Vivarium – Sous la Terre, attrapez-les tous !

 

Il est aujourd’hui difficile pour un jeu de collection de sortir du lot, étant donnée l’offre pléthorique de jeux du genre, récents ou anciens. Vivarium, un jeu de Frédéric Vuagnat (auteur de Maître Renard), édité par Studio H est un nouveau venu qui tente de faire son nid. Pour ceux qui ne le savent pas encore, Frédéric est aussi membre de l’équipe Ludovox et connu sous le sobriquet de Fredovox ! Je tente l’exercice de l’impartialité dans cet article même s’il ne sera sans doute pas total. A noter que je ne suis pas un grand consommateur de jeux de collection, alors cela va peut-être m’aider dans cette tâche !

Pour un premier aperçu en vidéo, je vous propose de regarder notre Ludochrono. On parle aussi de Vivarium dans ce Dans le Viseur à Vichy.

Le thème s’inspire du roman de Jules Vernes Voyage au centre de la Terre. À la fin du 19e siècle, des scientifiques découvrent un immense continent souterrain abritant une grande biodiversité encore inconnue, et décident d’envoyer des expéditions de naturalistes pour inventorier le vivant. Vous êtes ces scientifiques et serez en compétition pour faire les plus grandes découvertes de votre temps au sujet de ces végétaux, animaux et autres créatures draconiques et minérales. En termes de jeu, il faudra collectionner ces créatures, afin de combiner leur type et leur couleur pour marquer le plus de points possibles à la fin de la partie.

 

 

De la bonne brique de chez nous

La première chose qui m’a touché est la boîte de jeu en elle-même : esthétique et bien dense. C’est toujours une réjouissance pour moi de soupeser un matériel compacté et bien rangé. On nous répète qu’une grande boite se vendra plus facilement mais je n’en démords pas, découvrir 70% d’air à l’ouverture est toujours une déception. Vive les jolies petites boites bien remplies !

Les illustrations sont signées Satoshi Matsuura (Hidden Leaders), un illustrateur japonais récemment arrivé dans le milieu ludique. Je ne suis pas particulièrement adepte du style donné aux créatures, un peu loufoque et géométrique, mais je trouve l’ensemble non toxique et bien lisible, c’est pour moi le principal.

 

 

 

C’est dans les vieux pots…

Côté mécanique, Vivarium est un jeu de collection et de contrats dans le style le plus classique et épuré, qui s’inscrit dans la lignée de Splendor, dont il se rapproche selon moi (sauf tout de même pour l’aspect « jeu à moteur » que Vivarium n’a pas).

En deux mots, on installera une offre de cartes sur la table, chacune proposant une créature, un objet ou un contrat. Chaque tour, chaque joueur sélectionnera une carte de l’offre qu’il ajoutera à sa collection. L’objectif sera de marquer le plus de points possibles à la fin de la partie en associant contrats et créatures et/ou objets, le plus efficacement possible, une même carte pouvant servir plusieurs contrats.

 

Les créatures ont chacune un habitat (couleur), un type (végétal, animal…), ainsi qu’un score brut associé à leur capture.

 

Ce qui le fait sortir du lot

Si vous êtes un(e) afficionado(a) des jeux de collection et de majorité en général, vous aurez sans doute envie de vous positionner par rapport à Vivarium. Qu’apporte-t-il donc de plus à un type de jeu déjà bien éprouvé et connu du public ?

Pour y répondre, je ne parlerai pas ici de la forme. Certes, on n’utilise pas de jetons ou de tuiles mais des cartes, il y a aussi des objets à collectionner, le thème et les illustrations ont un style particulier, etc. Tout cela pour moi ne touche pas le cœur du jeu ! Ce qui compte à mon humble avis, ce sont les mécaniques et, bien sûr, les sensations qu’elles procurent. Alors allons-y !

Par rapport aux autres jeux du genre, l’originalité et l’identité propre de Vivarium tiennent sur deux mécaniques, que je détaillerai en suivant :

  • Le système de sélection des cartes avec des dominos (1)
  • Le système des priorités (2)

 

(1) À la mise en place, chaque joueur piochera deux dominos, affichant des valeurs entre 1 et 4. À l’instar de la bataille navale, ces chiffres correspondent aux numéros des lignes et des colonnes de l’offre de cartes. À son tour, un joueur échangera un de ses dominos avec celui placé au centre de la table. Il combinera une des deux valeurs affichées sur son domino avec une de l’autre domino pour donner deux coordonnées. Celles-ci correspondront au numéro de la ligne et de la colonne de la carte ciblée dans l’offre.

 

 

On ne pourra donc pas toujours sélectionner directement la carte de son choix avec les dominos. Malgré tout, il sera possible de dépenser une gemme (sorte de monnaie d’échange) pour ajuster la valeur d’un domino. Le piège, c’est qu’une gemme représente 1 point de victoire en fin de partie. Le risque, c’est de perdre la partie pour quelques gemmes dépensées de trop !

 

(2) À chaque manche (il y en a 7) exceptée la première, on piochera une tuile Priorité. Celle-ci affichera des types de créatures ou de carte (objet, contrat…). Les joueurs choisissant ces dernières durant la manche se verront gratifiés d’une gemme supplémentaire. À la fin de la manche, le gagnant de la majorité sur ces mêmes types de cartes remportera la tuile, pour 2 PV supplémentaires. Ces petites récompenses gagnées au fil de l’eau auront de grandes chances de faire la différence en fin de partie.

 

 

Le système de priorité ajoute de l’opportunisme et permet ainsi que casser un jeu trop prévisible et monotone, en offrant une option de scoring supplémentaire parfois plus avantageuse que celle apportée par le planplan tout tracé que l’on s’était fixé au départ. Et surtout, ne pas jouer la majorité à chaque manche, c’est la laisser aux autres. On grattera ainsi en moyenne 5 à 15 points supplémentaires (sur grosso modo 70), ce qui peut aussi faire la différence.

L’opportunisme est assez marqué. Ce n’est donc pas un jeu qui récompensera lourdement la capacité à anticiper trois ou quatre tours à l’avance. On aime ou on n’aime pas. Personnellement, j’apprécie l’opportunisme, car il apporte un peu de légèreté dans ce monde de calculatrices !

 

Créature ou contrat ?

Un autre aspect du jeu, certes pas nouveau, mais peu répandu dans le genre, est que les contrats à réaliser ne sont pas tous déterminés en début de partie. Ce sont les joueurs eux-mêmes qui devront décider d’acquérir une carte Contrat ou bien une carte Créature (afin de marquer des points avec ces contrats). Cette liberté totale peut être déroutante en créant un dilemme quasi permanent.

Choisir des contrats en début de partie « fige » en quelque sorte et rend visible votre jeu, mais facilite le choix des créatures et objets par la suite. Les choisir en fin de partie sera facilité par vos cartes déjà acquises, mais trop attendre mène un peu dans l’errance opportuniste aléatoire, et n’est jamais bien bon. Grrr. 

Il y a donc toujours un compromis à faire entre la proportion de cartes Créature, Objet et Contrat à acquérir. Il n’y a pas de solution toute faite pour trouver le meilleur équilibre. J’avoue que je n’ai pas même opté pour une stratégie particulière…

Attendez, et si cela pouvait expliquer pourquoi je ne gagne jamais ?

 

Les sensations de jeu

Il y a beaucoup à dire sur les sensations. C’est probablement ici que vous aurez une première intuition sur le potentiel de Vivarium à répondre à vos attentes.

Avant tout, la fluidité est un atout du jeu. À son tour, on échange un domino, on sélectionne une carte, basta ! Les parties dépasseront donc rarement les 30 minutes si vos joueurs sont disciplinés. Bien sûr, ce ne sera pas le cas si vous réunissez un groupe de joueurs tous inscrits au RCAP (Rotary Club de l’Analysis Paralysis), car ici on n’échappe pas au tour par tour. Il n’y a pas de jeu simultané.

 

 

La mécanique du choix des cartes à travers les dominos est originale, et ces éléments, lourds, sont agréables à manipuler. Dans mon entourage, elle a fait l’unanimité. Elle manquerait peut-être cependant d’un peu de piquant pour certains joueurs. En effet, si l’on désire une carte alors qu’elle est toujours présente dans l’offre à votre tour, vous allez dans l’ensemble toujours parvenir à la récupérer, quitte à devoir dépenser une gemme et perdre 1 point de victoire. Même si comme je le disais plus haut il ne faut pas négliger l’économie de gemmes, les dominos proposeront au final un gameplay sympathique plutôt qu’un moyen de faire pression sur vos adversaires.

Ce ne sont donc pas les dominos en soi, mais la sélection des cartes par nos adversaires qui nous poussera à devoir faire des choix alternatifs difficiles, car celles-ci ne seront pas remplacées avant la fin de la manche. Par conséquent, le nombre de joueurs autour de la table impactera directement la force de l’interaction. À deux, on ne ressentira peu ou pas de gène au niveau de l’acquisition de cartes. L’offre étant suffisante, on pourra faire son choix principal, ou un choix alternatif si notre adversaire venait à nous priver du premier. De plus, je n’ai que rarement eu besoin de dépenser de gemmes pour compenser les dominos.

À quatre, c’est le contraire. La pression sera forte sur le joueur jouant en dernier, voyant l’offre se réduire comme peau de chagrin au fur et à mesure que les premiers joueurs feront leur choix. On devra donc opter plus facilement pour une approche opportuniste du jeu afin de limiter la casse. Si vous faites trop de plans sur la comète, vous risquez de ne pas obtenir à tous les coups les cartes que vous convoitez et disons-le clairement : ce sera bien de votre faute et non de celle de la malchance ! 😉.

À trois, eh bien c’est la configuration intermédiaire. J’ai trouvé un bon équilibre entre opportunisme et stratégie sur le long terme. Cela semble pour moi la configuration idéale, mais cela mériterait d’être confirmé avec plus de parties. Malgré tout, il me paraît évident que Vivarium aura plus de saveur à 3 ou à 4 joueurs.

 

En plus de faire partie des objectifs de contrats, les objets peuvent faire gagner des gemmes et des effets sympathiques. La pelle vous permet de piocher des créatures et de les distribuer aux joueurs, les jumelles de prendre une carte supplémentaire adjacente.

 

Côté tempo, la collecte de points sera non violente et se fera de manière lente et mesurée. Les points associés aux créatures varient de 1 à 3, les contrats proposent des récompenses dans l’ensemble similaires et équilibrées. Miser sur les couleurs d’habitas, les types de créatures ou les objets ne va que rarement créer une asymétrie clairement identifiable pour distinguer le jeu des joueurs. Il n’y aura donc pas de gros coup à jouer et on va miser sur plusieurs fronts en parallèle (couleurs, types de créatures…) pour assurer le meilleur score. Avec cette dilution stratégique, il sera donc compliqué de lire le jeu de vos adversaires et encore plus de deviner leur score avant la fin. J’ai ressenti un petit bémol par rapport à cette absence de « relief », mais elle est quelque part compensée par la fluidité et l’originalité de quelques mécaniques. Ce sera une affaire de goût en somme.

Enfin côté durée de vie, il n’y a pas de miracle. Vivarium reste un jeu de petit gabarit et les parties ne seront pas radicalement différentes les unes des autres. On enchaînera donc quelques 5 ou 6 parties avant de le laisser reposer un peu. Cela dit, l’envie de le ressortir n’est jamais trop loin, ce qui est plutôt bon signe.

 

En résumé

Vivarium est construit sur une base très classique du jeu de collection. Le bénéfice plus ou moins égal proposé par les différents contrats aurait pu créer une impasse ennuyeuse devant une multiplicité de choix équivalents. On aurait pu tomber dans un jeu fade, mais l’utilisation des dominos et la contrainte apportée par les tuiles priorité viennent proposer un gameplay et des options de jeu intéressants.

Dans l’ensemble, j’ai découvert un jeu exempt de gros défauts, arborant des qualités de simplicité, de fluidité, de rapidité, de manipulation agréable du matériel, qui m’ont offert du plaisir à jouer. Parmi les joueurs et joueuses à qui j’ai fait découvrir ce jeu, tous l’ont dans l’ensemble apprécié, et certains en redemandent. Il n’est pas vraiment clivant et même plutôt fédérateur.

On pourrait regretter un petit manque de choix cornéliens, ou de délicieux sacrifices que les joueurs masos comme moi apprécient, ou encore un manque d’intensité et de retournements dans les parties. L’interaction dépend du nombre de joueurs : limitée à deux joueurs, plus forte à quatre.

Pour couronner le tout, le prix est un bon argument : 23 euros. À ce tarif, avec une telle proposition de gameplay et de matériel, pour moi le jeu en vaut la chandelle. Je ne suis pas un collectionneur de jeux de collection (ahah… hum), mais je lui donne volontiers sa place dans ma ludothèque pour représenter le genre.

 

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