Nautilus Island : Ferme le hublot, ça fait courant d’air

Ce nouveau jeu des prolifiques Johannes Goupy et Théo Rivière (déjà à l’œuvre sur Rauha en début d’année), nous amène sur L’île mystérieuse où s’est échoué le Nautilus. Le fameux sous-marin du vieux Jules est désormais abandonné, et nous, pauvres naufragés, allons chercher à réunir le plus d’objets pour le réparer et quitter l’île avant les autres … mais surtout avec plus de points, n’oublions pas nos basiques.

 

Regardez un peu ma collection de pots de confiture de méduse

Nautilus Island est un jeu de collection familial joliment illustré par Clément Masson (Fives Tribes). Le Ludochrono se trouve ici, mais comme vous allez le voir, le principe est relativement simple. 

Sur le plateau, représentant le sous-marin, sont placés divers tas de cartes (face visible ou cachée) disposés en colonnes de 1, 2 ou 3 tas. À chaque manche, on déplace son Meeple naufragé en face d’une colonne, et au choix : on pioche la première carte de chaque pile ou bien on pose depuis sa main autant de cartes que de tas constituant la colonne. 

 

Naturellement, on ne peut pas se mettre sur le même emplacement qu’un autre joueur. La subtilité est qu’il y a trois piles sur l’extrémité droite du plateau contre une seule à gauche, mais le tour suivant sera joué en commençant par le joueur placé le plus à gauche, donc pas forcément en respectant le tour de table classique. On retrouve un ordre de tour fluctuant, comme dans Kingdomino : plus mon action est forte, plus je jouerai tard à la manche suivante. La flèche mobile au niveau de la queue du sous-marin qui pointe vers le haut ou le bas pour aider les joueurs à se rappeler dans quel sens on se déplace est une très bonne idée. On ne dirait pas comme ça, mais comme on ne joue pas dans le sens des aiguilles d’une montre, il nous est souvent arrivé de douter dans quel sens aller et donc de ne pas savoir à qui c’était le tour.

Grace à la flèche (hors champ) on sait si c’est au tour de jaune de se placer en haut, ou à violet de se placer en bas.

 

Lorsqu’on pose des cartes (obligatoirement de même couleur/type : nourriture, outil, vêtement…), on récupère un jeton bonus (première source de points), à condition que le jeton associé à cette couleur soit encore disponible. En effet, ceux-ci ne sont renouvelés que lorsqu’il n’en reste qu’un. Il est donc nécessaire d’avoir un bon tempo pour ne pas se faire couper l’herbe sous le pied par un adversaire.

 
La seconde façon de marquer des points est de décider de clôturer une collection en posant un hublot dessus. Par contre, il ne sera plus possible de poser de cartes de cette couleur pour le reste de la partie, et toutes les cartes de cette catégorie que l’on piochera ultérieurement seront des cartes mortes. À l’instar de Jaipur, plus on tarde à récupérer un jeton hublot, moins il y a de points à la clé. Mais attention, si on renonce au hublot pour une collection de 4 cartes par exemple, dans l’espoir de remporter plus tard le hublot pour une collection de 5 (rapportant plus de points), mais qu’on n’y arrive pas avant la fin de partie, c’est trop tard pour revendiquer le premier hublot (un principe qu’on a déjà rencontré dans Augustus, entre autres).

Jetons hublot, avec PV dégressifs

 

Enfin, la troisième manière de marquer des points sont les cartes trésors qui resteront en main jusqu’à la fin de partie.

Nous avons donc une interaction indirecte. Nous jouons pour nous (prendre les cartes qui nous intéressent et les poser) et non pas pour bloquer les adversaires. Néanmoins nos actions ont une influence sur elles, lorsqu’on récupère le jeton bonus ou hublot qu’elles visaient.

Quelques exemples de cartes que l’on va collectionner. En bas à droite, un trésor que l’on garde en main.

 

Soutes vides

La fin de partie est déclenchée quand une colonne est vidée, il ne reste alors qu’un tour de table. Puisque la plupart des points sont visibles (jetons bonus et hublots), il est possible pour le joueur en tête de vouloir mettre fin à la partie, toutefois il reste toujours l’incertitude des points cachés que sont les trésors qui peuvent inverser la tendance.

Au fur et à mesure de la partie, on se ferme des portes en plaçant les hublots sur nos collections : on a de moins en moins de couleurs jouables, et il est donc judicieux de clôturer la partie avant qu’un adversaire n’ait le temps de placer d’autres hublots et gagner d’autres bonus.

Une collection d’outils non clôturée, et une collection de matériel de navigation clôturée

 

La tension des fins de partie est très agréable. Quand on en est au stade où le couperet de la fin peut tomber à tout moment, on est particulièrement hésitant à emmagasiner de nouvelles cartes et prendre le risque de ne pas avoir le temps de les poser. On retrouve là des sensations de stop ou encore. À deux joueurs, nous avons le temps de faire les cinq familles de cartes, voire de poser un hublot sur chacune.
Par contre à quatre, il sera difficile d’en faire plus de trois et il arrivera fréquemment qu’un type de hublot soit épuisé et qu’un joueur se retrouve fort dépourvu quand le dernier tour sera venu. Les parties sont donc assez différentes selon le nombre de joueurs, avec plus de blocage à quatre, et plus de contrôle à deux (on joue souvent deux tours d’affilé). J’ai une nette préférence pour la configuration à quatre joueurs.

 

Bonus moyennus

Les bonus ne sont pas tous aussi intéressants les uns que les autres. Entre celui qui rapportent juste 2 points et celui qui double un hublot (donc qui peut valoir entre 4 et 10 points), il y a un trop gros écart à mon avis. L’arrivée aléatoire de ceux-ci peut favoriser certaines joueuses. Je trouve ça dommage, même dans un jeu familial. Pour moi, le hasard de la pioche suffit comme source d’aléatoire. Ne pas obtenir de jeton car une autre joueuse l’a pris avant moi crée de la tension et des choix (je vais peut-être attendre que les jetons soient renouvelés pour poser mes cartes), mais obtenir en fin de partie un jeton dont je n’aurai pas le temps de valider le prérequis, est plutôt frustrant.

 

Jetons bonus

 

Le tas négligé

Un autre détail de game design sur lequel je m’interroge est pourquoi avoir le même nombre de cartes dans chaque pile ? Dans mes parties, les joueurs ne se plaçaient sur la première colonne que pour poser une carte à leur collection et s’assurer la première place pour le tour suivant. Nous n’avons quasiment jamais pris de carte dans cette colonne, car ça ne nous permettait d’en récupérer qu’une seule. En outre, les cartes sont face cachée sur cette pile, il y a donc le risque de piocher une couleur qu’on a déjà verrouillée. J’aurais trouvé plus intéressant d’avoir peu de cartes sur cette pile pour qu’il puisse être possible de déclencher la fin de partie aussi via cette colonne. Sans surprise, dans la plupart de nos parties c’est l’une des deux dernières colonnes (de 3 piles) qui s’est épuisée en premier et qui a sonné le gong final.

 

Tempête sur le plateau

En termes d’ergonomie, je trouve dommage que les piles de cartes cachent le sous-marin. L’illustration n’est pas du tout mise en valeur. De même, les piles sont proches les unes des autres, ainsi on a tendance à tout faire bouger quand on pioche et donc voir les cartes du dessous, révélant la couleur de ce qui va arriver. Mes camarades de jeu ont regretté que le thème soit plaqué : cette collecte d’objets pourrait avoir lieu dans n’importe quel univers et pour n’importe quelle autre raison que de quitter une île. La couverture de la boite montre un volcan en éruption, mais on ne sent pas tellement  d’urgence dans le jeu (sauf lors de la toute fin).

Le sous-marin qui se cache sous les cartes.

 

Pour conclure, Nautilus Island est un jeu de collection familial, fluide et très rapide (20-30 min). L’interaction indirecte (pas de blocage ou de crasses entre joueuses) est en adéquation avec le public visé. Le hasard est  assez présent (pioche des cartes naturellement, mais aussi à cause des types de bonus inégaux). Enfin, quelques petits soucis d’ergonomie (placement des cartes sur le plateau) viennent un peu entacher le tableau.
Néanmoins l’expérience de jeu est agréable, accompagnée de quelques prises de décisions intéressantes (quand clôturer sa collection ? ai-je le temps de l’agrandir ? Il n’y a plus de bonus, est ce que je pose quand même mes cartes maintenant ?) Les parties à quatre joueurs sont plus tendues qu’à deux, ajoutant un peu de sel dans ce jeu au thème maritime. Je déplore quand même un petit manque de profondeur (un comble pour un jeu sur un sous-marin). Peut-être que j’en attends trop d’un jeu familial ?

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1 Commentaire

  1. morlockbob 06/10/2023
    Répondre

    Il y a des jeux qui sont fait pour payer le loyer. Celui-ci en est l exemple. Jeu de collection hasardeux, certains paquets sont face cachée, on essaie de collectionner des familles. Aller vite et prendre peu de points ou attendre et louper son coup, tel est le principe. Ennuyeux, répétitif, même avec l argument de jeu familial, c est le le naufrage. Encore une fois on se demande pourquoi ce truc sans âme existe

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