Niwashi – duo en terres d’orient

Quand on voit la boîte de Niwashi, tout porte à croire qu’il s’agit d’un jeu japonais. Le titre tout d’abord : Niwashi signifie “jardinier” dans la langue de Jun Sasaki. Mais surtout, par sa taille, elle aurait tout à fait eu sa place chez Oink Games. Or, il s’avère qu’il s’agit d’une création bien française de Gautier de Cottreau & Baptiste Laurent (Spirit), éditée chez Arkham Society (Fake Crystal).

Une boite au format compact

 

Jardinage silencieux

Dans ce jeu coopératif pour deux joueurs, nous allons incarner deux jardiniers qui cherchent à répondre aux demandes d’agencement du moine responsable du temple. Autrement dit, il s’agit de reproduire une série de motifs géométriques à l’aide de tuiles de jardin représentant des parterres de fleurs multicolores.

Chaque jardinier a en main 2 cartes motifs (objectifs secrets) et 3 tuiles jardins (avec 3 parcelles de fleurs chacune). À son tour, on a le choix entre placer une tuile pour agrandir le jardin en recouvrant une ou deux parcelles (jamais trois) et défausser ses 3 tuiles pour donner un indice grâce à un pion lanterne. On est totalement libre sur l’utilisation de la lanterne : on peut la placer sur la zone de jeu (pour indiquer où  notre partenaire devrait jouer, par exemple), sur une tuile du marché (est-ce pour lui dire de la prendre ou bien qu’on veut la garder ?), sur un motif de la tuile aide de jeu. C’est à chaque binôme de jardiniers de trouver son mode de communication.

 

 

Lorsqu’on place nos tuiles jardin, on peut participer à la construction du motif d’un de nos deux objectifs, mais c’est notre partenaire qui doit mettre la touche finale (le 5e massif). Lorsqu’elle le fait, on révèle l’objectif et on en pioche un autre.

La partie se termine lorsque la pioche de tuiles jardins est vide ainsi que notre main. On compte le nombre d’objectifs réalisés et … c’est tout. Oui, c’est un jeu “gentil” : il n’y a pas de conditions de  défaite, juste un score. Même pas un tableau avec plusieurs  niveaux de réussite (du médiocre au flamboyant 🙂 ). Le livret de règles indique juste qu’un score de 6-10 objectifs est déjà honorable et qu’atteindre 15 points est un beau défi (le score max est de 20).

 

Quelques exemples d’objectifs

 

Voici pour les règles de base, qui sont détaillées dans le ludochrono, mais le jeu propose aussi 9 variantes de difficulté progressive pour renouveler nos parties (zone de jeu limitée, nouvelles contraintes de pose, marché de tuile réduite, absence de la lanterne…).

Le thème “jardin japonais” est parfaitement adapté à l’ambiance zen qui se dégage du jeu et à sa mécanique (création de motifs géométriques). Niwashi fait partie de ces jeux à communication limitée où l’on essaie de faire comprendre ce qu’on veut à notre partenaire par nos actions et non pas par des mots. Il faut vraiment être à l’écoute de l’autre (bon, on ne se parle pas, mais vous avez compris l’idée !), car souvent on risque d’être tellement concentré sur la construction du début d’un de nos motifs qu’on ne fait pas attention à ce que joue notre partenaire et on aura du mal à voir ce qu’elle attend de nous. Il n’y a que 6 types de motifs (rappelés sur une aide de jeu), mais j’ai remarqué que quelques joueurs avaient du mal à repérer certains motifs “noyés” dans la zone de jeu. Ainsi, ils ne les envisagent même pas quand ils cherchent comment compléter l’objectif. 

 

Les 6 types de motifs et la lanterne.

 

Je vais vous « spoiler » un peu la découverte du jeu, mais on se rend vite compte qu’il est plus judicieux de laisser notre partenaire mettre les 4 premiers massifs (carrés colorés) de son objectif, on limite ainsi les possibilités de motif, et l’on évite de se retrouver dans la situation où chacun croit qu’il est en train de participer à la composition de l’objectif de sa partenaire alors que ce n’est pas le cas. 

 

Neuf fois sur le métier, remettez votre ouvrage

Heureusement que le jeu propose des variantes, car personnellement, réussir à faire 16 objectifs au lieu de 15 n’aurait pas été suffisamment motivant pour me donner envie de rejouer, alors que les 9 défis proposés imposent de jouer de manière sensiblement différente, car avec plus de contraintes, et prolongent ainsi le plaisir. Il me semble bien plus intéressant et stimulant d’essayer de faire aussi bien (disons 14 objectifs) quand la règle nous met plus de râteaux dans les roues. Par exemple, dans l’une des variantes, on choisit quelles cartes notre partenaire va devoir prendre pour compléter sa main. C’est une nouvelle manière de communiquer une information. Quelle est la couleur importante sur cette tuile et que souhaite-t-on qu’il en fasse ? Ou au contraire, a-t-on choisi de ne pas lui donner telle autre tuile car nous aimerions bien la récupérer ?

 

 

Un aspect du jeu qui m’a beaucoup plu est qu’on s’interroge beaucoup sur le sens des actions de notre partenaire. Pourquoi joue-t-elle là ? Qu’attend-elle de moi ? À un moment, je ne pouvais plus progresser sur mes objectifs (ils étaient à 4 tuiles), ni terminer ceux de ma partenaire. J’avais bien vu qu’elle attendait que je mette le cinquième carré bleu au bout de sa diagonale, mais je n’avais plus de bleu en main et il n’y en avait pas sur le marché. J’ai donc décidé de commencer à construire d’autres motifs, pour le futur, au cas où on les pioche un peu plus tard dans la partie. Mais ce faisant, j’ai complètement perdu ma partenaire. Elle a cessé de chercher à localiser mes motifs sur une partie de la zone de jeu et elle a commencé elle aussi à construire sur la nouvelle zone que j’avais investie. Du coup, le jeu stagnait un peu puisqu’aucun objectif n’était rempli et ce qu’on construisait ne servait à rien (pour le moment).

 

Comme lors de nos parties de La marche du crabe (autre bon jeu coop à deux, à communication limitée, que je vous conseille), on avait du mal à se retenir de parler et de commenter les malentendus et les “mauvais” choix de l’autre. Le débriefing de fin de partie participe au plaisir que procure Niwashi. On peut y expliquer ce qu’on voulait faire et ce qu’on attendait de l’autre. On accorde nos violons et on progresse dans notre manière de communiquer.

 

 

Conclusion

Bref, vous l’aurez compris, Niwashi est un vrai coup de cœur. Cette petite boîte bien remplie est une petite pépite pour les sensations qu’elle procure. Tout est cohérent, le thème des jardins japonais, les couleurs pastel des tuiles, l’atmosphère zen et silencieuse pendant la partie. Ce n’est pas un jeu avec une énorme profondeur, vous aurez une idée assez complète à la fin de votre première partie. Néanmoins, il se dégage quelque chose d’assez particulier (en tout cas pour moi) lorsque j’y joue. Peut-être est-ce la fouille visuelle de motifs dans le pavage multicolore qui se construit ou la recherche d’une bonne compréhension avec ma partenaire, mais je trouve ce jeu apaisant. Le verbal est mis de côté pendant un moment, et on se concentre sur les couleurs, la géométrie. J’ai presque l’impression de colorier un mandala. C’est une vraie bouffée de calme dans un monde bruyant avec trop de paroles (dans la rue, à la télé, sur les réseaux sociaux). Ça fait du bien.

 

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L’article que vous avez lu ici a été écrit avec l’aide d’une boîte envoyée par l’éditeur. 

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