le jeu doit nous indiquer via une feuille volante comment ranger chaque élément. La boîte elle-même est d’ailleurs peu pratique avec son format non-standard qui aura du mal à trouver sa place dans une ludothèque.

Le reste de l’édition est de relative bonne facture. Le matériel est pléthorique et le style graphique de Chris Byer et Jacqui Davis se marie bien avec cet univers de marchands-nomades. Une édition qui fait le travail, mais rien de dingue non plus, en particulier les règles qui ne sont pas toujours très claires.

On notera également que le jeu propose assez peu de modifications en fonction du nombre de joueurs/euses ce qui génère des différences notables sur certains lieux où le blocage, idée fondamentale des jeux de pose d’ouvriers, se ressentira moins à deux qu’à quatre. En cela, le jeu est légèrement mieux à quatre mais les configurations à deux ou trois restent néanmoins très agréables.

 

 

À l’arrivée

Almanac nous propose un voyage vers des contrées à la fois familières et étrangères. Si c’est là une bien belle promesse, l’exécution se complait malheureusement plus dans un classicisme que dans un exotisme et le jeu se situe exactement là où on aurait pu l’attendre. Peut-être que Scott Almes garde ses idées les plus innovantes pour d’autres opus de la gamme ? À mon sens ce premier essai est à l’image de la ludographie de son auteur : il ajoute une patte américaine à un style de jeu européen mais sans jamais prendre trop de risques non plus. En résulte un titre solide mais dont la base si originale pouvait laisser imaginer un jeu deux fois mieux. Attendons donc de voir ce que la suite de la série nous réserve.

 

 

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1 Commentaire

  1. Salmanazar 12/02/2021
    Répondre

    Personnellement les jeux de Scott Almes ne m’ont jamais convaincu. Plusieurs fois, je me suis dit qu’il y avait une originalité mais ça n’a pas pris au final. Les éditions sont toujours au top .

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