Vaalbara – collection, interaction, libertaliation
Vaalbara est un petit jeu de collection fraîchement sorti chez studio H, d’Olivier Cipière édité récemment avec Hâpy Families. Une petite boite dans la gamme à tiroirs de Studio H comme Team Team / Hagakura / Mandragora, mais surtout le plus connu, Oriflamme. Cette évocation n’est pas anodine, car on va retrouver dans Vaalbara plein de petits choses qui nous rappelleront ce jeu justement.
Dans une jolie boite, on trouve un jeu dans lequel on ne va pas guerroyer, comme pourrait vous le faire penser la couverture et certaines illustrations, mais bien un jeu de collection, dans lequel le joueur sera amené à utiliser les membres de sa tribu pour coloniser de nouvelles terres du continent « Vaalbara ».
Ainsi, on va jouer des personnages caractérisés par un couple pouvoir+valeur, qui nous permettra de déterminer l’ordre de récupération des cartes terrains entre les joueurs, tout en réalisant des effets parfois stratégiques, parfois rentables en points, pendant que la prise de nos cartes terrains nous permettra essentiellement d’engranger des points. On va jouer simultanément une des cinq cartes de sa main, puis repiocher, et jouer comme cela neuf fois, avant de compter la personne qui a engrangé le plus de points.
Pour plus d’information sur la mécanique du jeu, je vous recommande un petit coup d’œil à la vidéo explicative Ludochrono.
Coté fonctionnement, les règles de Vaalbara sont simples et accessibles. Le fait de n’avoir à son tour qu’à jouer une carte, prendre un territoire selon l’initiative, et compter les points qu’il octroie, en fait un jeu que l’on peu mettre entre pratiquement toutes les mains.
Par contre, même s’il est simple d’accès, il n’en est pas simpliste pour autant, car au fil des manches (puis des parties), on découvre petit à petit le potentiel du jeu. On va découvrir une belle marge de progression pour être finement maîtrisé.
En effet, même si les cartes territoires fonctionnent avec des scorings « classiques » et évidents lorsqu’on les regarde, le fait qu’on ne score par leurs points en fin de partie, mais bien à chaque fois qu’on récupère une carte, fait que le système de points est bien plus malin qu’imaginé au premier abord. Certaines cartes sont clairement plus intéressantes en fin de partie car apportent plus de points si vous en avez d’autres identiques.
Coté personnages c’est un peu pareil, des pouvoirs qui semblent anodins peuvent se révéler extraordinairement puissants s’ils sont joués au bon moment.
Tout ceci, on l’apprend au fil de sa première partie, avec à la fin le sentiment d’avoir eu un petit aperçu, et l’envie d’y retourner pour approfondir la sensation de jeu.
Du neuf avec du déjà vu
En fait, sur le papier, Vaalbara n’a rien de très original. On pourrait croire à un croisement entre Libertalia et Oriflamme (oui on est des joueurs, on ne peut pas s’empêcher de trouver une ressemblance pour montrer qu’on connait plein de trucs !). Libertalia pour le coté personnages avec initiative et pouvoirs, qui permettent de récupérer quelque chose nous octroyant des points d’une certaines manière. Et Oriflamme pour le coté bluff d’une part, mais surtout pour l’aspect équipe de personnages possiblement symétriques mais asymétriques selon le tirage, petites combo, et lecture de main de départ qu’il va falloir analyser pour savoir comment jouer au mieux.
Partant de deux bonnes bases, c’est à dire deux jeux que j’apprécie particulièrement, ce jeu avait tout pour me plaire, et je vous avoue tout de go, qu’il en a été au delà de mes attentes !
Alors, pourquoi c’est vraiment bien ?
Et bien tout d’abord car cette accessibilité est redoutable : à son tour qu’à jouer une carte de sa main. On comprend tout de suite ce qu’on fait, pourquoi, et ce que l’on gagne. Il n’y a pas de doute, ni même de retour aux règles, tout est limpide.
À l’inverse, le jeu a beau être accessible, il reste terriblement taquin et malin. On observe une vraie montée en puissance dans la partie, ainsi que des compétences des joueurs au fil des parties, et c’est plaisant à voir.
En effet, plus la partie avance, plus on gagne de points de manière importante, car les cartes se cumulant devant vous, vous allez être amené à récupérer des terrains qui scorent très fort selon des conditions de possession d’autres terrains. Mécaniquement, vos coups faibles du début de partie qui rapportent 1 ou 2 points se transformeront en 8, 10 ou 16 points sur la fin de partie. D’une part cela est grisant, car on score de beaux coups, mais cela permet également de rester tout le temps dans la partie, car rien n’est perdu malgré un départ en demi-teinte, et on n’est pas à l’abri de faire un super coup qui nous permettra de dépasser nos adversaires au score. Et ça, c’est très appréciable.
Autre point très agréable, l’interaction. On a très (trop) souvent l’habitude d’associer jeux de collection à « je joue dans mon coin ». Ici, on passe l’intégralité de la partie à surveiller nos voisins. Il faut d’une part surveiller les terrains qu’ils possèdent pour ne pas leur laisser des cartes trop avantageuses, selon ce que propose la rivière. Mais d’autre part, vous allez également devoir bien surveiller les cartes personnages déjà jouées, pour savoir si vous avez des chances de jouer avant vos adversaires grâce à l’initiative de la carte personnage, ou bien si ce que vous prévoyez de prendre pourra disparaître dans la main d’un adversaire qui influera sur la rivière avant vous.
Ajouter à cela que l’on surveille également attentivement le schéma des oracles, qui permet de déterminer les priorités lorsque les joueurs jouent une carte de même valeur. Ainsi, jouer la carte de valeur 1 ne vous assurera jamais de prendre en premier un terrain, car si d’autres joueurs la jouent aussi et qu’ils sont prioritaires via ce dos de carte qui change à chaque tour, ils vous prendront la priorité.
Bref on surveille, on calcule, on prévoit, on bluffe et on contre-bluffe. C’est prenant, et lorsque l’on révèle nos cartes, on peste véritablement sur le joueur qui jouera avant nous, empêchant notre pouvoir de se déclencher, et nous pique le terrain convoité.
Ce qui est un peu moins bien
Du coté des écueils, vient en premier abord le thème. Nous sommes sensé incarner des peuplades primitives qui explorent un continent. Autant l’avouer, le thème ne se ressent pas du tout dans le jeu. Il n’y a aucun lien mécanique entre les lieux visités et le fait qu’il nous rapportent des points te telle ou telle manière. Les personnages eux ont des métiers qui collent plutôt bien avec leur effet et qui ont du sens, mais pas au point qu’on arrive à les appeler par leur titre, puisque leur chiffre reste ce qui est le plus important pour se rappeler leur effet.
La direction artistique est de toute beauté, tant sur les paysages que sur les personnages et la couverture, cependant j’ai trouvé que la couverture de la boite ne reflétait pas très bien le contenu du jeu. En effet, ce personnage imposant du chef de tribu me fait plus penser à un jeu où l’on va guerroyer contre ses adversaires, qu’un jeu où l’on va scorer en collectionnant des trucs. De ce fait, je pense que le jeu peut faire peur à un certain public qui pourrait passer son chemin.
Enfin coté gameplay, quelques éléments de jeu à préciser. On ne s’en rend pas forcement compte lors d’une partie découverte, mais après une vingtaine de parties, on découvre que certaines mains de départ sont vraiment plus faibles que d’autres. En effet, le fait d’être complètement soumis à ce tirage type nos parties (ce qui est bien), mais peut s’avérer frustrant. En effet, certaines cartes ne sont vraiment pas intéressantes pour débuter la partie, et elles sont plutôt nombreuses : les cartes 1 et 2 car très rarement besoin de sauter sur une carte en début de partie, 5/8/11 car ne se déclenchent pas, et 7/9 car peu d’intérêt à jouer sur la rivière de cartes si tôt dans le jeu, et 12 je n’en parle même pas.
Au contraire, les cartes 3/4/6/10 sont parfaites pour commencer. De ce fait, ne pas posséder un exemplaire d’au moins une de ces quatre cartes fait débuter la partie avec un vrai handicap, et peut s’avérer frustrant. C’est assez rare certes, mais assez important pour être signalé, surtout lorsque l’on joue à deux, et justement, le nombre de joueurs j’y reviens tout de suite.
Configuration idéale ou pas ?
Jouable de deux à cinq joueurs, Vaalbara est le genre de jeu que l’on a envie de jouer à nombreux. Les parties à 4/5 joueurs seront parsemées d’une belle dose de chaos et d’incertitude sur chacun de vos coups, ainsi que de discutions pour savoir qui doit se sacrifier pour ne pas laisser le bénéfice de telle carte à cet adversaire.
Ce n’est pas le genre de jeux auquel on a envie de jouer à deux au premier abord. Et pourtant, quelle erreur se serait de ne pas l’essayer dans cette configuration. En effet, pour les besoins de cet article, j’ai voulu tester la configuration deux joueurs à laquelle je ne croyais pas, et je suis pour cela aller faire un tour sur BGA, et j’ai pu faire une vingtaine de parties contre des joueurs de tous bords. Quelle a été ma surprise de constater à quel point le jeu est malin à deux ! On en garde toute la saveur, en ajoutant une dose de tactique bien supérieure. On étudie chaque carte visible de l’adversaire, on prévoit ce qu’il peut convoiter dans chacune des deux lignes de la rivière, et tous nos coups sont faits pour le contrer. On n’hésite pas à sacrifier une opération juteuse afin d’empêcher l’autre. Bref, c’est très intéressant, très malin, très tactique, j’ai adoré cette configuration que je recommande chaudement.
Libertalia Light, Libertalia plus, ou Libertalia moins ?
Comme évoqué au début de cet article, on trouve une affiliation très forte de Vaalbara avec Libertalia (jeu de 2012, réédité en 2022 sous d’autres couleurs). On y retrouve vraiment un socle commun très important avec ces cartes à initiatives et à pouvoirs. Pour autant, est ce que l’on peut dire que Vaalbara n’en est qu’une pâle copie qui était dispensable au vu de son ancêtre ? En effet Libertalia est un très bon jeu, qui dix ans après n’a pas pris une ride mécaniquement, et reste très plaisant à jouer. Cependant c’est un jeu avec un peu de matériel, grosse boite, qui nécessite un peu d’installation, mais surtout pour des parties de 45/60 minutes.
Vaalbara nous propose une expérience de jeu assez similaire, mais dans une petite boite qui s’emporte facilement, un jeu qui s’explique en deux minutes, et pour des parties de dix minutes environ. Plutôt que de crier au scandale du plagiat, je préfère de loin féliciter l’épure qui est proposée ici pour revisiter un concept sous une autre forme. Ce format plus petit, plus court, est du coup un peu plus dans l’air du temps, permettant de le rendre accessible à plus de gens, que ce soit en prix ou en temps d’attention de partie. Il n’élude pas pour autant son « ancêtre », qui reste un jeu terriblement intéressant, que je vous conseille fortement d’essayer si vous appréciez les sensations de Vaalbara (et ça tombe bien, il est lui aussi sur BGA).
Verdict ?
Vous l’aurez sans doute compris à travers ces lignes, j’ai été totalement séduit par Vaalbara. Ce jeu très simple d’accès offre une grosse dose de plaisir avec un gameplay finement réglé, une forte montée en puissance, des coups gratifiants, et surtout une interaction surprenante.
Très plaisant à 3, 4 ou 5 joueurs, c’est une pépite en duel, qui vous offrira profondeur tactique, pour un jeu contenant le strict minimum de règles, et une direction artistique sans grands défauts.
Coup de cœur de cette fin d’année 2022 ! D’ailleurs, il est dans notre Bilan sélectif de fin d’année.
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Dragon 23/01/2023
je ne connais pas libertalia mais après visionnage de quelques vidéos ca ressemble à du « citadelles » pour comptables (pas d’offense, je suis moi-même comptable ;( ).
Si ce n’est que c’est moins interactif et plus simple que citadelles.