Cryo souffle le chaud et le froid

Mauvaise nouvelle. Notre navette s’est écrasée sur une planète hostile et nous avons seulement une journée pour réussir à mettre à l’abri notre équipage dans des grottes souterraines avant l’arrivée du crépuscule qui détruira toute vie. Cryo démarre avec une catastrophe, visiblement lié à un sabotage, ici pas de préliminaires, on est plongés dans le feu de l’action !

 

 

La cover de la boite avec la chute de notre aéronef, les plateaux joueurs et le plateau central, les illustrations, tout cela ne laisse pas la place au doute : nous sommes dans de la Science-Fiction des années 80. C’est d’ailleurs cela qui m’a attiré, on pourrait jurer retrouver les illustrations de Jean Giraud (Moebius), mais ce sont les artistes Bree Lindsoe, Jasmine Radue et Samuel R. Shimota qui donnent vie à cet univers.

Le passif des auteurs a aussi contribué à mon intérêt pour ce titre : Luke Laurie et Tom Jolly sont les auteurs de Manhattan Project: Energy Empire un Eurogame de 2016 avec une interaction intelligente (et un thème borderline) ; de son côté Luke Laurie a aussi réalisé Dwellings of Eldervale et Whistle Mountain et Tom Jolly le fameux et très nerveux Wiz War. Bref, on peut dire sans trop se tromper que l’on a des auteurs chevronnés qui savent où ils vont.

 

 

En chambre froide

Cryo est un jeu qui mélange plusieurs mécaniques, d’abord de la pose d’ouvriers, ici ce sont des drones en plastique, un peu de construction de moteur, et l’on fait tout cela pour envoyer des capsules de cryostase dans des grottes afin de gagner des points de victoire (par capsule sauvée) et par majorité.

Ce qui frappe d’abord quand on joue à Cryo, c’est la simplicité de la mécanique, et sa liberté. À son tour, on pose un de nos drones sur un des quais. De là, on peut réaliser une des trois actions adjacentes. Collecter des ressources, des vivres pour réveiller l’équipage, des composants pour jouer des cartes, des cristaux pour produire de l’énergie et enfin les nanites qui sont une ressource joker. On peut aussi récupérer des tuiles qui peuvent être défaussées pour prendre des ressources, ou bien placées sur son plateau personnel afin de se construire un moteur de jeu (en ajoutant des jetons actions sur notre plateau) quand on décide de rappeler ses drones.

 

Une fois que l’on a posé nos drones vient le moment où l’on doit les rappeler. En général dans un jeu, c’est une forme de pis-aller, bien souvent on essaie de faire traîner cela le plus possible pour réaliser un maximum d’actions. Ici c’est presque l’inverse, quand on rapatrie nos ouvriers (drones) on les place sur les quais de notre plateau, ainsi on peut gagner ou transformer une ressource, piocher ou jouer une carte, etc.

De tour en tour, nous assistons au ballet des drones qui se posent, retournent sur leurs quais respectifs et reviennent sur la zone de jeu, et cela engendre un rythme assez rapide bien qu’un peu répétitif et lancinant malgré tout.

Cette dynamique amène aussi une interaction, car à chaque rappel des drones, on prend un des jetons incidents présents pour récupérer une ressource, une carte, etc. Outre que certains permettent de saboter les capsules des joueurs encore sur la surface, c’est aussi ce qui fait avancer le temps et la fin de partie.

En plus des ressources, le jeu s’articule aussi autour de cartes multifonctions, puisqu’une même carte peut être mise au rebut, c’est-à-dire défaussée pour récupérer les ressources qu’elle contient, ou utilisée comme véhicule et dans ce cas on la place sous notre plateau personnel, ou au-dessus en tant qu’amélioration pour s’arranger avec les règles (comme l’automatisation qui permet d’activer une action supplémentaire quand on rapatrie nos drones) ou encore sur la droite, comme objectif de jeu en fin de partie.

Cette mécanique de carte multifonction est maline bien que non révolutionnaire (on retrouve ce système dans La Granja) elle offre une grande liberté d’autant que le jeu ne s’est pas embarrassé de coûts de cartes. En effet quand on envoie notre drone sur l’action pour jouer des cartes, on peut dépenser des composants, jusqu’à 3, et piocher et jouer des cartes (jusqu’à 3), oui piocher ou jouer des cartes se fait avec la même ressource. 

 

 

La finalité étant d’aller récupérer notre équipage dans des caissons cryogéniques et de les déposer dans les grottes, il nous faudra des véhicules et de l’énergie. Il faudra donc l’avoir bien préparé, ça sera un peu l’apothéose. Vous enverrez un drone à l’entrée de la grotte et un véhicule avec à son bord des capsules (mais c’est un voyage sans retour pour le véhicule car une fois nos capsules placées on devra se défausser de l’engin, et pour reprogrammer une redescente il faudra en reconstruire un).

Les améliorations personnalisent notre jeu : ainsi avec le surfréquençage on pourra moyennant paiement d’une énergie réaliser une action adjacente en plus quand on place un drone, avec le protocole de réveil, nos véhicules pourront contenir une capsule supplémentaire, etc. Quant aux véhicules justement, certains ont des capacités, comme le Phaléne qui certes ne peut accueillir que deux capsules, par contre il est économique et consomme moins d’énergie ce qui permettra d’aller plus en profondeur dans les grottes. 

Nous sommes dans un Eurogame, prosaïquement nos capsules sauvées sont nos points de victoire, pour chacune nous remportons deux points, et plus si à la fin de la partie nous sommes majoritaires dans la grotte. C’est la base du jeu, on pourra aller chercher quelques points supplémentaires avec les objectifs, mais ils sont tous reliés aux grottes ou à la survie (par exemple, avec l’Accumulateur vous rajoutez des points de victoire pour chaque énergie restante, avec Communauté vous gagnez 2 points de victoire pour chaque grotte où vous avez des capsules, etc).

 

 

Un thème pas trop réchauffé 

C’est assez fascinant comme dans Cryo le thème tient de bout en bout, que ça soit le crash, les drones que l’on envoie récupérer des ressources, les améliorations ou les véhicules.

Dans ce jeu on dirait que les auteurs se sont imposés un game design épuré et basé sur une sorte de trinité, on a trois drones, on peut avoir trois améliorations, trois véhicules, trois missions. Sur les zones d’actions on peut faire jusqu’à trois fois l’action, etc. Cela rend le jeu hyper instinctif au bout de quelques tours. Cette mécanique de carte, je l’adorais dans La Granja, je la trouve là aussi très maline : on peut toujours faire quelque chose de nos cartes, quitte à les mettre au rebut (les défausser) pour en extirper les ressources (parfois la meilleure chose à faire contre toute attente). De tour en tour la tension monte, surtout quand vous voyez un joueur qui récupère ses dernières capsules, vous sentez que la fin approche, sachant qu’il va les envoyer dans les grottes ce qui signera l’aboutissement de la partie.

 

 

On cryo génie ou ça nous laisse froid ? (copyright Shan)

Cette mécanique de rappel des ouvriers était déjà au cœur de Manhattan Project Énergie Empire, elle est aussi présente dans Dwellings Of Eldervale et il y en a une similaire dans Whistle Mountain. J’aime bien quand des auteurs réutilisent une mécanique qu’ils ont créée auparavant, c’est leur signature. Ce n’est pas choquant de se répéter un peu quand on dit quelque chose d’intéressant. Ici, elle donne du rythme et du dynamisme.

L’édition est somptueuse, on dirait un Kickstarter, les plateaux personnels sont ajourés, les drones en plastique sont solides et de bonne qualité, idem pour les capsules de cryostase. L’univers graphique est très bien rendu. Une fois le jeu intégré l’iconographie n’est absolument pas prise en défaut, c’est du beau travail.

Pourtant je ne peux m’empêcher d’être déçu. Le jeu a un game design intéressant, séparément chaque élément est intelligent et bien pensé, mais mis bout à bout, l’ensemble ronronne, et on a un peu de mal à profiter de son moteur de jeu, la session pouvant se terminer rapidement.
À 2 joueurs, comme souvent dans les jeux avec de la majorité ça fonctionne, mais on sent qu’il manque quelque chose. C’est à 3 et 4 joueurs que le jeu donne toute sa mesure. Malgré tout, cela nous laisse toujours une légère sensation d’inachevé et de répétitivité. Voilà qui est bien dommage étant donné l’élégance de la proposition. 

 

 

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6 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 21/07/2021
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    inacheve comme on a pas le temps de profiter de son moteur ? ca c’est justement bon signe a mes yeux. de la bonne frustration.

    • atom 22/07/2021
      Répondre

      Je suis assez d’accord avec toi, la frustration c’est souvent un bon indicateur. Perso ça ne m’as pas trop gênè, mais mes adversaires oui, et c’est vrai que ce moteur on a pas l’impression de tant le faire tourner que cela. Ce que je retiens plus (en négatif), c’est le coté répétitif et lancinant.

  2. morlockbob 21/07/2021
    Répondre

    j ai eu plus de mal a rentrer dans le design que dans le jeu…  Deux parties agréables même s’il n y a pas d effet waow

    • atom 22/07/2021
      Répondre

      Disons que le game design efficace m’a beaucoup plu, mais en jeu, on a vite eu l’impression de se répéter et c’est dommage.

  3. christ 23/07/2021
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    c’est un jeu qui a trouvé le mix idéal entre durée, rejouabilité, difficultés et aspect intéressant…

    à deux , j’ai fait 5 parties et en 1h00 environ, on l’a trouvé super bien, j’en ferai pas 10 parties dans le mois mais une de temps en temps , c’est bien, c’est répétitif mais uniquement si on cherche un jeu parfait , il est équilibré avec une part de chance mais tout à fait correct pour ce type de jeu,

    il a trouvé sa place dans ma ludothèque à côté d’un terraforming mars, the artémis project et tiny epic galaxy dans les jeux sur le thème de l’espace que je possède.

     

     

  4. Shanouillette 10/08/2021
    Répondre

    L’éditeur Z-Man vient de mettre en ligne les règles d’un mode solo (VO)

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