Mystic Vale : sceptique vallée ?
On pensait avoir tout vu en matière de deckbuilding (plateau, scénarios, rivière, affrontement, coopératif…), et puis AEG a annoncé la sortie de Mystic Vales : un jeu qui permet de modifier ses cartes – à l’instar du futur Dice Forge de Mr Bonnessée qui autorise la modification des faces de ses dés.
AEG et J.D. Clair ont inventé le « card crafting system » : Derrière ce nom barbare se cache la possibilité de glisser nos cartes dans des inserts en plastique transparent (jusqu’à trois cartes superposées dans une sleeve) pour les modifier à notre guise.
Alors derrière la bonne idée technique se cache t-il un bon moment ludique ?
Dans la vallée de Dana
Les esprits de la nature crient à l’aide : la vallée de la vie est souillée par une vive malédiction. Fort heureusement, les clans des druides viennent pour guérir la terre et sauver les esprits.
Vous faites partie de ces valeureux druides et vous allez vous battre pour être le meilleur à ce petit jeu. Nous y reviendrons, mais sachez d’ores et déjà que malgré les belles illustrations, le thème ici est très vite oublié !
Installation
On installe les cartes transparentes (celles que l’on va crafter) en 3 piles : Niveau 1, niveau 2, et niveau 3, et on en aligne 3 pour chaque niveau. Comme ici :
On fait de même pour les cartes Vales (vallée) en niveau 1 et 2, et on en dispose 4 visibles.
Enfin, on met à dispo un nombre de cristaux en fonction du nombre de joueurs (par exemple 23 à deux joueurs).
Chaque joueur prend le deck (tas de cartes) à sa couleur, composés de 20 cartes, et son jeton Mana.
Le deck de chacun contient 9 terres maudites, 3 terres fertiles, et 8 cartes totalement vierges.
Ce sont toutes des cartes relativement (voire complètement) « vides » au début. Chacune est placée dans un insert transparent (sleeve).
Les jetons Mana sont distribués au hasard, un par joueur, on les retourne et celui qui a l’étoile au recto commence la partie. C’est malin comme moyen de désigner un premier joueur !
But du jeu
Le but du jeu est d’améliorer son deck, et de prendre un maximum de points de victoire au passage. La partie se termine quand il n’y a plus de points de victoire sur la table. On fait alors le décompte des :
- Points de victoire sur les cartes de notre deck.
- Points de victoire sur les cartes Vale.
- Et les points de victoire en cristaux.
Les tours se composent en 4 phases
1/ Planter
On mélange notre deck puis on pioche dans celui-ci des cartes que l’on va placer à droite de notre pioche : on dit qu’elles sont plantées dans notre champ. On dévoile ainsi notre deck jusqu’à ce que l’on ait 3 symboles malédiction (l’arbre rouge).
La dernière carte avec ce symbole est placée face visible sur notre pioche.
Ensuite, soit on décide de s’arrêter et on passe à la phase suivante (récolte), soit on brave un peu la chance, et on place cette 3ème carte dans notre champ pour tirer une carte de plus que l’on va placer sur notre pioche. Stop ou encore… ?
Si jamais c’est un symbole arbre rouge qui sort, la terre est polluée (spoil), c’est dommage : on ne fera pas la phase de récolte. En d’autres mots, passez votre tour ! On a un petit lot de consolation quand même, à savoir un jeton de Mana (une aide ultérieure pour l’achat de cartes).
2/ Récolter
On décompte le Mana sur les cartes « plantées », et on peut ensuite acheter jusqu’à deux évolutions pour ses cartes (on peut utiliser son jeton Mana à ce moment-là).
Attention, le Mana de la carte visible sur notre deck n’est pas décompté, par contre l’arbre avec le symbole malédiction potentiellement présent, oui.
On a le choix parmi les cartes transparentes des 3 niveaux, on peut également acheter une carte « terre fertile », toujours disponible (elle coûte 2 Mana).
3/ Défausser :
On place nos nouvelles évolutions (les crafts) dans nos cartes en jeu, en les glissant dans les cartes sleevées de notre choix. Enfin, toutes rejoignent notre défausse.
On ne peut pas acheter une évolution que l’on ne pourrait pas placer tout de suite, et superposer un effet par un autre est interdit. Chercher le bon emplacement pour un pouvoir est donc très important.
4/ Préparation :
Pendant le tour de l’adversaire, on prépare notre tour suivant : On tire nos cartes jusqu’à ce que l’on ait de nouveau 3 symboles malédiction de sorte qu’à notre prochain tour, on aura juste à décider si l’on continue ou pas. Cela permet de gagner du temps et de commencer à réfléchir à ce que l’on va probablement faire.
Oui mais le jeu alors ?
Maintenant que l’on a parlé de la mécanique, on peut parler des sensations. Un peu comme dans Splendor, on a nos 3 niveaux de cartes à acheter, que nous allons ici « crafter ».
Le niveau 1 est faible mais nous donne quelques capacités de démarrage. Par exemple je peux ajouter un symbole arbre vert qui annule une malédiction, grâce auquel je peux jouer une phase de plantation beaucoup plus importante et avoir plus de Mana.
Le niveau 2, plus cher, nous donne des cartes avec des élémentaires (utiles pour l’achat de cartes Vales) et quelques points de victoire. Le niveau 3 va nous donner des moyens de scorer soit en cours de partie, soit au décompte final. Cette partie-là du jeu est plutôt classique dirons-nous.
On a plusieurs directions possibles dans notre crafting. D’abord, le système de symbole malédiction empêche au début de faire des tours importants, mais on peut essayer d’agir dessus. Comme je le disais, il y a ces cartes qui octroient des symboles croissance (l’arbre vert) capables d’annuler un symbole malédiction ; d’autres cartes aussi vont me permettre de défausser une carte de mon choix si je le souhaite, si bien que je peux congédier une carte avec le fameux arbre mort.
Ensuite, je peux aussi ajouter des évolutions de cartes qui vont me donner les symboles élémentaires (il y en a 4). Ceux-ci m’aident à acquérir les cartes Vallée qui me rapportent des points de victoire.
Je peux aussi prendre des cartes qui vont m’offrir des points de victoire à chaque fois que je vais les jouer, mais celles-ci sont souvent accompagnées d’un symbole malédiction. Ceci dit, nous avons vu qu’il existait des moyens pour contrer ça. Tout sera question d’équilibre dans notre deck.
Ici j’ai une carte qui me donne 3 point de victoire quand je la joue, sauf qu’elle a deux symboles malédiction, mais l’effet permanent de « Lifebringer seed » annule ces méchants symboles.
Quant aux cartes Vales, certaines permettent d’avoir une ressource de Mana permanente, d’autres d’avoir une énergie élémentaire permanente en phase de récolte. D’autres encore nous permettent d’éviter la phase spoil. Il y a donc plusieurs façons de contrôler ses risques et d’augmenter le déroulement de son deck à son tour.
Fausse bonne idée ?
Avec Mystic vales j’ai eu l’impression d’avoir un patchwork de mécaniques déjà existantes : un mixe de Splendor pour les niveaux de cartes à acquérir progressivement, avec une mécanique à la Flip city pour le stop ou encore, lié à un système à la Dice forge pour transformer ses cartes.
La première chose qui frappe dans ce jeu, c’est que dans un deckbuilding, on a l’habitude de faire croître son deck avec plus de cartes, tandis qu’ici notre deck ne s’allonge pas. Mais il s’épaissit. Le nombre de cartes demeure le même du début à la fin. Dans certains deckbuildings on débute avec des cartes faibles que l’on va congédier, ici on a des cartes vides que l’on va remplir. On ne nettoie pas son jeu en bannissant des cartes, mais on rajoute la fonctionnalité qui va bien, l’effet positif qui va contrer le négatif. Ça tranche avec tout ce que l’on connait.
On a donc pas mal de choix de stratégies pour diriger son jeu. On peut se jeter sur les cartes Vales, on peut tenter de faire des séquences plus longues pour avoir plus de Mana et donc des évolutions de cartes plus fortes. On peut aussi jouer sur les points de victoire.
Même si l’interaction est faible (ou froide) il faut tout de même lever le nez pour surveiller l’adversaire, et comme dans tout deckbuilding on doit s’adapter. L’adversaire accélère la partie, il est peut être temps d’engranger des points nous aussi.
Le côté stop-ou-encore est largement maîtrisable. En général on va prendre des risques au début d’une partie, souvent parce que l’on aimerait acheter une évolution qui coûte un tout petit peu plus cher en Mana que ce l’on a. Si on a bien nettoyé (avec des symboles croissance par exemple), on peut faire des grosses phases et jouer la quasi intégralité de son deck, ce qui est assez jouissif.
Mais c’est là où arrive en boomerang le plus gros défaut du jeu : la sensation de jouer dans son coin, une interaction très distante, des tours qui se rallongent. Soyons honnête, si on joue purement dans son coin, on a perdu, comme dans beaucoup de jeux du genre, mais c’est vrai qu’il n’y a pas d’interaction directe, pas de vol de cristaux, pas de cartes que l’on détruit, etc. Ça ne m’a pas trop dérangé mais il faut le savoir. Je retrouve ce défaut dans beaucoup de deckbuilding à partir du moment où il n’y a pas d’affrontement direct (Arctic scavengers) ou de placement sur un plateau (Tyrants of the underdark ou Trains).
Un autre défaut qui peut être mis en exergue, c’est l’effet win-to-win surtout pendant la découverte du jeu (première partie), ce qui peut rebuter. Dans les faits, la première partie jouée avec ma moitié, j’ai roulé sur le jeu sans qu’elle ne puisse rien faire. On a quand même fini 72 à 27 (ouch oui) mais la seconde partie fut beaucoup plus équilibrée. On a eu une façon de jouer différente, elle a pris les cartes avec des symboles élémentaires, et a enchaîné les cartes Vales de manière insolente. De mon côté, je développais un jeu avec beaucoup de Mana, et achetais de grosses cartes qui me donnaient beaucoup de cristaux et de points sur les cartes. Et cette partie-là elle l’a gagnée 43 à 40.
Autre défaut à relever, entre chaque partie, il faut déshabiller méticuleusement les cartes et les trier. Au début je pensais que ça allait être rédhibitoire, mais au final ça ne prend pas plus de temps que de retrier les cartes d’un Dominion ou d’un Trains (ceci dit, le même jeu online je signe de suite).
Par contre, on peut sincèrement se poser la question de la fragilité des protèges cartes après une utilisation intensive. (L’éditeur a prévu cela puisqu’il y a 20 protèges de cartes en plus dans la boîte).
Si on aime les combos et que l’univers enchanteur attire (les illustrations sont plutôt classes, réalisées par un collectif d’illustrateurs talentueux) le jeu pourrait vous plaire. Notez bien que le thème est vite effacé par la mécanique, ce qui est dommage car on a un bel univers, mais on est là pour faire des combos, point. Si par contre l’interaction froide à la Splendor n’est pas votre truc, je vous conseillerais plutôt de regarder autour de Tyrants of the underdark qui vous correspondra plus. (JP de Umberling ici). D’après les dernières info post-Essen, ce dernier arriverait en français prochainement.
Pour ma part, j’ai passé un bon moment sur Mystic vales. Une fois que l’on a intégré toutes les capacités, on sort des jolis combos. Après, j’ai bien aimé découvrir le jeu mais je ne sais pas si j’en ferais des centaines de parties. Heureusement, les extensions à venir peuvent amener des nouvelles possibilités. Pour autant, un jeu ne doit pas se juger à ses extensions, à mon sens, il doit se suffire à lui-même. Ici on pressent rapidement un essoufflement. La lassitude guette. Aussi, comme dans pas mal de deckduildings, je déconseille de jouer à plus de deux joueurs (je pense à Ascension), sous peine de passer son temps à attendre son tour.
En un mot : Agréable mais dispensable, surtout si l’on considère le nombre de jeux qui sort (et le nombre de deckbuildings en particulier).
Un mot rapide sur les extensions
Je précise que les extensions ne sont pas encore sorties au moment où j’écris ce Just played. La première extension s’appelle Mystic vales : Vales of magic elle rajoute 54 cartes évolution et 18 cartes Vales. Personnellement, j’aurais pu me laisser tenter, mais du peu que j’en ai vu, il n’y a rien de neuf sous le soleil, juste des cartes et des mécaniques supplémentaires déjà connues des deckbuilders. L’une d’elles permet de retourner son jeton Mana, une autre double son Mana… Bref, je crois que je vais passer mon tour.
Un jeu de John D. Clair
Illustré par Andrew Gaia, Heather Kreiter, Katherine Guevara, Kiki Moch Rizky, Kiri Østergaard Leonard,Martin de Diego Sádaba, Matt Paquette, Storn Cook
Edité par Alderac Entertainment Group
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 07-2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 14 ans
Durée d’une partie entre 45 et 60 minutes
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morlockbob 18/10/2016
Le voile est levé et je crois que ce n est pas pour moi. Merci pour l honnêteté des propos
Flogre 18/10/2016
Très bon article.
Je suis bien d’accord pour l’absence d’interaction et le thème qui s’oublie vite mais les sensations de jeu sont excellentes, je trouve.
J’adore la possibilité de créer ses propres cartes et je me suis laissé tenté.
atom 18/10/2016
Attention, j’essaye de juger le plus justement, je n’ai jamais dit que c’était un mauvais jeu. J’aime bien les sensations aussi mais il faut dire ce qui est on joue dans son coin. Tellement d’ailleurs qu’avec un ami on réfléchit a faire un mode solo. Peut être avec un système ou on détermine un nombre de tours et ou ou on donne a un joueur fictif une carte vale par tour par exemple.
Je reviens a ce manque d’interaction, défaut qualité ? et bien ça dépends des joueurs, j’ai un pote qui déteste les jeux ou on peut te pourrir la partie sur un coup. (c’est un joueur a l’allemande) Et avec lui c’est très bien passé. A l’inverse ça a laissé froid une amie qui aime les jeux ou peut se pourrir la partie.
J’ajoute que c’est un galop d’essai car déjà l’éditeur prépare un jeu avec cette mécanique qui sera peut être plus ambitieux, en tout cas il est annoncé comme ça sur la publicité au dos du manuel de jeu : Edge of Darkness.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 18/10/2016
pas fan de deckbuilding perso, donc deja pas tente par l’exotisme du card crafting. Je prefere de loin le dice building, plus fun our le bag building.
Cormyr 18/10/2016
Très bon article. Je sais désormais que je passerais mon tour. De bonnes idées mais trop patchwork. Le je pu me fait l’effet de ne pas être assez abouti.
eolean 19/10/2016
Merci pour ce bon article Atom ! J’avoue être passé devant plusieurs fois à Essen en me posant la question. Mais il semble un peu trop brouillon, il fait presque proto. L’idée est vraiment intéressante, mais peut-être sous une autre forme… A suivre
TSR 16/11/2016
Merci beaucoup ! Je tourne mes troubles obsessionnels compulsifs vers d’autres sujets 🙂