À QUOI TU JOUES ? #15 : Edge of Darkness, Smartphone Inc, Pipeline, Imperial Settlers Roll & Write, Reigns: The Councils, Vilainous, Renegade, Atlantica
À quoi tu joues ? permet de faire des retours rapides au plus proche de l’action ! En effet notre Testing Team forme un groupe de joueurs qui jouent à beaucoup de jeux chaque semaine. Bien plus que de titres traités en « Just Played », qui, malgré son intitulé empli de modestie, nécessite de longues heures de travail en amont…
Ici, on évoque donc quelques-uns de ces autres jeux, avec un style court, spontané, sans explication exhaustive de règles. On partage ressentis et découvertes, tout en restant dans du qualitatif tout de même, évidemment, puisqu’il s’agit des retours de notre équipe d’élite ! 😉
On espère que ça vous parlera !
Dans ce nouvel épisode, seront traités :
Edge of Darkness
Edge of Darkness est un jeu de “card crafting” pour 1 à 4 joueurs dans un thème médiéval-fantastique doté d’un mécanisme original de draft et amélioration de cartes à base de sleeves imprimés, tout comme Mystic Vale du même auteur, John D. Clair. Cet opus est issu d’un KS assez conséquent tant en termes de prix (d’où un co-achat) que de grosseur de boîte qui est bien remplie avec du matériel de bonne qualité (cartes sleevées imprimées sur une section parmi trois au format tarot, tour à cubes, jetons, plateaux personnels, grandes tuiles lieux…).
Du plastique remplace certains éléments cartons du jeu que l’on préfère finalement utiliser, idem pour les figurines restées au fond de la boîte au profit des jetons Agent. Car si le jeu est vraiment intéressant, riche et plaisant avec plusieurs stratégies combinées menant à la victoire, le hic se situe au niveau du temps d’installation et de rangement. Il demande également une très grande table pour étaler tout le matériel, on n’a par exemple pas pu disposer sur ma table trop étroite pour 3 joueurs les présentoirs additionnels des cartes, faute de place.
Edge of Darkness est seulement en anglais mais un anglais abordable. Les règles sont moyennement bien écrites car on cherche souvent les réponses à certains détails, surtout lors de la première partie. Ce défaut se gomme avec le temps et les aides de jeu fournies contribuent à fluidifier les tours de jeu.
Le jeu démarre par une première phase de draft de carte de départ (appelée “prologue”) où chaque joueur choisit 2 cartes amélioration (parmi les 10 mises en place selon le scénario) que l’on insère sur 2 unités différentes de départ de sa guilde.
Ensuite on mélange les cartes de tous les joueurs avec celles des unités neutres pour former un deck complet et disparate dont on dispose 5 cartes dans la rivière.
À son tour, chaque joueur choisit dans l’ordre du tour, des cartes dans la rivière pour compléter sa main à 3 cartes en payant de l’influence (des jetons gagnés par les ressources de certaines cartes activées, ou récupérés sur une carte de la rivière “sautée” précédemment, ou récompenses de combat contre les monstres) si l’on désire des cartes proches du deck.
On obtient donc des unités de sa guilde, neutres ou bien appartenant à ses adversaires : ces 3 cartes génèrent des cubes de menaces piochés dans le sac pour le tour suivant. Puis, on jette nos cubes de menaces actifs dans la tour à cubes, ce qui peut déclencher des attaques des monstres (si 7 cubes à 3 joueurs) contre le(s) joueur(s) majoritaire(s) parmi les 3 zones d’arrivée de la tour, diminuant la piste de défense du joueur ciblé.
Ensuite, chaque joueur va activer les effets de ses cartes héros en main, en choisissant une carte amélioration dans son tour pour optimiser ses actions : gagner des ressources, visiter un lieu parmi les 10 proposés avec ses agents pour activer son effet comme déclencher un combat donnant des points, rallier une unité neutre à sa cause, préparer une défense, recruter un nouvel agent…
Il s’agit du cœur du jeu et cette phase de combo est vraiment géniale avec pas mal de choix possibles et se renouvelant à chaque nouvelle partie. On cherche à chaque tour à optimiser son tour tout en préparant le suivant. Pour chaque effet utilisé d’une carte adverse, on doit payer un or au propriétaire, compensation pénalisante car l’or s’avère indispensable pour déclencher certaines actions lucratives. Une carte adverse rejoint la guilde de leur propriétaire si bien qu’elle fera partie de leur main de départ au tour suivant.
On peut également défausser 2 cartes pour déclencher les effets d’une carte présente dans la rivière, choix parfois judicieux pour éviter d’enrichir ses concurrents.
La partie se déroule en 8 manches à l’issue desquelles un décompte final a lieu : on marque des points à partir du nombre d’effets présents sur les cartes unités de notre guilde, le nombre de nos agents, le niveau de sa piste de défense, 4 ressources pour 1 PV. Un décompte de majorité sur les éléments principaux (points de réputation, nombre d’agents, cartes guildes et niveau de défense) octroie également 2 points pour chaque élément. Une feuille de score permet de rien oublier.
Le jeu est riche avec de nombreux lieux associés chacun à une amélioration spécifique, et un livret bien épais propose des scénarios. Autre grande trouvaille du jeu que l’on apprécie : pouvoir choisir dans la rivière puis jouer les cartes de nos adversaires, c’est coûteux en or (ou pas si on les défausse sans utiliser leurs effets) mais peut ralentir le développement de nos concurrents et donne une interaction intéressante bienvenue.
Bref, le jeu est agréable, riche, ouvert, assez immersif et mélange savamment des aspects stratégiques pour construire sa guilde et tactiques pour saisir certaines opportunités. Il faudra assurément un grand nombre de parties pour maîtriser la bête et découvrir les combos associées aux lieux/cartes améliorations variés. Le temps d’attente à son tour est raisonnable mais peut parfois s’avérer longuet lors de multiples combos déclenchés par les autres joueurs, on peut toutefois préparer son tour pour accélérer la partie.
À noter : le jeu consacre un livret et du matériel dédié pour le mode solo. Le jeu va bientôt revenir sur KS (fin septembre) avec une extension pas vraiment nécessaire à mon avis. – Zuton
Un jeu de John D. Clair
Illustré par Alayna Lemmer
Edité par Alderac Entertainment Group
Imperial Settlers : Roll and Write
Oh un roll & write ! C’est original ça non ? Depuis 2-3 ans c’est LA mécanique qu’on voit partout. L’avantage c’est qu’avec quelques dés, un bloc de feuilles et une ou deux idées assemblées entre elles, on a un jeu prêt à commercialiser. Magique ! Du coup les auteurs n’hésitent pas à décliner leurs licences phare en version à cocher : Catane, les Châteaux de Bourgogne, Fleet, Kingdomino, Patchwork, et maintenant Imperial Settlers de Ignacy Trzewiczek & Maciej Obszański.
Dans Imperial Settlers Roll & Write, le principe reste proche d’une partie de Settlers : La naissance d’un empire. Les joueurs jouent simultanément et les dés nous fournissent des ressources qu’on utilisera pour améliorer notre empire en construisant des bâtiments. Ces derniers nous permettent de profiter de leurs effets, gagner plus de ressources ou des points de victoire. Le jeu dure 10 tours et à l’issue c’est le joueur qui aura le plus de points de victoire qui remporte la partie.
Le jeu est toujours aussi mignon avec ses personnages poupins et joufflus, mais le soucis vient du côté du renouvellement : Un bloc d’une seule feuille de bâtiments est disponible en multijoueur ce qui veut dire qu’on fait le tour des stratégies possibles de placement en 1 ou 2 parties. C’est pauvre.
MAIS, le jeu fournit également un mode Aventure en solo qui lui donne un tout autre cachet et qui mérite à lui seul son acquisition : Un bloc de 48 feuilles uniques de 6 bâtiments. Autrement dit, l’auteur nous propose 48 aventures possibles où on tentera de faire le score le plus élevé (oui la mécanique du solo est de type « battre son meilleur score »). Mais du coup cela veut dire un renouvellement des configurations, 48 lectures d’avant-partie pour identifier la stratégie à mener pour maximiser son score… C’est savoureux !
Même si le jeu est perfectible (un plateau de ressources aurait été apprécié), la rejouabilité associée à des temps de parties de 15-25 minutes en fait un petit jeu de gestion de ressources malin, renouvelé et jouable sur un coin de table (train et avion compris).
Je recommande ! Mais en solo uniquement (jetez un coup d’œil au prochain Solo is beautiful spécial roll and write #2 il sera dedans ;)). – Keltys
Un jeu de Ignacy Trzewiczek
Illustré par Aga Jakimiec, Denis Martynets, Grzegorz Bobrowski, Maria Pekina, Roman Kucharski, Tomasz Jedruszek
Edité par Portal Games
Villainous
Villainous, en voici un jeu qui a fait du buzz ! Incarner les méchants de Disney, le top ! Enfin pouvoir jouer le Capitaine Crochet au lieu de ce détestable elfe vert qu’est Peter Pan (notez que incarner le croco m’aurait plu aussi). L’édition de ce jeu est très réussie. Les illustrations des cartes sont magnifiques (bien qu’il faut rendre au Prince Jean ce qui appartient au Prince Jean : les images viennent des films d’animation, donc ne pouvaient être que chouettes).
Pour le jeu, on est sur une course à la victoire avec des personnages complètement asymétriques. Tandis que le Prince Jean devra obtenir 20 jetons pouvoir, la Reine de cœur devra passer 4 gardes en arceaux de criquet et réussir un coup royal. Dès qu’un méchant réalise sa condition, il gagne. Pour cela, il disposera d’un deck de cartes qui lui est propre et de 4 lieux où activer des actions, jouer alliés et objets issus de son film d’origine. Mais il devra faire avec les Fatalités jouées par les autres joueurs, comprenez faire venir cet infâme Aladdin, ou cette perfide Blanche-Neige pour contrer ses plans. (Ndlr : Ludochrono, test).
Villainous est sympathique dans l’ensemble. Le thème est très présent et bien pensé pour chaque méchant. Néanmoins, le jeu peut tourner en situation de king-making, où les joueurs vont systématiquement jouer une Fatalité sur le joueur qui semble le plus avancé [Ndlr : à noter qu’à partir de 5 joueurs, un jeton Fatalité empêche de ré-attaquer deux fois de suite le même joueur afin d’éviter les effets d’acharnement]. Au final, il y a surtout peu de stratégies possibles, et la chance est un facteur important, tant certaines cartes sont vitales à un joueur pour avancer. Pour moi, c’est dommage pour un jeu qui dure assez longtemps (20 minutes par joueur, jusqu’à 6 joueurs). Je recommande ainsi une configuration 3 joueurs pour que cela ne s’éternise pas trop.
La rejouabilité est assurée par les 6 méchants différents (bientôt rejoints par 6 autres via extensions), mais personnellement je ne suis pas sûr de vouloir rejouer deux fois le même méchant, tant sa mécanique de progression me semble linéaire.
Pour ma part, un avis donc plutôt mitigé sur un jeu qui aurait pu avoir beaucoup plus de potentiel. – Meeplecam
Un jeu de Prospero Hall
Edité par Ravensburger
Pipeline
Pipeline fait partie de la petite famille des Kickstarters Euro bien complexes qui se financent chaque année. Avec Ian O’Toole aux pinceaux, le jeu a réussi à passer outre un thème particulièrement peu engageant, celui du raffinage du pétrole.
Le design épuré offre un plateau certes chargé mais néanmoins fonctionnel et efficace.
Dans Pipeline, vous allez devoir gérer votre argent avec précaution pour réaliser tout le processus de raffinage de l’huile :
- D’abord acheter de l’huile sur le marché
- Puis construire un labyrinthe de tuyaux
- Y faire circuler votre huile pour la raffiner plus ou moins.
- Et enfin, la vendre de diverse manières, que ce soit via des contrats personnels, concurrentiels ou sur des marchés spécialisés.
Le jeu propose seulement 1 action par tour pour 20 tours. Mais ces actions, pour certaines, peuvent être doubles ou combinées moyennant un peu d’argent. Chaque mise en place combinera des actions différentes. Prévoyez un bon paquet d’analysis paralysis.
L’interaction du jeu se limite à sa portion congrue. Ici, pas de concurrence sur les actions. Elle se fait sur le scoring final, sur certains contrats et sur le marché des ressources et des tuyaux.
Autant vous dire que les premières parties vont vous faire mal au cerveau.
L’argent est rare et faire du profit relève de la prouesse en début de partie. Mais quand votre moteur est en place, quand votre raffinerie dépote et est armée de machines judicieusement placées, quand vous avez le cash flow pour activer vos machines sans action et les ressources nécessaires et les réservoirs associés… Alors ça produira du cash en masse. Ceci arrivera dans les 2-3 derniers tours de jeu si vous avez réussi à sortir la tête de l’huile.
Voilà donc un jeu exigeant, ou toute erreur se paie directement, sans mécanisme de catch up, où surveiller ses adversaires est secondaire dans vos premières parties de découverte, mais essentiel pour les suivantes.
Il faut le savoir, vous allez prendre une fessée par un joueur expert. Du genre 600 à 200…
Si c’est votre genre, allez-y à fond, le jeu en vaut la peine.
Il reste un jeu de niche à mes yeux et devrait vite baisser de prix. Je lui trouve de jolis airs d’Agricola dans son casse-tête punitif, sans son interaction hélas. – TheGoodTheBadAndTheMeeple
Un jeu de Ryan Courtney
Illustré par Ian O’Toole
Edité par Capstone Games
Smartphone Inc
Smartphone Inc. est un jeu au thème aussi hot que Stockpile ou Ponzi Scheme. Je pose cette comparaison en des termes qui ne feront peut-être pas consensus, mais cela me paraît justifié.
En bon magnat du téléphone, vous allez retrouver dans Smartphone Inc. les ingrédients suivants :
- Un marché mondial
- De la technologie de pointe
- De la production de masse
- De la concurrence féroce
- Du gâchis monumental
Vous êtes prévenus !
Côté mécaniques, vous retrouvez un jeu dit traditionnel à l’allemande, un jeu de placement mais avec du guessing agressif. Au cours des nombreuses phases, vous allez devoir d’abord planifier en secret vos actions en combinant adroitement deux plaquettes de carton qui doivent se chevaucher. Elles sont recto verso et peuvent être améliorées. C’est la partie guessing, où il va falloir anticiper les actions adverses, voir si vos marchés sont en danger et à quel prix vous pouvez vous permettre de vendre.
Le prix, c’est le nerf de la guerre, c’est lui qui va déterminer l’ordre du tour. Bien évidemment, les emplacements pour vendre des téléphones ne sont pas infinis. Si certains sont trop communs, vous pouvez être sûr qu’ils seront vendus au plus bas prix. D’autres demandent d’avoir développé certaines technologies, et seront moins concurrentiels…
Vous avez une idée de la mécanique du jeu, vos actions planifiées vous donneront l’ordre du tour, mais aussi votre capacité de production, vos techno à acheter, et les améliorations de planifications pour les futurs tours. Le plateau permet de s’étendre sur le monde entier pour avoir un empire à la hauteur de ses ambitions.
Le jeu s’adresse donc aux fans de jeux de stratégie, agressifs avec de la planification. C’est évident que ça va couiner autour de la table ! C’est ma came.
Qui sera le prochain Samsung ou Apple ?
N.B. : le jeu d’un petit éditeur Russe a connu un succès inespéré au dernier salon d’Essen 2018 et est revenu récemment sur Kickstarter. Après son Seal of excellence décerné par Dice Tower, le jeu va se retrouver dans toutes les boutiques US via Arcane Wonders sous la gamme Dice Tower Essentials. Essen demeure encore et toujours la place pour découvrir la perle rare ! – TheGoodTheBadAndTheMeeple
Un jeu de Ivan Lashin
Illustré par Viktor Miller Gausa
Edité par Cosmodrome Games
Atlantica
Atlantica. Le jeu de Piatnik est essentiellement basé sur de la collection de cartes. Le sujet ? On est directeur d’une équipe de chercheurs partis à l’assaut des trésors de l’Atlandide. Si l’édition est plutôt sympa, on est quand même pas franchement dans un titre thématiquement fort, disons-le. L’objectif sera de récupérer des séries de cartes et d’être capable de les scorer avant que la fin de partie n’advienne. Vous avez un plateau commun sur lequel sont disposées diverses types de cartes : des trésors, regroupés par famille de couleur et qui scorent plus ou moins fort selon leur fréquence dans le jeu, et des bateaux qui permettent de ranger nos trésors (sans quoi ceux-ci ne participent pas du tout au scoring). Vous pouvez aussi aller chercher des cartes bonus de fin (+2, +5 si vous avez trois couleurs de trésors, etc). Pour aller chercher tout ça, à votre tour vous défaussez max 3 cartes plongeur de votre main. Celles-ci sont donc le cœur du jeu et dicteront nos possibilités. On pourra passer notre tour pour prendre 5 plongeurs dans la pioche et regarnir sa main le moment opportun. Ces plongeurs existent en 6 couleurs et c’est en posant des combinaisons particulières que l’on pourra jouer (en les répartissant ou non sur plusieurs lieux). Jeu de collection oblige, il faudra arbitrer sans cesse sur les cartes trésors que l’on décide d’aller chercher ou de laisser aux autres, en mesurant les deltas de score engendrés par nos choix. Oui, le feeling peut devenir bien calculatoire (si vous avez la gagne et avez envie de min maxer tous vos gestes). Mais on reste dépendant de ce qui va sortir des diverses pioches malgré tout. Un jeu pas désagréable mais qui n’apporte pas grand chose de neuf. – Shanouillette
Un jeu de Christian Fiore, Knut Happel
Illustré par Fiore GmbH
Edité par Piatnik
Reigns : The Council
En Kickstarter en ce moment, Reigns: The Council vous met dans les bottes d’un monarque ou d’un de ses conseillers. Le monarque doit survivre à des propositions de ses conseillers. Survivre parce que si l’une des quatre échelles (armée, trésor, religion, peuple) arrive à un extrême, positif comme négatif, le monarque meurt !
Les conseillers essaient donc de faire accepter leurs propositions (pour des points) tout en aiguillant le royaume vers des extrêmes qui les intéressent (pour remplir leur carte objectif et marquer des points bonus).
Le tout avec un soupçon de jeu de rôle (on s’inspirera de pictogrammes pour décrire la proposition, en omettant parfois certaines conséquences, sachant que le monarque peut s’exposer à d’autres périls s’il refuse, et qu’il aura une vague idée des domaines affectés par telle ou telle proposition (grâce au dos de la carte).
L’alchimie du jeu s’avère fonctionner, en tout cas pour toutes les fois où j’y ai mis les pattes (avec deux groupes différents). Je gage que Reigns: The Council saura séduire les plus gouailleurs des joueurs, car la part belle est faite au plaisir de raconter des sornettes à son roi (ou à jouer les monarques indolents qui regardent leur royaume brûler d’un œil tantôt morne tantôt apeuré). – Umberling
Un jeu de Bruno Faidutti, Hervé Marly
Illustré par Arnaud de Bock
Edité par Nerial
Renegade
En voilà un jeu qui ne se livre pas facilement. Quand on regarde le plateau, on voit des couleurs criardes, des chiffres de partout des jetons bizarres, et, autour de la table, des gens qui se grattent la tête. Bon.
Quand on regarde le thème, qu’on est des hackers trop badass et qu’on attaque une Intelligence Artificielle, on se dit qu’on comprend un peu mieux (après tout qui dit Cyberpunk dit désintérêt total pour toute tentative d’harmonie chromatique ou préservation de la rétine des observateurs) et on va peut-être regarder les mécaniques du jeu.
Quand on lit les règles, on se dit que l’auteur a quand même poussé très loin la logique “à force de répéter Virus, Contaminant, Avatar, Serveur, Partition, Spark, FireWall, Commande, c’est sur ils vont s’imprégner du thème !”. Alors déjà : non. Très rapidement, on passe à “rond vert, carré noir, carte” parce qu’au moins tout le monde comprend. Ensuite, on se dit que les règles sont touffues, d’une écriture pas géniale (mais loin d’être catastrophique) et un peu complexe.
Et puis on commence à jouer. Il se passe alors une espèce de miracle. On est complètement absorbé par le puzzle que l’auteur nous propose de résoudre. On se surprend à optimiser chaque coup, à collaborer de manière très fine. “Ok, tu vas ici, tu crées un carré rouge, comme ça moi j’arrive derrière, je ponds 3 disques rouges que j’amène ensuite ici, puis je défonce le rond noir là, comme ça il n’y a pas de risque que ça poppe ici. Attention il faut que le troisième joueur ait bien dégagé le passage avant ! Allez on y va !”. Et on s’exécute.
Les mécaniques sont hyper fluides, on est sur un deck-builder très streamliné (on achète des cartes pour les jouer dans le tour en cours, les decks s’auto-affinent sans qu’on ait besoin d’y porter attention), les différents personnages ont juste suffisamment d’asymétrie pour que chacun contribue et y trouve son compte sans avoir l’impression de jouer à des jeux différents, la collaboration est vraiment très bien dosée dans le sens où on doit absolument se synchroniser pour gagner et non juste gérer son coin de plateau, bref, on est complètement engagés dans l’expérience bien calibrée qu’a voulu créer l’auteur.
Quelques retours sur des points de règles un peu subtils de temps en temps, notamment les règles qui permettent de se “projeter” à un autre endroit du plateau sans vraiment y être, et y faire des actions mais pas toutes, mais globalement les règles sont fluides et faciles à appréhender.
Et petit à petit, on se retrouve à dire “Ok, je ghoste ici, toi, tu installes un Replicator comme ça moi après je peux uploader des contaminants facilement, et comme ça on contrôle tout sur Faith. Attention, il va arriver des contre-mesures sur Wisdom au prochain cycle, il faut installer un pathway pour y accéder plus rapidement ! Go !”. Et hop, ça y est, on est dedans.
À ça il faut ajouter des scénarios plutôt rejouables puisque chaque partie va être constituée d’une IA parmi 5, et de 3 cycles (cuivre, argent, or) pendant lesquels ils faut survivre, sachant qu’on en aura tiré les conditions au hasard. Bref, une combinatoire plutôt favorable.
Le jeu assume complètement une certaine ressemblance avec Mage Knight en termes de cardplay et d’approche du deck-building – ambiance “chaque carte compte”. Ce qui n’est évidemment pas pour me déplaire. Comme Mage Knight, on est sur une expérience plutôt cérébrale, et une volonté de proposer une sensation de puzzle à résoudre. Comme Mage Knight, le jeu a tendance à ralentir franchement quand le nombre de joueurs augmente. Jouer à 5 me parait déconseillé car on s’achemine vers une partie vraiment très longue (testé pour vous). En revanche, en solo, on a une magnifique expérience sous l’heure de jeu avec de très bonnes sensations. À 2 ou 3, le jeu passe dans une petite soirée, 2, 3h max si tout le monde réfléchit beaucoup.
Le jeu fait d’immenses efforts pour faire ressentir le thème, mais il faut reconnaître que cela ne fonctionne pas complètement, et que la valeur du jeu n’est pas forcément dans sa capacité d’immersion. Mais tout cela fait une très belle surprise, et mon obsession du moment. On rejoue ? – TSR
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jtrourke 06/09/2019
ah… Je vais suivre Smartphone Inc… de l’interaction et du couinage, ça a tout pour plaire.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 06/09/2019
C’est exactement ca ! Il faut kiffer le theme du gros magnat de la telephonie qui veut ecraser ses adversaires 🙂
Shanouillette 06/09/2019
Pour Villainous je sais que pas mal de gamers le boudent, mais perso je le prends pas comme un jeu qui se doit d’être super calibré genre taillé pour les tournois façon Keyforge, mais bien comme un take-that familial où on sait qu’on ne contrôlera pas tout, mais qui sait rester accessible malgré sa grosse asymétrie. Un peu comme une sorte de… (oserai-je ?) « Munchkin » Disney (j’ai osé). A chaque partie que j’ai faite j’ai senti qu’il y avait une vraie tension crescendo dans la course à la victoire car les retournements de dernière minute sont tjs possibles. Bref, je trouve qu’il remplit son contrat.