Pandoria Merchants, des tuiles aux dés

Irongames, peut-être que cette boite d’édition ne vous parle pas, elle a vu le jour en 2009 quand Bernd Eisenstein (Pelopponnes, Pack & Stack, Phalanxx, PAX… Hm, il semble aimer la lettre P) s’est lancé dans l’édition pour faire découvrir ses propres créations. Aujourd’hui, Irongames en est à son quatorzième jeu édité, tous créés ou co-créés par son fondateur. Passons justement au dernier né, Pandoria Merchants, co-conçu avec Jeffrey D. Allers (Gunkimono, New Amsterdam, Citrus…).

Affichons le décors tout de suite, on est dans une réécriture Roll & Write, 100% assumée, du jeu de gestion Pandoria (2018) par les mêmes créateurs. Proposant, pendant 60 à 90 min, de vivre la même aventure mais cette fois-ci avec un crayon à la main. Quelques différences sont quand même notables, comme par exemple la version solo qui n’existait pas à l’origine ou encore l’adaptation dite familiale. L’ajout de Merchants au nom du jeu découle de la nouvelle ressource Artisanat inexistante dans le jeu de base. Mais nous allons voir tout cela en détail. 

 

Un peu de contexte

Merchants, comme l’appel ses auteurs, a été initialement pensé comme un print & play accessible gratuitement sur internet afin d’offrir aux ludistes un os à ronger durant la pandémie de COVID-19. Cette version gratuite est bien entendu disponible sur internet à cette adresse, seulement en anglais par contre. Cette adaptation ayant demandé aux auteurs beaucoup de travail, ils ont finalement décidé de revoir un peu la copie et de proposer une version commercialisée avec des illustrations (de Chiara N. Monaco) et un peu plus de développement.

Dans le jeu d’origine les protagonistes incarnent différents peuples contraints de fuir leurs terres d’origine pour finalement arriver à Pandoria, une nouvelle région ne demandant qu’à être explorée et exploitée. Mais malheureusement les rivalités d’antan ressurgissent, et un seul de ces peuples pourra réellement dominer ces terres. Et bien le contexte de Pandoria Merchant est le même, seules les différentes factions ont disparu au profit d’une symétrie de départ totale.

 

Des Tuiles aux Dés

La mécanique principale du jeu est toute simple. À son tour le joueur actif lance deux dés ressources qu’il va dessiner sur la feuille de jeu centrale, représentant la région de Pandoria. Là où dans le jeu originel on venait poser des tuiles composés de 2 hexagones, ici on dessine plutôt les ressources. Rien de compliqué là dedans, cela génère juste un certain aléa sur les ressources qui arriveront sur le plateau alors qu’avec un set de tuiles limité on devine que les auteurs avaient équilibré ces dernières. En dessinant ces ressources le joueur va créer des régions, c’est-à-dire des zones de ressources identiques et adjacentes.

Pandoria Merchants - dés

Dessine moi une ressource

 

Une fois l’ajout des ressources effectué, il a la possibilité d’effectuer une action parmi quatre : lancer un Sortilège, construire un Bâtiment (qui seront les deux plus courant durant la partie), obtenir une Relique, construire un Monument. On reviendra sur ces actions, qui composent le cœur du développement et du scoring, un peu plus tard.

Ensuite avec l’ajout des deux ressources et de son ouvrier sur le plateau il peut clôturer une région, c’est-à-dire qu’il entoure cette dernière de manière à ne plus pouvoir l’étendre. C’est le moment de récolter dans cette région : tous les joueurs vont récupérer ses ressources multipliées par son nombre d’ouvriers adjacents. Vous n’en avez aucun et bien vous êtes punis !

Bien entendu, si c’est vous qui avez clôturé une région vous avez un avantage : acheter une carte, permettant de débloquer l’accès à des sortilèges (partie du haut), et des bâtiments (partie du bas). Ces cartes sont dessinées sur votre plateau personnel là où, dans Pandoria, elles existaient au format physique.

Pandoria Merchants - Ressources

La fête à la ressource

 

Voila avec tout ça vous avez une vue d’ensemble d’un tour de jeu. Rien de sorcier, une pointe de stratégie et de programmation, vous récoltez les ressources en fin de tours alors que vous effectuez vos actions principales au début. Au bout d’un tour de jeu on arrive très facilement à comprendre comment l’ensemble tourne et où il veut nous emmener. Alors, oui on ne se sent pas l’âme d’une faction chassée de ses terres cherchant à survivre. Mais on se prend très vite au jeu et les sensations de découverte d’un nouveau territoire et l’exploitation de ses nouvelles richesses sont bien présentes tout de même.

 

Dessine-moi une ressource

Penchons-nous un peu sur le cœur du jeu, la pose de ressources et le choix de son action principale.

On ne peut pas dire que Merchants soit très différent de son grand-frère dans la pose de “tuiles”, sauf que d’un côté elles sont physiques et de l’autre on les dessine. Cette action offre aux participants une interaction forte dès les premières minutes de jeu car tout le monde va chercher à profiter des différentes régions de ressources qui sont en train de se dessiner sur le plateau. Mais il ne faut jamais oublier que fermer une région, même si elle nous apportera peut-être moins, nous offrira la possibilité d’acheter une carte et donc améliorera nos récoltes pour la suite.

Pandoria Merchants - fiche joueur

 

Parmi les actions principales, l’obtention des Reliques et la construction de Monuments sont en fait des courses aux points. Celles-ci ne sont là que pour offrir aux participant·e·s des axes secondaires de scoring, de plus elles demandent des conditions (possession d’artefact ou de bâtiments) qui sont difficiles à obtenir en début de partie. Ce sont donc des actions qui ne viendront pas influencer énormément la partie.

Par contre, pour ce qui est de lancer un Sortilège ou construire un Bâtiment, là on est dans du développement à court ou long terme. Une fois une carte achetée lors d’un tour précédent (rappelez-vous qu’on peut acheter ces dernières lorsque l’on clôture une région), on peut la consommer de deux façons différentes :

Soit pour un bonus instantané avec les Sortilèges (dont le coût en cristaux est affiché en haut de la carte). Ceux-ci ont tendance à venir influencer la récolte de ressources à venir lors du tour en cours afin de faire grossir ses gains.

Soit pour un bonus à long terme avec les Bâtiments (dont le coût en bois est affiché en bas de la carte). Ces constructions ont tendance à vous apporter des améliorations pour toutes les récoltes suivantes en boostant votre production. Et bien que la limite de stockage des ressources soit de 5 ce n’est pas pour cela qu’il faut cracher sur ces améliorations car pour chaque paire de ressources au-dessus de cette limite on score un point. Imaginez, gagner près de 20 ressources lors d’une clôture de région ça commence à faire un beau petit paquet de points… Et ça, ça arrive plus d’une fois par partie si vous avez bien géré votre coup. 

Pandoria Merchants - plateau

On a connu mieux comme lisibilité

 

Il faut aussi savoir qu’acheter des cartes, en plus de vous offrir la possibilité de les utiliser, peut permettre de bloquer l’accès de ces dernières et donc couper l’herbe sous le pied de vos adversaires dans l’élaboration de leur stratégie. Au moment où quelqu’un achète la troisième carte d’une colonne, celle-ci devient immédiatement inaccessible aux adversaires. Méthode très bien venue qui oblige les concurrents à scruter ce que font les autres pour ne pas se retrouver avec trois cartes totalement inaccessibles.

 

Mode de jeu

Jusqu’à présent je vous ai parlé du mode de jeu dit classique, c’est en soit une retranscription fidèle du matériel original en Roll & Write avec les adaptations qu’il faut pour coller au format. Mais Merchants propose aussi de revenir aux origines du projet Pandoria avec son mode de jeu familial. L’idée de base de Jeffrey D. Allers était de créer un jeu plus orienté famille avec moins de paramètres à gérer. Il semble qu’avec cette nouvelle mouture il a su apporter cela à son public.

Je n’ai pas eu l’occasion de jouer à cette version, car plus intéressé par le mode classique, mais il faut admettre qu’elle offre une version qui peut plaire à certains. Ici il n’est plus question de gérer des ressources, tout est remplacé par des points de victoire. Plus de cartes non plus, on a maintenant des Archives Magiques où, lorsqu’on clôture une région, on va pouvoir se réserver un pouvoir (équivalent aux Sortilèges). Même au niveau matériel le jeu est simplifié, les participants jouent tous sur la même feuille de jeu.

Ce mode offre donc la possibilité de passer sur une découverte des mécaniques de jeu sans toutefois s’attarder sur la partie gestion. Si vous avez un peu moins envie de réfléchir ou des partenaires de jeu un peu moins adeptes du genre, sortez le mode familial, cela devrait faciliter les choses.

Pandoria Merchants - solo2

Voir la vie en gris…

Pandoria Merchants - solo1

ou en couleurs ..?

 

La seconde nouveauté de cette boîte est le mode solo, évidemment !
Que serait aujourd’hui un jeu sans son mode solo ? Ce dernier reprend toute la mécanique du jeu en vous faisant jouer sur un plateau spécialement conçu pour lui. Je ne suis pas un grand adepte du genre mais j’ai tout de même essayé pour vous. Ce mode offre un sacré challenge en proposant de combattre une faction factice qui gagnera plus ou moins de points selon votre score personnel. Petit à petit, cet adversaire va aussi bloquer des cartes, des reliques ou des monuments. Vous avez intérêt à vous adapter à lui si vous ne voulez pas perdre la partie. Trois niveaux de difficulté sont proposés et permettent de se surpasser si l’envie nous en dit.

 

Va t’acheter des lunettes !

Le jeu propose donc trois modes qui s’adressent à des publics différents. Un point positif pour toucher plus largement les ludistes. Mais, oui, il y a un mais que j’ai gardé pour la fin, le gros point négatif, c’est la lisibilité du jeu.

L’idée d’un Roll & Write est qu’avec seulement un crayon de papier et la boîte du jeu on doit pouvoir se débrouiller. Mais comme on a déjà pu le constater avec Cartographers et son scoring par manche qui change constamment, avoir des repères visuels clairs aide grandement au plaisir de jeu. Pour Merchants il est préférable d’opter pour un set de crayons de couleurs plutôt que de fonctionner avec seulement un crayon à papier classique. Grâce à cela, le plateau central, en plus de gagner un peu en vitalité, permet de nous amener à mieux réfléchir à notre placement et de repérer celui de ses adversaires.

Même une fois ce problème réglé, un second souci de lisibilité se présente sur la feuille de jeu personnelle. Avoir ajouté des couleurs et des graphismes, c’est cool, ça permet de s’immerger un peu plus dans le jeu, mais la taille et les couleurs sombres des cartes, surtout la partie Bâtiments, rend difficile la lecture rapide de ces dernières une fois qu’on les a achetées ou utilisées. On se retrouve à insister pour marquer le trait lorsque l’on doit rayer ou entourer les Sortilèges et Bâtiments, et même une fois cela effectué, vous avez intérêt à vérifier vos nombreuses cartes disponibles lors d’une clôture ou d’un achat.

Tout cela demande aux joueurs une certaine attention sur le suivi d’un tour : on lance les dés, on dessine sur le plateau central, on effectue son action sur sa feuille personnelle, retour au plateau central pour éventuellement clôturer une zone puis de nouveau retour à sa feuille personnelle pour acheter une carte. Tout le long de la partie, cela demande d’être attentif au jeu des autres afin d’être sûr que rien n’est oublié.

Dans Pandoria premier du nom, toute l’action se déroule au centre de la table, sur le plateau de jeu, c’est seulement lorsque l’on joue une carte que l’on vient regarder sa main. Les cartes étant physiques, il est plus facile de repérer son choix entre Bâtiments ou Sortilèges car on vient glisser cette dernière sous son plateau joueur pour cacher la partie non utile. Là où dans Merchants on se retrouve à raturer abondement sa feuille de jeu pour être sûr de ne pas utiliser cette action rendue indisponible au milieu de ce tableau de 36 actions (18 cartes offrant chacune 2 actions possibles)…

Pandoria Merchants - cartes

T’as intérêt à avoir un stylo qui tache !

 

Fin de partie

Au final, malgré ses mécaniques qui fonctionnent très bien et sa générosité (ses trois modes de jeux différents), j’ai du mal à voir pourquoi se tourner vers cette version Roll & Write alors que le jeu Pandoria originel offrait déjà cette expérience avec l’aspect physique des éléments qui aident à la lisibilité. Et encore, je n’ai pas mentionné le fait que le jeu d’origine proposait une asymétrie entre les factions qui est totalement abandonnée dans sa version Roll & Write.

Si vraiment vous adorez les jeux solo ou que vous avez Pandoria mais impossible de jouer en famille car ce dernier est trop complexe pour votre public, pourquoi ne pas aller sur cette version. Mais si l’univers du jeu ou ses mécaniques vous plaisent, préférez son grand frère ou la version Print & Play disponible sur internet !

 

 

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3 Commentaires

  1. Salmanazar 07/05/2021
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    Raaah, content de lire un article sur Irongames ! Le stand Irongames est un passage obligé , chaque année, au salon d’Essen.

    Et Phalanxx de l’auteur est un excellent jeu, aussi bon que moche !

  2. fouilloux 09/05/2021
    Répondre

    C’est vrai que du peu que j’envie, vache que c’est vilain.

    • Astien 09/05/2021
      Répondre

      C’est dommage, parce que Pandoria est plutôt jolie. Je sais pas si ils sont allé un peu trop vite sur l’édition de celui ci mais côté esthétique on est loin du grand frère

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