Monster Hunter World : Qui va à la chasse…

Concernant les adaptations de jeux vidéo en jeux de plateau, il en va un peu comme les films ; il y en a des réussis, et il y en a des ratés. Steamforged Games s’en est fait une spécialité, jugez plutôt :

  • Horizon Zero Dawn
  • Resident Evil
  • Devil May Cry
  • Gears of War (pas le JDP, ça c’est Fantasy Flight Games, mais un jeu de carte 1 vs 1 dont il faudra que je vous parle un jour…)
  • Dark Souls, Dark Souls, Dark Souls qu’ils ont décliné jusqu’à la corde,
  • Monster Hunter World évidemment,
  • Dernièrement Sea of Thieves

 

Bref, ils n’en sont pas à leur première adaptation. Ils se sont même faits une plutôt solide réputation de qualité de production des jeux, de sortir leurs Kickstarter conformément à leurs promesses à défaut de les sortir dans les temps.

Quid de Monster Hunter World ? On en parle tout de suite.

Image Marek (Tryb Solo)

 

Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas tombés dans le vortex infini de consommation de temps qu’est le jeu vidéo, je vous propose le pitch en deux lignes :

On est dans un monde où les humains vivent de leur côté, et les monstres du leur. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Une fois tous les dix ans, une immense migration de tous les gros monstres les fait se déplacer vers une partie inexplorée du monde dans lequel nous nous situons, pour une raison inconnue. Les « monstres » sont fondamentalement de grands animaux, et c’est un rêve humide de zoologiste sous acide, tellement il y en a pour tout le monde : des félins, des dragons, des dinosaures, et n’importe quel mitigé-cochon d’inde que vous pourrez imaginer y est, avec 200 variations avec/sans fourrures. Notons que les créatures se déplacent d’une zone du monde où ils ne font chier personne, vers une autre zone du monde où ils font chier encore moins de monde.

Ils ont donc décidé d’envoyer des expéditions dans le nouveau monde pour comprendre ce qui se passe, vous voyez, en mode scientifique, histoire d’incrémenter le niveau de connaissance de leur environnement, pour mieux respecter ces animaux et vivre en symbiose avec eux.

Vous avez compris : ils envoient des gros musclés (ou musclées, hein, incroyablement le jeu est particulièrement respectueux de ce côté et les deux sexes sont représentés de manière équilibrée) décérébrés avec des armes plus grosses que des camions leur démolir la tronche à grands coups de hache en travers du museau.

Parce que c’est ce que font les humains.

Mais on va faire ça de manière scien-ti-fique on vous dit.

Bon, ça aussi, vous l’aurez compris, on est dans un monde un peu foutraque, pas forcément facile à intégrer, un peu japonisant, avec une relation étrange avec la nourriture (manger avant de partir chasser est probablement LE truc le plus important à faire). Et surtout, il y a un détail qui fait que le jeu n’est pas crédible pour 2 ronds… Dans ce monde, il y a des chats géants (de taille humaine à peu près) appelés des Palicos. Bon ça, je peux y croire. Mais dans le jeu, les Palicos font la nourriture pour toute l’expédition, ils nettoient, ils aident pendant la chasse, etc. 

 

Et un chat qui se rend utile, ça, j’ai jamais vu. Les chats que j’ai croisés avaient plutôt une approche de la vie résumée par la pose du matou de la photo ci-dessous :

 

Monster Hunter World est un Action RPG dans lequel il n’y a que deux stars : les monstres, et les armes. Les Chasseurs eux-mêmes sont génériques, interchangeables, sans intérêt. Ils n’ont aucune caractéristique particulière et la seule chose qui différencie deux chasseurs, c’est l’arme qu’ils manient. Et bon là, il faut bien avouer que la diversité proposée par le jeu est incroyable : il y a 14 armes différentes, qui correspondent à 14 gameplays différents, 14 sensations de jeu différentes et 14 contributions au décès de l’animal ciblé différentes. Car à son cœur, Monster Hunter est un jeu collaboratif, ce qui est pour beaucoup dans son succès. Il est difficile de battre les monstres de plus haut niveau tout seul, et certaines classes d’armes sont très difficiles en solo (fondamentalement, les armes à distance sont un poil moins utiles quand vous pouvez compter les dents de l’animal une par une).

J’ai oublié de mentionner, pour que l’impression soit complète, que les armes font la taille d’un minivan et n’ont absolument aucun sens : fusarbalète, épée et bouclier, marteau, cor de chasse…

Le jeu est fondamentalement assez simple ; on va enchainer les chasses / expéditions pendant lesquelles on va dessouder du monstre, afin de collecter les précieux matériaux qui vont permettre d’améliorer ses armes, son armure, mais aussi ramasser des fleurs, des champignons, des toiles d’araignées, etc, pour concocter des anti-poisons, des poisons, des fioles de santé et compagnie.

La difficulté des monstres va aller grandissante, jusqu’à ce que l’on affronte le grand méchant monstre de la campagne, souvent un immense dragon qu’il faut se prendre à plusieurs sous peine de se retrouver wallpaperisé en moins de temps qu’il faut à un dragon pour dire « greuh ».

Monster Hunter World, le jeu de plateau

C’était le jeu vidéo. Pour le jeu de plateau, c’est facile, c’est à peu près pareil. Sachez qu’il est jouable dans deux modes :

  • le mode « arène » où on choisit un monstre, un certain niveau de difficulté, et le jeu suggère une arme et une armure dans chaque catégorie pour permettre à un groupe de 2 à 4 chasseurs de lui mettre sur le museau avec toute la dignité qui caractérise le mot « chasseur »
  • le monde « campagne », où on choisit son arme de départ, et on va enchainer les chasses pour améliorer son arme, son armure, et on l’espère finir par réussir à se confronter au gros méchant de la campagne, au niveau le plus élevé, en moins de 25 jours, qui est la durée standard de campagne.

 

La chasse dont vous êtes le héros

En mode campagne, chaque phase d’action (« on tabasse le monstre ») est précédée d’une phase de traque (« on cherche le monstre pour pouvoir le tabasser ») qui ressemble fort à un livre dont vous êtes le héros.

Cette phase a plusieurs objectifs :

  • Mettre les joueurs dans l’ambiance avec un peu de fluff narratif autour du monde (un peu vide entre les phases d’action il faut le reconnaître) de Monster Hunter ;
  • Leur permettre de passer un peu de temps à ramasser des composants qu’ils ne peuvent pas récupérer pendant la phase de combat, mais attention ! Tout le temps passé à cueillir des champignons sera autant de temps de moins disponible pour tabasser le monstre ;
  • Entamer un peu les réserves des chasseurs, que ce soit en termes de points de vie ou de potions de vie ;
  • Selon les choix que les chasseurs auront faits durant cette phase, le comportement du monstre pourra être un peu altéré ; une des cartes d’action du monstre étant ajoutée au deck après cette phase, en fonction du résultat de la phase de traque. Cette carte a une incidence assez marginale sur ce qui se passe ensuite.

 

Soyons clairs, cette partie du jeu n’est pas franchement palpitante, on n’a qu’une envie c’est de commencer le passage à tabac le plus vite possible, mais il faut ramasser quelques composants qui seront utiles pour les armes et les armures. Par ailleurs, la traduction française de ce jeu n’étant pas à l’ordre du jour, il n’est pas facile d’immerger les joueurs moins anglophones.

Cela étant dit, je déteste tellement cette phase-là que je me suis posé la question plusieurs fois de la remplacer par « récupérez X composants de votre choix » car le caractère aléatoire de ce qu’on l’on y trouve ajoute à la frustration de passer 30 minutes à lire du texte sans intérêt.

Mais une fois cette phase terminée, on peut passer au cœur du jeu : la phase de chasse.

Image Marek (Tryb Solo)

Les stars du jeu !

La phase de chasse confronte 2 à 4 chasseurs à 1 unique monstre, classant définitivement le jeu dans la catégorie « Boss Battler ».

MHW propose deux boites de base qui peuvent être utilisées indépendamment l’une de l’autre, ou en combinant leurs éléments. Chaque boite contient quatre chasseurs (avec quatre armes différentes, bien sûr), et quatre monstres, de niveau de difficulté croissant, avec chacun leur spécificités. Il existe bien sûr des extensions qui permettent d’ajouter des armes et des monstres, et d’augmenter ainsi la variabilité du jeu et d’en renouveler l’expérience.

Les Streumons

Un monstre se présente selon la fiche de physiologie suivante :

Cette fiche permet de connaitre le nombre de points de vie du monstre, le niveau d’armure qu’il présente sur les différentes parties de son corps, ainsi que la résistance de chacune de ses parties à vos coups ; l’un des éléments cœur du gameplay étant la possibilité de modifier le comportement de l’animal une fois certaines sections « détruites ».
Le monstre dispose aussi d’un certain nombre de capacités spécifiques. On trouvera aussi sur sa fiche sa résistance à un certain nombre d’effets générés par les armes, ou par des événements de jeu.

Chaque monstre est disponible en plusieurs niveaux de difficulté, rapportant plus de composants s’ils sont tués.

Le deuxième élément capital d’un monstre est son deck de comportement, un ensemble de cartes qui ressemblent à celle-ci :

 

À chaque fois que le monstre doit agir, on tire l’une de ses cartes et on y lit quel chasseur le monstre va cibler, quelle type de mouvement et d’attaque il va faire (dégâts, effets spéciaux, difficulté à esquiver..) mais aussi combien de chasseurs pourront jouer combien de cartes d’attaque, avant la prochaine activation du monstre. Ainsi, un monstre rapide et agile laissera peu de temps aux chasseurs pour réagir et sera difficile à prévoir, alors qu’un monstre lent et fort laissera plus de latitude aux chasseurs.

Les armes

Chaque arme de Monster Hunter World appartient à l’une des 14 classes mentionnées plus haut, mais au sein de chaque classe, selon les éléments qui ont servi à créer l’arme, les effets peuvent être radicalement différents.

Les armes sont matérialisées par deux decks :

  • Un deck d’attaque qui va être le cœur du jeu pour cette arme, avec lequel on va se déplacer et attaquer,

 

 

  • Un deck de dégâts ; chaque attaque dira combien de cartes du deck de dégâts on va tirer pour déterminer les dégâts de l’attaque. Évidemment la répartition du deck va être déterminante sur les dégâts de l’arme en question. Mais la taille du deck sera importante aussi ; dans la mesure où lorsque le deck de dégâts est entièrement défaussé, il faudra affûter son arme afin de pouvoir attaquer à nouveau.

 

 

Les concepteurs du jeu (Mat Hart, Sherwin Matthews, Jamie Perkins) ont choisi de faire reposer la mécanique autour de quelque chose d’assez marginal au niveau du jeu vidéo : la barre d’endurance. Comme dans beaucoup de jeux modernes, le fait d’appuyer frénétiquement sur des boutons conduit votre avatar à s’essouffler rapidement et s’avère donc totalement inefficace. Le jeu récompense la précision et le fait d’enchaîner les bons mouvements et les bonnes combo pour des effets maximaux.

Le caractère planifié et délibéré de l’optimisation des effets dans le jeu de plateau va procéder du fait que si on se lâche pendant un tour et qu’on remplit sa ligne d’endurance, on sera forcé de ne pas faire grand-chose pendant 1, 2, voire 3 tours. Or, MHW est un jeu dans lequel la pression la plus élevée est celle du temps : on perd souvent parce qu’on n’a pas réussi à abattre le monstre dans le temps imparti, donc ce genre de décision pèse lourdement sur les chances de remporter la partie.

À chaque fois qu’un chasseur commence son tour, il peut déposer autant de cartes d’attaque sur sa ligne d’endurance que ce que la carte de comportement du monstre indique (en général, de 1 à 4 cartes, avec la plupart indiquant 2).

 

 

Il est difficile, sans rentrer dans le détail de chaque arme, de donner une idée claire du niveau de variété auquel on peut s’attendre mais c’est à mon sens ici que le jeu chante vraiment sur toute sa tessiture. Chaque arme est un nouveau puzzle à résoudre, une nouvelle façon d’approcher le jeu, et c’est vraiment le point le plus intéressant du jeu en ce qui me concerne, et je le trouve réellement très réussi.

Je ne suis pas un ultra spécialiste du jeu vidéo, mais j’y ai bien retrouvé les sensations des différentes armes : les lames jumelles sont très mobiles mais ne font que très peu de dégâts, le marteau lourd est un monstre de dégât mais demande un timing assez impeccable pour être efficace, et la « charge blade » est un bonheur d’efficacité quand les fioles sont pleines. Bref, si vous êtes un fan du jeu, vous allez vous y retrouver, et on sent bien que ce sujet a été le point le plus important pour la conception du jeu – on ne peut que s’en réjouir. Personnellement, je suis un fan de la Morpho Hache, et j’y ai bien retrouvé le savant dosage attaque / mobilité de la dualité hache / épée.

Évidemment, MHW ne serait rien sans la variété de ses armes, mais n’oublions pas la capacité à les améliorer au fur et à mesure de la carrière de votre chasseur. Le jeu de plateau offre la même possibilité de recueillir différents matériaux, qui permettront d’améliorer vos armes, en mode « deck upgrade » puisque chaque nouvelle arme apportera certaines modifications, toutes différentes, mais non cumulables forcément, au deck de base. Et là aussi, on se prend au jeu de prévoir les chasses en fonction des composants qu’on espère pouvoir récupérer, qui nous permettront d’améliorer à la fois son arme et son équipement / armure.

Les nouvelles armes rendent les armes plus puissantes, un peu différentes, sans en changer le concept de base. Elles ajoutent notamment les dégâts élémentaux qui permettent d’ajouter des dégâts lorsque le monstre que vous combattez présente une vulnérabilité à ce type de dégât. Elles ajoutent aussi des effets particuliers, comme le fait d’électrocuter ou de sonner sa cible, ce qui est particulièrement efficace. Tous les effets sont thématiques et intéressants, mais ont tous un impact somme toute limité sur le jeu. On sent bien que les concepteurs ont voulu donner le maximum sans trop mettre l’équilibre en danger. C’est réussi au prix d’avoir parfois des effets de jeu un peu plats, ou un peu balistiques, là où on aurait pu souhaiter plus de surprises et de rebondissement dans ce qui se passe sur le plateau.

Image Marek (Tryb Solo)

Alors, on part à la chasse ou pas ?

Il y a beaucoup de choses à aimer dans Monster Hunter World. Évidemment, les créateurs ne sont pas parvenus à éviter le piège des jeux à licence, qui consistent à donner aux fans du jeu vidéo ce qu’ils veulent et d’essayer de recréer un maximum de ses sensations de jeu. En ce qui me concerne, c’est louable et réussi, mais malheureusement, se faisant, on retrouve les aspects un peu « mièvres » et sans intérêt du jeu. Par exemple, la phase « livre dont vous êtes le héros » de la chasse, qui est le prélude à affronter le monstre lui-même est ABSOLUMENT sans intérêt, répétitive, et frustrante.

En revanche, la phase de combat, à 2, 3 ou 4 joueurs, est vraiment fun. On peut regretter le fait que malgré une certaines personnalité et effets spéciaux, les attaques des montres se ressemblent un peu toutes, et que l’essence du jeu consiste à répartir autant que faire se peut les dégâts entre les différents membres du groupe, afin d’éviter de se retrouver KO trop de fois, ce qui entraîne la défaite immédiatement.

En conséquence, le mode de jeu « action immédiate », qui propose un assortiment de chasseurs, d’équipements et un monstre à abattre, sans autre forme de procès, est bien le plus amusant pour moi, et c’est celui que j’ai pratiqué le plus après avoir laissé tomber une « campagne » qui m’ennuyait.

Alors est-ce qu’on conseille le jeu ? Pour ce mode, oui. Cependant, le prix du jeu, le caractère démesuré et non nécessaire de son matériel avec des figurines gigantesques et un peu ridicules vu la taille du plateau font que l’expérience sera un peu chère par rapport à ce qu’elle aurait pu être. Pour autant, si on ne boude pas son plaisir et qu’on aime un peu la licence Monster Hunter, il y a pas mal de plaisir à prendre autour de ce jeu.

 

 

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