Les Tricks de Tracks

Disclaimer: Alors que j’écris cet article, je travaille également sur un jeu avec C. Rubiella, co-auteur de Tracks dont nous causons ici.

Bon, je crois que Tracks est un jeu dont on vous a déjà « un peu » parlé sur le site, à travers le reportage sur sa conception, en deux parties et l’interview d’un des deux auteurs. J’avais de même exprimé tout mon enthousiasme pour ce jeu suite à ma partie sur le proto à Cannes. C’est peu dire que voilà un titre que la rédaction attend de pied ferme.

Et bien ça y est, nous l’avons entre les mains, voyons s’il a comblé ou non nos attentes.

 

 

Musique d’intro

Tracks vous donne à jouer cet épisode quasi-incontournable de chaque série policière : le moment où l’on doit localiser quelqu’un à partir d’une bande son et des bruits que l’on entend dans le fond. Chaque partie va ainsi vous donner le contexte de l’affaire à élucider, puis vous aurez une piste audio à écouter qui composera votre élément à analyser : enregistrement issu d’un téléphone, mouchard, appel en cours… Peu importe, il vous faudra écouter attentivement cette piste audio pour analyser ce qu’il s’y passe. Est-ce un tram que j’entends dans le fond ? Des mouettes ? Non je sais, ce sont des travaux ! Une fois les bruits identifiés, il va falloir les mettre en relation avec le plan de la ville que l’on a sous les yeux. Celui ci nous indique les lieux « importants », comme les écoles, le chemin du tram, les églises etc… L’enchaînement des éléments audio nous permet alors de suivre les déplacements de notre cible.

Mais parfois, cela ne suffira pas et il faudra s’aider des caméras de la ville, représentées par des cartes : et oui, ce camion de glace que vous venez d’entendre n’est peut être pas sur le plan, mais il a pu être repéré par une caméra de surveillance.

À chaque fois, votre objectif est d’identifier un lieu pour envoyer une patrouille et résoudre votre affaire. Quand vous avez trouvé le bon endroit, c’est gagné !

 

Espérons qu’on les envoie au bon endroit

 

Je vous reçois 5 sur 5

Bon, comme vous le voyez, le principe du jeu est compris immédiatement, et est plutôt engageant. L’application qui va avec, a été pensée dans cette même idée d’accessibilité : elle se réduit au plus simple. On choisit notre scénario, et on peut écouter notre bande son. L’immersion est immédiate, et on commence à jouer tout de suite. Une fois que la bande son est écoutée, on passe à la résolution : il va falloir la ré-écouter minutieusement pour essayer de bien cerner chaque étape. Parfois, on sera complètement perdu, et on repartira en arrière. On aurait pu craindre le jeu trop facile, il n’en est rien. Un même bruit peut avoir plusieurs origines, ou une intensité plus ou moins forte en fonction de la distance de sa source. Ou bien, un élément peut être « silencieux » : si ce n’est pas l’heure à laquelle sonnent les cloches, ce n’est pas l’heure. Et puis on aura bien sûr les bruits de fond, inutiles, comme ce moteur électrique que l’on entend constamment, à ne pas confondre avec le tram. Bref, le jeu va essayer de vous piéger, et c’est tant mieux.

 

L’écran principal de l’application

 

Pourtant, il saura aussi vous récompenser, et on se sent vraiment mis en valeur lorsque l’on réussi à trouver la bonne réponse. Ce que l’on n’arrivera pas toujours à faire, soyons clair. Enfin, plutôt pas toujours sans indices : chaque scénario en propose trois, qui peuvent vous guider sur le début, le milieu ou la fin de la bande. C’est très fin, car on peut se perdre à n’importe quelle étape, et le jeu trouvera ainsi à nous remettre sur les rails dans tout les cas. On sera donc mis en difficulté, mais jamais vraiment en échec définitif, et on pourra repartir. On aura également peu de bruits « essentiels » qu’il ne faut absolument pas rater pour réussir le scénario, et on pourra ainsi se rattraper.

 

Un exemple d’indice que l’on peut demander

 

Une des questions qui restait en suspens après mon test sur le prototype était de savoir si le jeu parviendrait à se renouveler une fois passée l’excitation de la découverte. J’en suis pour le moment à neuf parties (en moins de 24 heures), et je ne m’en suis pas encore lassé. D’une part parce que la difficulté est graduelle et qu’il y a vraiment une montée en puissance dans les scénarios, mais aussi parce qu’on commence à connaître la carte et à avoir des automatismes. Nos erreurs d’une partie pourront être nos atouts pour la suivante.

Mais aussi parce que, à partir du cinquième scénario, le jeu va commencer à sortir du schéma « je suis quelqu’un qui se déplace pour aller d’un point A à un point B ». Il s’agira peut être d’un lieu unique à identifier avec les bruits environnants, d’un personnage qui change de moyen de transport, d’étapes à identifier, de personnage qui revient en arrière. Les éléments sonores pourront aussi être plus espacés, ou vous demander de trouver la solution dans un temps limité (ce n’est pas grave si vous n’y arrivez pas cela dit). Dans tout les cas, une petite animation fort bienvenue à la fin, vous remontre sur le plan l’itinéraire que vous avez écouté, ce qui vous aidera à progresser. Cela vous valorisera aussi quand vous avez correctement décortiqué la piste audio.

 

Aaaaaaa Il est passé par là !

 

Je m’interrogeais également sur le nombre de joueurs : si à deux, je n’avais aucun doute, j’avais un peu peur qu’à plus nombreux, les joueurs se parasitent. J’ai pu essayer pour le moment à deux et à quatre. Et bien le jeu fonctionne dans les deux cas. Certes, à quatre il sera plus difficile de tous bien voir la carte, mais pas tant que ça en réalité, car les « points d’intérêt » sont assez gros et visibles de loin. C’est plus dans la gestion des cartes caméras qu’il faudra se faire passer que cela accrochera un peu. Mais cela sera largement compensé par le fait que quatre joueurs, c’est quatre fois plus de chances de saisir des détails auditifs qui débloqueront l’enquête. 

 

J’ai déjà entendu cet air?

C’est d’ailleurs pour moi un avantage par rapport à l’autre jeu auquel on va souvent comparer Tracks, à savoir Micro Macro Crime city, qui pour moi n’est pas agréable à plus de deux. Profitons en pour dire qu’on peut en effet retrouver des ressemblances entre les deux jeux : dans les deux cas, il faut retracer des éléments sur un plan, dans un cas grâce à notre vue, dans l’autre à notre ouïe. Une partie durera entre 15 et 25 minutes, et on les enchaînera avec gourmandise. D’une certaine façon, les sensations sont similaires, et si vous aimez l’un, il est probable que vous aimiez l’autre.

On retrouve d’ailleurs une des limitations de Micro Macro dans Tracks : Si dans les deux cas nous avons des jeux aux règles très accessibles, le thème lui ne l’est pas toujours. Dans Tracks, la bande son est souvent relativement neutre. Pourtant, un des scénarios décrit une scène de violence. Et comme souvent avec l’audio, l’émotion transmise en est plus intense. C’est ce que l’on avait resenti dans Echoes par exemple. Il faudra donc faire attention à notre « environnement » quand on joue : d’une part parce que, pour ce scénario en particulier on ne veut pas d’enfant dans le coin (ce qui était notre cas), d’autre part parce que pour les autres, il faut éliminer toute source de bruit parasite pour pouvoir jouer tranquillement.

 

 

Mélange entre Micro Macro et Echoes, Tracks garde néanmoins son identité et reste un jeu orignal, pas vu jusque là. Le lien entre le son et le l’image lui permet d’aller plus loin qu’Echoes, et à surpasser ce dernier pour moi.

Son d’ambiance

Au delà du gameplay lui même, il y a des choses à dire sur l’enrobage de Tracks. Tout d’abord, avec un jeu aussi tourné autour du son, il fallait que les bruitages soit impeccables. Pour le moment, il n’y a rien à redire : ceux-ci sont crédibles et donnent une cohérences à la ville de Sirène Bay. L’immersion fonctionne. L’autre crainte était sur les voix. En effet, plusieurs retours sur la version française d’Echoes critiquent assez sévèrement le doublage, qui sortait les joueurs de la partie. Rien de cela ici, même si un ou deux personnages ou dialogues sont un peu moins bons.

Vous pouvez vous faire votre avis sur ce petit extrait:     

J’ai bien aimé le petit prospectus de pub pour la ville, qui aide à se plonger dans l’ambiance et dispense des indices ici ou là.

 

 

En début de présentation, j’ai parlé d’épisode de série policière, et ce n’est pas par hasard : tout l’esthétisme du jeu emprunte aux codes télévisuels. Les scénarios sont d’ailleurs nommés comme les épisodes d’une saison, la première. Et comme dans une bonne série, si chaque épisode est indépendant, on sent des liens entre eux, plus ou moins ténus, plus ou moins subtils, mais qui tous aident à construire une attente d’un climax sur les dernières parties, que j’espère donc avec impatience. (Et oui il m’a fallu faire une pause pour écrire cet article).

Il est à noter que cette immersion dont on a parlé, n’empêche pas les auteurs de prendre du recul sur ce que raconte leur jeu : on trouvera un petit encart dans les règles pour expliciter leur position au sujet des écoutes et de la vidéo-surveillance. C’est une initiative que j’ai personnellement apprécié. Un jeu véhicule toujours un message, volontairement ou non, et il important de rappeler que ce qui est acceptable dans un tel cadre ne l’est pas toujours en dehors.

 

Quelques interférences

Ce portrait que je dresse depuis le début est, vous le sentez, plutôt positif. Il y a pourtant bien sûr quelques ombres au tableau. La première vient de l’application, pas toujours aisée à manipuler : dans trois scénarios différents, nous avions trouvé la bonne réponse, mais, soit nous n’avions pas cliqué exactement au bon endroit, soit nous n’avions pas réussi à sélectionner l’élément de réponse, en tout cas nous pensions nous être trompés. On a fini par réussir à s’en rendre compte, en se disant que c’est un peu de notre faute, mais cela reste frustrant.

La réponse finale est parfois également un peu « floue »: on hésite entre deux portes d’entrée par exemple, sans réellement savoir laquelle est la bonne, et sans forcément comprendre, même avec la réponse, pourquoi c’était l’une plutôt que l’autre. Là aussi, on essaiera alors la seconde proposition, et on aura la bonne réponse, nouvelle petite frustration, car même avec la réponse, il est arrivé qu’on ne comprenne pas pourquoi il fallait choisir une option plutôt qu’une autre. Il est à noter que c’est surtout arrivé sur nos premiers scénarios et plus du tout par la suite : peut être qu’on a pris de l’expérience.

 

 

Enfin, j’aime beaucoup le travail fait sur les illustrations qui donnent une ambiance très film noir. Pourtant, à l’exception du scénario un peu dur mentionné plus haut, les histoires restent « sages » et les noms des rues très pop culture, et cela adoucit beaucoup le ton général. L’idée est de rendre le jeu le plus accessible possible, ce qui se justifie au niveau de sa mécanique. Pourtant, je crois que j’aurais aimé que le jeu aille un peu plus loin dans son côté mature, et n’hésite pas à être plus sombre, plus violent peut être dans les situations qu’il met en scène. Un jeu n’est jamais autant abouti que quand il réussi à faire passer des sentiments, et l’audio est un excellent vecteur pour cela. j’aurais peut être aimé en avoir plus. Peut être dans les derniers scénarios ou dans la saison 2 ? 

Car une saison 2, c’est tout ce que l’on souhaite à ce jeu. Pour moi il a tenu pour le moment toute ses promesses, il a clairement un côté addictif, et j’attends la fin de cette saison avec impatience. J’avais annoncé il y a quelques mois qu’on avait ici le futur As d’or, et je maintiens. Le jeu est accessible à tous, très bien édité, original. La difficulté est au poil : ni trop facile, ni trop difficile, le jeu vous challenge mais vous récompense aussi. J’attends bien sur de découvrir ce climax (que j’espère) pour un avis définitif, mais pour l’instant, je suis séduit.

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