Il était une fois Medieval Academy, petit jeu de draft familial de Nicolas Poncin sorti en 2014, premier jeu de la maison d’édition Blue Cocker, devenue plus tard bien connue avec le retentissant Welcome.
On y incarne des écuyers qui tentent de devenir des preux chevaliers, en montant sur des pistes de plein de choses à faire (combat, érudition, chasser un dragon…) tout cela via un draft de cartes, qui sera résolu dans une seconde phase dans laquelle on joue les cartes conservées. Selon les manches et où on se trouve sur les pistes, on va déclencher des scorings. Pour en savoir plus vous avez le ludochrono.

Ce jeu avait, à l’époque, pas mal fait parler de lui. D’une part parce qu’il était bon, très bon, fluide et malin, et sorti de nulle part, j’entends par là premier jeu de l’éditeur, et de l’auteur. Mais j’ai aussi souvenir que ses illustrations avait pas mal fait couler d’encre. En effet, les illustrations de Piero étaient assez clivantes, créant de nombreux débats entre les joueurs trouvant que son style était tout à fait approprié au jeu, et d’autres beaucoup moins. Nous étions en plein boom des illustrations très « glossy » comme Biboon ou Paul Mafayon que l’on trouvait au catalogue des jeux familiaux de Iello, qui était distributeur de Blue Cocker à l’époque. Le jeu ciblait un public familial, mais n’en avait pas pris les codes du moment, mais était plutôt allé chercher une « valeur sûre » du milieu qu’était le talentueux Piero.

Pour ma part, car il faut que je me mouille aussi un peu, je n’étais pas complètement fan du trait des dessins de Piero à l’époque sur le jeu, mais je trouvais que c’était très efficace, et que cela représentait bien l’ambiance du jeu et son thème, à savoir les tournois de chevalerie, avec un côté un peu crasse. Le jeu est rapidement devenu un de mes jeux favoris, et je l’ai fait découvrir à beaucoup de monde, toujours avec succès.

Toute cette introduction pour dire qu’aujourd’hui, 9 ans après, Blue Cocker nous propose une nouvelle version du jeu, avec un thème légèrement modifié, et des illustrations et un matériel différent, pour une mécanique de jeu similaire.

Mais, pourquoi une nouvelle édition ?

Déjà, est-ce que c’est pertinent de ressortir ce jeu-là 9 ans après sa sortie initiale quand on connait l’évolution rapide du secteur ? Et bien pour ma part, je trouve que c’est un grand OUI. Ce jeu reste un excellent jeu, et n’a pas vieilli d’une ride à mon sens. Ça reste terriblement efficace, tendu, intéressant, plein de rebondissements. Il se passe plein de choses autour de la table, ça râle, ça discute, c’est vivant. J’aime ça ! Il y a de l’opportunisme et du chaos, des éléments que j’apprécie dans un jeu familial, qui font que même un enfant aura des chances de gagner contre un joueur expérimenté (et ici, c’est une bonne chose).

L’immense nouveau plateau unique

Alors quoi de changé dans cette édition 2023 ? 

Côté illustration, le choix a été fait d’aller dans la direction réclamée à l’époque, il y a près de 10 ans donc, à savoir un style tout mignon tout glossy, afin de plaire au plus grand monde. Un choix pour se rapprocher des standards, peut-être aussi pour parler au public féminin qui a pris une part bien plus importante dans le hobby en 10 ans (et c’est heureux, inutile de le préciser). Non pas que les illustrations de Piero feraient peur au public féminin, en essayant de ne pas faire de généralité sexiste, mais je pense que les illustrations de Antoine Lanau sont plus consensuelles. En tout cas, elles ont fait l’unanimité à toutes les personnes à qui j’ai présenté le jeu, majoritairement des femmes. L’objectif de plaire au plus grand nombre semble alors bien accompli.

Les nouveaux pions joueurs

Côté matériel, pas mal de choses à dire : Tout d’abord, exit les petits plateaux recto verso, et place à un immense plateau de jeu qui prend de la place… pour pas grand chose. Un choix peu pertinent à mon avis, si ce n’est pour justifier de le vendre dans une plus grande boite, et donc plus cher. Mais les petits plateaux très colorés et typés de l’ancienne version rendaient le jeu plus lisible que la version plateau où l’on perd beaucoup de temps à chercher où l’on va, et dans l’aide de jeu pour se rappeler ce que cela fait.

Pas mal de choix de sur-édition ensuite, avec notamment des aides de jeu faites en punch board pliable. C’est grand, lourd, et pas pratique, là où une simple carte recto verso aurait fait l’affaire. Bref, changement de format pour le jeu, qui n’en avait pas besoin à mon sens. Mais on trouve aussi plein de petits trucs qui sont parfaits, comme les jetons de joueurs stylisés et les roulettes pour les scores, autrement plus pratiques que les jetons points de la version 2014. 

Là où je vais râler un peu fort, c’est sur le thème, car les changements proposés sont à mon goût clairement discutables. Déjà, plutôt que d’incarner des écuyers à l’époque médiévale qui tentent de devenir chevaliers, on incarne maintenant des petits chats humanoïdes, qui tentent de devenir des chevaliers chats… Mais pourquoi ?! Ces personnages en forme de chat n’apportent rien, et pire, discréditent le propos. Si au moins dans le jeu on retrouvait un univers original lié aux chats, mais non, tout le reste est tout à fait « humain », on va se battre avec des épées, affronter un dragon, cuisiner des carottes et boire de la bière ! Il ne s’agit pas non plus d’une licence qui apporterait un son héros chat. Choix vide de sens, qui est même éludé par les règles du jeu. 

Les différentes activités du Chat-Chevalier

Mais pire encore, on a supprimé les éléments thématiques qui fonctionnaient et avaient du sens dans le jeu pour les remplacer par des éléments plus lisses et consensuels ! Au revoir le don aux nécessiteux, remplacé par une piste village qui consiste à aller trainer au village faire des courses et boire des canons avec les commerçants du coin. Aux oubliettes la princesse qu’il fallait courtiser pour obtenir des bonus, remplacée par une piste de cuisine où l’on va aller préparer des petits plats. Mais pourquoi avoir dénaturé à ce point la quête de chevalerie en lui retirant une part de son sens ? En quoi aller cuisiner des gâteaux est plus pertinent qu’écrire des poèmes à la princesse ? C’est peut-être pour cela qu’on a préféré des petits chats, pour proposer un monde qui ressemble à notre Moyen-Age, mais qui permet d’effacer ce qui nous semble désormais trop éloigné de nous, comme le fait que le chevalier devait obtenir les faveurs de sa dame en relevant des défis, dans une relation codifiée de l’amour courtois qui faisait pourtant partie des hauts idéaux chevaleresques. On a préféré remplacer cela par un cour de cuisine à la Cyril Lignac sorti du chapeau. À ce stade, une rethématisation totale aurait peut-être été préférable. 

Bref, vous l’aurez compris, je suis déçu, car j’en attendais beaucoup de cette nouvelle édition, de ce jeu que j’aime tant et que j’aime recommander, qui pour moi a été malmené dans son contenu pour mieux coller aux clichés du « jeu parfait » d’après les critères actuels, quitte à le vider d’une part de son sens.

Je continuerai à y jouer, car j’aime son gameplay du fond de mon petit cœur de joueur, mais je reste assez triste du relooking qui lui a été proposé dans cette version.

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

Partagez cette publication