Les petits joueurs #25 : Chou y es-tu ? – La toupie voyageuse

Chaque mois, notre chronique Les Petits joueurs vous propose plusieurs jeux pour différents ages de l’enfance. Joués entre parent chroniqueur et enfant.

Ce mois, c’est Tutur bientôt 7  ans qui a joué avec son papa. Biberonné aux jeux, ses deux parents sont fanas, il les voit jouer depuis la maternité. Il a toujours très envie de jouer aux jeux de grands, d’avoir ses cartes, et de manipuler le matériel. Bon public, il aime à peu près tout.

 

Chou y es-tu ?

 

Chou y es-tu ? est une déclinaison pour enfant des jeux « de traque ». Il s’agit de jeux dans lesquels un joueur doit échapper aux autres, qui eux le pistent grâce aux traces qu’il laisse de son passage. Il se trouve que c’est vraiment un de mes types de jeux préférés, mais qui ne semble pas évident à adapter pour les enfants.

Dans Chou y es-tu ? on va se séparer en deux équipes : d’un côté les lapins qui cherchent à manger les choux des jardiniers, et de l’autre, les dits jardiniers. On a un plateau où les cases sont placées en quinconce. À chaque tour, on alterne le jour et la nuit : la nuit, les jardiniers ferment les yeux et chacun des deux lapins se déplace vers un chou « adjacent » à la case où il se trouve. Adjacent voulant dire le prochain disponible dans une direction de son choix. Il retourne également son chou de départ pour indiquer qu’il l’a mangé. On passe alors à la journée : les jardiniers ouvrent les yeux, voient où étaient les lapins au début de la nuit, et agissent l’un après l’autre. Ils peuvent chacun soit se déplacer de deux cases entre les choux, soit d’une seule mais  pourront alors regarder sous un chou adjacent pour voir si l’un de nos rongeurs ne s’y planquerait pas. Si c’est le cas, il est attrapé (et j’imagine que le rongeur finit en civet). Les jardiniers gagnent s’ils attrapent les deux lapins avant que ceux-ci n’aient boulotté neuf choux.

Voilà un jeu dont il n’est pas évident de parler. En effet, une des plus grandes questions lorsque l’on parle des jeux pour enfants, c’est de savoir s’ils sont adaptés à leur cible. Et c’est ce qu’il est compliqué d’évaluer ici.

Sans aucun doute, les règles sont largement accessibles dès 6 ans, il n’y a pas de débat : elles sont simples et ne souffrent pas de cas particuliers ou presque. La durée de partie est elle aussi adaptée, tout comme la manipulation du matériel. On pourrait donc s’arrêter là et dire que sans conteste, le jeu est fait pour sa cible. Un enfant de 6 ans peut y jouer, quel que soit le rôle à endosser.

Mais là où les choses deviennent un peu plus compliquées c’est quand on s’interroge sur le ou les partenaires de l’enfant en question. Face à un autre enfant du même âge, je pense que l’on ne se pose pas de question non plus : même si l’un ou l’autre des rôles parait plus facile, ils échangent entre les parties et tout va bien.

Sauf que, chez nous en tout cas, cette configuration se présente assez rarement : c’est surtout avec nous que joue Tutur, donc avec des adultes. Et c’est là qu’on mesure toute l’ambition du titre, qui veut équilibrer un jeu non seulement asymétrique, mais en plus avec des joueurs d’âges différents. C’est là un sacré challenge. Surtout sur un jeu de traque : en effet, ces jeux demandent d’avoir de la réflexion logique, de prévoir plusieurs coups à l’avance, et souvent aussi de tenter des coups de bluff. On retrouve bien tous ces éléments ici. Il ne s’agit donc pas seulement pour les enfants de jouer, mais aussi de bien jouer.

Difficile pour un enfant de faire jeu égal avec un adulte : en effet, le jeu va vous demander de l’anticipation, ce qu’un adulte fera bien mieux qu’un enfant. Ainsi, cela peut générer de la frustration chez l’enfant, surtout s’il joue les lapins : un adulte verra rapidement que s’il veut les attraper, il faudra sûrement viser sur le long terme. En étant méthodique, on finit implacablement par les acculer, et ce, souvent juste avant que l’enfant ne gagne. Ce sera frustrant car on ne retournera presque aucun chou, et l’enfant aura alors le sentiment de maîtriser largement la partie, jusqu’à ce que… patatras. Dur dur.

Et oui mais on ne peut pas non plus arrêter notre analyse ici : parce que l’enfant va apprendre. Surtout si on lui explique à chaque fois comment et pourquoi on joue tel ou tel coup. Et c’est là où le jeu devient intéressant, car il va proposer en réalité plusieurs « niveaux » de jeu. Au début, on jouera sans forcément prévoir à l’avance : le hasard sera déterminant. Puis les lapins apprendront comment se mettre en sécurité à chaque coup, en trouvant le coup optimum qui les mets hors de portée des jardiniers. Puis les jardiniers comprendront cela et sauront ainsi assez précisément où se trouve le lapins, ce qui leur permettra de s’organiser pour les attraper dans quelques coups. À ce moment là, les lapins devront apprendre à ne plus systématiquement faire le coup optimum qui les conduirait à leur perte, mais au contraire prendre des risques pour tromper leur adversaire. Et c’est alors, à mon avis, que le jeu atteindra son plein potentiel. C’est d’ailleurs à ce moment là qu’on rajoutera la variante, avec des doubles choux et des buissons, rajoutant une couche de bluff. La question est donc de savoir à quelle « vitesse » on atteindra ce niveau. C’est fortement dépendant de chaque famille, et cela demandera d’accompagner l’enfant dans son apprentissage.

Chou y es-tu ? me fait ainsi pas mal penser à Ourson Taquin, du même éditeur. Dans les deux cas, on a des jeux « faciles à apprendre, difficiles à maîtriser », ce dont on n’a pas du tout l’habitude dans les jeux pour enfants. Ourson Taquin était même plus simple en un sens, car coopératif. Ici on est dans de l’affrontement.

J’ai presque l’impression qu’on est face à un nouveau genre de jeu, les jeux « d’apprentissage », un genre d’étape pour commencer à appréhender les stratégies, et la réflexion à long terme. Dans le paysage ludique actuel cela a du sens : j’ai envie de jouer à des jeux plus conséquents avec mon enfant, et sans avoir à me limiter. Il faudra donc bien lui apprendre à « bien » jouer. Ce qui n’est pas si nouveau ! Personnellement, j’ai en mémoire mes premières parties de Tarot où je me faisais gronder par mon grand-père parce que je jouais mal, parties durant lesquelles justement j’apprenais à bien jouer. Ça fait aussi parti de l’apprentissage de joueur, et du coup, Chou y es tu ? me semble assez intéressant dans ce but.

Mais il sera ainsi forcément clivant : il faudra à mon avis plusieurs parties pour voir les différentes couches de réflexion qu’il propose. 

 

Un jeu de Xavier Violeau
Illustré par Seppyo
Edité par Space Cow

Ludochrono

À partir de 6 ans

 

La Toupie voyageuse

La Toupie Voyageuse est la déclinaison pour enfant du jeu Ghost Adventure. Il s’agit d’un jeu d’adresse dans lequel vous allez devoir lancer et faire voyager une toupie (comme quoi le nom est bien choisi) sur des parcours en 3 dimensions. Il peut se jouer seul ou en coopératif. Pour plus de détails, direction le ludochrono.

Sachant que Ghost Adventure affiche un joli 8+, on peut s’interroger sur l’opportunité d’en faire une version 6+. Néanmoins, il faut bien reconnaître que le premier opus, que j’aime bien, est en effet assez difficile pour cet âge. Il se retrouve donc avec un positionnement compliqué : il a certes un aspect et une proposition très enfantins, ce qui peut détourner les adultes, mais est en même temps trop compliqué pour les enfants. Alors en effet, peut être faut-il revoir la cible.

Tout d’abord, bonne nouvelle pour cette version, on a un nouveau lanceur pour notre toupie. Il est beaucoup plus simple à manipuler et très efficace. J’ai un peu peur de sa durée de vie, mais pour le moment tout va bien chez nous. Pour le reste, on reprend exactement le même principe que le grand frère : on a des niveaux avec des étapes à passer les unes après les autres en s’arrêtant sur les éléments de décor. Chouette idée, on aura des gommettes pour suivre notre progression. C’est un détail, mais en vrai c’est vraiment très bien : je rêve que les jeux Smartgames proposent quelque chose de similaire, parce qu’on ne sait jamais quel était le dernier niveau atteint.

Les plateaux sont plus simples, les reliefs moins importants, et on a moins de passages tortueux ou à éviter. En terme de difficulté, c’est bien ciblé.

Seulement voilà, il donne beaucoup moins envie. En effet, Ghost Adventure était un titre particulièrement généreux : on avait de superbes illustrations, une BD qui nous racontait une histoire, un livre de défis, et une super qualité de matériel. Malheureusement, presque tout cela a disparu. Je l’ai dit, les épaisseurs de plateaux sont plus faibles, et on se retrouve à « monter » d’une couche à une autre sans le faire exprès. Cela donne en plus une sensation de moins bonne qualité du matériel. Les illustrations aussi me plaisent beaucoup moins, car on a souvent un grand personnage avec peu de décor, et c’est tout. Je ne suis pas très fan non plus du style « personnage 3D à la Toy Story » des illustrations, qui ne me transportent pas du tout.

Bref, à côté de son flamboyant grand frère, la Toupie Voyageuse me semble un peu fade, et j’ai plus envie de jouer à l’aîné avec mes enfants, même si ce sera un peu plus difficile pour eux. C’est paradoxal, car la Toupie Voyageuse est à mon avis plus en phase avec son public.

 

Un jeu de Wlad Watine
Illustré par Nikao
Edité par Buzzy Games
À partir de 6 ans

Ludochrono

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1 Commentaire

  1. Morlockbob 02/08/2023
    Répondre

    La toupie est vachement mieux que dans l autre boîte par contre

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