Retour sur la 37e édition du Festival des Jeux de Cannes
Nous avons vécu un séjour intense sur la Croisette où toutes les météos nous ont accompagnés du mercredi au dimanche. Nous avons pu jouer et découvrir beaucoup de titres différents que nous allons vous partager dans plusieurs articles et vidéos maintenant que nous avons tous pu regagner nos douces pénates (notez bien que cela a déjà commencé, avec deux debriefs vidéo publiés, et un retour écrit).
Comment était la cérémonie, le salon, et les jeux ? Faisons le tour de ce FIJ !
Break the code
Cette année, le motif du FIJ annoncé sur les affiches, était “casser les codes”. Premier code cassé, celui de la décontraction habituelle : le dress code de la cérémonie se voulait sérieux et un peu guindé pour du ludique, façon récompenses du cinéma. Le maître de cérémonie, Daniel Morin, habitué sur France Inter à décocher des carreaux aux politiques, a régulièrement ironisé sur l’édile de la ville non sans l’esprit railleur qui le caractérise, remportant sans peine l’adhésion de la salle. On a certes bien senti qu’il naviguait pas forcément en mer connue avec le jeu de société, mais il a su malgré cela s’acclimater et rebondir avec humour. Il ne lui aura d’ailleurs pas échappé que la grande majorité des récompensés qui montaient sur scène étaient essentiellement des hommes, “on pensera à la parité l’année prochaine”.
Les amis québécois d’Es-tu Games ont proposé cette année non pas une comédie musicale mais une vidéo interactive avec pour sujet l’intelligence artificielle – courageux, pour ne pas dire périlleux, tant la matière est houleuse et conflictuelle. Quand le personnage incarnant l’IA s’échappe de scène et que l’un des protagonistes s’exclame “mais ! on le laisse ainsi s’enfuir dans la nature ?” et son compère de conclure en substance “il va bien falloir apprendre à vivre avec…” la salle est restée un peu muette.
Le moment historique de la cérémonie restera sans aucun doute possible la récompense en As d’Or Jeu de l’Année de Trio avec le sacre tant attendu de Matthieu D’Epenoux, encouragé à passer sur scène par deux standing ovations bien méritées pour ce “serial loser des jeux de société”. La patience paie ! Après 10 sélections, Cocktail Games a enfin obtenu sa récompense et le public a ainsi pu entendre un beau discours en japonais donné par l’auteur fan de Skull And Roses, Kaya Miyano. L’occasion de souligner qu’il s’agit là du premier japonais ainsi récompensé, comme nous l’a signalé en coulisse le grand ambassadeur des jeux de l’archipel, Yannick Deplaedt aka Izobretenik, désormais derrière la maison Spiral Editions. Pas si simple pour les européens d’affranchir leurs frontières ? Un nouveau code cassé, dirait-on.
Autre belle surprise : La Famiglia qui l’a remporté du côté des Experts, le jury (bien paritaire lui, soulignons-le), a ainsi mis en avant un jeu qui se joue strictement à quatre non sans couper le souffle à son auteur, l’allemand Maximilian Maria Thiel qui a su toucher le coeur des 2 300 personnes présentes dans la salle par son émotion manifeste.
Avec Faraway (Johannes Goupy & Corentin Lebrat) on récompense d’abord un jeu qui a indéniablement su séduire son public mais aussi tout le travail d’un éditeur qui sort du lot depuis une décennie tant par ses game designs soignés que par ses Directions Artistiques originales (Paper Tales, The Loop, CuBirds, etc). Et cette sensation là, de récompense amplement méritée est la même pour Mon puzzle Aventure (Romaric Galonnier, Antonin Boccarra) qui l’emporte en catégorie Enfant. La collection de livre-jeux Ma première aventure de la maison Game Flow n’avait en effet pas pu être mise en avant par le jury à l’époque de sa sortie de par son ADN éminemment livresque, mais le travail depuis là aussi presque 10 ans de cet éditeur grenoblois a désormais pu être salué à sa juste valeur. Le mot d’un des deux auteurs, Antonin Boccarra, sur les difficultés d’une juste rémunération des auteurs/scénaristes aura tout de même laissé une petite note salée dans l’air à ce moment.
Enfin, pour rester dans les récompenses, n’oublions pas les Graal d’Or, ce prix du jeu de rôles qui touche un public toujours plus large. Cette année les vainqueurs s’appellent Hong Kong : Les Chroniques de l’Etrange (de Romain d’Huissier et Cédric Lameire) pour le francophone, et City of Mist (Amít Moshe) pour l’international, tandis que le retour de L’Anneau Unique a remporté un prix spécial réédition.
Break the pass
Mais le FIJ ce n’est pas simplement une grande cérémonie (entièrement signée en LSF pour la première fois), c’est surtout un salon qui a proposé cette année de multiples changements dans son organisation. Les visiteurs ont pu profiter de concerts live non loin de l’entrée et d’une petite augmentation du nombre des Food Trucks présents pour la pause déjeuner du côté du “village festival”.
Pour les professionnels, les files d’attente ont été réduites à l’entrée pour un vrai gain en fluidité ce qui était grandement appréciable. Il faut souligner que le FIJ draine plus de 5 000 professionnels sur quatre jours. La préouverture du jeudi leur a aussi permis de prendre leurs marques avant le flot de plus de 85 000 personnes qui ont défilé, curieuses de découvrir les nouveautés disséminées sur les 300 stands du salon. Néanmoins cette année, tous les professionnels n’étaient pas logés à même enseigne, les badges permettant à certains (ludothèques et cafés ludiques, influenceurs) de n’accéder au salon qu’à 14 h.
À noter que le off se tenait du mercredi au samedi comme d’habitude, à la différence pour les auteurs que la table de présentation de leurs jeux était payante cette année (15 €/ soir), le public était toujours au rendez-vous, et là encore la file d’attente a été améliorée par rapport aux éditions précédentes.
Break the game
Quels jeux ont retenu notre attention ? vous demandez vous peut-être avec l’impatience d’un Meeple tiré du sac, car oui la Croisette c’est surtout l’extase ludique en goguette, alors plantons les yeux dans les jeux et voyons ce que nos bobines fatiguées retiennent !
On vous a préparé une vidéo finale avec nos petits coups de cœur, et on vous concocte nos retours jeu par jeu … Mais sachez déjà que Harmonies sous bannière Libellud (de Johan Benvenuto) a su convaincre votre équipe et manifestement le public aussi (les tables étaient prises d’assaut) s’imposant probablement comme “le” jeu du FIJ24. Cela fait bien plaisir de voir Libellud revenir avec un jeu aussi soigné par son équipe et dans un autre registre que l’association d’images.
Backstories (aka “Unlock killer” askip) a attiré les passionnés de narratif que nous sommes chez La Boite de Jeu mais les fans de l’éditeur regarderont aussi de très près le projet participatif de Shifters (coop pour 1-2 joueurs avec des cartes qui glissent). À surveiller aussi, on le redit encore, Fil Rouge des frères Prothière chez Lumberjacks, une expérience particulière qui mérite le détour.
Les promesses de nouveaux Rivages chez Catch Up nous ont séduites, tout comme le Robinson familial et un peu hybride de Lucky Duck qu’il va falloir attendre fin d’année (c’est looong) à savoir Toriki dont nous vous parlions déjà ici. On n’oublie pas leur petit jeu abstrait trop mimi avec des chats qui se poussent du lit, Boop. Toujours chez les canards chanceux, soulignons évidemment l’arrivée en juin de Dune Imperium Insurrection maintenant que le film arrive dans les salles obscures.
Iello, qui fêtait ses 20 ans, prépare aussi de jolies choses dont un coup de Bambou qui viendra se positionner en Expert dans un format compact à l’instar de Le Château Blanc. Ils ont aussi posé La Forêt de Savernake un mignon jeu de collection de chez Devir. L’ombre du Kraken sort de table avec panache et 1% égayera vos apéros cet été.
Kronologic a parlé aux amateurs de déduction compétitive, et Infiltraîtres aux amateurs de déduction coopérative. Le petit jeu d’ambiance 2 pommes 3 pains a bien fait rire le salon, mais on préfère sans doute encore Ink It dans un style un peu plus créatif. On oublie pas le nouveau Cocktail de Hisashi Hayashi, Bomb Busters et ses 66 missions coop dont certaines réservent des surprises sonores…
In Extremis des Jeux Opla commence à sortir de terre et ravira les fans de l’éditeur avec ce nouveau jeu “documentaire”. Côté KYF édition, on surveille surtout le prochain Cédric Millet, un jeu qui s’était fait connaître lors du concours de Boulogne Billancourt (mais on vous en reparlera en temps voulu).
Matthew Dunstan & Brett J. Gilbert reviennent avec un jeu de double guessing qui a fait parler de lui chez BlackRock, Prey another day, on vous en parlait déjà au retour d’Essen, mais il jouira désormais d’un nouveau visuel.
Nul doute que les sorties récentes Captain Flip (le familial efficace signé Playpunk) et Courtisans (le dernier jeu de cartes malin de Catch Up) ont su se faire une place au soleil cannois. On reviendra aussi en détail sur d’autres jeux qui le méritent, tels que Looot et Le Match du Siècle de Gigamic, ou pour les plus gros joueurs, Shackleton Base: A Journey to the Moon dont nous vous parlions déjà par ici.
Et sachez-le, les cartes ont le vent en poupe. Bien sûr, bien sûr, Altered, mais aussi Lorcana et le Star Wars Unlimited qui ont littéralement squatté le haut de l’affiche du FIJ, mais pas que. Car il n’y a pas que les starters et les boosters dans la vie, le petit jeu de plis aussi est fort d’une belle santé ludique avec des titres très intéressants tels que Robotrick chez Explor8 (qui prépare aussi le prometteur participatif de AI), Rebelles princesses, Aurum et Once upon a draft chez Gigamic, Kings tricktakers chez Pixie Games, ou encore Blót chez Palladis Games… Et allez un dernier : The last chez Funforge.
Bref, cessons là, on ne vous divulgache pas tout, mais plein de choses vont venir remplir nos colonnes très prochainement et on vous garde quelques surprises de côté !
Photo Cover & Ban Martin Labbé
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FX 28/12/2023
les graal d’or sont cools cette année !
Doc.Fusion 27/02/2024
Oh, trop bien pour Izo, je ne savais pas 🙂
Grovast 28/02/2024
Merci pour ce meta-debrief écrit, cela complète bien les autres petits morceaux de ce FIJ captés par ailleurs.