Les Spiels des Jahres 2019 sont…
Ça y est, nous y voilà, c’est l’heure du grand Spiel des Jahres, prix décerné chaque année depuis 1979 par un ensemble de journalistes et de spécialistes allemands, évaluant les jeux selon des critères d’originalité, de mécanismes, de gameplay, d’accessibilité des règles, et de présentation. Le kinderspiel a déjà été remis, souvenez-vous, il y a quelques semaines, au couple français Marie Fort & Wilfried Fort pour la Vallée des Vikings (news) devant Fabulantica de Marco Teubner, et Go Gecko Go! de Jürgen Adams. Seul jeu que nous connaissions en France (les autres n’étant pas localisés) et imaginé de surcroît par le talentueux couple Fort qui propose depuis des années des titres originaux aux petits joueurs, La Vallée des Vikings n’a pas eu de mal à convaincre le public français de mériter son prix. Reste donc aujourd’hui à découvrir qui recevra le Spiel et le Kennespiel. Souvenez-vous, 2018, c’était l’année Azul (qui remporta d’ailleurs presque tout sur son passage, Origins, As d’or, Deutscher spiele, Golden Geek family…) tout en étant l’année Wolfgang Warsch (nominé trois fois au Spiel).
Alors, qu’en est-il de cette édition 2019 ?
Spiel des Jahres : Rappel des jeux en lice
– Just One de Bruno Sautter et Ludovic Roudy, le duo d’auteurs qui a imaginé 7Th Continent avait conçu un jeu de mots simple et fun, accessible mais irrésistible, qui s’appelait We are the word (test). Il avait tout pour plaire, si ce n’est une édition réalisée à la hâte, les deux auteurs étant trop absorbés par le travail que nécessitait 7Th Continent. L’histoire aurait pu en rester là. Mais Repos Prod décide d’adopter le jeu et de lui donner une édition à la hauteur des attentes actuelles. C’est ainsi que Just One naît sur le marché fin 2018. Dans ce jeu d’ambiance coopératif, un joueur doit deviner le bon mot à partir d’indices donnés par tous les autres. Le hic, c’est que l’on défausse les indices identiques. Simplissime mais poussant à une réelle réflexion (un peu comme dans un Decrypto, il ne faut pas choisir le mot trop évident, mais ne pas partir trop loin non plus), cette règle est la définition même de l’efficacité ! Le total des mots correctement devinés par l’équipe sera votre score. Notre favori dans la sélection (voir le Ludochrono).
– Lama de Reiner Knizia : sorte de réminiscence du Uno, Lama demande aux joueurs de défausser leur main de 6 cartes. Vous avez des cartes numérotées de 1 à 6 et des Lama qui valent 7. À votre tour, vous pouvez jouer une carte, tirer une carte, ou passer. Pour jouer, vous devez poser le même nombre que la carte supérieure de la défausse ou une valeur supérieure. Si un 6 se trouve sur la défausse, vous pouvez jouer un 6 ou un Lama, et si un Lama se trouve sur le dessus, vous pouvez jouer un autre Lama ou un 1. Si vous passez, vous placez vos cartes restantes face cachée et ne faites plus d’action dans le tour. Quand une manche prend fin, les joueurs prennent des jetons en fonction des cartes qui se trouvent devant eux, que ce soit en main ou sur la table. Si vous avez des Lama, ça vous vaudra 10 points ! À la fin, celui qui a le moins de points l’emporte. La décision clef dans le jeu est de savoir quand passer son tour car si vous restez en lice et que vous ne défaussez pas, vous devrez piocher. Un jeu familial qui sait délivrer son office, mais qui ne nous aura pas franchement ébloui pour autant (et il faut bien ajouter que la cover n’aide pas).
– Werwörter de Ted Alspach est un jeu qui pose question. Parce que les joueurs découvrent un mot secret en posant des questions ? Non, non, plus d’un point de vue juridique. L’auteur avait déjà été mis sur la sellette pour avoir repris à son compte les Loups Garous de Thiercelieux fut un temps, mais avec Werewörter, l’éditeur japonais Oink Games, avait accusé publiquement Beziers de plagiat d’Insider (nous vous expliquons de quoi il retourne par ici). Le principe demeure en effet semblable : chaque joueur reçoit une carte rôle, et parmi eux, un traître. Le maître de jeu doit faire deviner un mot désigné sur une carte secrète. Pendant un temps limité (Werwörter propose une application), les joueurs lui posent un maximum de questions auxquelles il répond uniquement par « oui » ou « non ». Sauf que le traître connait également le mot secret, et doit influencer la réflexion du groupe, orienter subtilement les questions. Quoi qu’il arrive, il ne devra pas se faire découvrir ! Beaucoup de tension pour un petit jeu d’ambiance très prenant. Nous n’avons jamais joué à Werwörter mais Insider auquel il ressemble comme deux gouttes d’eau, nous avait beaucoup séduit (notre article).
Le Kennerspiel : la sélection
Si le Spiel s’adresse au très grand public, le kennerspiel est le prix un peu plus « amateur », voire « expert » (cela dépend un peu des années et de la production).
Pour rappel, les trois jeux en lice sont…
– Detective de Ignacy Trzewiczek et Przemysław Rymer un jeu d’enquêtes exigeant, où chaque détail compte, qui nécessitera d’enchaîner les parties avec le même groupe de joueurs car la campagne se tient d’un seul fil. Vous jouez des enquêteurs et devrez naviguer dans la ville et sur internet pour résoudre les mystères de l’histoire. Une grande base de données est à votre disposition, conçue pour le jeu, qui vous permettra de recouper les indices et les preuves que vous aurez trouvés. On parle plus d’immersion, on parle de submersion à ce niveau. Si les informations sont pléthoriques, nos ressources ne sont pas illimitées, à nous de bien gérer notre temps et notre stress de détective. Le tout a un livret de règles clair comme de l’eau de roche. Bref, un sans faute. Le jeu avait emporté l’As d’or expert à Cannes, fera-t-il le doublé ou est-il un peu trop en dehors des sentiers battus pour le jury du Spiel ? (Ludochrono, itw Iello, Just played).
– Carpe Diem de Stefan Feld nous revoilà dans un domaine que le public allemand amateur de la chose ludique maîtrise bien. Carpe Diem est une création de Stefan Feld, où, à notre tour, nous prenons une tuile pour la placer sur notre plateau « quartier » personnel. À la fin d’une manche, on devra poser notre jeton sur deux cartes objectifs adjacentes placées au hasard au début de la partie. Si l’on ne le fait pas, on perdra quelques points de victoire. Mécanique épurée, dilemmes intéressants, Carpe diem est un titre qui sait vous demander de prendre des décisions difficiles mais souffre néanmoins d’une édition trop datée à notre goût (test, Just played).
– Wingspan de Elizabeth Hargrave grand chouchou des pronostics ludiques, Wingspan vous propose d’incarner des amateurs d’oiseaux, chercheurs, ornithologues ou collectionneurs. Votre but : découvrir et attirer les meilleurs oiseaux dans votre réseau de réserves sauvages. Wingspan coche toutes les cases : c’est un jeu à moteur bien imbriqué mais avec une dose d’opportunisme le rendant satisfaisant auprès d’un public moins gamer (on pense un peu à Terraforming Mars en plus léger), très joliment édité (test, just played), avec un sujet sensible et traité avec un amour manifeste, un mode solo bien élaboré, et une femme autrice (seule, pour une fois) aux manettes. L’expérience ludique de Wingspan est indubitablement très plaisante et nous le conseillerons plutôt dans une configuration à deux ou trois joueurs maximum pour éviter qu’il ne s’étire trop.
Cérémonie du Spiel et résultats
On notera que cette année, les politiques ont répondu présents à la cérémonie du Spiel en la présence de Monika Grütters, la déléguée du gouvernement fédéral pour la Culture et les Médias qui délivra un long discours sur l’importance du jeu.
Et les résultats sont…
- Le Kennerspiel est délivré à… WINGSPAN (Stonemaier Games) !
Le grand favori des pronostics l’aura emporté ! Première fois qu’une femme gagne un Kennerspiel en son seul nom, Elizabeth Hargrave conçoit ici son tout premier jeu. Grande amatrice d’ornithologie, son titre sait indubitablement transmettre sa passion pour les oiseaux. - Le Spiel 2019 revient à… JUST ONE ! (Repos prod)
Quand le présentateur demande à l’un des auteurs un mot, juste un, pour décrire son ressenti, Bruno Sautter répond « honoré » pour expliquer ensuite comment il a appris le game design en jouant à des jeux primés au Spiel.
Un grand bravo aux auteurs et aux équipes pour ces beaux jeux !
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Hammer 22/07/2019
Allez, histoire de pinailler : même si la paternité du jeu Wingspan leur revient évidemment, ce n’est pas Stonemaier Games qui a été primé aujourd’hui à Berlin, mais bien Feuerland Spiele, l’éditeur de la version allemande du jeu, qui porte le doux nom de « Flügelschlag » (battement d’ailes en allemand, à répéter 20 fois très vite).
Shanouillette 22/07/2019
Tout à fait ! personnellement, je préfère mettre le nom de l’éditeur qui a travaillé sur le jeu et l’a rendu spielisable. ^^