Planet B : 49.3 raisons de « privilégier » le bien commun
À cause de l’incurie de l’humanité ou plutôt de nos dirigeants, la Terre est perdue et il nous faut nous réfugier sur une autre planète : la planète B. Avec son titre Planet B, nous ferait croire à une utopie écologiste où nous reconstruirions un monde enviable. Un monde où les humains apprennent de leurs erreurs et deviennent plus matures pour profiter de cette seconde chance.
Le jeu de Johannes Natterer nous fait endosser le rôle de politiques qui sont là pour privilégier le bien commun. Enfin, le bien commun peut attendre si l’on peut glisser quelques billets dans nos poches. Il s’agira surtout d’exploiter la population, manipuler les différents groupes politiques et contrôler les médias pour devenir président. Planet B nous délivre finalement un propos plutôt cynique et mordant. Un peu à l’instar de Crisis où nous étions des profiteurs de crise. Ces jeux où nous campons des personnages peu recommandables ont le mérite de nous montrer une cruelle réalité, et finalement de nous faire réfléchir. N’est-ce pas le propre d’une œuvre culturelle ? (vous avez 3 heures ^^).
Une fois n’est pas coutume, je fais un petit détour par les règles, le jeu fourmille de matériel, pistes, cartes médias, cartes bâtiments, nous avons un plateau central ainsi qu’un plateau joueur avec des ressources, là encore des pistes et une iconographie abondante. Bref, on est face à un jeu expert, et les règles ne nous détrompent pas sur ce point. Mais comme souvent chez cet éditeur(hans Im Gluck), elles sont incroyablement bien faites, et se jouent de nous avec un humour qui nous aide au passage à comprendre quelques notions.
Exporter le capitalisme dans la galaxie
Le but du jeu est littéralement de s’en mettre plein les poches, la règle nous explique que c’est notre compte offshore. Mécaniquement, les billets que l’on va dépenser sont des points de victoire de l’autre côté que l’on fourre négligemment dans nos poches (Si cela vous heurte de froisser du papier vous n’êtes pas obligé :)).
Malgré une pléthore d’actions, et une règle bien dense Planet B en lui-même n’est pas si compliqué, chacun de nos tours consiste à activer une des tuiles multinationales présentes sur le plateau, et de réaliser tous les effets indiqués sur celle-ci, construire un bâtiment, récupérer des ouvriers ou les envoyer travailler sur un bâtiment, avancer sur les pistes de factions, produire des ressources. Ou encore activer des cartes infos avec des petits bonus, ou des bonus plus importants mais dans ce cas vous devenez immoral, ce qui peut avoir un impact au moment d’une élection. Mécaniquement, certaines actions peuvent déclencher d’autres effets. Si vous désirez avoir le détail des règles, je ne saurais que vous conseiller le Ludochrono.
Parfois en construisant des bâtiments, vous contenterez la population, telle cette usine à Cannabis qui produit une huile stimulante de CBD ou bien des joints, la première vous enrichit, la seconde fait de vous un leader aimé de son peuple… À vous de choisir. À court terme, l’argent c’est mieux, mais à long terme, une bonne popularité nous permet de peut-être remporter les élections. Et quoi de mieux pour s’en mettre plein les poches que d’être au sommet de l’État ?
L’élection fait le larron
Un marqueur d’élection va se déplacer en fonction de nos actions. Quand il arrive au bout, le tour se termine et l’élection a lieu immédiatement. D’abord, on va pouvoir ajouter des votes à notre couleur, tout dépend de notre popularité. Si elle est négative, non seulement on va perdre des ouvriers (pas content, pas content), mais en plus nos adversaires vont pouvoir ajouter des votes à leur couleur. Ben ouais, mais fallait peut-être pas accepter cette valise d’argent si près d’une élection. Le système d’élection était un des petits twists mécaniques qui m’intriguaient pas mal, mais en réalité c’est très mécanique justement. Il va falloir bourrer les urnes avec nos bulletins de vote. Plus l’on en à notre couleur, et plus l’on a de chance de finir président(e) ou peut être vice-président.
Vous avez des chances, mais ce n’est pas gagné pour autant. Nous allons chacun notre tour piocher trois bulletins dans le sac et les placer devant nous, et continuer jusqu’à ce que tous les votes soient répartis entre les joueurs. Celui qui en a le plus de sa couleur devant lui remporte l’élection et devient Présidente, le suivant vice-président, le troisième Lama (Leader des Autorités Malicieuses Arbitraires), et le dernier Dodo (Directeur Obséquieux des Doléances Obsolètes). Planet B est bourré d’humour, et à cet instant, je me demande ce que cela donne en allemand, en anglais, en espagnol, etc.
Ce système d’élection est novateur, mais il nous a laissé quelque peu perplexes, en effet bourrer les urnes nous avantage probablement, mais ne nous fait pas pour autant gagner l’élection, il y a une part non négligeable de hasard qui entre en jeu. En contrepartie, la présidente perd la totalité des votes pour le tour prochain, le vice-président une partie des votes etc. Une mécanique compensatoire intelligente en plus d’être thématique, en effet, une fois au pouvoir pas sur d’y rester.
Le rôle de Présidente permet d’abord de gagner de l’argent ou plutôt des points de victoire, mais aussi de promulguer (piocher) une loi. Elle peut décider de choisir le bien commun et dans ce cas elle va bénéficier d’un bonus ainsi sur les autres joueurs, ou bien de penser à son bien personnel et glisser quelques menues monnaie dans sa poche au détriment de sa popularité.
Une fois l’élection remportée, on repart pour un nouveau cycle jusqu’à la prochaine élection. Ce qui change c’est que nous avons normalement construit notre moteur de jeu, et nos ouvriers peuvent être à nouveau envoyés dans nos bâtiments afin de les activer et gagner argent, ressources, bonheur et félicité.
Il n’y a pas de Planet B ?
Finalement, là où Planet B se démarque, c’est surtout par sa dérision et son humour noir acéré et sarcastique et ces références avec des cartes bâtiments, tel le bordel, l’usine à Smoothie qui produit du “Soleil Vert”, l’usine à jouets et ses ours caméras, la ferme d’organes ou encore la clinique illégale. Ma préférée reste incontestablement Éditeur de jeux qui se passe de commentaires. On retrouve une référence à Arrakis sur une carte Info, la voiture de Elon Musk qui dérive dans l’espace tel un déchet, ou le dodo de Paleo (du même éditeur).
Avec son humour, son thème, son univers cynique et froid, Planet B me vendait un eurogames, mais amusant, où l’on pouvait vivre quelque chose, et c’est la première désillusion. Le thème est certes bien présent dans l’univers et les cartes, mais il s’efface assez rapidement, et on déplace des meeples, on construit des bâtiments qui nous font monter des curseurs, gagner des ressources etc. C’est un peu dommage, car pourtant tout est cohérent, mais on finit par s’en détourner sans s’en rendre compte. Le système d’élection nous a laissé dans un abîme de perplexitude (hommage à Ségolène R, presque présidente).
Mécaniquement on va tenter de créer des bâtiments qui combottent entre eux, oui mais là encore on est soumis au hasard de la pioche. Tout cela pourrait être acceptable, mais le temps de latence entre les tours est finalement son plus gros écueil.
Activer une tuile vous permet de réaliser 3 à 4 actions, et potentiellement plus en activant des bâtiments qui vous permettent d’en activer d’autres. Pendant ce temps, les autres attendent que vous ayez finis. À 4 joueurs, c’est looong, et il faut souligner qu’il n’y avait pas de joueurs de type paralysis à la table, sinon on y serait encore (oui j’exagère). De plus, il est difficile d’en vouloir à un joueur, le choix de l’ordre d’activation est primordial, et la réflexion est importante. Bilan à préférer à 3 joueurs peut-être. À 2 joueurs, je crains que le système électif perde le peu de fun qu’il possède.
Si je devais émettre des comparaisons, la première qui me viendrait c’est Crisis qui a une mécanique plus aboutie et plus ludique je pense. On me souffle dans l’oreillette les jeux de Friedemann Friese qui a un ton punk dans sa proposition, tout en proposant des jeux de gestion solide. Dans un autre genre, des jeux comme QE ou Ponzi Schéme nous amènent sur un autre type de réflexion.
Le jeu nous fait brasser des billets, une bonne idée en apparence, sauf que la table n’a cessé de maugréer contre ce choix certes cohérent avec son thème, mais oh combien pénible dans sa manipulation, surtout que l’on passe notre temps à faire de la monnaie, en gagner en dépenser etc.
On préfère rester sur notre bonne vieille Terre, plutôt que d’attendre que des écosystèmes entiers s’effondrent à cause de notre inaction 🙂 Cette planète aurait pu nous séduire avec son univers décalé, son humour, ses références à l’actualité, mais Planet B souffre de beaucoup trop d’aléatoire et surtout est mécaniquement trop lourd, long et fastidieux, malgré pourtant un apprentissage de la règle plutôt simple.
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