Everdell, auprès de mon (bel) arbre

Everdell, c’est l’un des chouchous du public US depuis cet été, il était donc temps qu’on se penche de plus près sur ce qui fait tambouriner les palpitants des gamers outre-Atlantique. En effet, les joueurs ne tarissent pas d’éloges sur le fond et la forme du titre de James A. Wilson, primo-auteur qui opère ainsi une entrée fracassante sur la scène ludique. Faut reconnaître qu’Everdell sait accrocher le regard avec son design absolument craquant choupinou sweetest ever trop mimi (et en 3D madame). Andrew Bosley, bravo l’artiste.
Pour ne rien gâcher, les backers ont reçu leur boîte quelques mois en avance (whaaat? C’est possible ça ?). Une surprise qui, avouons-le, aura tendance à mettre le joueur dans de bonnes dispositions… Suffisant pour justifier d’une telle hype ?     

boite-everdell

Edition collector, parce que nous le valons bien

 

L’arbre qui cache la forêt 

Les amateurs de pose d’ouvriers et de combo de cartes se sont retrouvés sur la première campagne KS en janvier 2018, puis sur le site de l’éditeur (c’est par ce biais-là que j’ai acquis ma copie) ou actuellement sur la 2e campagne KS (le jeu est relancé avec une extension jusqu’au 28 septembre prochain). Des rumeurs évoquent une localisation française, mais pour l’instant rien d’officiel. “Laissez la police faire son travail, dès que nous aurons de plus amples informations, croyez bien que vous en serez les premiers informés.”

laissez la police faire son travail.

 

Dans Everdell, vous incarnez un petit peuple de l’herbe qui trouve son territoire trop étriqué. Vous partez donc bâtir une nouvelle cité, avec moins d’une année pour montrer ce dont vous êtes capable. 

 

Le plateau arrondi, l’arbre en 3D, les illustrations superbes avec ces couleurs automnales, les ressources, le combo thermo+sachet zip pour contenter tout le monde… Oui, oui, oui la direction artistique et les choix esthétiques sont indéniablement pesés et peaufinés pour donner à l’ensemble une belle présence sur table.
Mais Everdell n’est pas qu’un physique. D’ailleurs, tout n’est pas forcément parfait au chapitre ergonomie. L’arbre 3D, s’il est absolument charmant, n’est pas le meilleur présentoir pour les cartes (qui mériteraient d’être tenues à la verticale pour être visibles de tous), son ombre projetée sur les tuiles Event placées dessous ne rend pas celles-ci très lisibles (mais il suffit de reculer l’arbre légèrement, n’épiloguons pas pour si peu), et surtout le texte des cartes est globalement beaucoup trop petit. Voilà, il faut le dire, la perfection n’est pas de ce monde mes amis !

everdell-jeu-plateau

Un petit coin paisible


Mais assez parlé de l’extérieur, parlons du moteur. Le jeu n’invente rien, il se repose sur des bases déjà vues et solides : pose d’ouvriers, combo de cartes, “tableau-building”. Néanmoins, il s’avère clairement plus exigeant qu’on pourrait le croire avec ses abords tout meugnons.
Les règles sont plutôt simples à expliquer (sûrement dû au fait que le gameplay nage en eaux courantes), le plus difficile d’accès restant la lecture de chaque carte, dont il faudra intégrer un certain nombre d’éléments (prix, effets, chaînage, type…). Pour le reste, le jeu se lit assez aisément, le plateau donnant les précisions nécessaires, en icônes et ou en toutes lettres, pour ne rien oublier et fluidifier l’ensemble. Les tours des joueurs sont courts, puisque l’on doit réaliser une seule action parmi trois (et l’une d’elles n’est rien d’autre que conclure notre manche pour préparer la prochaine). La partie s’écoule donc rapidement, du moins en théorie, mais peut durer un peu, surtout quand vous découvrez les textes des cartes pour la première fois, ou si vous avez des joueurs soumis à quelques problèmes de constipation neuronale (AP) comme moi.

Ce qui m’a impressionnée dans ma première partie, c’est la courbe d’accélération des possibilités. Le premier tour semble plat et fermé, mais dès qu’on passe le deuxième, le moteur commence à vrombir pour finir sur les chapeaux de roue à la fin. Un emballement très agréable, avec au final cette sensation d’avoir accompli quelque chose : l’édification d’une cité, à coups de cartes qui savent rendre le thème assez vivant.

 

Petits cailloux et ricochets en série

À votre tour, soit vous jouez une carte (depuis le plateau ou votre main) pour former votre Cité (une grille de 15 cartes en fin de partie), soit vous posez un ouvrier sur un des emplacements (bloquants ou non, les deux co-existent dans Everdell) du plateau ou des cartes Cité afin d’en réaliser l’action. La dernière option possible, je le mentionnais ci-dessus, consiste à préparer la saison prochaine : vous la déclenchez uniquement quand vous n’avez plus rien d’autre à faire, car cela permet de récupérer vos ouvriers et parfois de déclencher certaines cartes productives.   

aubergiste

3 tasses de chocolat chaud et que ça saute !

 

Il faut saisir le rythme d’une partie, qui se découpe en plusieurs saisons. On commence à la fin de l’hiver et on termine avant le prochain. Chaque saison met l’accent sur un élément particulier du jeu et vous devez l’intégrer dans votre stratégie pour ne pas jouer à contre-tempo. Au printemps, les cartes “plantes” vous donneront des ressources, l’été vous permettra de vous agrandir à peu de frais et l’automne sera une période généreuse en nouveaux ouvriers et en production.

 

Comme dans Lords of Waterdeep, les emplacements pour vos ouvriers sont fixés sur l’installation de départ (le plateau + quelques cartes ajoutées aléatoirement) mais le tout évoluera pas mal au fur et à mesure des actions des joueurs.
Au début, vos ouvriers iront essentiellement chercher des ressources (baies, brindilles, résine, cailloux, permettant de poser des cartes) mais ils pourront servir à d’autres tâches au fur et à mesure de la partie, comme l’achèvement d’objectifs.

 

Ta téci va ké-kra

Si vous payez le prix en ressources, vous placerez une carte (du plateau ou de votre main) devant vous. Vous allez ainsi, petit à petit au cours de la partie, former une grille de 5 x 3, avec ces cartes bâtiments et créatures, qui constituent votre Cité et ses habitants. 

cartes-everdell-jeu-de-societe-school

L’heure de la récré a sonné

 

Sur certaines d’entre elles sera indiqué un emplacement pour un ouvrier (et parfois un deuxième, qu’il faudra débloquer en ayant une autre carte), ouvrant de nouvelles options pour vous… et parfois même pour vos adversaires (si c’est “open”, ils pourront venir squatter votre carte, mais ne commencez pas à hurler, vous recevrez un point de victoire en compensation).   
Ces cartes-là ont souvent des effets puissants, mais elles coûtent un ouvrier pour être activées, hors, ceux-ci sont rares, surtout au début (vous n’avez que deux ouvriers lors de la première saison, c’est chiche).

cartes-everdell-jeu-

Pour toute vigie achetée, un vagabond offert !

 

D’autres cartes ont un effet one shot, juste au moment de la pose. Certaines, plus long terme, (les plantes vertes) auront l’occasion d’être déclenchées à plusieurs moments, notamment aux changements de saisons.
Les cartes “Governance” vous permettront quant à elles certains bonus fructueux (par exemple, l’Historien vous fait piocher dès que vous jouez une carte créature/construction) et les “Prosperity” vous ouvrent de nouvelles façons de marquer de précieux points.

Il est essentiel de comprendre que ces cartes fonctionnent en binôme (voire plus). Poser une Auberge vous permettra par un effet de chaînage gratuit, de pouvoir jouer l’Aubergiste sans en payer le prix. Le Mari et la Femme combotent ensemble pour faire plus de points en partageant le même espace et vous donnent une ressource au choix si vous avez aussi une Ferme dans votre Cité. L’Ecole vous permet de jouer un Professeur sans payer les 2 baies normalement nécessaires, etc.

cartes-everdell-1

Un palais pour la reine, un château pour le roi…

 

Bref, il faudra garder un oeil attentif aux cartes qui jouissent toutes de synergies, histoire de profiter de leurs effets au mieux. Mais ce n’est pas si simple. Comme de bien entendu, le jeu vous pousse aussi à vous diversifier en mettant en place un système classique d’objectifs.
Certains d’entre eux, “basiques”, vous rapportent des points si vous êtes le premier à pouvoir poser un ouvrier et dire “j’ai 3 cartes vertes dans ma Cité” par exemple.
D’autres objectifs, plus délicats (et tirés à chaque partie), nécessitent des combinaisons de cartes très particulières et parfois des conditions spécifiques en sus : avoir la Chapelle et le Sculpteur peut permettre de décrocher la carte objectif “priscine chapel ceiling” mais cela devient vraiment intéressant si vous avez pu poser des jetons de victoire dessus précédemment par exemple. De quoi vous donner du fil à retordre, d’autant qu’il ne faudra pas non plus négliger les cartes Prosperity et leurs conditions de scoring ampliatives.
In fine, on cumule les points des cartes posées, les Prosperity, les objectifs atteints, les jetons PV récoltés ici ou là, sachant qu’il est possible d’aller défausser des cartes sur l’action d’ouvrier “journey” du plateau afin de grappiller entre 2 et 5 points bonus.

 

Je t’embête pas, j’optimise juste

Mettre en place un moteur, partir sur des couleurs, des chaînages, des objectifs, choisir vos axes de développement principaux et tenter de ne pas trop vous éparpiller, voilà le challenge d’Everdell.
Le jeu est exigeant et les copains pourront vous mettre quelques bâtons dans les rouages, essentiellement en bloquant des emplacements d’ouvriers, mais pas seulement : l’effet course aux meilleures cartes et aux objectifs joue à plein, et quelques (rares) cartes font par ailleurs dans l’interaction plus directe. Des adversaires peu charitables vont parfois sciemment vous mettre dans le margouillis en chipant sous votre moustache les cartes dont vous avez ostensiblement besoin (« Vilain maroufle tu oses me pick blocker de la sorte ?! »).
Vous le comprenez, point de céphaloclivisme (« fendage de crâne ») et les plus querelleurs d’entre vous resteront sur leur faim, mais nous ne sommes pas totalement seul dans notre coin en Everdell. Il est essentiel de bien réfléchir à comment on utilise chaque carte, aux apports que chacune nous octroie sur le moment et sur le long terme, mais aussi de surveiller ce que construisent les autres pour intervenir d’urgence si nécessaire… 

mari-everdell-carte-jeu

sky my husband !



Enfin, autre élément sympathique sans être révolutionnaire, comme c’est nous qui décidons pour nous-même de la fin de notre manche, nous devons optimiser nos cartes et nos ouvriers afin de faire en sorte de réaliser le plus d’actions significatives possibles avant la fin de la partie. Votre Cité comportera 15 cartes, pas plus (sauf avec certains effets…), et la partie se compose de seulement 3 saisons, mais (et ça ne marche pas très bien thématiquement d’ailleurs) c’est vous qui décidez quand vous passez à la suivante (ce qui permet de récupérer vos ouvriers, rappelons-le). Si votre moteur est efficace et que vous avez bien joué des chaînages, vous pourriez continuer à jouer quelques moments après que d’autres aient terminé. Optimisation, combo… Vous connaissez la musique !

Vous le voyez, Everdell ne compose pas de partition très inhabituelle à nos oreilles, mais il chante avec justesse et finesse, un air qui donne envie de rouvrir la boîte. Sa simplicité de lecture (les règles font 10 petites pages, le plateau de jeu récapitule bien les détails sensibles, la FAQ éclaire sur chacune des cartes) lui permet d’entrer dans la catégorie des Lords of Waterdeep ou autres Raiders of the North Sea sans rougir. Si vous avez aimé ces titres, cet Everdell devrait vous parler, attention cela dit, il s’agit plutôt d’un jeu de combo à la Imperial Settlers qu’un jeu de pose d’ouvriers en soi.
Pour des questions de durée de partie et de lisibilité, j’aurais tendance à conseiller le jeu à 2 plutôt qu’à 4 joueurs, mais pour l’affirmer, ainsi que pour évoquer la rejouabilité (qui semble de prime abord plus que correcte), il faudra attendre un article de la section Test.

 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter everdell sur espritjeu

6 Commentaires

  1. Mahg 17/09/2018
    Répondre

    La direction artistique, des illustrations au matos, est à tomber par terre.
    En plus la mécanique a l’air vraiment sympa, il faut impérativement qu’une version française voit le jour, mais que fait le commissaire Bialès…

    • Mahg 31/10/2018
      Répondre

      Des fois qu’il y ait des gens qui repassent sur cet article :
      Confirmé à l’Essen 2018, y’a plusieurs éditeurs qui sont sur le coup pour la localisation FR! \o/

  2. Val 17/09/2018
    Répondre

    J’ai choppe la version collector sur leur site aussi, recu mercredi et tester le jour meme !! ce jeux est un bijoux il me fait penser a Seasons mais en plus rapide et avec moins de des j’adore !!

    Un mix entre Sbires et Seasons de mon point de vue et le tout en 1h30

    Il est jouable a 5 aussi mais c’est plus long 2h facile

  3. Bgarz06 17/09/2018
    Répondre

    La VF, la VF, la VF…

  4. Astien 24/09/2018
    Répondre

    j’avais laissé passer la première campagne KS.

    Heureusement il y en a une nouvelle :D!

  5. Abysse Hobby 15/10/2018
    Répondre

    La VF va forcement arriver, reste juste à savoir chez qui….patiente….

Laisser un commentaire