300 : La Terre et L’Eau – Guerres Médiques sur plateau

Entre 490 et 479 av. J-C, la Grèce et la Perse s’affrontèrent dans les guerres médiques : les Perses cherchaient à reprendre le contrôle des citées ioniennes qui, grâce à l’aide de la Grèce, s’étaient soulevées. Les Grecs (Athènes, Sparte et Corinthe) tentèrent de repousser l’avancée perse pour contenir leurs ambitions coloniales. Ils y parvinrent après la Bataille de Salamine de -480 dans laquelle la stratégie de Thémistocle permit d’anéantir la moitié de la flotte perse et la défaite de Platées dans laquelle le Général Mardonios et plus de dix milles Perses furent tués.

300 : La Terre et L’Eau de Yasushi Nakaguro nous propose de revivre cette histoire dans un jeu de plateau historique. Ce wargame pour deux joueurs dans lequel nous plaçons des armées, des flottes, et jouons des événements, concentre les mécaniques principales de ce type de jeu, en offrant d’intéressantes réflexions tactiques et stratégiques. Édité par Nuts Publishing, 300 constituera une excellente porte d’entrée dans l’univers des jeux de guerre, par son livret de règles accessible et une durée de jeu raisonnable (entre trente et quarante minutes).

Un petit Ludochrono avant le début des hostilités ? 😉 

Image de David Lesouef

L’importance des cartes

Une partie de 300 se compose en cinq manches durant lesquelles la Grèce et la Perse préparent l’expédition, l’effectuent en réalisant des opérations, et ravitaillent leurs troupes. Durant la phase de préparation, chaque joueur dépense un nombre limité de talents pour acquérir des cartes, lever des armées et construire des flottes. Pour pouvoir accéder à la terre ferme, les Perses pourront également dépenser six talents pour construire l’Hellespont.

Comme 300 est un card-driven, c’est-à-dire un jeu dans lequel on utilise des cartes pour faire des actions ou en exécuter les événements, celles-ci seront très importantes pour déterminer votre stratégie de jeu. C’est pour cette raison que, avant de décider où vous levez vos armées et construisez vos trirèmes, vous pourrez consulter les cartes que vous avez achetées. Certains événements particulièrement puissants contribueront en effet à orienter – voire à structurer – votre stratégie.

Joueur perse, prends garde : si tu pioches la carte Mort soudaine du grand roi, l’expédition s’arrête tout de suite. Outre à marquer l’arrêt de toute autre dépense et action pour la manche en cours, cela pourra jouer en ta défaveur. Tendanciellement, les Perses auront besoin de plus d’expéditions pour constituer des forces militaires suffisamment solides pour espérer conquérir des cités grecques.

 

Le Perse (bleu) essuie une défaite cuisante. Il s’est probablement développé trop rapidement vers la Grèce. On peut dire pour sa défense qu’il n’a vraiment pas eu de chance : la Mort Soudaine du Grand Roi a annulé deux expéditions sur cinq.

 

Il leur faut en effet sécuriser, d’une part Pellas pour éviter que les Grecs utilisent l’Hellespont pour pénétrer en Asie, et d’autre part, Abydos pour empêcher la destruction de l’Hellespont. Sans compter que, si cette carte est révélée au début de la cinquième expédition, le jeu prend immédiatement fin. Si les Perses misaient sur la dernière manche pour grappiller deux ou trois points aux Grecs et remporter la partie, cela stoppera net leurs ambitions.

 

Hostilités réfléchies et mesurées

Si vous cherchez un wargame avec de grandes figurines pour taper sur vos ennemis, 300 : La Terre et L’Eau ne sera probablement pas le bon choix. Le nombre d’actions étant limité à la fois par l’achat des cartes et le nombre de manches, il faudra en effet réfléchir soigneusement aux emplacements de vos armées et de vos flottes, ainsi qu’à vos mouvements durant le jeu.

Bien qu’ils disposent de moins de talents, les Grecs pourront s’étendre dans les cités environnant Sparte et Athènes dès le début du jeu, ce qui permettra aussi de limiter l’avancée perse durant les expéditions suivantes. Ils auront aussi un avantage à chaque combat terrestre ou naval. À chaque lancer de dés, le résultat des Perses est toujours limité à 4 (ou à 5 en Asie). Mais les Grecs n’auront pas intérêt à s’éparpiller, sinon ils rendraient leurs cités majeures vulnérables aux attaques. D’autre part, pour contrer les Perses, ils pourront essayer de monter une flotte et une armée suffisamment nombreuses pour pouvoir débarquer à Abydos et détruire l’Hellespont.

Du côté des Perses, la priorité sera la construction du pont flottant reliant Pellas à Abydos. Les Perses auront beau jeu de débarquer en Grèce avec leurs flottes, sans le pont ou sans une flotte pour acheminer les ravitaillements, leurs armées dépérissent. Lorsque l’Hellespont est construit, il faut ensuite le protéger. On évitera donc de négliger ses cités principales et, surtout au début de la partie, le Perse aura tendance à préparer ses futures invasions. Il lui faut rallier suffisamment de troupes pour avancer sans dépendre excessivement des jets de dés pour les combats, ni mettre en danger ses cités majeures, vu qu’elles rapportent le double et permettent de remporter la partie.

Le joueur Perse s’est battu avec ténacité contre son adversaire Grec. Grâce à quelques jets de dés favorables et à l’absence de Mort soudaine, il a pu s’étendre jusqu’à rattraper son retard. Le dernier décompte lui permettra en effet de gagner les trois points nécessaires à la victoire.

 

La faction grecque comme la faction perse – même si, à mon avis et de l’avis d’un bon nombre de joueurs, les Perses sont plus difficiles à prendre en main – nécessitera de mettre de côté vos impulsions et de prendre le temps de réfléchir à vos choix. Plus l’expérience des joueurs augmentent, plus les erreurs peuvent coûter cher et être difficiles à rattraper. À son niveau et avec ses spécificités, cet aspect mesuré de 300 n’est pas sans rappeler une partie d’échecs ou de dames.

 

Concentré de wargame en petit format

À la vue de la petite boîte de 300 : La Terre et L’Eau, on peut avoir du mal à le croire : ce jeu contient un grand nombre de mécaniques des wargames traditionnels. Combats non-déterministes, malus au lancer de dés, factions asymétriques, ressources limitées, événements puissants… il s’agit d’un excellent jeu pour se familiariser avec le genre. Sans compter la durée raisonnable des parties et la possibilité de le transporter facilement et de le proposer pour terminer une soirée de jeux.

Même si, du point de vue thématique et stratégique, je lui préfère La Commune ou La Mort (dont je vous avais parlé ici), il faut reconnaître que 300 est plus facile à prendre en main, surtout pour des débutants du jeu de guerre. Je conseillerais tout de même la faction Perse à des joueurs plus avertis, d’autant plus que la Mort soudaine… peut être pénalisante, si elle est piochée au mauvais moment.

J’aime beaucoup les choix graphiques de Nicolas Roblin et Antonio Stappaerts : le matériel de jeu est simple, le plateau, petit, mais tout est clair et agréable à l’œil.

J’y joue régulièrement avec ma conjointe, à mon association de joueurs ou en ligne, et, plus j’y joue, plus j’ai le sentiment de m’améliorer et d’améliorer mes choix stratégiques. Les cartes sont peu nombreuses, mais le hasard de la pioche et la puissance de certains événements, permettent de renouveler l’expérience de jeu et d’élaborer de nouvelles stratégies combinant les événements et les actions.

 

Des exemples d’événements qui s’avèrent puissants dans certaines circonstances.

 

En bref, il s’agit pour moi d’une petite pépite historique, intéressante aussi bien pour des novices des jeux historiques que pour des joueurs plus expérimentés en quête de warteaux courts et accessibles. 300 : La Terre et L’Eau a inauguré la série Rations de Combat de Nuts! Publishing. Bientôt devrait paraître le deuxième opus du même auteur : Port Arthur. Pour ma part, je reste à l’affût et j’observerai l’évolution de cette série de jeux avec intérêt.

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4 Commentaires

  1. morlockbob 25/04/2023
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    Idem, très agréablement surpris. Et une gamme prometteuse

    • El Duderiño 02/05/2023
      Répondre

      Tout à fait, avec Port Arthur et probablement deux autres volumes qui s’ajouteront à Rations de Combat… On ne restera pas sur notre faim !

  2. Umberling 27/04/2023
    Répondre

    J’aime beaucoup ce jeu. Je lui trouve une élégance très cool, et un format qui me va bien.

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