Sanctum, Diablo sur plateau

Sanctum ou la promesse d’un Diablo sur plateau. Filip Neduk est l’homme qui aime vous faire jouer aux jeux vidéo autour d’une table. Il était aux fourneaux d’Adrenaline (2016 – JP, LC -), le jeu qui avait pour ambition de traduire l’expérience d’un First Person Shooter en jeu de société. Souvenez-vous, l’impression d’un gros ameritrash qui tâche n’était qu’un vernis. En va-t-il de même avec Sanctum

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Long story, short story, Sanctum c’est Diablo, à deux points près.
D’abord, sans le côté coopératif (choix que l’on pourra questionner, car nous sommes comme ça, du genre à questionner les choix questionnants).

Et puis, sans la licence officielle (mais il fait vraiment de son mieux pour vous faire oublier ce point là).

Sinon, tout y est. Et la référence est d’ailleurs complètement assumée (comme nous le disait Filip Neduk dans cette itw) jusque dans le nom du jeu, Sanctum : clin d’oeil à « Sanctuary » le monde imaginaire dans lequel Diablo prend place. On retrouve bien notre grand Seigneur des Ténèbres qui se laisse pousser les cornes, rase tout sur son passage, et finit sa carrière vaincu par des héros charismatiques, enfermé dans un sarcophage souterrain… attendant son heure patiemment.

 

 

Au menu des héros de Sanctum, quatre protagonistes avec une belle parité : une Rôdeuse, un Hors-la-loi, un Pourfendeur et une… Danseuse. Comme quoi il est possible de perpétuer les traditions tout en osant un petit entrechat.
Vous allez donc vous frayer un chemin sur un parcours tout tracé jusqu’à vaincre le Seigneur du Mal. On se demande bien diable pourquoi on ne s’entraide pas dans cette lourde tâche. Mais nous y reviendrons. 

 

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Et je danse…

 

Partir, c’est mourir un peu 

À vous de jouer. Votre héros peut effectuer une seule action parmi trois : déplacement (quelle aventure, j’avance d’une case sur le parcours, youhou…), combat (ha bah voilà, ça commence à taquiner le gros !), ou repos (non mais, on dormira quand on sera mort, non ?). Vous le voyez, certaines actions sont, disons, plus épiques que d’autres. Ce choix unique en trois temps permet néanmoins de maintenir un rythme relativement fluide durant la partie. Pendant que je me repose, tu peux combattre. Dès qu’on dompte un peu la bête, on jouera quasi en simultané. 

PARCOURS-SANCTUM

un chemin tout tracé

 

Disons-le sans ambages, l’action de déplacement est tristounette et mécanique : elle consiste à avancer sa figurine sur la prochaine case vide du plateau, qui n’est qu’un parcours simple et droit où les héros voyagent en file indienne. (Là encore on pourrait croire qu’il s’agit d’un groupe de héros du coup, mais non, que nenni, c’est chacun pour soi). Bref, on prend sa superbe figurine et on la met en tête de file, sur ce plateau magnifiquement décoré. Oui, le matériel est très soigné, Czech Games a mis les petits plats dans les grands. Mais avoir une figurine et un plateau juste pour faire ça ressemble un peu à une blague. Pourquoi ne pas avoir introduit un peu plus de souffle et de choix dans nos avancées tant qu’à faire ?

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Bref. Après avoir bougé notre figurine sur ce plateau de l’oie, on va faire apparaître les groupes de démons en étalant des cartes d’ennemis qui vont souvent par paire. Et là pour le coup, on va faire un vrai gros choix punchy : à nous d’engager un groupe d’ennemis. 

 

Et l’on part, et c’est un jeu

Autrement dit, on choisit parmi les 5 groupes de démons visibles les cartes que l’on souhaitera combattre. On se les met sous le coude pour plus tard. On pourra continuer d’avancer comme ça, sur le parcours de santé, en accumulant un certain nombre de monstres que l’on tentera d’occire d’un coup d’un seul, par l’action “combat”, la bien nommée. 

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Du pas beau à griller

 

Choisir son groupe d’ennemis à combattre, c’est un peu comme choisir son cavalier pour aller au bal : On regarde un peu dans quoi on se lance avant de jeter son dévolu car il y aura des suites à cette rencontre, comme nous allons le voir.

Alors, quelles belles promesses formulent-ils ? Autrement dit, quel type de capacités nous permettront-ils de débloquer et quel genre d’objets pourrons-nous récupérer en leur aérant les tripes ? Et tant qu’à faire, ne faudrait-il pas choisir ce démon-là ou celui-ci, qui manifestement branche grave mon adversaire ? (Hou, un brin d’interaction, attention !)

Vous l’avez compris, il s’agit d’une sorte de draft de cartes (sélection) et qui aurait peut-être pu se passer de tout le décorum figurines/plateau in fine.

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Plateau de joueur

 

Non, s’il y a un plateau vraiment intéressant dans ce jeu, c’est le vôtre, enfin, celui de votre héros, s’entend. Là réside une belle mécanique originale d’amélioration de personnage. Plaisante, élégante, perlée. Oui, perlée. On y enfile les perles de nos compétences avec amour. Celles-ci vont rouler de bas en haut dans un tintinnabulement délicat à la manière des bulles de champagne. (Presque.) Quand un ennemi tire le rideau grâce à vos coups d’estoc bien sentis (bien que je perçoive votre impatience, on reviendra sur l’aspect combat plus tard, restez calme), vous gagnez, nous le disions, des gemmes colorées (mes précieuuuuses perles) symbolisant votre expérience. 

 

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Du côté des compétences


Pour chaque symbole gemme sur la carte du Démon terrassé, vous pouvez déplacer une gemme de la même couleur sur votre plateau de compétences d’un emplacement vers le haut. Elles vont remonter comme ça, petit à petit, dans un ballet de sauts et de fouettés délicats, passant des compétences niveau III vers les compétences niveau II, puis niveau I, et alors seulement là c’est le grand pas chassé en quatrième : la gemme est libérée (délivrée, si j’osais), et ira rejoindre la grande réserve de la vie avec ses copines, toutes disponibles pour d’autres folles aventures. Comprenez, une gemme débloquée de votre plateau compétences va pouvoir aller équiper un objet que vous aurez volé gagné au préalable en dévissant le billard d’un démon.

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Du côté équipement

 

D’une gemme, deux coups – si l’on peut dire (et on le peut). Bien choisir les monstres à combattre se révèle à vous enfin dans toute son importance : en effet, de ces choix là vont dépendre toute la progression de votre héros (capacités et équipements sont les deux mamelles du développement personnel comme chacun sait – ou pas -). Un peu comme l’on devient les livres que l’on lit, nos mercenaires deviennent les monstres qu’ils combattent. 

 

On laisse un peu de soi-même

Tout le plaisir de Sanctum réside dans la progression visible de son avatar : on va observer avec satisfaction, à l’aide de tuiles bien illustrées, notre héros s’améliorer (se stuffer, disent les vrais) sous nos yeux, à la manière des jeux vidéo. À vous de faire les meilleurs choix (les meilleurs builds, disent les vrais) pour que votre brave ait une longue espérance de vie (et puisse bien mitiger ses risques, surtout).

Nos objets et capacités vont donc nous permettre d’avoir de la ressource lors des combats. Encaisser les coups, relancer nos dés et modifier nos résultats, voilà le cœur de nos préoccupations. Combattre un monstre est simple (sur le papier) : il faut parvenir à la valeur demandée, avec nos dés. Par exemple, toucher tel monstre nécessite un 1 ou un 6. On débute la partie avec deux dés, mais vous devinez qu’on en restera pas là. Attention, en revanche, Filip Neduk n’a pas prévu de soin pour vous. Chaque dégât non paré est irréversible et diminue votre score final. L’élimination guette… Non, rassurez-vous, à moins de jouer avec vos coudes, vous ne devriez pas être sorti du jeu avant le dernier quart, au pire.  

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Oui j’ai parlé de score final. Si si. Là où le jeu tombe à plat, là où il aurait décidément eu vraiment plus de sens dans une interprétation coopérative, c’est bien dans la façon dont nous allons nous mesurer au grand big boss de fin et déterminer le gagnant. L’acte final a été pensé comme une instance au cours duquel vous aurez une dernière chance de vous équiper avant d’affronter El Señor de la Oscuridad, avec un vague enjeu de course. On va révéler des cartes pas cool qui ont pour ambition de nous affaiblir (du genre lancez donc un dé de moins, recevez deux dégâts supplémentaires s’il vous plaît, etc). On va mettre en place, devant chaque joueur, une longue série de cartes dites pas cool entrecoupées de cartes démons. Arriverez-vous à tout enchaîner cul sec ? C’est là le point d’orgue de cette aventure. Chacun le nez sur sa série de cartes à vaincre, dans l’ordre. Un climax un peu protocolaire si vous voulez mon avis, assez loin du joyeux feu d’artifice que représente un combat de boss dans Diablo.

Mais soit. Cela nous permet de mesurer notre héros. Au sens propre d’ailleurs : à la fin, vous aurez une note. J’exagère à peine : le joueur avec le plus de santé restante à la fin sortira grand gagnant. Mais vous pouvez sortir tous victorieux ou tous perdants. Vous comprenez décidément pourquoi j’ai du mal à saisir ce choix de ne pas avoir traité Sanctum comme un vrai coopératif… Cette échelle de la réussite n’a décidément pas grand chose d’épique. 

 

En toute heure et dans tout lieu…

Malgré certains choix de game design pour lesquels j’ai du mal à plaider (les déplacements des héros, la détermination du gagnant), le cœur de Sanctum affiche un gameplay qui sort des sentiers battus : on a clairement voulu proposer quelque chose d’autre, qui ne soit pas un énième dungeon crawler, plus axé sur le build des héros, et cet aspect est plutôt réussi. Le jeu vous propose avant tout d’optimiser votre perso, petits puzzles où les pièces sont vos effets de compétences et d’objets, tout ça dans l’ultime but de pouvoir passer l’épreuve du feu final, et en cela, il sait offrir un défi divertissant et intelligent. Bref, malgré quelques déconvenues, lourdeurs et contresens, ce nouveau gros Czech ne manque pas complètement de panache.
Avec ses divers niveaux de difficulté, ses personnages asymétriques, ses monstres nombreux, vous avez de quoi faire rissoler du Malgahzar (oui c’est son nom, en fait) quelques temps. 

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8 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 19/05/2020
    Répondre

    Je suis tres content de lire ton ressenti. J’ai vu tellement de bonnes critiques du jeu, et j’ai pas vraiment compris. Je l’avais teste en proto et c’etait vraiment plat. J’ai lu quelque chose de proche ici.

  2. 6gale 19/05/2020
    Répondre

    Il manque un mode solo et coop.

  3. Zuton 19/05/2020
    Répondre

    J’avais adoré ma partie découverte à 2 sur la VO d’un ami, mise à part la fin un peu déroutante, si bien que j’ai achété la VF. Je n y’ai pour l’instant rejoué qu’en solo (mode solo proposé sur BGG) qui m’a largement décu car je me suis ennuyé notamment sur la fin où j’ai commencé à ne plus aimer lancer les dés. Le jeu n’est pas mauvais, il est beau et intéressant mais il manque clairement un truc (et une fin plus sympa) pour le transcender. En tout cas, on est loin du souffle épique du jeu vidéo Diablo 3 !

  4. Gougou69 20/05/2020
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    Moi je me suis laissé tenter, je l’ai commandé. On verra bien mais les quelques vidéos que j’en ai vu me laisse à penser que ça devrait me plaire. Pour ce qui est du coop et du solo, je suis d’accord même sans y avoir joué. Diablo en multi est coop, le thème même du jeu induit le coop et ce chois du versus est curieux. Du coup je me dis que soit la communauté va pallier à ça, soit l’auteur et l’éditeur vont eux-même le faire via une extension. Ce ne serait pas le premier jeu a véritablement trouver son intérêt par l’ajout d’une extension.

  5. morlockbob 20/05/2020
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    Sanctum laissait présager du bon , et le fait de s’équiper est vraiment bien pensé mais bon sang (!) qu est ce que c’est répétitif et long. On était à deux doigts d’enlever un plateau.  Personnellement, une fois suffira.

  6. LeGrub 20/05/2020
    Répondre

    Complètement d’accord avec cette critique. On passe beaucoup de temps le nez sur son plateau. Le boss final se résume à une petite réussite où à la fin les joueurs relèvent le nez de leur plateau pour savoir qui a gagné. Aucune envie d’y rejouer.

  7. Meeeuuhhh 27/05/2020
    Répondre

    J’avais une partie à Essen (snif, Essen annulé) avec une version simplifiée où, malgré le fait que nous étions peu équipés, nous avions tous bu cul sec notre monstre. Nous étions tous sortis dubitatifs et refroidis du jeu, en nous demandant si la version complète rajouterait quelque chose mais ne voyant pas comment.

    Cet article confirme ce sentiment. La mécanique de progression des héros est en effet intéressante, mais le reste laisse sur sa faim. Tout comme la fin, elle laisse sur sa faim.

    Bref, si j’étais du genre à faire des jeux de mots faciles, je dirais que je préfère les œuvres de Philippe Geluck à celles de Filip Neduk.

    Mais je ne peux quand même pas faire ça !

     

  8. srikiki 09/06/2020
    Répondre

    J’ai fait une parti il y a peu et la critique est tout à fait juste, elle colle avec mon ressenti.

    Le jeu a une bonne base mais il manque des choses « simple » et pourtant importante comme une vraie utilisation du plateau (différent chemin) et un vrai scoring si on reste sur non coop

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