Kaedama, l’expertise ludique par A. Bauza, C. Lebrat, T. Rivière et L. Maublanc

Nous en avions entendu parler dans un couloir d’Essen mais depuis quelques jours, la nouvelle est officielle sur les réseaux. Un nouveau genre d’entreprise vient d’apparaître dans le paysage ludique francophone, baptisé Kaedama. Derrière ce nom, quatre personnes qui se connaissent bien : Antoine Bauza (auteur de 7 Wonders, Hanabi, Takenoko) ; Corentin Lebrat (auteur du Petit Poucet et la Forêt Mystérieuse, Diavolo, Takenoko Chibis) ; Ludovic Maublanc (Cyclades, Mister Jack, Cash’n’Guns) ; Théo Rivière (Shinobi Wat-ahh, Sea of Clouds, Sticky Chamelons) et anciennement chef de projet chez Iello, Yoka by Tsume et Repos Prod. Leur objectif ? Proposer un service d’expertise et de conseils aux éditeurs. Curieux d’en savoir plus sur leur démarche et leur façon de travailler, nous leur avons posé quelques questions…

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Ludovox – Quelle est votre réflexion sur le marché ludique derrière le projet ? Est-ce que, par exemple, l’idée serait née devant le constat qu’il sort de plus en plus de jeux et que seuls ceux qui ont vraiment un « truc en plus » peuvent se démarquer durablement, et que ce résultat-là nécessite du temps, de l’expertise ? Ou est-ce parti d’une envie, plus personnelle, de vouloir travailler d’une autre façon ?

Kaedama – « Un peu des deux, en fait. Au départ, Théo voulait quitter son boulot et se lancer comme développeur indépendant, en partie pour goûter au plaisir de l’entrepreneuriat et Corentin souhaiterait quitter son travail pour se consacrer pleinement aux jeux. Nous nous connaissons tous les quatre de par nos casquettes d’auteurs et nous nous voyions régulièrement pour bosser sur nos projets et avancer ensemble sur nos jeux. Lorsque Théo a évoqué son envie de quitter Repos Production pour se lancer sur ce terrain, l’idée de bosser tous les quatre est très vite apparue. Nous avions envie de monter quelque chose ensemble avant tout par affinité, mais aussi par comptabilité dans nos manières de travailler.

Il est également clair que le marché grandit énormément et que tous les éditeurs ne peuvent pas disposer d’une équipe de développeurs. Nous avons vraiment envie de mettre notre expérience et notre savoir-faire à disposition de ces éditeurs. Il est certain que c’est de plus en plus dur pour un jeu de trouver son public et nous espérons pouvoir apporter le “truc en plus” que tu évoques et qui permet à un jeu de se démarquer.

Il existe aussi de plus en plus d’éditeurs qui recherchent des auteurs pour faire des “jeux de commande”, notamment sur des licences. Si ces jeux étaient très souvent mal finis ou très classiques, de nouveaux acteurs (Don’t Panic Games, Yoka by Tsume, USAopoly) cherchent aujourd’hui à faire de bons jeux à partir de ces contraintes. Nous avions tous les quatre été approchés pour réaliser ce type de jeu auparavant, joindre nos forces nous semblait être un bon plan. »

L – Vous aurez des rôles particuliers dans l’équipe ? Qui s’occupera du café ? 

K – « On n’a pas directement défini de rôle particulier pour chacun d’entre nous, mais nous nous répartissons les tâches assez naturellement, en fonction de nos envies et de nos compétences.

Par exemple, Antoine va certainement écrire la plupart des textes des jeux scénarisés, Théo va s’occuper du démarchage, Corentin va donner plein d’idées de jeux et Ludovic va construire de beaux prototypes.

Antoine est notre Maître Cafetier, mais il a plus tendance à les boire qu’à les faire. »

 

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Signature de contrat en cours !

 

 

L – Quel sera votre modèle financier ? L’ambition pour vous est d’en faire un temps complet ? Ou comptez-vous bien garder du temps pour vos projets de jeux perso ?

K – « Nous proposons plusieurs services différents, tarifés à la journée. Nos tarifs varient en fonction des prestations. Nous demandons également un intéressement sur les ventes sur certaines prestations (développement et créations).

En toute transparence, Théo a quitté son boulot et devra payer ses factures à un moment. Corentin continue de bosser à 80% pour son travail actuel, mais espère pouvoir le quitter prochainement. Dans l’idée, nous aimerions, dans un premier temps, dégager un salaire pour ces deux-là. Nous avons conscience que cela prendra du temps, mais c’est dans nos priorités, après faire du bon boulot.

Dans tous les cas, nous continuons de développer des jeux en tant qu’auteurs indépendants à côté. Notre but est aussi de nous dégager du temps pour continuer nos carrières d’auteur. »

 

L – Quelles sont les prestations que vous proposerez exactement ? À qui s’adressent-elles ?

K – « Nos prestations s’adressent à des professionnels, proches du monde du jeu ou non.

Nous avons trois grandes familles de prestations : du consulting. L’idée est d’apporter des conseils. Que ce soit pour l’observation et l’analyse d’un prototype en cours de réflexion chez un éditeur, des retours sur un scénario en cours de développement, l’accompagnement d’une structure souhaitant créer un jeu, un retour d’expérience sur un projet ou quoi que ce soit qui touche de près ou d’un peu plus loin au jeu, nous mettons notre expertise ludique au service d’une structure.

Du développement. Là encore, la formule est assez large, mais on peut globalement la résumer à un apport de game design sur un projet déjà existant. Cela comprend la finition d’un jeu sur lequel un éditeur est bloqué, la création de scénarios ou d’extensions… 

De la création. Plus simplement, ici, on parle de la création d’un jeu à partir de contraintes (univers, licence, mécanique centrale, matériel…) et à 100%. En discussion avec la structure qui passe la commande, on livre à la fin un jeu équilibré et testé à fond.

Dans tous les cas, nous essayons d’avoir un échange avec les éditeurs avec qui on travaille. Il est important que notre travail se fasse en collaboration avec ces derniers. »

 

L – Admettons, je suis un éditeur qui cherche à éditer un nouveau jeu. Est-ce que je peux me tourner vers vous pour trouver mon bonheur plutôt que de faire la tournée des auteurs ou de passer par un agent d’auteurs (comme ForgeNext) ?

K – « Si tu as un projet précis en tête, c’est parfaitement possible. Si tu veux simplement voir des prototypes pour trouver celui qui t’intéresse, nous avons peut-être des jeux disponibles, mais ça se passera en dehors de Kaedama. Et dans ce cas-là il est plus intéressant de faire la tournée des auteurs ou d’approcher ForgeNext. » 

 

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Quand Maublanc et Bauza se mettent à table…

 

L – Imaginons que je suis un jeune éditeur, j’ai justement un proto dont je suis content et que je pense éditer. Que pouvez-vous m’apporter ? 

K – « Notre volonté dans le choix d’avoir une tarification journalière est de pouvoir adapter nos services en fonction des projets. Pour toi, jeune éditeur, on pourrait par exemple réaliser une demi-journée de tests de ton prototype avant de rédiger un compte-rendu présentant les forces et les faiblesses de ton jeu, voire même te proposer des pistes de développement si nécessaire.

Il est de plus en plus difficile pour un jeu de trouver sa place sur le marché. S’adresser à Kaedama permet d’avoir un retour complet et de donner toutes les armes nécessaire au jeu en question. »

 

L – On sait que les petits éditeurs ont du mal à se dégager des profits sur leurs premiers jeux. Rajouter une charge financière sur le développement en passant par vous n’est pas forcément évident pour eux, non ? Comment anticipez-vous cela ? Vous destinez-vous plutôt aux grosses structures qui peuvent assumer ces coûts ?

K – « Nous avons vraiment à cœur de nous adresser à tous types de structures et on compte d’ores et déjà des structures plus modestes dans nos premiers clients. La finalité est réellement de ne pas être un poids supplémentaire pour les éditeurs, mais plutôt une aide pour décoller plus rapidement.

Nous avons conscience qu’il ne sera pas possible pour tous les éditeurs de faire appel à nous, mais nous avons choisi d’avoir une diversité dans nos prestations pour toucher le plus large public. »

 

L – Une fois votre prestation terminée, gardez-vous un œil sur l’avancement du projet (fabrication et illustration…) ?

K – « Nous aimerions continuer à suivre la vie des jeux sur lesquels nous aurons travaillé. Notre travail reste quelque chose de créatif et c’est toujours un plaisir de suivre les différentes avancées d’un jeu sur lequel tu as amené une touche. Néanmoins, nous nous concentrons avant tout sur le game design et ne proposons pas de services liés à la direction artistique ou à la fabrication. »

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L – Avez-vous prévu un « tampon » Kaedama pour afficher votre marque de fabrique sur les boîtes de jeu où vous aurez apporté votre expertise ? Est-il prévu que vous soyez mentionné sur les boites de jeu à l’instar de ForgeNext, qui apparaît maintenant sur les versos ?

K – « Nous avons un logo et nous souhaitons le voir apparaître au dos des boîtes et dans les règles des jeux sur lesquels nous avons fait un gros travail de développement et sur les jeux de notre création. L’idée est d’apporter un gage de qualité sur ces jeux. Pour les projets sur lesquels nous nous sommes moins impliqués, nous souhaiterions simplement être présents dans les crédits. »

 

L – Que se passe-t-il si l’éditeur décide de ne pas suivre vos conseils ?

K – « Ça serait vraiment dommage, mais tant pis. L’éditeur paye pour une prestation et nous livrons des conseils travaillés et sincères. Si ce dernier ne préfère pas les suivre, libre à lui. »

 

L – Merci pour vos réponses et bonne chance pour cette nouvelle aventure !

 

 

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8 Commentaires

  1. Grovast 19/01/2018
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    Intéressante clarification des tenants et aboutissants, j’avais bien compris en gros le truc en lisant à travers les lignes de certains tweets et autre, mais là, c’est limpide au moins.

    Ça résonne avec une chose entendue et une chose lue récemment :

    – Interview d’Icham sur Proxi-jeux : Matagot qui tournait un peu en rond dans le développement de Meeple Circus et a fait appel à L. Maublanc (si j’ai bien retenu) pour injecter des nouvelles idées.

    – Interview de Don’t Panic Games (cf. Plato n°103 de ce mois-ci) qui croit fort au licences, et entend les traiter mieux que certains l’ont fait par le passé, en les mariant avec des vrais mécanismes intéressants.

    Bref, bonne chance à cette Dream Team 😉

    • Antoine Bauza 19/01/2018
      Répondre

      Les deux éditeurs que tu cites comptent effectivement au nombre de nos premiers clients 😉

  2. acariatre 19/01/2018
    Répondre

    Très bien mais ça veut dire quoi « Kaedama » !?

    • Shanouillette 19/01/2018
      Répondre

      D’après ce que j’ai trouvé, c’est un plat de nouilles ^^

      Sources wiki :

      • Hakata ramen : nouilles servies dans un bouillon d’os de porc (tonkotsu) avec des garnitures spécifiques comme le beni shoga ou des graines de sésame. Les yatai à Hakata et Tenjin sont connus pour en vendre. De nombreux restaurants servant ce plat fonctionnent suivant un système connu sous le nom de kaedama (替え玉), où les clients qui ont fini de manger leurs nouilles peuvent demander d’avoir des nouilles supplémentaires pour finir leur bouillon pour un prix modique. Connu maintenant dans tout le Japon.
      • Mahg 22/01/2018
        Répondre

        Les nouilles supplémentaires pour finir le bouillon, ça serait donc l’expertise des 4 compères pour fignoler le concept d’un jeu déjà bien avancé?

        Subtil^^

        C’est vrai que « Kaedama », c’est moins chiant à dire que « Un dernier bout de pain pour finir le fromage », bon choix de nom donc :p

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 19/01/2018
    Répondre

    Un concept intéressant qui devrait fonctionner si avec un bon bouche a oreille, et une belle mise en lumiere telle que celle-ci.

    Bonne chance…, non surtout bon courage !

  4. aramoi 20/01/2018
    Répondre

    hello ludovox 🙂 très bel interview encore une fois … ça fait plusieurs années que je vous suis …  et le boulot que vous faites est top de chez top, rien à envier à bgg, ou … vraiment 🙂 vous êtes beaucoup moins nombrilistes que certains … francophones eux aussi et soit disant tenants du titre sur le web des jeux … voila, c’est dit, ça me démangeait de faire ce petit a-parté, sur cet article mais faut savoir dire bravo de temps en temps 🙂

    et encore merci la sha-team 🙂

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