Verdant est la nouvelle création de Flatout Games, un éditeur créé en 2017 par Molly Johnson, Robert Melvin et Shawn Stankevitch, tous les trois crédités en tant qu’auteur sur Verdant avec en renfort, Aaron Mesburne et Kevin Russ. Ils ont plusieurs jeux à leur actif en tant qu’éditeur, notamment Calico et surtout Cascadia qui a remporté le Spiel des Jahres en 2021. 

Photo issue du site officiel.

Mise au vert

Ce nouveau titre joue la carte nature (et verdure) un thème très en vogue depuis quelques années en cohérence avec les attentes des joueurs, mais aussi la société. Dans celui-ci nous sommes des décorateurs et décoratrices d’intérieur et nous allons placer, agencer nos plantes en fonction des pièces et de l’exposition adéquate pour nos plantes. Pour favoriser leur verdissement (et oui, il est là le “Verdant”). Nous sommes dans la zone de confort de l’éditeur, un jeu de placement de type puzzle game où l’on construit son score.

Mise en abîme

Depuis sa sortie, le cas de Cascadia me fascine, il me semble intéressant à analyser. Il est symbolique pour moi du game design moderne, je m’explique :

Quand j’ai vu arriver Cascadia, je me souviens de l’avoir un peu pris de haut, avoir pensé « encore un jeu de pose de tuiles, ça ne me semble pas original ». puis j’ai joué et rejoué. Principalement avec ma fille qui n’est pas une grande joueuse compétitive. C’est là que j’ai vu que le jeu coche toutes les cases du jeu familial, et pas uniquement par son thème. Cascadia réussit à proposer un jeu qui réduit au maximum la frustration et pour cause il n’y a aucune contrainte, on peut poser une tuile où on le souhaite. En revanche, pour marquer des points il faut s’accommoder de patterns décidés en début de partie. Il faut aussi choisir et renoncer, gagner d’un côté et perdre de l’autre. Il en résulte un jeu hyper satisfaisant. Le scoring est relativement linéaire, et la salade de points finale finit de nous contenter, cela même si l’on perd. En sus, on a un joli paysage à contempler. Le jury du Spiel des jahres ne s’est pas trompé en lui donnant le prix. 

l’offre de cartes et jetons ameublements.

Remise au vert

Verdant est construit de la même façon, nous avons le même système de sélection d’action, on choisit une carte dans la rivière de cartes et le jeton associé, ensuite notre carte est placée dans notre tableau. Ici nous avons deux contraintes majeures, notre tableau est limité en taille, il doit être structuré en 3 lignes de 5 cartes, et enfin on doit placer nos cartes en damier, une carte plante, une carte pièce, une carte plante etc. 

Si l’on excepte ces deux règles, on peut faire ce que l’on désire, mais pour gagner il va falloir optimiser son tableau et donc sa prise de cartes. Les cartes plantes nécessitent une certaine exposition, une certaine lumière et si elles sont placées à côté de pièces avec ce type de luminosité, elles vont croître, ce qui est symbolisé par des jetons verdoiement. Quand la plante atteint sa valeur de verdoiement, elle est mise en pot, et on comptera les points des pots en fin de partie. 

Comme dans Cascadia, on ne part pas de zéro, on a déjà une carte pièce et une carte plante, ce qui permet de directement se mettre dans le bain et de se sentir concerné.

Verdant Brillant

Le placement se fait donc en fonction de l’exposition demandée par la plante, mais pas seulement, on marquera aussi des points si l’on agence une plante bleue avec une pièce bleue. On essaie bon an mal an de placer quatre plantes d’un même type autour d’une pièce d’un même type pour maximiser cet axe de scoring..  

Les jetons représentent l’ameublement, ils sont un autre axe du scoring, ils doublent les points que l’on vient d’évoquer, mais ils donnent aussi des points selon un principe de collection si l’on a des “jetons” différents. Les jetons verts ne servent pas au scoring, mais nous permettent d’accélérer le verdissement d’une plante. La encore, il faudra choisir et renoncer, on ne peut pas tout faire. Mais la décision vous appartient.

L’aspect collection n’est pas à négliger, posséder 8 jetons différents rapporte 25 points. Et pour cela, il faudra agencer son damier d’une certaine manière afin d’avoir 8 pièces. (les pièces vers l’extérieur du tableau). De l’autre côté vous aurez moins de plantes. Choisir, renoncer disais-je.

Comme pour Cascadia, on a donc un choix parmi quatre (un peu plus dans le cas de Verdant), mais tout un espace de décision, la collection de tuiles, le placement, privilégier l’exposition à la lumière ? Quelles options sont les meilleures au moment T ? 

Pouce !

L’ajout d’un élément mécanique crée un autre dilemme fonctionnel qui reste toutefois léger, les pouces ou “jeton mains vertes” peuvent être dépensés de multiples façons, et pour les gagner, les auteurs ont créé une sorte d’économie. La carte que l’on laisse dans la sélection est enrichie d’un jeton “main verte”.

Avec deux jetons, on a, comme avec les pommes de Pin dans Cascadia, le moyen de choisir et le jeton et la carte, ou bien de placer à la défausse un certain nombre de cartes de l’offre afin de les remplacer par de plus fraîches. Enfin, ils peuvent aussi être utilisés pour verdir une plante. Si je parle d’économie, ce n’est peut être pas le terme le plus juste, néanmoins, c’est bien les actions des joueurs qui donnent une valeur plus importante à une autre carte.

les différents jetons pots que l’on se dispute.

L’interaction est savamment dosée, jamais de coups bas, qui ne serait pas forcément bien vécu par le public ciblé. Elle réside principalement dans l’offre, mais pas seulement, puisqu’il y a une petite course au rempotage (quand une plante a fini de pousser). Les premiers pots donnent 3 points, les suivants 2 puis 1 et enfin 0. Juste assez pour lever le nez, se décider à verdir plus vite pour gagner le point en plus, ou préférer l’optimisation plus fine.

bilan : reste pas planté là !

Verdant est légèrement plus gamer, avec les contraintes à satisfaire, mais il respecte le même cahier des charges (que Cascadia). Ma fille a vite compris comment prendre des points, et s’en sort très bien dans l’exercice. Dans une partie, elle réussit l’exploit (et un peu la chance) d’avoir les 8 jetons différents (soit 25 points) dans une autre elle a une belle collection de pièces  jaunes adjacentes à des plantes jaunes avec en sus des jetons ameublements pour maximiser les points. 

Un peu de chance, mais aussi des choix qu’elle a dû arbitrer. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, elle est contente de son tableau, de la stratégie matinée de tactique qu’elle a mise en place. Le jeu loue son expérience. et met en valeur ses facultés. Il n’y a pas plus satisfaisant que de mériter sa victoire. D’ailleurs depuis Cascadia et (Verdant), elle n’a plus le même discours face aux jeux compétitifs, elle a pris confiance en elle. Monsieur Stefan Feld avait compris avant tout le monde la vertu des salades de points 🙂 

Les cartes objectifs qui peuvent se rajouter au jeu.

En tant que gamer confirmé, j’y trouve aussi mon contentement, je peux jouer avec ma fille dans un temps très maîtrisé (15 cartes ça va très vite), tout en gardant une certaine échelle de choix. D’ailleurs quand je perds, c’est souvent que j’ai voulu trop optimiser, là ou elle va chercher à s’adapter. Comme dirait Bruce Lee, « sois comme l’eau, mon ami, ne sois pas figé », et c’est peut être une des philosophies à tirer de Verdant. En plus, l’eau c’est bon pour les plantes 🙂 

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