The Great Wall – Tous contre les Huns, tous pour un !

 The Great Wall est un jeu de Kamil Ciesla, Robert Plesowicz et Lukas Wlodarczyk, porté par Awaken Realms et sa plateforme de financement participatif, Gamefound. Notez qu’il est également disponible en boutiques. Il s’agit dans ce jeu de construire la Grande Muraille de Chine et de repousser les hordes de Huns. Mais si Le but est bien collaboratif (et que l’on peut ensemble périr de déshonneur), il est, en revanche, primordial d’être le meilleur et de gagner le plus de points : la meilleure contribution sera évaluée.

Le moteur d’actions pioche dans deux grands classiques : la pose d’ouvriers avec un certain cumul, à la Architectes des Royaumes de l’Ouest, combinée à des actions à phases variables, que l’on retrouve notamment dans Race/Roll for the Galaxy.

Il existe également un mode purement coopératif, que je n’ai pas (encore) essayé.

 

Ramage

L’ensemble est servi par une patte graphique singulière : un trait aux rendus plutôt photoréalistes, mais avec un côté brossé, concept art, très assumé et texturé, mélangé avec des effets d’encrage et beaucoup, beaucoup de blanc. Surprenante charte graphique mais qui, je dois l’admettre, opère un charme certain sur moi : j’apprécie cette patte, signée Piotr Gacek, car elle relève un peu le débat sur les jeux de gestion, qui se cantonnent d’habitude à un marronnasse triste et mou.

Un thermo à ressources ma foi sympa !

 

Les règles, en revanche, m’ont légèrement douché : d’une certaine aridité, elles auraient sûrement pu être plus ergonomiques. Cependant, on trouve dans cet océan de texte une structure très fine, très agréable à suivre. S’il y a un peu de travail pour les rendre plus agréables à suivre (avec par exemple un peu plus d’illustration ou de mise en forme), elles ne sont pas pour autant mauvaises. Carton jaune au boîtage qui, dans l’édition KS comme dans l’édition boutique, demande de monter les morceaux de muraille à chaque fois, tout en fermant moyennement et ce malgré un rangement autrement extrêmement bien étudié.

 

Rising Wall for the Galaxy

Quelques maigres manches. C’est tout ce que nous avons pour gagner. Chaque joueur sélectionne une carte de sa main : de quoi réfléchir, se poser des questions, sachant que chaque carte vous donne un avantage certain, mais offre des possibilités aux autres joueurs. En plus d’être résolues selon une séquence « je joue, les autres joueurs ont une action, je touche les bonus de mon action », les cartes se targuent d’un système d’anti-synergie, ou de synergie adverse : oh, tu as travaillé dur ? Eh bien je fais de l’économie, qui profite de chaque carte Travailler dur. Oh, tu vas lever les bannières et recruter ? Tant mieux, moi, je lance un ordre d’attaque. Prendre les devants, anticiper, donne un avantage – petit, mais tangible au point qu’on souhaite en profiter.

L’ensemble de cartes Stratégie est difficile à lire. Lourd, même : il faut comprendre l’intérêt de chaque séquence d’action, comprendre ce qu’on laisse aux adversaires, comprendre ce qu’on peut y gagner. Il y a un côté Race for the Galaxy, avec ces phases d’action dont on profite plus que les autres, mais pendant lesquelles les autres jouent, voire Rising Sun. La plupart du temps, ces mandats permettent de déplacer nos clercs (des ouvriers) sur des emplacements. Les emplacements verts sont illimités, les rouges sont des jauges… qui ne s’activent que lorsque la jauge est pleine ! Et, pour chaque clerc, vous bénéficiez de l’action : plein d’or, plein de bois, … et plus. En revanche, si vous êtes seul à réaliser une action, vous n’agissez pas dans les règles de l’art. Le déshonneur est le vôtre… et c’est un joli malus de points de victoire.

Les cartes Tactiques, les sacro-saintes !

 

Les ressources serviront à construire des sections de la sacro-sainte Muraille, mais aussi à recruter des troupes ou à placer des barricades temporaires. Les soldats, eux, attaquent et bouchent les points vitaux des cartes Horde qui nous assaillent (les vilaines). Les hordes qui s’avéreraient trop fortes nous infligeront des pertes, et feront subir du déshonneur à qui n’a pas combattu… en plus d’éliminer les archers présents sur la muraille. La menace est réelle, et, dans ce jeu de gestion et d’optimisation, il faudra parfois utiliser diplomatie et négociation. Surprenant !

Une fois une carte d’action résolue, on passe à la suivante, et ce jusqu’à la fin de la ligne. Après quoi, on vérifie les brèches dans la muraille, et on passe au tour suivant. Les cartes peuvent être abandonnées au profit de points de victoire, ou récupérées pour gagner en imprévisibilité !

Du haut de la muraille, les Huns !

 

Moteur et subtilités

Il y a un effet d’entraînement, avec des capacités qui se déclenchent en cas de récolte, avec des petits bonus. Mais pour cela, il faudra payer des contremaîtres ! De même, trois clercs supplémentaires sont disponibles, au prix d’or et d’actions… vous ralentissez votre début de partie pour la fin de partie.

Et, enfin, vous incarnez un général et ses conseillers. Le général donne vos ressources de départ, et un pouvoir qui casse un peu le jeu… voire plus qu’un peu. D’autant que ce pouvoir s’indexe au nombre de conseillers face cachée que vous possédez… et les conseillers face visible, eux, apportent un petit pouvoir intéressant, une synergie que vous avez envie de déclencher à chaque fois, une petite facilité.

Question pose d’ouvriers, on retrouve ses petits assez aisément

 

The Great Wall propose un système très complexe, très imbriqué, dans lequel chaque action individuelle s’inscrit dans un grand tout. Rien ou presque n’est alambiqué (sans extension, les ressources sont peut-être un peu trop indifférenciées, cela dit), mais tout a une subtilité, ou un intérêt : il faut peser le pour et le contre de nombreux facteurs à chaque fois, et réfléchir à la fois de façon locale (comment inciter les joueurs à finir telle jauge d’action, comment dépenser mes clercs ou en récupérer, est-ce que je risque le déshonneur) et globale (construire la grande muraille, ou recruter pour dessouder du Hun). On note même des paravents rappelant certaines règles (pas assez !), mais dissimulant également les ressources de chacun : de quoi limiter l’analysis paralysis : on ne se préoccupe que de soi, sauf mémoire exceptionnelle.

On note la faible utilisation des différents types de ressources, comme si le jeu voulait nous compliquer l’affaire. Sans doute est-ce une question d’extensions et de choses proposées par celles-ci, mais, en l’état, cela ralentit un peu le jeu de base et en ôte quelques onces de fluidité.

Le placement des troupes lui-même est critique, avec du gain de ressources ou de points de victoire, et des points supplémentaires en cas de majorité mais aussi des pertes… Et le combat ne se fait pas à l’améritrash, non : les Huns ont simplement un score de létalité indiquant les pertes à subir.

Tout est calcul, tout est froidement réfléchi. Même dans le feu de l’action. 

Quelques généraux

 

Grand mur, grand jeu

Malgré son aspect guerrier, malgré sa direction artistique, The Great Wall s’inscrit dans la lignée des jeux de gestion et d’optimisation les plus purs : les joueurs doivent rationaliser chaque aspect, chaque ressource, évaluer les besoins à la ressource près, parfois collaborer en mutualisant les biens ou en combattant l’ennemi ensemble. Dans le chaos, les joueurs succombent vite, et il est alors aisé de se voir puni et honni.

Bien qu’il soit long à expliquer, de par son jeu tentaculaire, impressionnant de par la quantité d’informations à prendre en compte, The Great Wall propose un cœur de jeu simple, efficace. Peut-être très réminiscent d’autres titres, peut-être pas brillant par l’originalité de tout son ensemble mécanique mais avec ce qu’il faut de chaleur et de nouveauté : qu’il s’agisse de la composante asymétrique forte avec les généraux et conseillers, ou de la composante collaborative/diplomatique, il y a tout de même du plaisir ludique nouveau issu de ce vieux chaudron.

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5 Commentaires

  1. 6gale 14/05/2022
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    A essayer.

  2. frédéric ochsenbein 16/05/2022
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    Plutôt mitigé par ce jeu. D’un côté une mécanique de pose d’ouvriers et de cartes que j’ai bien aimé, avec une grosse part de psycho pour essayer d’anticiper les actions des autres ^^.

    Hélas quelques éléments noircissent le tableaux :
    – le tirage de départ général + assistant : certaines combos nous ont parus vraiment beaucoup plus fortes que d’autres. Sur un petit jeu qu’on va sortir souvent si parfois le hasard fait mieux les choses ce n’est pas trop grave on en refait une, the great wall c’est quand même du gros touffu qu’on sort pas forcément chaque soir.
    – privilégier les contremaîtres a toujours été gagnant dans nos quelques parties (peut être dû à nos inexpériences dans ce jeu)
    – l’ambiance autour de table : j’ai fait une partie avec des joueurs en mode « c’est du chacun pour soit donc pas d’accord possible » et j’ai trouvé la partie longue et un peu ennuyeuse. J’ay ai joué avec des joueurs plus en mode négociation et j’ai trouvé cela bien plus fun ^^.

    A mon avis ce jeu se bonifie au fil des parties (si on joue avec les mêmes joueurs ^^). Je le déconseillerai pour des parties occasionnelles mais si vous comptez le poncer il gagnera surement en intérêt

  3. palferso 18/06/2024
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    J’ai maintenant 8 parties de TGW à mon actif (5 compétitives, 2 coops et 1 solo) et commence à raisonnablement connaître le jeu.

    Pour reprendre certains des commentaires très intéressants tant de l’article d’Umberling que de frédéric et plutôt logiques quand on a peu d’expérience à TGW:

    *le tirage de départ général assistant : certaines combos nous ont parus vraiment beaucoup plus fortes que d’autres:

    Ce qui est rigolo à TGW est que techniquement tout en soi est potentiellement cheaté en fonction des contextes. Et les contextes à ce jeu sont ultra maléables! TGW est un monstre du jeu coopétitif où tout, absolument tout a des répercutions directes et/ou indirectes sur tous les joueurs. Estimer les implications du moindre choix au-delà de notre petit intérêt propre du moment sera donc complexe. Exemple iconique: je veux des ressources mais si j’y vais je peux favoriser bien plus un joueur qui en tirera un profit (à court et/ou à long terme) bien plus important. Du coup, je peux me coordonner avec un ou plusieurs autres joueurs pour qu’on emplisse le lieu (privant ainsi l’autre de la ressource) ou au contraire on le laisse vide (l’obligeant ainsi à utiliser énormément de clercs/ouvriers pour en récupérer) ou alors, j’assume les implications en estimant que ce choix de l’aider ponctuellement plus que moi-même me permettra de rebondir via un autre critère sur lequel j’ai (j’aurai) plus de poids… Et tout, absolument tout est comme ça.

    Et le jeu étant ultra interactif sur le moindre de ses aspects, les joueurs auront donc toujours les leviers pour agir et influer sur les contextes, leviers qu’il faudra savoir identifier, lire pertinemment et activer efficacement dans le bon timing et dans les bonnes proportions (au combien difficile…).

    S’il se bonifie au cours des parties? Oh, oui!!! Mais ce n’est clairement pas un jeu kleenex qui s’appréhende et se maîtrise après une ou deux parties… On peut à ce jeu l’emporter avec (bien) moins de clercs/ouvriers que les autres joueurs, avec pas du tout ou moins de contremaîtes (moteur de ressources safe et régulier) que d’autres joueurs, en n’allant que peu récolter de ressources (voire pas du tout!!!) aux endroits où elles se récoltent normalement, en ne se positionnant au long de la partie que sur des spots de ressources ou au contraire que sur les cartes Hordes, en jouant la même carte Action tout au long de la partie ou en en jouant une différente à chaque tour, etc, etc, etc… Et au contraire, on pourra tout autant se faire tauler en ayant joué avec moins de clercs/ouvriers, moins de contremaîtres, en étant allé moins que les autres récolter des ressouces ou sur le champ de bataille, etc, etc, etc…
    Et donc, pas d’actions inutiles ou plus faibles que d’autres, mais des leviers et choix qui auront été activés ou non avec plus ou moins de poids: il pourra être pertinent d’appuyer sur tel ou tel aspect sur une partie et pas du tout sur l’autre ou bien, le fait qu’un joueur appuie sur tel ou tel aspect impliquera en réaction de mettre en branle tel ou tel aspect, etc., etc., etc. The Great Wall est ce que j’appelle un jeu kaléïdoscopique: dès qu’on le secoue, ses formes changent.

    Bref, une chose est certaine à présent pour moi à la lumière de mon expérience: la victoire à The Great Wall ne se jouera pas sur tel ou tel élément en soi mais c’est celle ou celui qui parviendra à un peu moins aider les autres que ce qu’ils ne l’auront aidé(e) au final qui l’emportera.

  4. palferso 08/07/2024
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    Après une nouvelle partie, je cite et complète ce que je mettais dans ma critique ci-dessus:

    « On peut à ce jeu l’emporter avec (bien) moins de clercs/ouvriers que les autres joueurs, avec pas du tout ou moins de contremaîtes (moteur de ressources safe et régulier) que d’autres joueurs, en n’allant que peu récolter de ressources (voire pas du tout!!!) aux endroits où elles se récoltent normalement, en ne se positionnant au long de la partie que sur des spots de ressources ou au contraire que sur les cartes Hordes, en jouant la même carte Action tout au long de la partie ou en en jouant une différente à chaque tour, etc, etc, etc… »

    On peut également l’emporter en ne posant pas ou quasiment pas de clercs/ouvriers durant toute la partie à nos actions propres. Et donc, ce n’est pas seulement la possibilité d’être compétitif en ayant mathématiquement moins de clercs que nos adversaires mais c’est aussi la possibilité d’être compétitif en en posant bien moins qu’eux au final…

    Très fort et en définitive pas si Euro que ça vu que les classiques ressources et ouvriers peuvent être contournés (voire quasi ignorés) et, comme tout à ce jeu, ne sont qu’un levier parmi d’autres à actionner (ou pas) pour tenter de donner plus de poids à nos options et possibilités.

    Bref, ultra atypique et hors normes de tout ce qui se pond à la louche et en profusion…

  5. palferso 19/07/2024
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    Ma 10ème partie hier soir et je découvre encore des trucs. Ce qui est assez dingue c’est comment des éléments qui semblent avoir une finalité assez claire et établie peuvent avoir de multiples répercussions sur le jeu. Exemple hier: la Honte qui est une des conditions de fin de partie peut avoir des retombées multiples et extrêmement subtiles si par exemple on la laisse déborder dès le début de partie. Un « militaire » qui n’aura pas forcément encore vaincu de Hordes en début de partie (surtout si on ne l’y aide pas…), se verrait obligé de bloquer des troupes transies de honte ce qui aura des répercussions stratégiques tant sur sa force de frappe, sur sa capacité à récolter des ressources (via contremaîtres notamment) mais aussi quant au Chi si fondamental si l’on planifie de mener des attaques répétées et efficaces contre les Mongols.
    La force de TGW au final, est que ce jeu n’a que 2 sources de points, pas 56.000 artificiellement déclinées et peu ou prou cloisonnées: les murailles et les Hordes. Le reste, c’est de l’appoint ponctuel et contextuel. Du coup, l’asymétrie est forcément centripète (resserrée sur les joueurs) et non centrifuge (chacun dans son coin): personne ne peut s’enfermer avec des œillères en partant sur les rails formatés d’un des x mille chemins différents que propose la majorité des jeux de ce type. Impossible du coup ici de répéter des schémas de jeu en mode stakhanoviste. A The Great Wall, l’asymétrie est moins la marque d’une option de jeu gravée dans le marbre qu’un des nombreux éléments sur lesquels appuyer pour peser plus que les autres sur ce qui à tous nous rapporte tout le temps et sur lequel par la force des choses nous allons tous plus ou moins contribuer. On sera donc forcément constamment en concurrence et/ou coopétition directe ou larvée et surtout, personne jamais ne pourra s’enfermer dans un schéma immuable à suivre les yeux fermés en mode optimisation autarcique sous peine de se faire punir dans les grandes largeurs.

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