Sur les traces de Darwin : l’évolution ne sera pas télévisée

Le 27 décembre 1831, après un mois d’attente dû au mauvais temps, le Beagle, voilier de 240 tonneaux, quitte Plymouth. À son bord, Charles Darwin, 22 ans. Le but de ce voyage est de cartographier les côtes d’Amérique du sud. Le voyage va durer près de cinq ans, s’aventurant du Cap-Vert à l’Ile Maurice, à la Nouvelle Zélande, l’océan Indien, le Pacifique… Darwin, infatigable, ira d’observation en écriture, et enverra des spécimens d’oiseaux, peaux, prélèvements géologiques…, en Angleterre, faisant ainsi réfléchir sur l’adaptation des espèces et leurs mutations. Par exemple, la mouche tsé-tsé (arthropode d’Afrique) serait responsable des rayures des zèbres. Les parasites ayant moins tendance à se poser sur les surfaces rayées. Des anecdotes de ce type (savez vous que le taipan du désert est le serpent le plus venimeux du monde ?), des pays et des animaux, vous allez en croiser des dizaines dans ce jeu, puisque pour assister Darwin, il faudra lui rapporter vos découvertes.

 

 

Avant de se lancer dans l’exploration ludique, il faut absolument s’arrêter sur la magnifique édition du jeu. Que ce soit les plateaux, et même l’intérieur de la boîte, on y retrouve des esquisses ou des illustrations soignées des différentes espèces animales. En introduction du livret de règles, donnant le ton et le sérieux avec lequel le sujet est traité, on peut lire un survol de la vie de Darwin. Pour boucler la boucle, un carnet de voyage reprenant à la fois les étapes du Beagle mais aussi les illustrations et spécificités de chaque animal rencontré dans le jeu accompagne les règles. Un carnet qui sert à renforcer le thème et nous en apprendre un peu plus sur l’environnement que nous allons croiser pendant la petite heure (ou moins) que dure la partie. Un bel ajout, à tout point de vue.

 

Sous le couvercle, nos premiers spécimens

 

 

On embarque !

Charles a besoin de vous afin de récolter de nouvelles informations. Ce sont les collections que vous rapporterez qui vous feront marquer des points. Le plateau principal va servir de gigantesque marché. Positionnées sur une grille de 3×3, neuf tuiles seront disponibles en permanence aux membres du Beagle, le pion navire qui gravite autour de ce carré.

 

Le plateau central : théories, publications, boussoles, Beagle et animaux

 

Avant de déplacer le voilier, il suffit de choisir une tuile dans la ligne ou colonne adjacente au bateau, et de la placer sur son plateau personnel, son carnet de naturaliste. Les plateaux sont identiques. Deux actions, pas plus. Finalement, voilà un voyage qui s’annonce de tout repos.

Mais… Le carnet personnel s‘avère un peu plus touffu qu’on l’a cru. Que sont ces couleurs, ces symboles, ces contours de boussole, ou encore ces deux emplacements prêts à accueillir des personnages et à élaborer des théories de chaque côté de notre carnet ?

 

Le plateau perso terminé avec ses 12 animaux (la tuile Darwin est là à titre d’exemple).

 

Commençons par la tâche principale : l’étude des animaux, leur appartenance à une classe et un continent. Ce que l’on retrouve sur notre plateau  sous forme de quatre colonnes liées aux quatre écosystèmes. On ne mettra donc pas n’importe quoi n’importe où, il faudra gérer cette première contrainte. Une fois une tuile, par exemple un mammifère australien (bleu), placée, il n’est plus utile d’en avoir une seconde. Même si on peut écraser la précédente, on verra pourquoi, le but est de remplir toute une ligne ou colonne, afin de gagner un jeton publication d’une valeur de 5 points. Outre leur habitat géographique, les animaux affichent certains symboles. Le jeu avançant, et selon votre stratégie, il sera bon de réunir ces symboles.

 

Type d’animaux/continent sur le haut. Symboles en bas à droite

 

Une tuile donne toujours une indication sur son continent (Afrique, Amérique…), sa classe (mammifère, oiseau…). C’est ce qui va servir à les placer sur les lieux correspondants du carnet. On peut ensuite  trouver un bonus de points de victoire et des emblèmes offrant d’autres gains : les cartes géographiques (cartographier) serviront d’éléments à multiplier par le nombre de jetons boussole présents en bas de votre carnet. La couronne permet de prendre le pion Darwin (et vaut 2 PV) tandis que  le guide a le pouvoir d’avancer ou reculer le Beagle (+1/-1) et modifier ainsi la prise de tuile.

Des personnages tirés eux aussi de l’Histoire (médecin, peintre, botaniste…) vous aident en vous offrant des bonus : un guide et des points, un guide et une théorie etc. Nécessitant plus d’attention car elles doivent évidemment coller à l’environnement que vous développez sur votre plateau, les tuiles théories agissent comme des objectifs de fin de partie (1 PV/animaux d’Afrique, par théorie, par oiseaux…). Une théorie de départ vous propose une direction à prendre. Les autres, il faudra les récupérer.

 

Quelques figures historiques fort utiles

 

Un tour va donc consister à prendre une tuile et avancer le Beagle. Si vous prenez la seconde tuile de la colonne/ligne, avancez le pion du même nombre de case. Oh non, il s’arrête sur l’animal manquant à mon voisin ! Euh, je peux recommencer ? La tuile sera placée sur votre plateau, et on validera son effet si elle en a un. Une tuile peut toujours être recouverte par une tuile de la même famille, si par exemple, selon vos théories, la nouvelle recrue vous rapporte plus. C’est surtout la seule façon de récupérer une théorie. C’est un peu vicieux et il faudra y aller de son petit calcul : combien je perds en écrasant la tuile et combien je gagne ? Car points de victoire et carte géographique disparaîtront à jamais.

Suivant le nombre de joueurs, toutes les tuiles ne seront pas en jeu. Une fois la pioche vide, la partie s’arrête, et le Beagle rentre au port. Il est l’heure du décompte.

 

Tu es plus Lama Glama, Procyon Lotor ou Ouroborus Catphractus ?

En pleine actualité de Darwin’s Journey, j’ai cru, en voyant la boîte de Sur les traces de Darwin que c’était la VF. Un peu fatigué le garçon. Léger doute sur le format, mais j’y ai cru pendant 20 secondes avant que mon boutiquier m’explique la vie. Et me propose une partie dans la foulée. Rien à voir entre les deux produits effectivement, puisque ce jeu est tout ce qu’il y a de plus familial. Le thème Darwinien n’est finalement qu’une coïncidence.

Le soin important accordé à ce titre, tant au niveau thème qu’édition, plonge déjà le joueur au cœur de jeu. Comme dit en introduction, le fait de proposer un livret explicatif sur la vie du personnage central et les animaux rencontrés, est un vrai plus. À la fois immersif et pédagogique. Ludiquement, les tours sont assez simples. On prend, on pose et on avance. On construit son décor en essayant d’assembler de la meilleure façon les tuiles récoltées. Les joueurs qui ont un peu de bouteille feront facilement le parallèle avec Cottage Garden ou, plus ancien, Glastonbury, deux titres se servant de la même mécanique.

 

J’ai bien quelques théories sur le sujet…

 

Une mécanique simple qui offre pourtant de vrais choix. Prendre l’animal qui nous intéresse arrive en première position mais si, en plus, cela peut déplacer le navire sur une colonne/ligne qui n’offre rien à son voisin, c’est tout bon. Un peu mauvais esprit me direz vous, mais ne vous attendez pas à plus de compassion de la part de vos collègues. On entend souvent souffler dans ce jeu, c’est bon signe. S’il faut tenir compte de l’importance de rédiger des publications en alignant quatre animaux, il ne faut pas négliger le combo boussole/cartographie ou encore la validation des théories qui peut surprendre sur le décompte de fin. Plusieurs axes sont donc possibles et ouvrent le jeu.

 

 

On le voit clairement sur cette partie où Momo score avec les boussoles (28), Bob avec les P.V (21) et Mr G avec les publications (25). On voit également que privilégier une direction ne doit pas pour autant occulter les autres.

Les multiples détails, symboles des tuiles, ajoutent à la mécanique centrale et sont, à la fois, très lisibles et facilement assimilables. Le jeu devra donc être planifié dans une certaine mesure, mais prêt à être bouleversé si une opportunité se présente. L’optimisation sera de mise en tous cas.

Je reviens donc sur le fait d’écraser une tuile précédemment posée. Parfois, on le fait par obligation, aucune tuile n’est satisfaisante, pourtant il faut prendre. Parfois, ce nouvel animal fait gagner un peu plus de points en rapport avec une des théories que nous avons en stock. C’est une des  facettes appréciables de ce jeu, cette souplesse à créer son plateau. Si on le fait dans son coin, on regarde quand même ce que mamaille l’autre, on ne sait jamais, si on peut le freiner, mais c’est surtout notre intérêt qui prime… Une interaction indirecte que l’on trouve au niveau de la prise des tuiles animaux, mais également dans les théories à récupérer.

Ce jeu est un jeu familial et, oui, il y a un manque de contrôle sur ses prises. On peut faire le tour du plateau sans réussir à récupérer la tuile désirée. Ou se la faire voler. Faut-il attendre son retour ? À vous de trouver un nouvel angle d’attaque, c’est également ce qui fera le sel (marin) des parties.

 

On se couchera moins… bêtes

 

Sur les traces de Darwin est une bonne surprise, le type de production qui coche de nombreuses cases et permet à son titre de sortir du lot : une édition de qualité, un thème parlant, et des mécaniques fluides qui font vivre la partie. Et un prix raisonnable. Darwin nous a fait voyager et c’est donc avec plaisir que nous suivrons à nouveau ses traces lors d’une prochaine expédition. Et à partir de 3. La partie à 2 fonctionne mais le bateau avance lentement. Et surtout, maintenant nous savons à combien de km/h court une autruche, qui peut se toucher l’oreille avec sa langue, et quel oiseau aime jouer.

 

* the revolution will not be televised / Gil Scott-Heron

 

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7 Commentaires

  1. Manu 25/07/2023
    Répondre

    Comment arrive-t-on à faire 5 publications (25PV pour Mr G) avec 12 tuiles ? J’ai beau réfléchir, je ne vois pas comment faire plus que 4 alignements.

  2. Manu 25/07/2023
    Répondre

    3 lignes c’est déjà 12 tuiles et il en faut encore 2 pour faire 2 colonnes (et avoir 3+2= 5 alignements). 😉

    • morlockbob 25/07/2023
      Répondre

      La partie a déjà quelques semaines et je ne m’en souviens plus. Tu veux dire que ce fourbe de Mr G aurait triché en notant le décompte ? !

      L’important est que nous avons passé un bon moment et je t’invite à essayer ce jeu si tu en as l’occasion

  3. manu 25/07/2023
    Répondre

    J’ai fait pas mal de parties. Il est sympa et très beau. Il y a plus de contrôle à 4 ou 5 qu’à 2 puisqu’il y a plus de tuiles qui sortent  et donc moins de risques de déséquilibre pour remplir les objectifs-théories ou pour obtenir LA tuile nécessaire  pour finir sa ligne/colonne.

  4. Indiana Jeux 28/07/2023
    Répondre

    La ref dans le titre au morceau de Gill Scott-Heron est magnifique, chapeau bas !

    • morlockbob 28/07/2023
      Répondre

      Aha, mon petit easter egg. Merci Indiana

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