Illustré par Gilles Brauneisen, Jean Linnhoff, Yani Beldjaoudene
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2021-00-00
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée moyenne d'une partie : 45 minutes
Thèmes : Fantastique
Mécanismes : Cartes personnages
Types de jeu : Jeu de cartes
Complexité du jeu : Amateur, Familial
Chronicles of Waral est un jeu de Robin Keller édité par Moskito Games. Il s’agit d’un jeu de pose d’ouvriers dans lequel on tentera de prendre possession des quartiers de la ville d’Heldenheim.
Après une phase de draft, de deux à quatre joueurs/joueuses auront choisi trois personnages parmi un total de 16, puis s’affronteront dans des parties entre 30 et 45 minutes pour accumuler des ressources, récolter de l’influence et manigancer pour bloquer leurs adversaires.
Le KS a réuni 923 contributeurs pour un peu plus de 40 000 € avec une version spéciale pour une des contributions concernant les pièces.
Le site du jeu en VF.
J'ai réalisé ce test à partir d'un prototype du jeu.
Le thème, loin de la SF ou des classiques Med-fans à base de dragons et de donjons, promet une certaine facilité d'accès et laisse imaginer une certaine profondeur. Dans un format restreint tant niveau matériel qu'au niveau des règles en elles-mêmes, je ne pouvais qu'être intrigué.
Je n'ai pas eu l'occasion d'y jouer à quatre. La période actuelle (merci Covid) n'était pas propice. Mais j'ai au moins pu comparer les duels et les parties à trois. C'est parfois un passage qui se fait au prix d'un intérêt moindre. On verra plus loin ce qu'il en est. C'est parti !
ACCESSIBILITE DES REGLES 17,5
Au menu : Deux pages de mise en place + explication du draft initial ; deux pages de règles pures (déroulement et fin de partie) ; deux pages d'iconographie et typographie d'une carte quartier. On peut difficilement faire plus clair. Malgré cette apparente simplicité certains effets feront revenir au livret. L'iconographie aurait mérité d'être imprimée au dos du livret, libérant de la place pour un mini FAQ. En insistant sur le fait qu'un personnage ne joue qu'une fois par manche, même si c'est écrit dans la règle. Typiquement, si je prends le contrôle d'un quartier les autres personnages se trouvant dessus sont invités à revenir chez leurs propriétaires. Pourquoi les faire revenir s'ils ne peuvent pas rejouer lors de cette manche ? À moins que dans ce cas ils puissent être rejoués s'ils ont été chassés ? En fait on ne peut pas, comme précisé dans la règle, mais cette formulation met un doute. A priori les jetons personnages auront* une face indiquant qu'ils ont été activés lors de la manche pour s'en rappeler.
*J'ai réalisé ce test à partir d'un prototype du jeu.
QUALITE DU MATERIEL 16
C'est un premier projet pour un auteur français qui s'auto-édite. Avec en plus l'effort d'une fabrication française (Alsace, le monsieur est Colmarien) et l'intervention de vrais artistes (Gilles Brauneisen, Jean Linnhoff, Yani Beldjaoudene). Malgré toutes ces contraintes la version prototypale que j'ai reçu (hormis les pièces découpées maison) montre un vrai effort d'ergonomie et de soucis de qualité. (J'ai eu en main des cartes dans une version proche de la version finale je pense. Les pièces seront découpées par un imprimeur, évidemment.)
Les cartes "Ruse" et Quartiers laissent la plus grande place possible aux illustrations. Les Quartiers n'ont besoin que d'iconographie. Tant mieux, elles sont au centre de la table, et identifiables en un coup d'œil avec un peu d'habitude. Pour les cartes "Ruse" qu'on a en main, on trouve un texte explicatif et là encore des icônes qui aident à cerner facilement leurs pouvoirs et les conditions de déclenchement. En particulier celles nécessitant la perte de l'action d'un de nos personnages (ou même de deux personnages, imaginez le pouvoir associé).
Le tout dans un format adapté au contenu, ici une boîte de carrée de 20 cm environ.
THEME 13
Chronicles of Waral n'est clairement pas un jeu narratif. Si on se racontait une partie ce serait plutôt pour narrer un bon coup ou pour se plaindre de notre souffrance suite à une carte ruse bien méchante. Malgré tout, on notera des clins d'œil subtils à l'Alsace et Colmar en particulier (pour rappel, vous visez le contrôle de la ville d’Heldenheim). A priori on retrouve des emblèmes et couleurs de la ville, des mots du dialecte local. Le thème pourrait être accessoire mais ce petit plus le rend sympathique. Cela, et le fait qu'on échappe aux sempiternels thèmes Med-Fan ou SF plus traditionnels.
DUREE DE VIE 14,5
La durée de vie d'un jeu comme Chronicles of Waral dépend de ce que vous y chercherez. Il peut très bien devenir votre jeu de chevet pour un moment si vous ne craignez pas les jeux où vos adversaires peuvent vous tomber dessus pour bouleverser littéralement vos plans. Même ce qui semblait acquis peut nous être dérobé (échangés dans le cas des quartiers). Un groupe de ludistes pas trop susceptibles y trouvera un jeu idéal pour se faire des croche-pieds pendables.
À cette condition, les cartes "Ruse" offrent suffisamment de (bonnes ou mauvaises) surprises pour faire que chaque partie soit différente. Il y a même un petit côté bluff qui permet une certaine tension quand on commence à connaître les cartes et ce qu'elles peuvent cacher. Mais des variantes sont largement possibles (voir conclusion).
Tout le sel du jeu vient des tirs croisés entre les participant·e·s. Du coup se pose la question du jeu à deux. Les quartiers (8 à deux joueurs, 10 au-delà) auront moins tendance à être détruits d'une manche l'autre et donneront un jeu moins chaotique. Par contre on ne se pose pas la question de savoir sur qui taper. Plus direct mais une part de chaos moins forte, hors cartes "Ruse" évidemment. On aura un peu moins de difficultés à anticiper les besoins en ressources pour acquérir les quartiers. Quoi qu'il arrive, le chaos se lisse au fil de la partie, au fur et à mesure de nos prises de contrôles et donc de nos revenus. Il y a des moyens de détourner les ressources ou de carrément échanger des quartiers mais pas trop souvent, rassurez-vous.
Enfin, si on cherche un jeu narratif dans les quartiers de Heldenheim, si on pense en découvrir plus sur le lore du jeu, ce n'est pas l'idée. Rien ne dit que l'univers ne sera pas développé après ce premier jeu édité ceci dit.
MECANISMES 15,5
Le principe est extrêmement simple et bien pensé (le genre d'idée qu'on aurait aimé avoir !) mais cache des combinaisons riches entre les pouvoirs de nos personnages, les bonus des quartiers et ces satanées cartes "Ruses". Un mot mignon qui cache des coups très méchants. Je vous rassure, il n'y pas de déclenchements en cascade façon Gosu grande époque (que j'ai adoré autant que je l'ai détesté). Malgré tout, certaines synergies feront passer le jeu d'une récolte de ressources plan-plan à une boucherie sans nom. On pourra faire très mal à un adversaire en bloquant ses personnages, en intervenant sur ses quartiers et bien sûr sur ceux au centre de la table. Rien ni personne n'est épargné. L'auteur a voulu manifestement un jeu à fortes interactions et de ce côté on est pas déçu. Ce jeu est frontal et violent. C'est mieux quand on est prévenu.
La phase de draft ne concerne que la mise en place. Le cœur du jeu c'est le placement de nos trois personnages, la gestion de nos ressources et notre main de cartes "Ruse".
L'énorme qualité de ce jeu, c'est son matériel restreint et ses règles très courtes. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir une certaine profondeur. Les premières parties peuvent faire penser à un jeu de simili-gestion mais les "Ruses" nous rappellent vite qu'on est surtout là pour jouer des coudes. Penser jouer pépère dans son coin c'est l'assurance d'avoir le nez qui saigne sous les rires de nos adversaires moins scrupuleux.
La double utilité des Quartiers (Pillage et Prise de Contrôle) ainsi que le principe de Destruction est un autre point fort du jeu. Il ajoute une part de contrôle au chaos des "Ruses". D'autant plus que nos ressources s'améliorent au fil du jeu.
De base le nombre de cartes "Ruse" n'est pas limité. Si le chaos qu'elles entraînent vous rebute, vous pouvez en limiter le nombre en main, ou l'indexer sur le nombre de quartiers que vous contrôlez par exemple (ou inversement en limiter le nombre à mesure que vous contrôlez des quartiers, si vous voulez limiter leur impact en fin de partie). Chacun fait bien comme il l'entend, mais les possibilités sont nombreuses pour prolonger le plaisir sans ruiner l'expérience de jeu.
Enfin, les synergies entre nos personnages invitent à rejouer pour tester de nouvelles combinaisons et donnent un intérêt supplémentaire à la phase de Draft initiale.
À deux joueurs, pas de king-making, on s'en doute. Et rien n'est prévu dans les mécaniques comme forme de catch-up (c'est-à-dire pour revenir dans la course). À trois et quatre joueurs, c'est les discussions entre joueurs/joueuses et les alliances de circonstance qui aideront une coalition à freiner un joueur parti trop vite devant.
Toutes les configurations ont un intérêt en réalité. La version deux joueurs est parfois une adaptation bancale. Ici ça fonctionne très bien. On gagne en tension quand à trois ou plus on doit se méfier des coups venant de plusieurs adversaires. D'un autre côté, le jeu a tendance à s'équilibrer de lui-même car souvent on a des scrupules à taper toujours sur le même adversaire (équilibrage social).
L'édition de ce jeu mérite une mention spéciale pour son engagement dans une production locale et l'intervention d'artistes doués pour un premier projet auto-édité. La démarche d'entrer directement sur KS était culottée mais a payé. Les backers en mal de "petits projets" qui ne sont pas des préventes ne s'y sont pas trompés. Et le jeu en lui-même fait ce qu'il prétend : nous distraire efficacement avec une économie de moyen notable. On se retrouve vite à verbaliser nos actions quand vient notre tour ; et entre deux, on surveille toujours ardemment ce que font les autres. Signe d'un bon jeu.
Chronicles of Waral a su séduire un public que les affrontements directs n'effraient pas. Chronicles of Waral est en fait comme la plupart des jeux que j'aime : Easy to learn, hard to master. Encore que parler de maîtrise serait un peu présomptueux, vu la part de hasard. Disons plutôt qu'avec un matériel contraint et des règles très simples on a un jeu très plaisant avec une certaine profondeur et ce qu'il faut (voire plus) d'interaction.
Pour finir, on peut imaginer une variante à quatre en deux équipes croisées avec pour chaque équipe les points du joueur en ayant le moins. Déjà vu ailleurs, mais a priori amusant.
- interaction forte
- Illustrations
- Rejouabilité
- Simplicité d'accès
- Combinaisons
- Il manque une petite FAQ sur certains points
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :