Les Gardiens de Havresac – un bag building bien huilé au pays enchanté

Les jeux de bag building ne courent pas les rues. Les Gardiens de Havresac, un jeu de Frédéric Guérard (It’s a Wonderful World, Meeple Land), vient se rajouter à cette petite liste grandissante. Dans ce jeu compétitif et situé entre la gamme Famille et Initié, chaque joueur incarne un groupe de « gardiens » – guerrières, voleurs, druides et autres prêtresses du Lore médiéval fantastique – désireux de sauver le royaume de Havresac de l’emprise d’une sorcière.

Chaque joueur disposera d’un plateau de jeu identique, représentant une parcelle du royaume parsemée de forêts, de lacs, trésors et villages en ruines, qui sera progressivement envahie de créatures fantastiques, maléfiques (renards, crocodiles, cochons) ou pas (fées).

Si la couverture de la boîte ne nous a pas attirés plus que cela de prime abord, à l’ouverture ce fut toute autre chose. Les illustrations signées Sabrina Miramont (Photosynthesis, Dice Hospital) sont en somme classiques, mais charmantes et bien lisibles (que demander de plus ?). Le matériel est aussi de qualité. On apprécie les nombreux pions de bois (112 !) représentant les créatures, les plateaux individuels épais, et les sacs de pioches de bonne facture, plutôt agréables à manipuler.

 

 

Mélangez votre besace et saupoudrez le plateau de jetons

Le bag building est donc la mécanique centrale. À chacune des cinq manches, vous devrez placer au mieux sur votre plateau individuel les jetons gardiens que vous piocherez de votre sac pour marquer le plus de points de victoire en fin de partie. Placer sur une case un jeton Gardien permet de déclencher le pouvoir de ce dernier afin de vaincre des créatures, ouvrir des coffres, ou bien d’utiliser une action générique comme restaurer des villages, capturer une fée, etc. Il faudra donc ratisser le plus large possible pour scorer efficacement. Pour plus de détails sur les règles, vous pouvez regarder cette Ludochrono.

Seulement voilà : vous ne pouvez pas poser un jeton n’importe où, mais (grosso modo) à une certaine distance d’un autre précédemment posé, distance qui dépend de la rapidité du gardien pioché. Aussi, chaque fin de manche, tous vos jetons reviendront dans votre sac. Vous serez donc limité(e) sur votre zone d’expansion et il faudra faire des choix. Tout le principe du jeu repose donc sur la façon dont on va organiser la pose des jetons entre eux, afin de « gratter », récolter, conquérir le plus d’objectifs possible sur le plateau.

 

Sacrifier un ou deux jetons à chaque manche permet de projeter les suivants plus loin (ici la guerrière) et de s’y retrouver en termes d’objectifs collectés à la fin.

 

Aussi, et point central du bag building, si chaque joueur démarre avec la même composition de gardiens dans son sac, vous devrez choisir les meilleurs gardiens à recruter avec l’or gagné après chaque manche, afin de constituer un sac efficace et pouvoir combiner les pouvoirs et la rapidité de vos jetons lors de leur placement.

 

La piste de score et les gardiens qu’il est possible d’acheter après chaque manche

 

L’enfant caché de Karuba et d’Orléans ?

Sans surprise, on retrouvera des sensations vécues lors des parties d’Orléans. Piocher les gardiens de son sac et les placer sur son plateau individuel constitue un gameplay proche de son lointain cousin, là où il fallait à la place piocher ses partisans et les placer pour déclencher des actions.

Les sensations de jeu se rapprochent également de celles de Karuba. Déjà lors de la mise en place, comme dans Karuba, les joueurs partiront avec les mêmes chances, avec une disposition du plateau quasi identique. Puis à chaque début de manche, ils feront également face à la même génération de créatures sur leur plateau, lors d’une phase de « Loto ». La principale différence résidera dans la phase de pioche de sac (que chacun aura constitué à sa sauce donc), là où dans Karuba les joueurs plaçaient simplement la même tuile sur leur plateau respectif.

Autre trait du gameplay commun aux deux titres et pas des moindres, chacun jouera dans son coin sans quasiment aucune interaction, piochant de son sac les gardiens et les plaçant sur son plateau jusqu’au dernier.

 

 

Pour tordre le cou à cet a priori que l’on peut lire parfois : cela n’en fait absolument pas un jeu qui n’a d’intérêt qu’en solo ! J’ai pu constater une bonne ambiance autour de la table, même si l’on ne se dispute pas des ressources ou des carrés de territoire. L’absence d’interaction n’est pas un aspect négatif du jeu, mais un caractère clivant qui plaira à certains et déplaira à d’autres. C’est donc à vous de vous positionner 😉 .

Les joueurs avec qui j’ai pu tester Les Gardiens de Havresac sont tous amateurs de Karuba. Une légère majorité d’entre eux ont préféré le premier, les autres ont préféré revenir sur Karuba. Difficile de vous donner un avis tranché, même si je trouve que Les Gardiens de Havresac est un peu plus riche, en implémentant très bien et avec simplicité la mécanique de bag building. En tout cas, si vous êtes fan de ce titre, il y a de fortes chances que Les Gardiens de Havresac soit une bonne pioche pour vous !

 

Comme le café, léger ou corsé

Si le jeu est accessible et peut être joué de manière légère, il n’est pas si familial qu’il n’y paraît. Pour optimiser le placement de ses jetons et jouer efficacement, il faudra forcément considérer ceux qui sont encore dans le sac. En effet, si je m’attends à ce que mon archère (se déplaçant lentement) sorte après mon druide (se déplaçant rapidement) pour pouvoir la placer loin et atteindre une cible bien précise, alors ma stratégie est bancale. Il faut prévoir une issue de secours au cas où celle-ci sortirait trop tôt du sac, par exemple en s’assurant qu’elle puisse atteindre une cible, même si on la pioche en premier. Je pourrais donner d’autres exemples comme celui-ci, mais je pense que vous saisissez l’idée 😉

Si vous désirer scorer efficacement, le jeu demande donc un effort d’anticipation et de gestion intuitive des probabilités, autrement vous risquez de mal vivre l’injustice du hasard de la pioche en accusant le game design sans remettre en cause votre propre stratégie.

 

 

Dans la même trempe, chaque emplacement « créature » des plateaux sera tiré au sort tôt ou tard durant la partie. Il est donc possible de mémoriser le tirage des créatures et de mieux anticiper les prochaines manches, si on s’en donne les moyens (à titre personnel, j’ai vraiment la flemme !).

Dans l’ensemble, si on joue prudemment, en assurant ses arrières et en mémorisant un peu le tirage des créatures, le jeu vous récompensera. On voit qu’il y a eu un travail de fond sur cette question est c’est appréciable. Par contre, cet exercice n’est pas évident pour tous !

 

Les créatures générées lors de chaque manche

 

Cependant, je vous le disais en début de chapitre, le jeu est tout de même pensé pour être abordé de manière légère, sans trop se prendre la tête. On peut se focaliser sur la piste de restauration des villages (plus on en répare et plus on récolte de points à chaque manche), ou celle du tableau de chasse (en fin de partie, un bonus alléchant si on arrive à flinguer une grande quantité de créatures) beaucoup plus risquée. Globalement, ça n’ira pas beaucoup plus loin, et cela me semble coller parfaitement au format du jeu. La profondeur étant intrinsèquement limitée, il ne faut pas s’attendre à pouvoir pousser trop loin l’optimisation et la stratégie.

 

Miser en priorité sur la restauration des villages me semble être la stratégie incontournable, ce qui me chagrine un peu. Si certain(e)s ont pu faire leur beurre autrement, je serais curieux de le savoir.

 

De même, le nombre, l’emplacement et la diversité des éléments à conquérir restant constant sur les plateaux, il n’y a pas un besoin fondamental de revoir sa stratégie d’une partie à l’autre. L’achat des gardiens ne va pas forcément directement dépendre du jeu en cours. On pourrait toujours partir avec la même combinaison sans trop se risquer. Cela peut déplaire à certains. Pour ma part, étant donné le format familial, et l’infinité de combinaisons de gardiens à essayer pour en tester le résultat (vivement la prochaine partie pour combiner plus de Sorcières et de Druides), je me sens suffisamment rassasié de ce côté-là.

 

Pour augmenter la complexité et la rejouablité, des gardiens en version Nuit et un plateau Hiver sont proposés

 

Le mode Solo dans tout ça ?

Les Gardiens de Havresac se prête allègrement au jeu solo par son absence d’interaction entre les joueurs. Il est tout à fait possible de faire tourner le jeu seul et d’optimiser son placement de jetons. Une fiche est prévue à cet effet, pour lister des challenges de plus en plus difficiles et que vous devrez valider les uns après les autres. Je trouve cela plus motivant qu’un « battre son propre score » et vous en parlerai dans un prochain article « Solo is Beautiful ».

 

 

En conclusion

Parmi leur collection de titres originaux et choyés, Catch up Games marque des points avec un titre aussi accessible que plaisant à jouer. À la frontière entre jeu familial et jeu destiné aux initiés, Les Gardiens de Havresac implémente avec simplicité et efficacité le bag building, à la manière des Charlatans de Belcastel. Si comme moi vous êtes friands de cette mécanique qui ne fait pas légion dans les jeux contemporains, ce jeu vous fera peut-être de l’œil. Cela dit, même s’il demande un effort de réflexion et que des options plus complexes sont proposées, le jeu ne conviendra peut être pas à un public expert.

Il peut être également clivant, par son absence d’interaction. Ici chacun joue pour sa pomme. Personnellement, je suis un adepte, n’aimant pas trop voir mes adversaires interférer dans mes stratégies ! Il restera donc dans ma ludothèque, car je n’ai pas été déçu du voyage.

 

Les jetons trésors c’est comme une boîte de chocolat…

 

 

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